Sortie du monde hospitalier et retour au domicile d’une personne adulte évoluant vers la dépendance motrice ou psychique

Conférence de consensus
Recommandation de bonne pratique - Mis en ligne le 01 déc. 2004 - Mis à jour le 19 juil. 2006

L'objectif de cette conférence de consensus est de répondre aux six questions suivantes, posées au jury :

  1.  Quelles sont les caractéristiques des systèmes d’information existants et de ceux qu’il conviendrait de mettre en place ? Quelles sorties d’informations structurées sont attendues de ces systèmes ?
  2.  Quelles sont l’ampleur du champ et les interactions à considérer pour organiser efficacement la prise en charge sur le plan économique ?
  3.  Comment évaluer les innovations techniques dans le cadre de la prise en charge du retour et/ou du maintien au domicile ?
  4.  Comment évaluer les innovations organisationnelles dans le cadre de la prise en charge du retour et/ou du maintien au domicile ?
  5.  La satisfaction du patient et des aidants est-elle un critère valide et crédible dans l’évaluation du retour et/ou du maintien au domicile ?
  6.  Quelles recommandations proposer pour le financement du retour et/ou du maintien au domicile ?

 

Préambule

Appliquer la méthode des conférences de consensus à la question centrale de la sortie du monde hospitalier et du retour et/ou du maintien au domicile d’une personne adulte évoluant vers la dépendance motrice ou psychique, examinée sous l’angle économique était une gageure.

Ce n’est pas le moindre des mérites de la Société française d’économie de la santé (Sfes) que de l’avoir proposée, en collaboration avec la Société française de médecine physique et de réadaptation (Sofmer), et de l’Agence nationale d’évaluation et d’accréditation en santé (Anaes) d’avoir accepté d’en être le partenaire.

Le caractère ouvert de certaines questions et des réponses des experts, le manque de littérature comparée, de documentation à caractère scientifique et de données de niveau de preuve élevé étaient prévisibles compte tenu de l’ampleur du sujet. Cela a évidemment rendu complexe le travail du jury.

C’est la raison pour laquelle, au terme de débats nourris, le jury a décidé d’expliciter clairement sa lecture de chaque question et de s’en tenir dans ses recommandations à celles qui lui paraissaient de nature à faire progresser le plus concrètement possible l’objectif d’amélioration de la qualité au service du patient adulte sortant du monde hospitalier et évoluant vers la dépendance motrice ou psychique.

En particulier, là où la littérature ne pouvait répondre, là où les experts ne pouvaient conclure, le jury s’est efforcé, à sa place dans le processus de la conférence de consensus, d’indiquer des orientations à travers ses recommandations.

Le jury a souhaité rendre un hommage particulier aux aidants dont le rôle au quotidien est incomparable et l’importance, sur le plan économique, décisive.

 

Question 1 - Quelles sont les caractéristiques des systèmes d’information existants et de ceux qu’il conviendrait de mettre en place ?
Quelles sorties d’informations structurées sont attendues de ces systèmes ?

Position du problème

Par système d’information le jury comprend « un ensemble organisé d'éléments qui permet de construire de l’information, de regrouper, de classifier, d’analyser, de diffuser et d’échanger les informations produites sur un phénomène donné ». La finalité d’un système d’information est de produire de la connaissance sur un sujet donné à partir de l’information qu’il peut construire avec les données qui sont à sa disposition.

L'objectif principal de tout système d’information est, dans le cadre de la démarche qualité en santé, de faciliter la gestion de l'ensemble des informations sanitaires et sociales relatives à une personne entrant dans le système de soins. Le système d’information est un moyen d'améliorer la qualité des soins tout en permettant une meilleure gestion et organisation de l'activité médicale et une meilleure connaissance des besoins de santé et des risques de la population.

Dans le domaine de la santé, des systèmes d'information existent dont les plus connus sont le PMSI pour les établissements de santé et les systèmes d'information des caisses d'Assurance maladie pour l’exercice libéral. Ces systèmes ont cependant leurs limites comme, par exemple, l’absence de chaînage des données patient. Ils sont parcellaires et ne communiquent pas entre eux.

