Intoxication par le plomb de l’enfant et de la femme enceinte - Prévention et prise en charge médico-sociale

Conférence de consensus
Recommandation de bonne pratique - Mis en ligne le 11 déc. 2003 - Mis à jour le 19 juil. 2006

L'objectif de cette conférence de consensus est de répondre aux quatre questions suivantes, posées au jury :

  1. Comment repérer les enfants exposés et intoxiqués ?
  2. Quelle prise en charge et quel suivi proposer aux enfants exposés et intoxiqués ?
  3. Quels sont les risques pour la femme enceinte et le fœtus en cas d'exposition au plomb ? Quelle est la stratégie de dépistage et de prise en charge pendant la grossesse et la période périnatale ?
  4. Quelles pratiques professionnelles et institutionnelles développer en termes d'information, de communication, de formation et d'éducation pour la santé ?

 

Préambule

Depuis plusieurs décennies l’intoxication par le plomb (IPb) de l’enfant et de la femme enceinte, et plus généralement le saturnisme ont été considérés progressivement comme un problème majeur de santé publique.
Dès 2002, la Direction générale de la santé a souhaité la tenue d’une conférence de consensus pour adapter à l’évolution récente des connaissances scientifiques et du contexte socioprofessionnel les pratiques des professionnels et des institutions de santé en matière de dépistage et de prise en charge des enfants et des femmes enceintes exposés ou intoxiqués. Cette conférence de consensus s’est déroulée à l’Université catholique de Lille les 5 et 6 novembre 2003.
Les présentes recommandations ont été établies par un jury composé en très grande majorité par des professionnels de santé. Seul le maire d’une commune de l’agglomération lilloise n’appartient pas à l’univers de la santé. L’un des médecins pédiatres est également journaliste médical. Les experts et les membres du groupe bibliographique sont tous des professionnels de santé.
En dépit de cette limite, il est d’emblée apparu impossible de contenir le propos du jury au domaine de la santé. Le problème du saturnisme ne saurait être envisagé indépendamment des problématiques d’environnement qui le sous-tendent et en déterminent largement l’évolution. D’autres instances, en particulier le comité technique plomb, rassemblent des institutions et des personnes de secteurs différents. Les présentes recommandations doivent bien être considérées comme émanant du secteur sanitaire, à destination de celui-ci et à destination, le cas échéant, des autres secteurs ; dans ce dernier cas, ce sont surtout les modalités de travail intersectoriel qui sont considérées.
En fait, les recommandations ne peuvent pas être seulement dirigées vers les professionnels de santé. La lutte contre l’IPb mobilise de nombreuses institutions et, plus globalement, concerne les politiques publiques dans les secteurs de l’équipement et du logement, des transports, de l’industrie, de l’environnement, de l’éducation, de la recherche, etc.
À ce titre, un point majeur a marqué l’ensemble des interventions et des débats : la lutte contre l’IPb repose avant tout sur une politique dynamique de résorption de l’habitat insalubre et de lutte contre l’exclusion sociale. En 1986, la charte d’Ottawa pour la promotion de la santé a rappelé les conditions préalables à la santé : la paix, le logement, l’éducation, la nourriture, un revenu, un écosystème stable, des ressources durables, la justice sociale et l’équité. Elle a précisé que toute action de santé doit nécessairement s’ancrer dans ces prérequis fondamentaux. La charte fait d’autre part de la construction de « politiques publiques de bonne santé » le premier des cinq axes stratégiques qu’elle propose. Il est apparu clairement au jury que l’intervention médicale en matière d’IPb ne saurait aujourd’hui être qu’un palliatif pour combler les insuffisances ou les échecs des politiques à mener en amont. Le seul moyen de lutter efficacement contre l’IPb est la prévention primaire, c’est-à-dire la suppression de l’exposition au risque : les experts ont constamment insisté sur ce point dans la présentation de leurs travaux et les dispositions de la loi n° 98-657 d’orientation relative à la lutte contre l’exclusion sociale du 29 juillet 1998 encouragent évidemment à aller résolument dans cette direction. Par ailleurs, les améliorations sensibles de la plombémie (PbS) d’un certain nombre d’échantillons de population depuis l’introduction en France des carburants automobiles dépourvus de plomb (Pb) illustrent de manière spectaculaire l’efficacité d’une politique publique de l’environnement. À elle seule, cette mesure, en réduisant l’exposition atmosphérique et le contenu en Pb des aliments, a pu faire baisser suffisamment la PbS de groupes importants d’enfants pour limiter l’effet d’une exposition dans l’environnement immédiat (sans permettre, évidemment, de constituer un moyen suffisant de lutte contre l’IPb chez les enfants exposés).
Une autre considération liminaire doit être formulée. Beaucoup de caractéristiques environnementales de l’IPb ne lui sont pas spécifiques. L’IPb procède d’un faisceau de causes – en particulier les conditions sociales et d’habitat comme déjà mentionné – et génère un faisceau de conséquences portant sur la santé physique, mais beaucoup plus encore sur le développement neuropsychologique, la réussite scolaire, la capacité à mener une grossesse dans de bonnes conditions. Cela plaide pour ne pas limiter la lutte contre l’IPb à la seule mise en place de programmes spécifiques contre le saturnisme, dotés de leurs instances et de leurs moyens propres. Pour ne retenir que les aspects sanitaires, c’est l’institution sanitaire dans son ensemble qui est concernée, en privilégiant un fonctionnement transversal plutôt qu’une approche verticale ou thématique. On pourra constater à la lecture des recommandations à quel point il est fondamental que la lutte contre l’IPb, dans son versant sanitaire, soit intégrée aux pratiques des médecins libéraux, des professionnels des services de protection maternelle et infantile (PMI) et de santé scolaire, des organismes d’éducation pour la santé, des hôpitaux, des établissements de formation, des services déconcentrés du ministère de la Santé et des Affaires sociales. Il s’agit d’inclure la prise en compte de cette intoxication dans l’ensemble d’une culture de la gestion des conséquences sanitaires d’un risque d’environnement, s’appliquant aussi bien, par exemple, aux pratiques de suivi du développement de l’enfant qu’à la formation des professionnels de santé.
Un certain nombre de recommandations contenues dans ce document relèvent du rappel de notions de bon sens qu’il est nécessaire de ne pas négliger, dès lors qu’elles concernent des pratiques scientifiquement validées.
Le jury souhaite également attirer l’attention sur une problématique non spécifique à l’IPb, mais au contraire observée dans un certain nombre de problèmes de santé publique ou de catastrophes sanitaires récentes. Il s’agit du paradoxe entre l’existence de connaissances (ici sur la toxicité des peintures cérusées, reconnue depuis le XIXe siècle) et le caractère tardif de la reconnaissance du problème chez l’enfant (1981), de la mise en place d’actions concertées par les professionnels, de la mobilisation des autorités sanitaires (1990) et de la réelle mobilisation des institutions et des praticiens du secteur de la santé et du logement, en dépit des textes législatifs et réglementaires. Ce problème est trop général pour ne pas susciter une réflexion particulière sur la difficulté, à l’égard des problèmes de santé connus, prévisibles et accessibles à l’action, de mettre en place en France, dans des délais acceptables, les politiques et les pratiques. Pourquoi faut-il tant d’investissement, quasi militant, de quelques personnes motivées pour qu’enfin des mesures publiques soient prises, et pourquoi faut-il tant de temps pour que l’ensemble des institutions et des communautés professionnelles concernées se sente impliqué et s’approprie les pratiques proposées ? Il n’est ni dans le mandat ni dans les capacités du jury de répondre à ces questions, mais il semble justifié que des études et des débats spécifiques à cette problématique (F. Gremy a pu parler de l’absence de «culture de santé publique ») soient menés pour éviter les conséquences répétées de l’amnésie et de la cécité qui nuisent tant à la solution de problèmes de santé publique évitables.

