Évaluation de l’extension du dépistage néonatal à une ou plusieurs erreurs innées du métabolisme par spectrométrie de masse en tandem. 1er volet : déficit en MCAD

Recommandation en santé publique - Mis en ligne le 13 juil. 2011

Évaluer la pertinence de l’extension du dépistage néonatal au déficit en MCAD par la technologie de spectrométrie de masse en tandem (MS/MS) et, le cas échéant, proposer des recommandations sur sa mise en place. Les questions suivantes ont été évaluées :

  • Quelle est l’utilité clinique et en santé publique du dépistage néonatal du déficit en MCAD en population générale ?
  • Quels sont les enjeux éthiques de l’extension du dépistage néonatal au déficit en MCAD par la technique de spectrométrie de masse en tandem ?
  • Quel est l’impact organisationnel ?
  • Quel est l’impact économique ?
  • Quelle est l’évaluation programmatique à mettre en place ?

Le deuxième volet de ce travail, prévu ultérieurement, évaluera la pertinence de l’extension du dépistage par spectrométrie de masse en tandem à d’autres erreurs innées du métabolisme ne faisant pas l’objet d’un dépistage néonatal en France.

 

Le déficit en MCAD est une maladie métabolique héréditaire caractérisée par une incapacité de l’organisme à assimiler les graisses. Bien que les enfants qui présentent un déficit en MCAD n’aient pas de symptômes à la naissance, ils peuvent développer une crise métabolique en période de jeûne (lors d’une infection banale par exemple). Cette dernière peut rapidement entrainer un coma ou la mort.

La prise en charge à long terme consiste en un traitement préventif sous forme de mesures diététiques visant à éviter les périodes de jeûne et à augmenter l’apport en hydrates de carbone lorsque l’enfant se trouve en situation où ses besoins énergétiques sont augmentés. Lorsqu’il est instauré précocement, ce traitement préventif réduit la morbidité et la mortalité à quasiment zéro.

La prévalence du déficit en MCAD est comprise entre 1/8 000 et 1/25 000 naissances dans les pays européens. Elle n’est pas connue en France. En l’absence de dépistage, deux tiers à trois quarts des patients développent une crise métabolique qui entrainera le décès dans 20% des cas et des séquelles neurologiques dans 10% des cas. Les données étrangères issues de programmes de dépistage néonatal indiquent que la mortalité due à un déficit en MCAD est 4 fois moindre parmi les enfants dépistés.

Une modélisation de l’extension du dépistage néonatal au déficit en MCAD couplé au passage à la MS/MS pour dépister la phénylcétonurie en France suggère que ce dépistage permet d’éviter 5 décès chez des enfants de moins de 5 ans et le développement de séquelles neurologiques chez 2 autres enfants avec un ratio coût-efficacité inférieur à 10 000 € par année de vie sauvée et par année de vie ajustée sur la qualité (QALY).

La HAS recommande l’extension du dépistage néonatal au déficit en MCAD en population générale. Ce dépistage est réalisé par la technologie de spectrométrie de masse en tandem sur le carton Guthrie. L’introduction de cette technologie implique une réduction du nombre de laboratoires réalisant les tests de dépistage pour assurer la qualité de l’expertise technique et en garantir l’efficience. La mise en œuvre de ce dépistage nécessite la formation du personnel et le développement de matériel d’information adapté aux différents publics ainsi que la mise en place du suivi et de l’évaluation du programme.

 

Recommandations pour l'extension du dépistage néonatal au déficit en MCAD*

* Acyl-CoA déshydrogénase des acides gras à chaîne moyenne

 

Messages clés

La HAS recommande l’extension du dépistage néonatal au déficit en MCAD en population générale.

  • Ce dépistage est réalisé par la technologie de spectrométrie de masse en tandem sur le carton Guthrie.
  • L’introduction de cette technologie implique une réduction du nombre de laboratoires réalisant les tests de dépistage pour assurer la qualité de l’expertise technique et en garantir l'efficience.
  • La mise en œuvre de ce dépistage nécessite la formation du personnel et le développement de matériel d’information adapté aux différents publics ainsi que la mise en place du suivi et de l’évaluation du programme.


Contexte et objectif

Le dépistage néonatal est une action de santé publique visant à détecter dès la naissance certaines maladies graves, d’origine génétique pour la plupart, et à mettre en œuvre, avant l’apparition de symptômes, un traitement ou une prise en charge adaptée afin d’éviter ou de réduire la morbi-mortalité.

En France, 5 maladies font actuellement l’objet d’un dépistage néonatal par des tests biologiques réalisés sur une goutte de sang recueillie sur papier buvard : la phénylcétonurie, l’hypothyroïdie congénitale, l’hyperplasie congénitale des surrénales, la drépanocytose et la mucoviscidose.

Ces recommandations pour l’extension du dépistage néonatal au déficit en MCAD sont issues d’une évaluation a priori de l’extension du dépistage néonatal à une ou plusieurs erreurs innées du métabolisme par la technologie de spectrométrie de masse en tandem (MS/MS).

Elles s’inscrivent dans une perspective d’amélioration de l’état de santé de la population (diminution de la morbi-mortalité), de diminution des inégalités de santé, de rationalisation de l’utilisation des ressources et d’amélioration des pratiques médicales.