D’autres systèmes d’information sont expérimentaux dans le cadre des réseaux de santé ou de la mise en place du dossier médical personnel.

Le jury constate qu’aucun système d'information couvrant la sortie du monde hospitalier et le retour au domicile d'une personne adulte évoluant vers la dépendance motrice ou psychique n'a été identifié dans la littérature.

Pour le jury, quatre raisons peuvent être mises en avant pour justifier de la mise en place d'un tel système d’information.

  • Disposer d’informations standardisées pour la gestion du patient
    Pour cela, le jury souhaite que l’usage du dossier médical personnel permette une meilleure coordination entre le secteur sanitaire et le secteur social ainsi qu’un partage et une collecte de données. La saisie des données doit être simple et reproductible. Le système d'information doit permettre l'élaboration d’un plan de soins individualisé pour toute personne adulte sortant du monde hospitalier et évoluant vers la dépendance motrice ou psychique. Il doit permettre d’identifier la trajectoire médico-sociale de chaque patient, c'est-à-dire le déplacement de ce dernier dans le temps au sein d’un ou plusieurs espaces de soins et d’institutions sociales visant à réduire ou compenser sa dépendance. Cette trajectoire est caractérisée par l’évolution de l’état du patient et par les moyens mis en œuvre pour le maintenir au domicile le plus longtemps possible dans de bonnes conditions de sécurité et de bien-être. La trajectoire optimale est celle qui permet d’assurer au patient une prise en charge éclairée dans les meilleures conditions, en conformité avec les données acquises de la science. Elle permet également de mieux organiser la gestion du risque.
  • Disposer d’informations pour la gestion des services de soins
    Le système d'information doit permettre une aide objective pour le personnel soignant la personne adulte évoluant vers la dépendance motrice ou psychique. En particulier, il doit permettre la coordination des interventions des soignants et des personnes chargées de la prise en charge sociale (gestion et optimisation des emplois du temps en fonction des tâches et de leur priorité). Le système d'information requiert donc des développements intégrant des fonctionnalités permettant de gérer le temps, le rythme des interventions et l’ensemble de la logistique sanitaire et sociale qui auront été décidés par l'équipe gérant cette prise en charge. Il doit permettre d’assurer la traçabilité journalière de tous les soins prodigués à la personne et de toutes les interventions complémentaires des travailleurs sociaux. Il doit en outre contenir les informations médicales actualisées nécessaires à une intervention d’urgence auprès du patient.
  • Disposer d’informations économiques pour la connaissance des interrelations entre le soin, le social et l’économique
    Ces données doivent permettent d’appréhender l’ensemble des moyens mis en œuvre pour le retour et le maintien au domicile du patient. Elles doivent permettre d’estimer les probabilités de réalisation d’évènements indésirables (mesure du risque), informations indispensables pour améliorer la qualité des soins, pour identifier les coûts permettant par la suite, par exemple, de fixer les tarifs des moyens mis en œuvre et mesurer l’efficience d’une stratégie de retour et de maintien au domicile.
  • Disposer d’indicateurs pour les tableaux statistiques régionaux et nationaux
    Ces indicateurs construits à partir des données recueillies, complétées des données épidémiologiques et de santé publique, doivent permettre de mieux analyser les besoins, les résultats sanitaires et économiques, de comparer les budgets entre les régions, les institutions…et ainsi réaliser des ajustements nécessaires. Ces indicateurs et tableaux de bord doivent donc être un instrument d’aide au pilotage pour les acteurs et les responsables et ainsi permettre de planifier de manière dynamique et réactive.