Question 1 - Comment repérer les enfants exposés et intoxiqués ?

Repérage environnemental de l’intoxication par le plomb

Réglementation française
La réglementation française sur les risques sanitaires liés au Pb a évolué ces dernières années, son objectif étant de diminuer progressivement l’exposition de la population aux différentes sources de Pb. En ce qui concerne les peintures contenant du Pb, la loi du 29 juillet 1998, en modifiant le Code de la santé publique, a renforcé les mesures de lutte contre le saturnisme.
Il est important de préciser qu’actuellement la pratique du repérage biologique n’est pas formalisée et ne revêt aucun caractère obligatoire au niveau législatif ou réglementaire.
En annexe est schématisé le système de diffusion des informations de surveillance.

Repérage par les professionnels de santé et déclaration obligatoire des cas de saturnisme infantile
Le jury recommande que :

  • soient élaborés, validés et mis à disposition des professionnels médicaux, paramédicaux et sociaux un questionnaire standardisé simple et un guide méthodologique sur les caractéristiques de l’habitat et la profession des occupants du foyer, afin de faciliter les conditions de repérage des cas d’IPb des enfants mineurs et des femmes enceintes. Le guide méthodologique devra comporter une liste simplifiée des professions à risque ainsi que des populations particulières, tels les gens du voyage, les squatters, etc. ;
  • soit publié rapidement l’imprimé de déclaration obligatoire et soit facilité pour les professionnels de santé l’accès du document accompagnant la prescription du 1er dosage de PbS, tel qu’il existe actuellement ;
  • figurent sur les certificats de santé des 8e jour, 9e et 24e mois des items permettant d’identifier le risque d’IPb en raison de la nature des lieux d’habitation et d’accueil habituels des enfants. Cette recommandation s’applique également aux dossiers médicaux en pratique libérale, en établissements de santé, en centres de PMI et en santé scolaire.


