Prise en charge des surdosages, des situations à risque hémorragique et des accidents hémorragiques chez les patients traités par antivitamines K en ville et en milieu hospitalier

Recommandation de bonne pratique - Mis en ligne le 03 sept. 2008 - Mis à jour le 16 oct. 2008

L’objectif principal est de réduire la morbi-mortalité des accidents liés aux AVK, grâce à la diffusion de stratégies de prise en charge des situations à risque ou des accidents hémorragiques.
Les recommandations abordent les questions suivantes :

  1. la conduite à tenir en cas de surdosage asymptomatique
  2. la conduite à tenir en cas d’hémorragies spontanées ou traumatiques
  3. la conduite à tenir vis-à-vis du traitement par AVK en cas de chirurgie ou d’acte invasif programmé ou bien urgent.

L'argumentaire des recommandations a été publié en juillet 2008 dans un numéro spécial de la revue Sang Thrombose Vaisseaux (Sang Thromb Vaiss 2008;20 (N°spécial juillet 2008).

Objectif

Environ 1 % de la population en France reçoit un traitement par un AVK. Les accidents hémorragiques des AVK sont au 1er rang des accidents iatrogènes. Les recommandations visent à diminuer la morbidité et la mortalité liées aux AVK.

Surdosage asymptomatique

  • Privilégier la prise en charge ambulatoire si le contexte le permet.

  • Préférer l’hospitalisation s’il existe un ou plusieurs facteurs de risque hémorragique individuel (âge, antécédent hémorragique, comorbidité).

 INRmesuré

Mesurescorrectrices recommandées
en 
fonction de l’INR mesuré et de l’INR cible

INR cible 2,5 (fenêtre entre 2 et 3)

INR cible (fenêtre 2,5 - 3,5 ou 3 -4,5)

INR < 4

  • Pas de saut de prise
  • Pas d’apport de vitamine K

 

4 ≤ INR < 6

  • Saut d’une prise
  • Pas d’apport de vitamine K
  • Pas de saut de prise
  • Pas d’apport de vitamine K

6 ≤ INR < 10

  • Arrêt du traitement
  • 1 à 2 mg de vitamine K par voie      orale (1/2 à 1 ampoule buvable forme pédiatrique) (grade A)
  • Saut d’une prise
  • Un avis spécialisé est recommandé (ex. cardiologue en cas de prothèse valvulaire mécanique) pour discuter un traitement éventuel par 1 à 2 mg de vitamine K par voie orale (1/2 à 1 ampoule buvable forme pédiatrique)

INR ≥ 10

  • Arrêt du traitement
  • 5 mg de vitamine K par voie orale (1/2 ampoule buvable forme adulte) (grade A)
  • Un avis spécialisé sans  délai ou une hospitalisation est recommandé

 

  • Contrôler l’INR le lendemain. Si l’INR reste suprathérapeutique, les mesures correctrices proposées restent valables et doivent être reconduites.

Hémorragies et traumatismes

Une hémorragie grave ou potentiellement grave nécessite une prise en charge hospitalière.

  • Critères de gravité :
    • abondance du saignement, apprécié notamment sur le retentissement hémodynamique
    • localisation pouvant engager un pronostic vital ou fonctionnel
    • absence de contrôle par des moyens usuels
    • nécessité d’une transfusion ou d’un geste hémostatique en milieu hospitalier.

AVK

* CCP = concentré de complexe prothrombinique, aussi appelé PPSB.
L’administration accélérée des CCP est possible en cas d’extrême urgence.

  • Hémorragie « non grave » :
    • privilégier la prise en charge ambulatoire
    • chercher et corriger un surdosage
    • chercher la cause
  • Traumatismenon crânien : même attitude suivant la nature du traumatisme et la gravité potentielle de l’hémorragie.
  • Traumatisme crânien :
    • hospitaliser systématiquement pour surveiller au moins 24 h
    • scanner cérébral :

          - immédiat en cas de symptômes neurologiques
          - différé de 4 à 6 h dans les autres cas.

  • Reprendre l’AVK dans un délai fonction du risque de récidive hémorragique et de l’indication initiale de l’AVK.