 

Recommandations du Jury

  • Le jury recommande dans un premier temps le recensement des systèmes d’information existant dans le domaine sanitaire et social, en particulier, les systèmes d’information dédiés au domaine médico-social.
  • Le jury recommande le respect de la pluralité des systèmes, ce qui n’est pas incompatible avec leur indispensable interopérabilité.
  • Le jury recommande que ces systèmes d’information aient les caractéristiques suivantes.


a) Ils doivent être au service de tous les acteurs de terrain
Ils doivent fournir des informations complètes sur des objectifs cliniques communs afin d'assurer la continuité du suivi du patient tout au long de son cheminement dans le réseau socio-sanitaire.
L'outil d'information doit fournir des informations sur la situation de la personne adulte évoluant vers la dépendance motrice ou psychique. Pour ce faire, le système d'information doit prendre en considération, au moment de sa création, les points suivants :

  • recueillir des données essentielles concernant la situation sociale, médicale, économique du patient ainsi que ses attentes et celles de son entourage ;
  • s'adapter aux différents besoins du patient, quelle que soit leur nature. Il doit permettre l’évaluation de l’amélioration ou de l’aggravation possible du phénomène à l’origine de l’évolution vers la dépendance motrice ou psychique ;
  • établir les pistes d'un plan d'intervention individualisée (problèmes inhérents à la personne, intervention personnalisée, besoins matériels spécifiques, etc.) afin de contrôler les risques, de réduire ou éliminer l'incapacité ou le handicap. Il doit également assurer le suivi de l'évolution du patient, et répondre le mieux possible à ses nouveaux besoins, ainsi qu'à ceux des aidants ;
  • être naturellement en conformité avec la dimension éthique et le respect des réglementations.


b) Ils doivent être au service des institutions
Pour cela, les systèmes d’information doivent :

  • permettre l’analyse de l’activité et aider à prendre les décisions organisationnelles quant à l’adaptation des services ;
  • fournir une information économique pertinente pour l’institution ;
  • fournir des informations complémentaires au niveau épidémiologique et utiles en terme de santé publique.


c) Ils doivent être évalués
L'outil d'évaluation doit être fiable, validé et reconnu aussi bien par le secteur sanitaire que par le secteur social.

  • Le jury recommande que la collecte des données soit simplifiée et respecte en premier lieu tous les aspects éthiques, déontologiques (notamment le secret médical) et également les aspects juridiques afin d’être en conformité avec la réglementation.
  • Le jury recommande que le système d’information soit conçu de telle manière que chacun des acteurs puisse avoir accès aux données dont il a besoin et seulement celles-ci.

 

Question 2 - Quelles sont l’ampleur du champ et les interactions à considérer pour organiser efficacement la prise en charge sur le plan économique ?

Position du problème

L’analyse de cette question concerne l’organisation de nouvelles interactions médicosociales plus équilibrées.

Le jury souligne que le champ «sortie du monde hospitalier et retour au domicile d’une personne adulte évoluant vers la dépendance motrice ou psychique » concerne à la fois le sanitaire et le social. En effet, pour organiser efficacement la prise en charge sur le plan économique, il est nécessaire :

  • la coordination entre le sanitaire et le social est essentielle à la prise en charge et à l’accompagnement de la personne adulte évoluant vers la dépendance motrice ou psychique sortant de l’hôpital et retournant au domicile ;
  • d’assurer la continuité de la prise en charge dans l’ensemble du champ sanitaire et social aux différents moments de la vie du patient, car la qualité et la sécurité de la prise en charge en dépendent ;
  • de coordonner et de réunir les évaluations qualitatives et quantitatives actuellement réalisées sur des entités considérées isolement dans un espace sanitaire et social morcelé et ne peuvent donc pas mettre en évidence efficacement les surcoûts et la non-qualité lorsqu’ils sont présents.

Le jury considère qu’il existe quatre catégories d’interactions à envisager pour organiser efficacement la prise en charge sur le plan économique :

  • inter-professionnelles notamment entre les acteurs sanitaires et sociaux ;
  • inter-institutionnelles ;
  • inter-territoriales (commune, intercommunalité, département, région et État, bref, chaque niveau où les professionnels et les institutions sanitaires et sociales sont concernés) ;
  • interactions concernant les patients et les aidants¹.

¹ Le jury considère comme aidant, toute personne de l’entourage du patient effectuant des soins ou favorisant le maintien à domicile à titre bénévole.