Repérage par l’environnement
Le jury recommande que :

  • les opérateurs qui réalisent les états des risques d’accessibilité au plomb (Erap), et qui réaliseront à partir de 2004 les constats des risques d’exposition au plomb (Crep), soient agréés par l’administration et se conforment à des procédures types d’intervention et de rendu des résultats ;
  • les notaires soient sensibilisés aux Erap et aux Crep positifs, qui ne déclenchent pas l’obligation d’intervention, afin qu’ils informent des risques encourus les propriétaires lors des mutations de biens ;
  • le champ de réalisation obligatoire d’Erap et de Crep soit étendu à tous les lieux d’accueil des jeunes enfants : crèches, haltes-garderies, écoles, centres de loisirs, etc., et plus généralement à l’ensemble des établissements recevant du public, s’ils ont été construits avant 1949 ;
  • la réalisation d’Erap et de Crep dans les logements (s’ils ont été construits avant 1949) où sont accueillis les enfants soit intégrée à la procédure d’agrément des assistantes maternelles ;
  • les critères d’attribution des prestations d’aide au logement tiennent compte, en priorité, des critères actualisés d’état de salubrité des logements lors de la prise du bail.


Pratique du repérage des cas d’intoxication par le plomb
En matière de repérage des cas d’intoxication, le jury recommande de :

  • mettre en œuvre en priorité des actions de repérage des cas d’IPb ;
  • mener les actions de repérage selon des méthodes validées au niveau national et en adaptant les priorités au contexte local. Selon les départements les actions de repérage peuvent concerner en priorité l’habitat, l’exposition industrielle, l’eau potable ;
  • pérenniser les démarches engagées dans les départements à « risque élevé » de saturnisme dans l’habitat, en particulier à Paris, dans les départements de la petite couronne parisienne et dans certaines autres grandes villes ;
  • soumettre à des études d’évaluation de risque les activités industrielles émettrices de Pb (actuellement et dans le passé) et les sols recensés comme pollués par le Pb. En fonction des résultats de ces études devront être mises en œuvre les démarches prévues par l’Institut de veille sanitaire concernant la «pertinence de la mise en œuvre d’un dépistage du saturnisme infantile autour des sources industrielles de Pb » ;
  • généraliser dans tous les départements français le repérage de cas dans l’habitat, limité dans le temps et dans des communes ou quartiers sélectionnés après une concertation avec les acteurs de terrain ;
  • réaliser des études de repérage de cas de saturnisme d’origine hydrique dans les départements concernés par la distribution d’une eau peu minéralisée, agressive pour les conduites en Pb, la présence de canalisations en Pb et l’absence de traitement adapté de l’eau potable ;
  • s’intéresser aux populations exposées au Pb en fonction d’activités de loisirs ou culturelles particulières ;
  • porter une attention particulière aux communautés de gens du voyage, particulièrement exposées.



Repérage biologique

Dosage du plomb dans le sang total
Actuellement, le dosage du Pb dans le sang total est le seul examen permettant d’évaluer une imprégnation saturnine récente. Il est donc utilisé aussi bien pour le repérage que pour le diagnostic du saturnisme. Les résultats doivent être exprimés en mmol/L (unités internationales) de sang total, associés à l’expression en mg/L (unités habituellement utilisées) de sang total (1 mmol/L = 207 µg/L ; dans un souci de simplification, les valeurs en mmol/L ont été arrondies). Le prélèvement de sang veineux en utilisant un tube sous vide est recommandé. Le laboratoire destinataire des prélèvements doit répondre aux exigences de bonnes pratiques et pouvoir démontrer ses performances en termes d’exactitude et de reproductibilité, en particulier par l’adhésion à des programmes de contrôle qualité internationaux en plus du contrôle national.
Le seuil consensuel actuel de l’IPb est de 0,50 µmol/L (100 µg/L). Toute PbS supérieure ou égale à 0,50 µmol/L (100 µg/L) chez l’enfant doit faire l’objet d’une déclaration obligatoire auprès de la direction départementale de l’action sanitaire et sociale (DDASS).

Autres outils
Il n’y a pas lieu d’utiliser dans la pratique courante la mesure du Pb dans les phanères et la plomburie sur un échantillon d’urine. D’autres outils (notamment les appareils de biologie portatifs, le dosage de la protoporphyrine zinc sanguine ou de l’acide delta-amino-lévulinique [ALA] urinaire) doivent encore être évalués.

