Dépistage de la rétinopathie diabétique par lecture différée de photographies du fond d’œil

Recommandation en santé publique - Mis en ligne le 04 mars 2011

Objectifs

L’objectif du dépistage de la rétinopathie diabétique est de prévenir la déficience visuelle due à la rétinopathie, par l’identification précoce de la maladie et la mise en place d’une intervention adaptée.

Tous les diabétiques ne bénéficient pas d’un suivi ophtalmologique annuel tel que recommandé.

L’objectif général de ces recommandations en santé publique est d’améliorer le dépistage de la rétinopathie, en précisant les populations à dépister et les rythmes d’examen du fond d’œil des diabétiques, et en évaluant quels peuvent être l’intérêt et les conditions de réalisation d’un dépistage par lecture différée par l’ophtalmologiste de photographies du fond d’œil.


Messages clés

  • Un dépistage de la rétinopathie diabétique tous les deux ans est suffisant sous certaines conditions.
  • La rétinopathie diabétique est une complication oculaire d’une maladie chronique : son dépistage s’inscrit dans la prise en charge globale du diabète.
  • Des recommandations françaises définissant le diagnostic et le traitement de la rétinopathie diabétique selon les stades de gravité de la maladie doivent être établies selon une méthode validée.
  • Il existe plusieurs techniques et modalités organisationnelles de dépistage de la rétinopathie diabétique :
    • La biomicroscopie réalisée par l’ophtalmologiste reste validée ;
    • Les rétinographies couleurs peuvent être utilisées pour le dépistage de la rétinopathie diabétique sous certaines conditions de réalisation ;
    • La lecture différée de rétinographies peut être utilisée pour le dépistage de la rétinopathie diabétique sous certaines conditions de réalisation et pour des populations diabétiques sans rétinopathie diabétique diagnostiquée et âgées de moins de 70 ans ;
    • Un programme de dépistage organisé pourrait être mis en place sous réserve de respecter certaines conditions.
  • Les raisons à l’origine d’un dépistage insuffisant de la rétinopathie diabétique sont multiples et variables selon le territoire considéré et la population concernée. Compte tenu de la diversité des situations, il n’est pas possible de privilégier une stratégie de dépistage de la rétinopathie unique pour l’ensemble du territoire national. Il appartient au(x) décideur(s) de déterminer :
    • si un programme de dépistage par lecture différée de rétinographies peut être adapté aux besoins identifiés, ou si d’autres solutions doivent être envisagées ;
    • le niveau territorial approprié.

L’échelon régional semble être une échelle pertinente pour évaluer les besoins et déterminer les solutions les plus adaptées.

Recommandations


Un dépistage de la rétinopathie diabétique tous les 2 ans est suffisant sous certaines conditions

Concernant le rythme de dépistage de la rétinopathie diabétique, une observation du fond d’œil ne paraît pas indispensable tous les ans pour tous les patients diabétiques diagnostiqués :

  • en l’absence de rétinopathie diabétique, chez les diabétiques non insulino-traités, équilibrés pour l’hémoglobine glyquée (HbA1c) et la pression artérielle, un intervalle de dépistage de 2 ans est suffisant après un examen du fond d’œil de référence ;
  • en cas de diabète et/ou de pression artérielle mal contrôlés, un examen au moins annuel est nécessaire ;
  • pour la femme enceinte diabétique (hors diabète gestationnel), il est recommandé un dépistage avant la grossesse, puis trimestriel et en post-partum.


La rétinopathie diabétique est une complication oculaire d’une maladie chronique : son dépistage s’inscrit dans la prise en charge globale du diabète

  • L’objectif de contrôle du niveau d’hémoglobine glyquée et de la pression artérielle chez le patient diabétique doit être poursuivi pour la prévention des complications oculaires du diabète.
  • Les risques de complications oculaires d’un diabète non ou mal contrôlé et l’importance d’un examen du fond d’œil régulier doivent être régulièrement rappelés au patient par le professionnel de santé en charge du suivi du diabète.
  • Une coordination entre médecins généralistes, diabétologues, ophtalmologistes doit être mise en place : lors du dépistage de la rétinopathie diabétique, le médecin généraliste et/ou le diabétologue doit a minima transmettre à l’ophtalmologiste, outre les éléments administratifs nécessaires à l’identification du patient, le niveau d’hémoglobine glyquée, l’existence ou non d’une hypertension artérielle et l’ancienneté connue du diabète. L’ophtalmologiste doit transmettre au médecin généraliste et/ou au diabétologue et au patient le type d’examen réalisé, le diagnostic, le rythme de dépistage et/ou le délai de consultation ophtalmologique préconisés.Compte tenu de la difficulté d’établir l’ancienneté exacte du diabète (notamment pour le diabète de type 2), principal facteur de risque de la rétinopathie diabétique, un premier examen ophtalmologique comprenant notamment la mesure de l’acuité visuelle et l’observation du fond d’œil avec mydriase est nécessaire dans le cadre d’une consultation :
Chez l’adulte : 

au diagnostic, de diabète de type 2, ou lorsque la forme nosologique n’est pas certaine,

3 ans après le diagnostic de type 1 ;

Chez l’enfant diabétique : à partir de l’âge de 10 ans.