 


Recommandations du Jury

Compte tenu de la multiplicité et de la complexité des interactions concernant la sortie du monde hospitalier et le retour au domicile d’une personne adulte évoluant vers la dépendance motrice ou psychique, le jury a souhaité centrer ses recommandations autour de quatre grands types d’interactions.

Les relations entre le secteur ambulatoire et le secteur hospitalier
Les interactions entre la ville et l’hôpital et ses limites sont aujourd’hui largement documentées. Les manques de coordination conduisent à des pertes de sécurité, de qualité et d’efficacité très importantes, associées à des surcoûts. Le jury recommande d’optimiser les interactions entre secteur ambulatoire et secteur hospitalier par la prise en considération réciproque de la décision des uns et des autres dans la continuité de la prise en charge du patient, comme le soulignent largement les recommandations de la conférence de consensus « Sortie du monde hospitalier et retour à domicile d’une personne adulte handicapée sur les plans moteur et/ou neuropsychologique », organisée par la Sofmer et l’Anaes en septembre 2004.

Les conditions d’harmonisation des relations entre le secteur sanitaire et le secteur social
Dans le contexte de la sortie du monde hospitalier et du retour au domicile d’une personne adulte évoluant vers la dépendance motrice ou psychique, le jury considère qu’il apparaît fondamental d’optimiser les relations entre le secteur sanitaire et le secteur social pour éviter dispersion et surcoûts, sources de préjudices pour la qualité de la prise en charge du patient. Dans ce cadre, les sites pour la vie autonome existants ou les maisons du handicap amenées à se développer au niveau départemental, devraient jouer un rôle important en favorisant la cohésion et les échanges entre les secteurs sanitaires et sociaux.

Les dysfonctionnements de la coordination territoriale entre les services instructeurs et les financeurs
Les organisations à mettre en place font appel à des financements dont les décideurs se situent à un niveau communal, inter-communal, départemental, régional ou national (par exemple les services d’action sociale, les prestations d’aides à l’autonomie, les financements des établissements de santé, les conventions avec les professions, etc.). Aucun n’a, à ce jour, la visibilité ou la maîtrise totale de l’ensemble. Ces dysfonctionnements sont préjudiciables à la mise en œuvre de projets de sortie ou de maintien au domicile et diminuent l’efficience de la prise en charge du patient.

Ces dysfonctionnements proviennent aussi de la faiblesse relative de l’organisation des soins et des services à domicile rendant difficile le retour au domicile. La prise en considération systématique de la coordination territoriale entre les services instructeurs et financeurs devrait être l’objet de programme de recherche sur les innovations organisationnelles et technologiques. Ces innovations et leurs performances pourraient ainsi améliorer la coordination territoriale dans l’intérêt des patients.

La prise en compte des aidants
La prise en charge et l’accompagnement sont le plus souvent limités aux problèmes physiologiques et pathologiques de la personne prise individuellement. Or, l’ampleur de la perspective à considérer pour une sortie de l’hôpital ou un retour à domicile va bien au-delà. Il convient de considérer non seulement la personne dans ses dimensions médico-psychosociales, mais aussi les membres de sa famille, ses proches qui peuvent appartenir ou non à sa famille. Il peut arriver, en effet, qu’il y ait parfois contradiction entre l’intérêt du patient et celui de son entourage. Une bonne évaluation de cette réalité peut permettre de mettre en œuvre des solutions mieux adaptées.

 

Question 3 - Comment évaluer les innovations techniques dans le cadre de la prise en charge du retour et/ou du maintien au domicile ?

Position du problème

  • Essai de typologie
    Le jury considère deux sortes d’innovations techniques :
    • celles qui aujourd’hui portent sur les médicaments ayant reçu une autorisation de mise sur le marché ;
    • celles qui portent sur les dispositifs médicaux présentant un marquage CE.

D’autres innovations techniques comme par exemple les innovations issues de la domotique n’ont pas été prises en compte directement par le jury pour ce qui concerne leur évaluation. Certaines innovations en matière de domotique pourraient être assimilées à des dispositifs médicaux.

Pour cette question, le jury interprète «prise en charge » de ces innovations techniques comme leur remboursement par l’assurance maladie obligatoire.