Conduite à tenir en fonction des concentrations sanguines de plomb
Une PbS inférieure au seuil de 0,50 µmol/L (100 µg/L) ne permet pas d’exclure totalement une exposition au Pb. Il est donc recommandé de répéter les dosages de PbS tant que persistent des facteurs de risque dans l’environnement de l’enfant (tous les 6mois à 1an, jusqu’à l’âge de 6 ans).

Plombémie Recommandations pour le suivi de la plombémie de l'enfant
< 0,50 µmol/L (< 100 µg/L) Absence d’intoxication

Suivi de la PbS tous les 6 mois à 1 an, jusqu’à l’âge de 6 ans s’il appartient à un groupe à risque et suppression des sources d’intoxication
0,50 – 1,24 µmol/L (100 – 249 µg/L) Contrôler la PbS tous les 3 à 6 mois

Suppression des sources d’intoxication

Déclaration obligatoire
1,25 – 2,24 µmol/L (250 – 449 µg/L) Contrôler la PbS tous les 3 à 6 mois

Adresser l’enfant à une structure capable d’évaluer l’intoxication et de discuter l’indication d’un traitement chélateur

Suppression des sources d’intoxication

Déclaration obligatoire
≥ 2,25 µmol/L (≥ 450 µg/L) Il est urgent d’adresser l’enfant à une structure capable d’évaluer l’intoxication et de la traiter

Suppression des sources d’intoxication

Déclaration obligatoire


Stratégie de repérage

Le jury recommande pour un repérage optimal :

  • le repérage des enfants exposés et des enfants intoxiqués n’est pas systématique, mais s’appuie sur une démarche ciblée et orientée sur les facteurs de risque (grade C) ;
  • la recherche de facteurs de risque d’exposition au Pb doit être systématique en particulier avant 7 ans (période des comportements à risque, susceptibilité physiologique accrue (grade B) ;
  • la demande d’une PbS doit être le résultat d’une décision raisonnée et argumentée par la prise en compte des facteurs de risque individuels et environnementaux ;
  • l’approche environnementale est la stratégie la plus appropriée au repérage optimal de l’IPb (grade C), que l’enfant ait ou n’ait pas de signes cliniques, étant donné leur absence de spécificité ;
  • l’utilisation d’un questionnaire standardisé visant à apprécier la présence de facteurs de risque d’exposition au Pb doit être recommandée et comprendre la recherche des informations suivantes en deux étapes :
    • séjour régulier dans un logement construit avant 1949 ? Si oui, y a-t-il de la peinture écaillée accessible à l’enfant ?
    • habitat dans une zone proche d’une source d’exposition industrielle ?
    • occupation professionnelle ou activités de loisirs des parents (apport de poussières par les chaussures, les vêtements de travail) ?
    • tendance de l’enfant au comportement de pica¹ ?
    • connaissance d’un frère, d’une sœur ou d’un camarade intoxiqué par le Pb ?
  • certains facteurs individuels associés à des composantes environnementales d’une exposition au Pb doivent être recherchés et faire doser la PbS :
    • familles en situation de précarité (niveau de revenus, bénéficiaires d’aides sociales),
    • populations itinérantes (gens du voyage : terrain pollué, maniement de matériels pollués),
    • travaux de rénovation dans le lieu de vie de l’enfant, en cas d’habitat construit  avant 1949,
    • immigration récente.

Le jury recommande également :

  • d’inclure des items à renseigner concernant l’exposition au Pb lors des examens donnant lieu à l’établissement des certificats de santé des 8e jour, 9e et 24e mois. Le recueil de ces informations doit faire partie intégrante du suivi de tout enfant au cours des 6 premières années de la vie ;
  • d’étendre ce type de recueil au-delà de 7 ans, en particulier chez les jeunes filles, en prévision d’une future grossesse lorsque des facteurs de risques sont identifiés;
  • soit systématiquement dépisté autour d’un cas avéré de saturnisme infantile l’ensemble des enfants exposés à la même source de plomb.

¹ Perversion du goût qui consiste à éprouver le besoin de manger des substances non comestibles, par exemple de la terre ou, ici, des écailles de peinture.

 

Question 2 - Quelle prise en charge et quel suivi proposer aux enfants exposés et intoxiqués ?

Le jury recommande que :

  • le saturnisme soit inscrit dans la liste des affections de longue durée pour une PbS supérieure à 0,50 µmol/L (100 µg/L) ;
  • la gratuité pour les familles du dosage de PbS, déjà effective dans plusieurs départements pour le dosage initial, soit étendue à l’ensemble des dosages pour les enfants exposés afin de permettre une surveillance régulière.


Mesures immédiates d’hygiène et conseils diététiques

Les conseils hygiéno-diététiques pour la population générale doivent être associés à des mesures spécifiques pour l’habitat ou l’environnement de l’enfant, en s’assurant de leur bonne compréhension.