Erreurs innées du métabolisme à dépister

  1.    La HAS recommande d’élargir au déficit en MCAD le dépistage néonatal en population générale en France. Ce dépistage implique nécessairement l’utilisation de la technologie de spectrométrie de masse en tandem (MS/MS).
  2.    En corollaire, pour des raisons d’efficience, la HAS recommande également le passage à la MS/MS pour le dépistage néonatal de la phénylcétonurie (PCU).
  3.    La HAS souligne qu’un élargissement du dépistage néonatal par MS/MS à d’autres erreurs innées du métabolisme nécessite une évaluation préalable de l’utilité clinique et de la légitimité éthique de chacun de ces dépistages.
  4.    Dans un objectif d’acquisition et de maintien de l’expertise ainsi que d’efficience, la HAS recommande que les laboratoires de biologie médicale équipés en MS/MS pour l’activité de dépistage néonatal réalisent un nombre minimum de tests de l’ordre de 50 000 par an.

    Modalités de mise en oeuvre

  5.    Ce seuil minimum implique une diminution du nombre de laboratoires en charge du dépistage néonatal (actuellement au nombre de 22) qui devrait être compris entre 5 et 15 laboratoires équipés en MS/MS. La HAS indique qu’en toute logique, il n’apparaît pas efficient de maintenir en parallèle le réseau existant de 22 laboratoires en charge du dépistage des maladies faisant appel à des technologies autres que la MS/MS. En conséquence, la HAS recommande que tous les tests de dépistage soient effectués dans les 5 à 15 laboratoires équipés en MS/MS.
  6.    La HAS propose que le choix des laboratoires soit effectué en fonction :
    de critères démographiques ;
    des compétences existantes ;
    des réseaux de collaboration interrégionaux.
  7.    Compte tenu des effets potentiels d’une telle réorganisation, la HAS recommande que l’élargissement du dépistage néonatal au déficit en MCAD et le passage à la MS/MS pour dépister la PCU soient réalisés de façon progressive, en commençant par une ou deux interrégions, afin d’en assurer pas à pas la bonne mise en œuvre.
  8.    La HAS recommande que soient utilisés un algorithme validé de dépistage du déficit en MCAD et de la PCU ainsi qu’un schéma de prise en charge standardisé des cas de déficit en MCAD dépistés.
  9.    La mise en place de ce dépistage devra s’appuyer sur les structures existantes. La HAS recommande que soient élaborées des recommandations précises de prise en charge et de suivi des patients présentant un déficit en MCAD, en lien avec les centres de référence.
  10.     La HAS recommande que la proposition d’élargissement du dépistage néonatal soit accompagnée d’une formation de l’ensemble des professionnels de santé impliqués dans le dépistage néonatal. Cette formation devra porter tant sur les aspects techniques que sur les aspects relationnels, en particulier sur la délivrance de l’information.
  11.     La HAS recommande qu’une première information sur le dépistage néonatal soit donnée aux parents pendant la grossesse, au cours des consultations prénatales du troisième trimestre. 
  12.     La HAS recommande que soit développé du matériel d’information adapté aux différents publics, y compris les parents et les futurs parents, les professionnels de santé impliqués dans le dépistage néonatal et la prise en charge des maladies dépistées, les patients et leurs familles ainsi que le public en général.

    Suivi et évaluation

  13.     La HAS recommande que soit mis en place un système d’assurance qualité visant à évaluer les performances et à améliorer la qualité des différentes composantes du programme de dépistage néonatal (information, laboratoire, diagnostic, suivi et prise en charge).
  14.     La HAS recommande que soit mis en place un système de suivi et d’évaluation permettant d’évaluer la structure, les processus, les résultats et l’impact du programme de dépistage néonatal. La HAS souligne en particulier l’importance de l’évaluation de l’impact à long terme du programme de dépistage néonatal.
  15.     La HAS recommande l’utilisation des indicateurs suivants (au minimum, liste non exhaustive) :
    taux de participation ;
    taux de rappel pour résultat anormal ;
    prévalence (et distribution des différentes mutations) ;
    valeur prédictive positive ;
    taux de faux négatifs ;
    délai de prise en charge ;
    taux de suivi ;
    résultats cliniques (évolution clinique, complications, décès).
  16.     La HAS recommande qu’une réflexion sur l’archivage et l’utilisation possible ultérieure des échantillons (buvards) dans des conditions assurant la protection de la vie privée de l’individu et de la famille soit initiée.


Perspectives

Le 2e volet des travaux de la HAS concernera l’évaluation de l’extension du dépistage néonatal à d’autres erreurs innées du métabolisme par la technologie de spectrométrie de masse en tandem.

Chiffres clés

  • La prévalence du déficit en MCAD est comprise entre 1/8 000 et 1/25 000 naissances dans les pays européens. Elle n’est pas connue avec précision en France.
  • En l’absence de dépistage, deux tiers à trois quarts des patients développent une crise métabolique qui entraînera le décès dans 20 % des cas et des séquelles neurologiques dans 10 % des cas.
  • Les données étrangères issues de programmes de dépistage néonatal indiquent que la mortalité due à un déficit en MCAD est 4 fois moindre parmi les enfants dépistés.
  • Une modélisation de l’extension du dépistage néonatal au déficit en MCAD couplé au passage à la MS/MS pour dépister la PCU en France suggère que ce dépistage permet d’éviter, chaque année, 5 décès chez des enfants de moins de 5 ans et le développement de séquelles neurologiques chez 2 autres enfants avec un ratio coûtefficacité inférieur à 10 000 € par année de vie sauvée et par année de vie ajustée sur la qualité (QALY).

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