La distinction entre innovation technique et innovation organisationnelle ne va pas de soi. L’innovation technique est souvent accompagnée d’innovations organisationnelles. L’innovation organisationnelle est par ailleurs souvent étroitement liée, dans le domaine de la santé, aux conséquences de l’introduction de nouvelles techniques dans les pratiques. Le jury s’est astreint à répondre séparément aux questions 3 et 4 pour en respecter la formulation distincte initiale.

Réfléchissant dans le cadre d’une conférence de consensus en économie de la santé, le jury a orienté plus particulièrement ses recommandations sur les critères économiques de l’évaluation des innovations techniques, qu’il a considéré comme complémentaires d’autres formes d’évaluation indispensables des innovations techniques (évaluation de l’efficacité, de la qualité ou du rapport bénéfice/risque, par exemple).

  • Organisation actuelle de l’évaluation
    Il existe actuellement en France des instances d’évaluation des médicaments et des dispositifs médicaux : la Commission de la transparence (CT), la Commission d’évaluation des produits et prestations (CEPP) et le Comité économique des produits de santé (CEPS). La CT évalue le service médical rendu (SMR) et l’amélioration du service médical rendu (ASMR) des médicaments. La CEPP évalue le service rendu (SR) et l’amélioration du service rendu (ASR) des dispositifs médicaux. Le CEPS utilise les conclusions de ces deux commissions et s’intéresse aux aspects économiques et à la fixation des prix ou tarifs.

    Il existe donc déjà, en France, un système d’évaluation concernant le médicament et les dispositifs médicaux qui fait référence en Europe et qui fonctionne. Le jury considère que l’architecture de ce système est cohérente.

 

Recommandations du Jury

Concernant les études pour évaluer les innovations techniques dans le cadre du retour et/ou du maintien au domicile d’une personne adulte sortant du monde hospitalier et évoluant vers la dépendance motrice ou psychique, le jury recommande de développer la réflexion, notamment sur les règles méthodologiques applicables aux évaluations mises en œuvre pour décider de la prise en charge des dispositifs médicaux. En effet, il est apparu au jury que la bibliographie dans ce domaine était faible.

En matière de retour au domicile des personnes évoluant vers la dépendance, l’évaluation des innovations techniques pourrait s’appuyer sur les méthodes d’analyse médicoéconomiques existantes, connues et déjà largement utilisées.

Concernant les critères d’évaluation à prendre en compte dans l’évaluation, le jury considère qu’au-delà de leur impact sanitaire et économique considéré isolément, les innovations techniques dans le cadre de la prise en charge du retour au domicile d’une personne évoluant vers la dépendance motrice ou psychique ne sont pas sans conséquences sur la globalité de la prise en charge du patient. Elles se répercutent notamment :

  • sur l’organisation matérielle de la prise en charge ;
  • sur les pratiques individuelles et collectives des professionnels ;
  • sur la satisfaction du patient et de son entourage ;
  • sur le temps dégagé par les différents aidants.

Le jury recommande qu’aux critères usuels de l’évaluation des innovations techniques dans le cadre de la prise en charge du retour et/ou du maintien au domicile du patient, s’ajoute un critère d’utilité sociale dont la définition devrait faire l’objet d’une réflexion collective et d’un débat public.

Par ailleurs, en ce qui concerne le dispositif médical, le jury considère que le critère « place dans la stratégie thérapeutique » doit devenir primordial.

 

Question 4 - Comment évaluer les innovations organisationnelles dans le cadre de la prise en charge du retour et/ou du maintien au domicile ?

Position du problème

La sortie du monde hospitalier et le retour au domicile de personnes adultes évoluant vers la dépendance motrice ou psychique pose la question de l’articulation entre différents espaces de prise en charge sanitaire et sociale, historiquement dissociés en France. L’espace de l’hôpital, celui des soins de suite et de réadaptation et enfin celui de la ville (espace des soins ambulatoires et des services sanitaires et sociaux concernés), sont mis en relation. Une réflexion sur les trajectoires des personnes concernées suppose de nouvelles modalités d’organisation, donc des « innovations organisationnelles », qui peuvent être de natures très différentes.