Interventions au niveau du domicile
Le jury recommande :

  • de s’assurer que les enfants n’ont pas accès à des peintures écaillées à l’intérieur (particulièrement au niveau des fenêtres et des radiateurs) et à l’extérieur de la maison;
  • d’utiliser une serpillière humide pour nettoyer les carrelages et les sols, et non le balai et l’aspirateur ;
  • de laver les jouets régulièrement ;
  • de laver les mains des enfants avant chaque repas et leur couper les ongles ;
  • de faire écouler l’eau du robinet quelques instants avant consommation, si les canalisations sont en Pb ;
  • de ne pas consommer les légumes et fruits des jardins si le sol est pollué par le Pb ;
  • de ne pas utiliser pour l’alimentation de poteries ou de vaisselle en céramique ou en étain à usage décoratif, non expressément prévues pour un usage alimentaire ;
  • de s’assurer de l’absence d’autres sources d’intoxication :
    • cosmétiques (khôl, surma) ou produits à usage médicamenteux de provenance moyen-orientale ou asiatique,
    • matériaux utilisés dans le cadre des loisirs : figurines en Pb, poterie, plombs de chasse.


Alimentation
Le jury recommande :

  • de prendre des repas réguliers : le jeûne augmente l’absorption du Pb (études expérimentales chez l’animal) ;
  • d’éviter une carence en fer et en calcium par une alimentation équilibrée ;
  • de rechercher systématiquement une carence martiale souvent associée ;
  • de corriger la carence martiale lorsqu’elle existe (des études sur l’animal ont montré que le Pb et le fer sont régulés par les mêmes protéines de transport et que le fer diminue l’absorption du Pb). Chez les enfants non carencés, l’apport de fer ne réduit pas le niveau de la PbS (niveau 2) ;
  • de maintenir un apport calcique et vitaminique D satisfaisant comme pour tout enfant, sans supplémentation médicamenteuse particulière. Le calcium est le facteur nutritionnel qui a été le plus étudié dans le métabolisme du Pb. De nombreuses études chez l’animal ont permis de montrer que le calcium inhibe l’absorption du Pb chez les mammifères par compétition avec les protéines de transport du tractus digestif. Néanmoins, les études chez l’homme sont discordantes et le rôle prophylactique d’un régime riche en calcium doit encore être vérifié par des études rigoureuses.

 

Prise en charge environnementale

Le jury recommande :

  • que les professionnels réalisant les enquêtes environnementales mettent en œuvre des procédures types d’intervention et disposent d’une liste exhaustive et actualisée des professions à risque ;
  • la création d’un label qualité pour les entreprises s’engageant à utiliser les techniques validées pour la réhabilitation de l’habitat et l’élimination des déchets.

Le jury constate que la prise en charge des familles pendant les travaux n’est pas toujours bien assurée. Il rappelle que les enfants ne doivent pas rester dans les locaux contaminés pendant les travaux. Il insiste sur le respect indispensable de la loi qui prévoit le relogement provisoire des occupants aux frais des propriétaires si les travaux nécessitent une libération temporaire des lieux. Dans tous les cas, ces mesures doivent s’accompagner du respect de la cohésion de la famille et de la recherche de son adhésion.
Le jury recommande :

  • le développement d’outils adaptés à la conduite des opérations de rénovation/démolition/reconstruction : logements tiroirs, baux glissants, etc., afin de faciliter le traitement de l’exposition au Pb des occupants ;
  • une large information des propriétaires sur l’existence des aides financières concernant les travaux de réhabilitation de l’habitat ancien.

 

Stratégie du traitement médicamenteux et du suivi

Le traitement de l’IPb repose toujours sur la détection et l’éviction rapide de la source d’intoxication, associées ou non à l’utilisation de chélateurs.

Détection et retrait de la source d’exposition
Le jury recommande de :

  • détecter l’ensemble des sources potentielles d’exposition au Pb, sans se limiter au seul lieu de résidence de l’enfant, mais en vérifiant l’ensemble des lieux de vie habituels ;
  • retirer rapidement l’enfant du milieu exposé, notamment pendant la période de travaux au domicile, ce qui est le premier geste indispensable.


Chélation
La chélation réduit le niveau de la PbS mais ne permet pas de restaurer les fonctions cognitives (niveau 2) : cela justifie un repérage précoce des enfants exposés.
Trois chélateurs sont actuellement disponibles en France et réservés à l’usage hospitalier : deux sont d’utilisation parentérale exclusive (BALÒ, EDTA) et un est utilisable par voie orale (DMSA).
Les modalités des cures se font selon le niveau de PbS. Les cures de chéla tion sont généralement répétées. Un intervalle minimum de 5 jours est imposé par le risque de toxicité des chélateurs. Un intervalle de 21 jours permet d'évaluer le nouvel état d'équilibre obtenu.
Le jury recommande le protocole communément utilisé à ce jour en France.