Des recommandations françaises définissant la démarche diagnostique et le traitement de la rétinopathie diabétique selon les stades de gravité de la maladie doivent être établies selon une méthode validée.


Il existe plusieurs techniques et modalités organisationnelles de dépistage de la rétinopathie diabétique

→ La biomicroscopie réalisée par l’ophtalmologiste reste validée.
→ Les rétinographies en couleurs peuvent être utilisées pour le dépistage de la rétinopathie diabétique sous certaines conditions de réalisation.

Deux rétinographies en couleurs de chaque œil, d’au moins 45° et interprétables, centrées sur la macula et sur la pupille sont adaptées au dépistage de la rétinopathie diabétique. La dilatation pupillaire est préférable. En cas de résultat positif du test de dépistage, un examen ophtalmologique complet, avec observation de la totalité du fond d’œil après mydriase, doit être réalisé pour établir le diagnostic et le degré de sévérité de la rétinopathie diabétique.

Le dépistage de la rétinopathie diabétique par photographies du fond d’œil nécessite des critères d‘interprétabilité des clichés définis et connus, une classification définie et validée dans les conditions de réalisation du test et connue des utilisateurs.

La classification publiée en 2007 proposée par des professionnels français fondée sur 3 clichés avec mydriase¹ pourrait être utilisée pour le dépistage de la rétinopathie diabétique, sous réserve de sa validation avec 2 clichés avec ou sans mydriase.

Des examens diagnostiques complémentaires ne doivent être effectués, si nécessaire, qu’une fois le stade de rétinopathie diabétique établi à partir d’un examen de la totalité du fond d’œil avec mydriase par biomicroscopie.

Afin d’assurer la fiabilité du test de dépistage de la rétinopathie diabétique par photographies du fond d’œil, il est recommandé de :

S’assurer de la qualité des photographies :

  • 2 clichés numériques en couleurs de chaque œil (au moins 45°), l’un centré sur la macula, l’autre sur la pupille*,
  • dilatation pupillaire préférable,
  • clichés pris par du personnel formé à cet effet, notamment infirmier ou orthoptiste*,
  • procédure d’assurance qualité mise en place pour contrôler régulièrement le pourcentage de photographies non interprétables* ;

S’assurer de la qualité de la lecture :

  • lecture par un ophtalmologiste dans un délai d’une semaine maximum*,
  • lecture d’au moins 500 photographies par an*,
  • taille d’écran ≥ 19 pouces*, dans un environnement avec une luminosité adaptée,
  • gradation selon une classification définie, validée pour identifier les cas de rétinopathie diabétique recherchés dans les conditions de réalisation du test et connue des utilisateurs,
  • procédure de double lecture mise en place pour contrôler la lecture*² sur un échantillon de photographies.
    La lecture différée de rétinographies peut être utilisée pour le dépistage de la rétinopathie diabétique sous certaines conditions de réalisation et pour des populations diabétiques sans rétinopathie diabétique diagnostiquée et âgées de moins de 70 ans.

→ Dans le cadre de la lecture différée des clichés pris par du personnel paramédical, transmis à l’ophtalmologiste et interprétés par lui à distance du patient, au-delà des critères de qualité des photographies et de lecture, il est recommandé de :


S’assurer de la qualité de la transmission des images :

  • compression des images ≤ 20 : 1 JPEG*,
  • résolution suffisante > 2 millions de pixels*,
  • sécurisation des données transmises* ;


S’assurer de la qualité de la transmission des résultats de l’examen de dépistage :

  • dans un langage standardisé qui donne au patient et au praticien en charge du diabète une indication aisément compréhensible du résultat de l’examen de dépistage et de la prise en charge recommandée,
  • avec une confidentialité et une sécurité dans la transmission et l’utilisation des données, par la mise en œuvre de moyens techniques appropriés (type de réseau, archivage, etc).

La réalisation de la mydriase pharmacologique par des professionnels paramédicaux peut être envisagée dans le cadre de protocoles de coopération entre professionnels de santé dans le respect des dispositions législatives et réglementaires.