De nature hétérogène, les innovations organisationnelles renvoient notamment à des niveaux d’action différents. Pour illustrer cette diversité, trois niveaux peuvent être distingués, du plus particulier au plus général :

  • certaines innovations organisationnelles, par exemple, celles liées à l’introduction de dispositifs techniques, se rapportent directement aux pratiques des professionnels qui interviennent auprès des personnes adultes évoluant vers la dépendance motrice ou psychique ;
  • d’autres innovations, de niveau intermédiaire, ont un caractère plus transversal. Elles se rapportent par exemple à des formes d’organisation comme les réseaux ;
  • enfin, un dernier ensemble d’innovations organisationnelles met en jeu des dispositifs institutionnels. Les modifications de la législation ou de la réglementation encadrant un statut professionnel ou la création de dispositifs comme les « centres pour la vie autonome » à l’échelle départementale relèvent par exemple de ce troisième niveau.

De telles innovations organisationnelles concourent aux évolutions du système de santé. Elles doivent remplir les exigences permettant de répondre à la satisfaction du meilleur rapport coût/qualité.

Par ailleurs, l’évaluation est elle-même un dispositif organisationnel, souvent innovant, qui fait en tant que tel partie de l’innovation organisationnelle. Les méthodes de l’évaluation organisationnelle ne peuvent être dissociées de l’usage pragmatique qui en est fait.

 

Recommandations du Jury

Le jury constate que, malgré l’analyse de la littérature et les avis d’experts, il était parfois difficile d’appréhender la manière dont doivent être évaluées les innovations organisationnelles dans le cadre particulier de la prise en charge du retour et/ou du maintien au domicile d’une personne adulte évoluant vers la dépendance motrice ou psychique. Dans ce domaine spécifique, les innovations organisationnelles repérées présentent la particularité de décloisonner les champs sanitaires et sociaux. C’est la cas, par exemple, des dispositifs tels que :

  • l’hospitalisation à domicile (HAD) ;
  • l’hébergement temporaire ;
  • la mise en place de structures permettant à l’entourage de la personne dépendante de bénéficier de périodes de répit ;
  • la mise en place de certains réseaux de santé.

Les réseaux de santé constitués en vue de la prise en charge de personnes adultes évoluant vers la dépendance motrice ou psychique apparaissent aujourd’hui au jury comme l’une des formes les plus abouties de collaboration entre les champs sanitaires et sociaux. Le jury recommande que ces réseaux de santé dédiés à la prise en charge des personnes adultes évoluant vers la dépendance motrice ou psychique soient évalués selon les principes généraux d’évaluation des réseaux de santé proposés par l’ANAES.

Par ailleurs, le jury estime que l’évaluation pour l’évaluation n’est ni une fin en soi ni un a priori. L’évaluation ne doit pas être une barrière à la mise en place d’une innovation organisationnelle. Le jury recommande donc que l’évaluation des innovations organisationnelles soit engagée à l’initiative des acteurs impliqués et en respectant le calendrier de mise en place de cette innovation.

Lorsque l’évaluation répond à des finalités internes au projet organisationnel, c'est-à-dire lorsque les acteurs impliqués souhaitent évaluer l’innovation à laquelle ils prennent part, afin de la faire progresser (évaluation dite formative), le jury recommande que l’évaluation soit conduite par un comité de pilotage représentatif de la diversité des acteurs impliqués dans les champs sanitaires et sociaux.

L’évaluation d’une innovation organisationnelle peut porter non seulement sur des résultats, mais aussi sur des processus. L’innovation organisationnelle n’est pas toujours susceptible d’être évaluée au travers d’indicateurs quantitatifs. Si ces derniers sont utiles, des changements plus qualitatifs doivent aussi être pris en compte pour l’évaluation. Le jury recommande que l’évaluation d’innovations organisationnelles associe des méthodes quantitatives et qualitatives. Ces dernières sont mieux à même d’appréhender certains phénomènes multidimensionnels ou immatériels comme par exemple l’organisation des trajectoires, la fluidité des passages de relais ou encore la satisfaction des patients et des aidants.