  • PbS > 5 µmol/L (> 1 000 µg/L) et/ou signes neurologiques
  • Traitement en urgence à l’hôpital ;
  • le traitement classique BALº - EDTA reste la référence :
    • BALº: 450 mg/m²/j en 4 à 6 injections intramusculaires (IM) jusqu'à l'obtention d'une PbS < 700 mg/L ;
    • EDTA : 1 500 mg/m²/j en perfusion intraveineuse (IV) continue sur 5 jours, associé à une hyperhydratation (3 L/m²) ;
  • plus de 5 cures sont souvent nécessaires.
  • PbS entre 3,5 et 5 µmol/L (entre 700 et 1 000 µg/L) ou présence de signes neurologiques
  • Traitement en urgence à l’hôpital ;
  • association EDTA-DMSA :
    • EDTA : 1 500 mg/m²/j pendant 5 jours, en perfusion IV continue ou injections IM fractionnées, associées à une hyperhydratation (3 L/m²),
    • DMSA : 1 000 mg/m²/j pendant 5 jours, en 3 prises orales quotidiennes ;
  • 5 cures sont nécessaires.
  • PbS entre 2,25 et 3,5 µmol/L (entre 450 et 700 µg/L)
  • Traitement à domicile par le DMSA seul : 1 000 mg /m²/j en 3 prises orales quotidiennes en cures de 5 jours ;
  • 3 cures sont nécessaires ;
  • la délivrance du produit ne se fait qu’à l’hôpital, mais les cures peuvent être réalisées à domicile dans le cadre d’une hospitalisation à domicile.
  • PbS entre 1,25 et 2,25 µmol/L (entre 250 et 450 µg/L)

Cette situation n’est pas une indication habituelle de chélation. Un traitement chélateur oral (DMSA 1 000 mg/m²/j en 3 prises quotidiennes pendant 5 jours) peut se justifier dans le cas où la PbS resterait élevée malgré des mesures correctives efficaces ou en cas d'anémie microcytaire persistante malgré un traitement martial bien conduit.

  • PbS entre 0,5 et 1,25 µmol/L (entre 100 et 250 µg/L)
    Pas d’indication de chélation, mais surveillance de la PbS, dont le rythme doit être apprécié en fonction de l’âge et de la persistance de l’exposition au Pb.

Suivi clinique neurodéveloppemental
De multiples études épidémiologiques confirment le retentissement à long terme sur le développement intellectuel et les fonctions cognitives de l’IPb. Les anomalies comportementales ou du développement ne sont pas spécifiques de l’IPb. Aucun traitement spécifique n’a démontré son efficacité sur les effets cognitifs de l’IPb (niveau 2).
Le jury recommande pour les enfants ayant eu une PbS élevée (> 0,5 µmol/L ; > 100 µg/L) de le mentionner dans le carnet de santé.
Une surveillance renforcée du déve loppement neuropsychologique, principalement aux âges clés (examens des 9e et 24e mois, 3-4 ans et 5-6 ans en école maternelle), avec un suivi prolongé au-delà de 6 ans, doit être réalisée.
L’intérêt de repérer ces enfants est de pouvoir les référer tôt à des services spécialisés (centre d’action médico-sociale précoce [CAMSP], consultation médico-psycho-pédagogique [CMPP], consultations hospitalières, etc.) pour une évaluation diagnostique approfondie dès qu’il semble exister des troubles neurologiques du développement. La prise en charge de l’enfant intoxiqué par le Pb et ayant des troubles développementaux n’a pas de spécificité ; elle est identique à celle des enfants présentant ce type de troubles quelle qu’en soit l’étiologie.

 

Question 3 - Quels sont les risques pour la femme enceinte et le fœtus en cas d’exposition au plomb ?
Quelle est la stratégie de dépistage et de prise en charge pendant la grossesse et la période périnatale ?

Conséquences de l’imprégnation par le plomb pendant la grossesse

Il existe peu de données disponibles en France, concernant la femme enceinte et l’exposition au Pb. Les études étrangères sont rares et portent généralement sur de petits effectifs avec un niveau de preuve faible.
Pour des imprégnations faibles, les conséquences de l’imprégnation par le Pb pendant la grossesse sont difficilement mesurables du fait de la faible puissance des études ; mais une imprégnation importante peut avoir des conséquences graves (avortements, retard de croissance intra-utérin, HTA).
Le jury recommande :

  • d’éviter une surexposition de la mère pendant la grossesse et de l’enfant après la naissance ;
  • de surveiller la bonne évolution psychomotrice de l’enfant comme pour tout enfant à risque.