La centralisation de la lecture des photographies du fond d’œil peut contribuer à la qualité d’interprétation des clichés. Un dépistage de la rétinopathie diabétique par lecture différée de photographies du fond d’œil ne doit être mis en place que si un taux de couverture suffisant, et en tout état de cause significativement supérieur à celui d’un dépistage par biomicroscopie au cours d’une consultation ophtalmologique, est atteint.

Un dépistage de la rétinopathie diabétique par lecture différée de clichés du fond d’œil doit s’assurer d’un taux de clichés ininterprétables suffisamment bas pour éviter au maximum la duplication des examens du fond d’œil ; la dilatation pupillaire améliore l’interprétabilité des clichés.

Dans un dépistage de la rétinopathie diabétique par lecture différée de clichés du fond d’œil, il n’est pas recommandé d’adresser à l’ophtalmologiste pour la prise en charge de la rétinopathie diabétique des patients présentant :

  • un nombre d’hémorragies ou de microanévrismes inférieur à la photographie standard 2A de l’ETDRS dans tous les champs et sans nodules cotonneux ;
  • ou des exsudats circinés de taille inférieure à une surface papillaire et/ou des exsudats à plus d’un diamètre papillaire de la macula.

La population la plus susceptible de bénéficier d’un dépistage de la rétinopathie diabétique par lecture différée de photographies du fond d’œil serait celle des patients diabétiques non diagnostiqués pour la rétinopathie, et âgés de moins de 70 ans. L’objectif de surveillance ophtalmologique de la population la plus âgée est le maintien d’une fonction visuelle correcte, garantie d’un maintien de l’autonomie. Compte tenu de l’importance des autres pathologies ophtalmologiques dans cette population, un examen ophtalmologique complet est préférable.


¹. Lecleire-Collet A, Erginay A, Angioi-Duprez K, Deb-Joardar N, Gain P, Massin P. Classification simplifiée de la rétinopathie diabétique adaptée au dépistage par photographies du fond d'œil. J Fr Ophtalmol 2007;30(7):674-87.
². Selon les recommandations du National Screening Committee, le contrôle est réalisé sur un échantillon de 10 % de clichés négatifs et sur l’ensemble des clichés présentant une anomalie.
* Avis HAS juillet 2007 sur l’interprétation des photographies du fond d’œil, suite à une rétinographie, avec ou sans mydriase.


→ Un programme de dépistage organisé pourrait être mis en place sous réserve de respecter certaines conditions.
Quelle que soit l’échelle de la mise en place du programme, il est nécessaire de préciser les objectifs poursuivis (pourquoi ?), la population cible (pour qui ?) et la mise en œuvre (comment ?), en définissant les modalités de recrutement des patients, de réalisation du test de dépistage et d’accès à une prise en charge globale pour toute personne dont le résultat de dépistage est positif. Ces dispositions doivent être définies en concertation avec les acteurs du programme ; elles doivent être détaillées dans un document écrit préalablement à la mise en place et mises à la disposition des acteurs du programme.

L’objectif d’un programme de dépistage de la rétinopathie diabétique par lecture différée de rétinographies est de prévenir la déficience visuelle due à la rétinopathie.
À cet effet, le programme doit contribuer :

  • à améliorer l’accès au dépistage ;
  • à permettre la prise en charge adaptée des patients atteints de rétinopathie diabétique avancée nécessitant un traitement ophtalmologique ;
  • à informer les patients des risques de complications oculaires auxquelles un diabète non ou mal contrôlé les expose et permettre la mise en place ultérieure d’un suivi régulier.

L’amélioration de l’état de santé des diabétiques passe par l’atteinte des objectifs opérationnels du programme que sont l’augmentation du taux de couverture et la réduction des inégalités d’accès au dépistage de la rétinopathie diabétique, en atteignant des patients diabétiques qui ne bénéficient pas d’un suivi ophtalmologique régulier.

Pour chacune des composantes du programme, les besoins en personnes et en matériels doivent être identifiés et financés avant la mise en place du programme. Concernant les personnes, il est nécessaire de préciser leurs compétences, leur formation, la régularité de leur pratique et leur disponibilité. Il est nécessaire de prévoir un responsable du programme, en charge du respect des conditions d’organisation de celui-ci.

La mise en place d’un programme de dépistage doit s’accompagner d’un dispositif d’assurance qualité visant à vérifier régulièrement l’application de toutes les dispositions prévues dans le programme.