 

Question 5 - La satisfaction du patient et des aidants est-elle un critère valide et crédible dans l’évaluation du retour et/ou du maintien au domicile ?

Position du problème

Pour l’OMS, la satisfaction du patient est une composante de la définition de l’évaluation de la qualité des soins : « l’évaluation de la qualité des soins est une démarche qui permet de garantir à chaque patient des actes diagnostiques et thérapeutiques assurant le meilleur résultat au moindre risque iatrogène et pour sa plus grande satisfaction en termes de procédures, de résultats, de contacts humains à l’intérieur du système de soins … ».

Il s’agit donc d’une notion subjective et qualitative. Elle dépend fortement du sujet, de ses attentes, de la perception des soins qu’il a reçus, et parfois même de l’influence de son environnement. En fait, la satisfaction ne naît pas de la simple perception de la prestation reçue, mais de la différence entre ce qui est attendu et ce qui est perçu. La satisfaction des patients est une variable continue, résultat de réactions émotionnelles et d’évaluations des différentes dimensions de soins, d’accompagnement et d’environnement social.

  • Pourquoi mesurer la satisfaction ?
    La satisfaction du patient doit être mesurée tant au regard de sa prise en charge sanitaire que sociale. Cette satisfaction est en effet un des critères de la qualité de cette prise en charge.

    La mesure de la satisfaction fait partie des solutions visant à favoriser «l’autonomie » du patient en le respectant comme acteur et non plus simplement comme individu passif. Mais le patient utilise des critères subjectifs dont l’amélioration qu’il ressent et la satisfaction des soins qui lui sont apportés.

    Cette mesure de la satisfaction du patient résume parfois à elle seule l’expression de la qualité des soins, permettant de connaître les capacités des professionnels de santé et des professionnels du secteur social à répondre aux valeurs et attentes du patient.

  • Quel est le champ d’évaluation de la satisfaction ?
    Dans cette interface hôpital-domicile, il existe une relation très étroite entre «patients » et « intervenants ». Il y a une multiplicité d’intervenants : la famille ou l’entourage immédiat deviennent souvent les médiateurs des professionnels de santé ou des travailleurs sociaux qui concourent à maintenir le malade au domicile.

a) Le patient
Un projet de sortie n’est pas toujours conçu dès que l’épisode aigu qui a justifié l’hospitalisation est stabilisé. De ce fait, la préparation à la sortie est insuffisante et l’information souvent déficiente tant pour le malade, pour les soignants que les aidants.

La conférence de consensus organisée par la Sofmer et l’Anaes en septembre 2004 a d’ailleurs affirmé nettement la nécessité d’inclure le patient le plus tôt possible dans la construction du projet de sortie.

Les interrogations sur la poursuite du traitement, sur la surveillance médicale, sur les recours en cas d’urgence, sur les soins de kinésithérapie ou de nursing, etc. sont nombreuses. Des informations et des réponses sont attendues et doivent être apportées au patient et à son entourage en précisant bien quelles filières de soins mais aussi quel environnement social sera mis en place (portage des repas à domicile, présence de travailleurs sociaux, aménagement du domicile, etc.).

D’éventuelles mesures de prévention aussi classiques que le « risque de chute par exemple », ne doivent pas être oubliées.

b) Les aidants
Nous distinguerons pour la compréhension du propos, les aidants que nous définissons comme toute personne de l’entourage du patient effectuant des soins ou favorisant le maintien à domicile à titre bénévole. Et parmi les professionnels, nous distinguerons les professionnels de santé et les travailleurs sociaux.

Il y a parfois un décalage entre le patient et les aidants sur les décisions à propos du retour ou du maintien au domicile : par exemple, le souhait des aidants, pour des raisons professionnelles ou d’aménagement du logement, de différer de plusieurs semaines une sortie du monde hospitalier pourtant voulue par le patient ou imposée par le secteur hospitalier. Les aidants comme les soignants disposent souvent d’une information insuffisante et méritent d’être mieux considérés, mieux entourés. La disponibilité et la diffusion d’outils d’informations, d’éducation sanitaire et sociale adaptés sont souhaitables. Le jury estime que les associations de patients peuvent apporter une contribution significative dans cet objectif.