Stratégie de repérage et de prise en charge pendant la grossesse et la période périnatale

Le but du repérage est :

  • de soustraire la femme enceinte au risque d’exposition au Pb dès la connaissance du risque ;
  • de lui donner les conseils hygiéno-diététiques adaptés ;
  • de mettre en œuvre la protection du bébé après la naissance ;
  • d’anticiper les mesures de prévention pour une grossesse ultérieure.

Doivent bénéficier d’un repérage les femmes :

  • habitant dans un lieu à risque identifié (habitat ou site industriel) ;
  • vivant dans un logement antérieur à 1949 s’il est dégradé ;
  • exerçant elles-mêmes ou leur conjoint une profession à risque ;
  • ayant des activités à risque :
    • exposition au Pb au cours des loisirs,
    • utilisation d’ustensiles de cuisine en terre ou céramique ou étain non alimentaire,
    • utilisation de cosmétiques et médicaments traditionnels,
    • comportement de pica,
    • exposition au Pb dans l’enfance.

Le jury recommande que :

  • tout professionnel médico-social prenant en charge une femme enceinte repère le risque d’exposition ;
  • l’entretien prénatal du 4e mois soit le moment optimal de détection de la population à risque. Cet entretien doit être valorisé et généralisé comme le demande la réglementation, ce qui suppose l’octroi des moyens nécessaires. Il doit être réalisé par un professionnel de santé formé à l’entretien : médecins généralistes et spécialistes, sages-femmes libérales, de PMI et hospitalières. Le jury recommande de compléter la grille d’entretien par des items sur l’exposition au Pb ;
  • le médecin du travail continue à jouer un rôle important dans la prévention de l’exposition professionnelle des femmes et à veiller à l’application de la législation (décret n° 1996-364 du 30 avril 1996, directive 92/85/CE) qui interdit «d’affecter des femmes qui se sont déclarées enceintes ou des femmes allaitant à des travaux les exposant au Pb métallique et à ses composés ». Le jury demande l’application rapide en France de la directive européenne abaissant de 4 mmol/L (800 mg/L) à 1,5 mmol/L (300 mg/L) la PbS maximale autorisée chez les travailleurs exposés. Par ailleurs pour une femme en âge d’avoir des enfants, le jury recommande que la limite maximale de la PbS soit portée à 0,50 mmol/L (100 mg/L) ;
  • les documents existants (carnet de surveillance de la grossesse, carnet de santé de l’enfant et de l’adulte) comportent impérativement des mentions sur le risque de l’exposition au Pb pendant la grossesse et la conduite à tenir. Tout professionnel de santé examinant une femme enceinte doit rechercher et consigner le risque éventuel d’exposition ou d’intoxication ;
  • les femmes ayant été contaminées dans l’enfance bénéficient d’une surveillance et d’une protection particulières du risque Pb. Il est important de déconseiller l’exposition professionnelle à ces femmes ;
  • les femmes enceintes à risque doivent recevoir, au cours de la grossesse et après l’accouchement, des conseils destinés à limiter les facteurs d’exposition comme cela est proposé plus haut pour l’enfant, en sachant que ces mesures profiteront à la fois à la future mère et à son enfant à naître.

 
Mesures diététiques

Le jury recommande :

  • de vérifier que le régime répond aux besoins en fer de la grossesse et de ne pas hésiter à supplémenter en cas de doute ;
  • de vérifier que le régime répond aux besoins en calcium de la grossesse et de ne pas hésiter à supplémenter en cas de doute (l’apport calcique doit être d’au moins 1,2 g/j) ;
  • de prescrire de la vitamine D (100 000 unités au 6e mois) en veillant impérativement au maintien de l’apport calcique.


Allaitement

Le jury recommande :

  • d’autoriser, comme les CDC, l’allaitement jusqu’au seuil de PbS maternelle de 0,50 µmol/L (100 µg/L) ;
  • de maintenir impérativement un apport calcique d’au moins 1,2 g/j, comme au 3e trimestre de la grossesse ;
  • de tenir compte, au-delà du seuil de 0,50 mmol/L (100 µg/L) de PbS maternelle, des risques pour l’enfant liés à une éventuelle contre-indication de l’allaitement :
    • présence du Pb dans l’eau du robinet,
    • lavage des biberons en zone contaminée,
    • coût du lait artificiel pouvant aboutir à une mauvaise reconstitution et à des carences alimentaires,
    • perte du bénéfice du lait maternel sur la prévention de l’infection et de l’allergie,
    • perte des bénéfices psychologiques dans la relation mère enfant.

La décision de contre-indication de l’allaitement ne doit pas être systématique, mais réfléchie ;

  • la mise en œuvre d’études sur le métabolisme du Pb dans le lait et chez l’enfant (dans le sang et les tissus de réserve).

 

Question 4 - Quelles pratiques professionnelles et institutionnelles développer en termes d’information, de communication, de formation et d’éducation pour la santé ?

