La participation au dépistage du cancer du sein des femmes de 50 à 74 ans en France

Situation actuelle et perspectives d’évolution
Recommandation en santé publique - Mis en ligne le 03 févr. 2012

Proposer des recommandations permettant d’augmenter la participation des femmes de 50 à 74 ans, d’améliorer la participation au dépistage organisé, ainsi que des recommandations sur l’opportunité de conserver ou de supprimer la coexistence du dépistage organisé et du dépistage individuel pour les femmes de plus de 50 ans en France.

 

Le cancer du sein est le cancer le plus fréquent chez la femme et la principale cause de mortalité par cancer.
Depuis 2004, la France a mis en place un dépistage organisé du cancer du sein afin de permettre à toutes les femmes de 50 à 74 ans d’accéder à une prise en charge précoce, et de qualité. Ce dispositif national coexiste avec un dépistage individuel. Il ne bénéficie, huit ans plus tard, qu’à la moitié des femmes concernées.
A partir d’un état des lieux de la situation actuelle, la HAS a analysé différents scénarios d’évolution du dépistage du cancer du sein en termes d’efficience et de faisabilité.
Les conclusions et constats dressés à l’issue de cette évaluation ont conduit la HAS à émettre des recommandations en santé publique dont les objectifs sont de :

    • favoriser l’accès pour toutes les femmes à un dispositif de santé publique de qualité et limiter le renoncement à la prévention et aux soins ;
    • améliorer l’efficacité et l’efficience du dépistage du cancer du sein ;
    • renforcer la place des professionnels de santé dans dispositif organisé ;
    • rendre plus lisible la politique de dépistage du cancer du sein en France et faciliter son appropriation par les professionnels de santé et les femmes ;
    • favoriser les bonnes pratiques professionnelles ;
    • rationaliser les consommations de soins et l’utilisation des ressources collectives.

 

Synthèse des recommandations en santé publique


Contexte

Le dépistage organisé (DO) du cancer du sein a été généralisé à l’ensemble de la population des femmes de 50 à 74 ans en France en 2004. La possibilité d’un dépistage individuel (DI) sur prescription médicale subsiste et cette coexistence a un impact sur l’efficacité et l’efficience du DO par le biais d’un moindre taux de participation des femmes au DO (orientées vers le DI).

Ces recommandations se fondent sur une évaluation qui a consisté en une analyse de la situation actuelle et de ses perspectives d’évolution.

Elles s’inscrivent dans le cadre du Plan Cancer 2009-13. Elles sont destinées à la Direction générale de la santé mais concernent également tous les professionnels de santé et associations de patients/usagers impliqués dans le dépistage et la prise en charge du cancer du sein ou sur les questions de prévention et d'accès aux soins.


Messages clés

S’assurer que les conditions sont réunies pour permettre un choix libre et éclairé des femmes concernant leur participation ou non au dépistage du cancer du sein, quelle qu’en soit la modalité (DI ou DO) Les femmes, susceptibles de tirer avantage du dépistage du cancer du sein et qui souhaitent en bénéficier, doivent être orientées vers le programme organisé par les professionnels de santé.
De ce point de vue, la HAS recommande aux pouvoirs publics :

  • de maintenir le cap du dépistage organisé tout en le renforçant ;
  • de créer les conditions permettant, chez les femmes ne présentant pas un haut risque de développer un cancer du sein, de limiter les pratiques de DI dans la population cible du DO.

 

Objectif

Ces recommandations visent à :

  • rendre lisible la politique de dépistage du cancer du sein en France et faciliter son appropriation par les professionnels de santé et les femmes ;
  • favoriser les bonnes pratiques professionnelles ;
  • rationaliser les consommations de soins et l’utilisation des ressources collectives ;
  • favoriser l’accès pour toutes les femmes à un dispositif de santé publique de qualité et limiter le renoncement à la prévention et aux soins ;
  • remettre les professionnels de santé au cœur du dispositif ;
  • améliorer l’efficacité et l’efficience du dépistage du cancer du sein.

 

Information des femmes

1. S’assurer du choix libre et éclairé des femmes de participer ou non au dépistage du cancer du sein, quelle qu’en soit la modalité (DI ou DO).

  • Synthétiser et mettre à jour régulièrement les informations relatives aux bénéfices et aux risques du dépistage, puis les communiquer aux professionnels de santé (campagnes nationales ou actions régionales et locales) ;
  • Compléter le niveau de connaissance et d’information des femmes sur le dépistage du cancer du sein après 50 ans.


Codification des mammographies

2. Modifier la Classification commune des actes médicaux (CCAM) :

  • Mammographies de dépistage organisé ou réalisées chez les femmes présentant des facteurs de risque de cancer du sein impliquant un haut risque de développer un cancer du sein (quel que soit leur âge) ;
  • Mammographies de dépistage réalisées sur prescription (i.e. DI chez des femmes ne présentant pas de facteur de risque impliquant un haut risque de cancer du sein) ;
  • Autres mammographies, en dehors des situations de dépistage.

 

Orientation des femmes vers le DO et limitation du DI

3. Orienter les femmes susceptibles de tirer avantage du dépistage du cancer du sein et qui souhaitent en bénéficier vers le programme organisé.