 

Recommandations du Jury

Le jury constate que l’analyse de la littérature disponible ne permet pas aujourd’hui d’identifier en France un outil crédible de mesure de la satisfaction du patient. Les seuls éléments identifiés dans la littérature et par les experts semblent être des outils d’origine anglo-saxonne. Ceux-ci ne sont pas transposables, notamment en raison de la diversité des systèmes de prise en charge dans chaque pays.

Pour le jury, la prise en compte de la satisfaction du patient sortant de l’hôpital et évoluant vers la dépendance motrice ou psychique ainsi que celle des aidants est un critère valide et crédible.Le jury recommande par ailleurs, d’évaluer la satisfaction des autres acteurs « professionnels » dont l’appréciation peut être différente.

Le jury recommande dans cet objectif qu’un outil en langue française crédible et validé de mesure de la satisfaction des patients et des aidants soit développé

Cet outil devra respecter les normes méthodologiques habituelles d’évaluation psychométrique (fiabilité, validité et sensibilité).

Le jury estime que la crédibilité de cet outil repose sur sa lisibilité et son accessibilité compte tenu de la diversité des acteurs concernés.

Le jury recommande que cet outil soit un instrument au service d’une analyse plus générale du contexte de la sortie du monde hospitalier et du retour au domicile que certains appellent « proximologie »

Une sensibilisation à cette approche de l’ensemble des acteurs des soins, des aidants, des travailleurs sociaux s’avère indispensable. Elle devra être prise en compte comme un élément de la formation des différents acteurs.

 

Question 6 - Quelles recommandations proposer pour le financement du retour et/ou du maintien au domicile ?

Position du problème

La réponse à cette question a été pour le jury source d’un débat nourri et contradictoire. En conclusion de ce débat, le jury a estimé :

  • qu’il n’est pas interrogé sur les questions des problèmes financiers d’amont, des volumes globaux de financement, ni sur leur origine ;
  • que la conférence de consensus n’est pas le cadre approprié pour répondre à ces questions qui relèvent à l’évidence du domaine de la décision politique ;
  • que la société française aura, néanmoins, à répondre rapidement à ces questions compte tenu de l’évolution de la démographie, de l’augmentation du nombre des personnes évoluant vers la dépendance motrice ou psychique et des volumes financiers nécessaires ;
  • que pour ce qui le concerne, dans le cadre de cette conférence de consensus, il considère que le champ de la question concerne le mode d’attribution des financements existants.

 

Recommandations du Jury

Le jury recommande que les modes d’attribution des financements prennent en compte :

  • les problèmes posés par la multiplicité des sources de financement, la parcellisation de l’allocation de ressources, les cloisonnements du champ de la dépendance ;
  • l’absence de systèmes d’informations interopérables et de systèmes d’évaluation ;
  • et plus généralement, les risques analysés en réponse aux différentes questions précédentes.

Le jury recommande que le mode d’attribution des ressources, dans le cadre de la sortie du monde hospitalier et le retour au domicile d’une personne adulte évoluant vers la dépendance motrice ou psychique, réponde à trois principes fondamentaux :

  • transparence : le système actuel est opaque, car il fait intervenir de multiples acteurs dans des champs différents sans effort de lisibilité et de transparence commune ;
  • pérennité : cette condition permettra d’éviter les risques de rupture dans le fonctionnement de la prise en charge ;
  • solidarité : ce principe est ici entendu comme le fait d’être « pris en charge selon ses besoins et de payer selon ses moyens ».

Le jury recommande de privilégier l’allocation à la personne plutôt qu’aux institutions.

La complexité des sources de prises en charge des financements des acteurs et des institutions, constitue une difficulté supplémentaire pour une allocation optimale des ressources. L’objectif est ainsi d’améliorer les possibilités de choix pour les patients et/ou les aidants lorsque se présente la décision du retour au domicile ou du maintien dans le monde hospitalier.


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