Information épidémiologique

Le jury recommande la réalisation périodique d’études de prévalence permettant d’avoir une connaissance actualisée de l’ampleur de l’IPb.


Formation des professionnels de santé

Les professionnels de santé ont un rôle essentiel à jouer dans le repérage, la prise en charge et le suivi des enfants intoxiqués par le Pb, mais leur formation ne les prépare pas à la prise en charge de problèmes de santé publique.
Le jury recommande que l’enseignement de la santé publique au cours de la formation initiale de tous les professionnels de santé puisse les amener à adopter une véritable démarche de santé publique.
Le jury recommande d’utiliser, dans le cadre de la formation continue des professionnels de santé libéraux, les méthodes jugées les plus efficaces pour modifier les pratiques :

  • rappel au moment de la prescription (grade A) : notification dans les certificats de santé des 9e et 24e mois d’items spécifiques, intégration dans le logiciel métier des professionnels de santé d’un item sur le logement et l’environnement ;
  • visite au cabinet (grade A) des médecins et des sages-femmes libérales d’un professionnel formé sur ce thème de santé publique ;
  • séminaires de formation, qui ne peuvent être efficients en termes de modifications de pratiques que s’ils sont interactifs (grade B). Le jury recommande que le thème «santé environnement » (habitat et extérieur) soit considéré comme prioritaire par les organismes de formation. Pour les professionnels de santé salariés, le jury recommande d’utiliser les dispositifs réglementaires pour cibler le thème santé environnement parmi les priorités de formation.

Le jury recommande dans le cadre de la réforme du diplôme d’État des travailleurs sociaux que soit renforcée l’approche santé environnement.


Informations nécessaires aux professionnels de santé

Le jury recommande que les autorités sanitaires fournissent à tous les professionnels de santé des informations complètes et actualisées sur les facteurs de risque locaux, sur les procédures administratives et les conduites à tenir médicales.


Communication entre les professionnels

Le jury recommande :

  • l’utilisation des réseaux déjà existants entre les professionnels libéraux et les professionnels des différentes institutions (PMI, services sociaux, santé scolaire, DDASS, services hospitaliers publics et privés) afin d’améliorer le repérage, la prise en charge et le suivi de l’IPb ;
  • l’utilisation du carnet de santé comme outil de communication entre professionnels de santé en insistant sur la confidentialité de ce document ;
  • la sensibilisation par le médecin du travail des professionnels de santé exerçant aux alentours d’une entreprise à risque ;
  • aux médecins et sages-femmes, de prévenir, avec l’accord de la personne concernée, le médecin du travail lors d’une déclaration de grossesse pour toute personne qui travaille sur un poste à risque.

Pour les jeunes filles, les antécédents personnels d’IPb dans l’enfance doivent rester accessibles pour la prise en charge d’une grossesse future : la conservation du carnet de santé de l’enfant et sa présentation lors des grossesses doivent être systématiques.


Sensibilisation des familles et personnes en contact avec les enfants

Le jury recommande une information auprès des familles qui tienne compte des caractéristiques socioculturelles : information sur les risques de l’habitat, sur les mesures hygiéno-diététiques, sur l’importance et la confidentialité du carnet de santé.
Il appartient à l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (Inpes) de faire l’inventaire de tous les documents existants, de fournir des supports d’information adaptés (texte, film, BD, dessins, etc.) et d’en faire l’évaluation. Ces supports doivent être facilement disponibles pour les professionnels de santé. Les actions doivent s’appuyer sur les structures associatives de quartier (centres d’action sociale, etc.) et sur les services sociaux. Les comités départementaux d’éducation pour la santé (Codes) et les comités régionaux d’éducation pour la santé (Cres) peuvent être chargés de coordonner les actions d’éducation relatives au saturnisme dans leur zone de compétence.
Le jury recommande une révision de la fiche sur le saturnisme du carnet de santé, qui lui paraît peu lisible et devrait être placée près des pages relatives à l’examen du 9e mois.
Le jury recommande la sensibilisation de toutes les personnes impliquées dans la garde des enfants (assistantes maternelles agréées ou non, grands-parents, autres types de garde).
Le jury rappelle qu’il appartient aux médecins scolaires, dans le cadre de leur rôle de conseiller technique des autorités académiques et des chefs d’établissement, de veiller à l’inclusion de la santé environnementale dans l’éducation à la santé faite dans le cadre scolaire, et de fournir les informations nécessaires au corps enseignant, aux parents et aux élèves. Cela concerne également les puéricultrices et les médecins de PMI exerçant dans les écoles maternelles.

 

Annexe

Schéma du système de diffusion des informations de surveillance en France (source : Institut de veille sanitaire).

Schéma du système de diffusion des informations de surveillance en France 


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