3.1. Information et actions ciblées, amélioration de l’attractivité du DO :

  • Changer l’image du programme organisé de façon ciblée :
    • Distinguer et décliner les actions et supports d’information et de communication (femmes non dépistées, femmes ayant recours au DI, localement) ;
    • Mettre en œuvre des actions de promotion et d’éducation à la santé associant les publics concernés (femmes non dépistées et/ou des territoires à faible participation au dépistage) ;
    • Proposer des actions et supports de communication spécifiques : femmes ayant déjà bénéficié d’une mammographie de dépistage, femmes de plus de 60-65 ans.
  • Convaincre et emporter l’adhésion des professionnels de santé vis-à-vis du DO :
    • Gynécologues et médecins traitants :
      • Actions et supports d’information et de communication ainsi que de formations (initiale et développement professionnel continu [DPC]),
      • Association plus étroite aux processus d’élaboration des contenus des messages d’information et de communication relatifs au DO,
      • Rôle vis-à-vis du DO.
    • Radiologues (renforcement de leur implication dans le DO) :
      • rappel ciblé sur les radiologues peu participants au DO de leurs engagements de bonne pratique,
      • accès facilité aux formations dédiées au DO (formation initiale et DPC),
      • soutien (au plan local) aux associations de radiologues à caractère confraternel.

3.2. Incitations et évolutions organisationnelles :

  • Prescription/demande au radiologue de mammographies de DO via le libellé « Mammographie de dépistage organisé », éventuellement complété par « échographie si jugée nécessaire », et généralisation des outils facilitant l’inclusion des femmes dans le DO ;
  • Transmission systématique des résultats (quels qu’ils soient) de la mammographie de DO au médecin traitant et au gynécologue (si la patiente l’accepte) ;
  • Amélioration de l’inclusion des femmes dans le DO par les médecins traitants (retour systématique d’informations, objectif de santé publique portant sur la participation au DO) ;
  • Incitation(s) visant à associer les gynécologues de façon plus active au DO ;
  • Veiller à la conformité des pratiques des radiologues, au respect des seuils minimaux d’activité et de la part de l’activité consacrée au DO et au respect du cahier des charges du DO, à Paris et pour une partie des départements d’Ile-deFrance ainsi que dans quelques métropoles (à défaut retrait de l’agrément) ;
  • Prise en charge à 100% avec tiers payant de l’échographie pratiquée en DO.


3.3. Limitation des pratiques de dépistage individuel dans la population cible du DO :

  • Non prise en charge financière progressive et accompagnée de la mammographie de DI chez les femmes de 50 à 74 ans (en dehors du haut risque de cancer du sein)
    • A minima, la modification de la CCAM constitue une étape préalable indispensable à la mise en œuvre de la non prise en charge de cet acte ;
    • Accompagner la non prise en charge financière progressive d’actions de communication d’envergure sur les avantages du DO par rapport au DI.


3.4. Pilotage et évaluation du programme organisé :

  • Clarifier les rôles des acteurs institutionnels ou associatifs du DO
    • Renforcement du pilotage du programme au niveau national et au niveau régional,
    • Appui plus important de l’action des structures de gestion et harmonisation de leurs appellations en « centres de coordination des dépistages ».
  • Compléter l’évaluation du programme organisé pour en faciliter le pilotage :
    • Mettre en place un espace partagé d’informations permettant la transmission automatisée et régulière des résultats communiqués par les structures de gestion,
    • Compléter l’évaluation des performances et de l’impact du DO (évaluation organisationnelle, données de coût et indicateurs économiques, évaluation des actions de sensibilisation et d’information, réduction de la morbi-mortalité),
    • Développer des indicateurs permettant d’apprécier les performances du dépistage en termes de réduction des inégalités sociales d’accès aux soins.


Perspectives et pistes de recherche

  • Impact du passage à la mammographie numérique sur le DO
  • Évaluation des sur-diagnostics et sur-traitements liés au dépistage et recherche permettant de documenter la question de la réduction de la mortalité.
  • Évaluation économique du dépistage du cancer du sein en France
  • Indications de l’échographie mammaire dans le dépistage
  • Impact des contrats d’amélioration des pratiques individuelles et des nouveaux modes de participation sur la participation au DO et au DI
  • Évaluation des résultats du DI
  • Pertinence de la 2ème lecture en DI (mammographies classées en ACR3)
  • Stratégies de communication et messages à destination des femmes les plus âgées
  • Communication et messages à destination des femmes les plus âgées
  • Évaluation de la territorialisation du sous-dépistage et des facteurs d’inégalités

 

Données clés

  • 52 588 cas de cancer du sein (en 2010) : cancer le plus fréquent chez la femme.
  • 11 605 décès : 1ère cause de mortalité par cancer chez la femme (2008).
  • Coût total du cancer du sein : 3,2 milliards d’€ (2004).
  • Population cible du DO : 4 millions de femmes/an.
  • Taux de participation au DO en 2009-10 : 52,1% (objectif 2013 Plan Cancer : 65%).
  • DI : 10 % des mammographies réalisées entre 50 et 74 ans.
  • Coût total du dépistage (DO) (Tous financeurs) 216,3 millions d’€ en 2008 (13 510 € par cancer dépisté), dont 211,1 millions d’€ pour l’assurance maladie.
  • Coût total du DI (tous financeurs) : 37,6 millions d’€ (dont 24,4 millions d’€ pour l’Assurance maladie)

Voir aussi