Chirurgie et actes invasifs

Actes responsables de saignements de faible intensité et aisément contrôlés, pouvant être réalisés sans interrompre les AVK

Conditions:

  • INR compris entre 2 et 3, à contrôler avant le geste

  • absence de risque médical associé (prise d’un autre médicament ou comorbidité interférant avec l’hémostase ou avec l’équilibre du traitement anticoagulant)

Actes :.

  • chirurgie cutanée
  • chirurgie de la cataracte
  • actes de rhumatologie à faible risque hémorragique (site consultable :  www.rhumatologie.asso.fr)
  • certains actes de chirurgie bucco-dentaire (site consultable : www.societechirbuc.com)
  • certains actes d’endoscopie digestive (site consultable : www.sfed.org)

 

Actes programmés nécessitant l’interruption des AVK (objectif : INR au moment de l’intervention < 1,5 ou < 1,2 si neurochirurgie)

  • ACFA sans antécédent embolique
  • MTEV à risque modéré

 

 - Arrêt des AVK sans relais préopératoire par héparine.

 - Reprise des AVK dans les 24 - 48 h ou, si elle n’est pas possible, héparine à dose curative si le risque hémorragique est contrôlé**.

  • Valvesmécaniques (tout type)
  • ACFA avec antécédent embolique
  • MTEV à haut risque*

 - Arrêt des AVK et relais préopératoire par héparine à dose curative.

 - Reprise des AVK dans les 24 – 48 h ou, si elle n’est pas possible, héparine à dose curative si le risque hémorragique est contrôlé**.

 * i.e. TVP proximale et/ou EP < 3 mois, MTEV récidivante idiopathique (n ≥ 2, au moins un accident sans facteur déclenchant). La mise en place d’un filtre cave en  préopératoire  est discutée au cas par cas.

** L’héparinothérapie à dose curative ne doit pas être reprise avant la 6e heure postopératoire. Si le traitement par héparine à dose curative n’est pas repris à la 6e heure, dans les situations où elle est indiquée, la prévention postopératoire précoce de la MTEV doit être réalisée selon les modalités habituelles.

(MTEV : maladie thrombo-embolique veineuse ; TVP : thrombose veineuse profonde ; EP : embolie pulmonaire ; ACFA : arythmie complète par fibrillation auriculaire)


Les héparines en relais des AVK doivent être utilisées à dose curative.
Trois options sont possibles :

  • héparine non fractionnée (HNF) à la seringue électrique
  • HNF sous-cutanée (2 ou 3 injections/j)
  • héparines de bas poids moléculaire (HBPM) sous-cutanée (2 injections/jour).

Relais préopératoire en cas d'acte programmé

1. Mesurer l’INR 7 à 10 jours avant l’intervention

Si l’INR est en zone thérapeutique, arrêt des AVK 4 à 5 jours avant l’intervention et introduction des héparines à dose curative :
      -  48 h après la dernière prise de fluindione (Previscan®) ou de warfarine (Coumadine®)
      -  24 h après la dernière prise d’acénocoumarol (Sintrom®)

Si l’INR n’est pas en zone thérapeutique, l’avis de l’équipe médico-chirurgicale doit être pris pour adapter les modalités du relais.

2. Mesurer l’INR la veille de l’intervention

Les patients ayant un INR supérieur à 1,5 la veille de l’intervention reçoivent 5 mg de vitamine K per os.
Un INR de contrôle est réalisé le matin de l’intervention.

3. Il est souhaitable que les interventions aient lieu le matin

4. L’arrêt préopératoire des héparines est recommandé comme suit :

HNF intraveineuse à la seringue électrique : arrêt 4 à 6 h avant la chirurgie
HNF sous-cutanée : arrêt 8 à12 h avant la chirurgie
HBPM : dernière dose 24 h avant l’intervention.

Un exemple de relais préopératoire est donné dans les recommandations.

Acte non programmé

En cas de chirurgie ou d’acte invasif urgent, à risque hémorragique et non programmé

  • Mesurer l’INR à l’admission du patient et administrer 5 mg de vitamine K.

  • Si le délai requis pour l’intervention ne permet pas d’atteindre le seuil hémostatique (objectif : INR < 1,5 ou < 1,2 si neurochirurgie) par la seule vitamine K : administrer du CCP selon le RCP et contrôler l’INR avant l’intervention.

  • Un contrôle de l’INR est réalisé 6 à 8 h après l’intervention et la prise en charge postopératoire rejoint celle des actes programmés.


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