Le système d’information d’un programme de dépistage de la rétinopathie diabétique par photographies du fond d’œil comprend le(s) rétinographe(s), le(s) logiciel(s) de gestion des clichés et des informations du dépistage, et les infrastructures et supports informatiques associés.

Une attention particulière doit être portée aux accès au système d’information, aux modalités de transmission des clichés et de transmission des résultats, et faire l’objet d’un processus formalisé avant la mise en œuvre du programme.

L’évaluation vise à établir a posteriori dans quelle mesure les objectifs du programme ont été atteints dans les conditions définies à l’origine. Le dispositif d’évaluation du programme doit être précisé avant sa mise en œuvre effective, en définissant les critères d’évaluation ainsi que les modalités de recueil des données et de leur analyse et le système d’information afférent.

Les raisons à l’origine d’un dépistage insuffisant de la rétinopathie diabétique sont multiples et variables selon le territoire considéré et la population concernée. Compte tenu de la diversité des situations, il n’est pas possible de privilégier une stratégie de dépistage de la rétinopathie unique pour l’ensemble du territoire national. Il appartient au(x) décideur(s) de déterminer :

  • si un programme de dépistage par lecture différée de rétinographies peut être adapté aux besoins identifiés, ou si d’autres solutions doivent être envisagées ;
  • le niveau territorial approprié



L’échelon régional semble être une échelle pertinente pour évaluer les besoins et déterminer les solutions les plus adaptées.

Une meilleure connaissance des facteurs de non-suivi ophtalmologique des diabétiques est nécessaire, afin notamment :

  • d’identifier des motifs de non-recours ;
  • d’identifier des solutions possibles :
    • sensibilisation des professionnels de santé aux risques de la rétinopathie diabétique,
    • sensibilisation accrue des patients à la rétinopathie diabétique et à l’importance du contrôle du diabète et de l’hypertension artérielle,
    • amélioration des pratiques et des processus de soins,
    • ciblage des interventions sur des sous-groupes à haut risque ou plus vulnérables,
    • amélioration de l’accès au dépistage et à la prise en charge, y compris les modalités de recrutement dans le cadre d’un programme de dépistage.

La mise en place d’un programme de dépistage par lecture différée de photographies du fond d’œil pourrait être une des réponses à un suivi ophtalmologique insuffisant de la population diabétique, sous réserve que :

  • les besoins en termes de suivi ophtalmologique des diabétiques soient établis à l’échelle du programme, préalablement à sa mise en œuvre ;
  • l’organisation de ce type de programme soit identifiée comme une solution possible pour améliorer le dépistage ;
  • les conditions d’organisation du programme définies dans ces recommandations soient assurées.

Elle peut être envisagée au niveau des agences régionales de santé.

 

Perspectives et pistes de recherche

Une évaluation clinique et économique précise des complications oculaires liées au diabète nécessite :

  • de développer le recueil et l’analyse de données épidémiologiques relatives à la rétinopathie diabétique en France en distinguant les diabétiques de type 1 et de type 2, à partir d’une classification validée et de préférence correspondant à une classification internationale elle-même validée ;
  • d’évaluer l’impact fonctionnel de la rétinopathie diabétique et de l’œdème maculaire sur la vue et la qualité de vie des diabétiques, avant et après traitement ;
  • de décrire précisément le suivi ophtalmologique des patients diabétiques ;
  • de mesurer le coût de la rétinopathie diabétique en France ;
  • d’améliorer la connaissance de la malvoyance et de la cécité en France et de leurs facteurs de risque.


Chiffres clés

  • Prévalence du diabète traité en France : environ 4 %, soit plus de 2,5 millionsde personnes, avec des disparités géographiques et selon les classes d’âge.
  • Consultation ophtalmologique annuelle : environ 50 % des patients (72 % sur une période de 2 ans).
  • Prévalence de la rétinopathie en populations diabétiques : estimée entre 7,9 % (prévalence déclarée) et de l’ordre de 25 % - 31 % (prévalences observées).
  • Incidence cumulée de la rétinopathie diabétique : 5,3 % à 1 an et 30,5 % à 5 ans chez les diabétiques de type 2 pour tous les stades de rétinopathie ; 0,3 % à 1 an et 3,9 % à 5 ans pour les formes menaçant la vision (étude au Royaume-Uni 1991-1999).
  • Sur la base des trois expériences locales de dépistage par lecture différée de rétinographies, 19 200 patients ont été dépistés ; 3 834 (19,9 %) avaient une rétinopathie diabétique, 826 (4,3 %) une rétinopathie diabétique non proliférante sévère, une rétinopathie diabétique proliférante ou un œdème maculaire.

Voir aussi