Dépistage du cancer du sein en France : identification des femmes à haut risque et modalités de dépistage

Recommandations de santé publique
Recommandation en santé publique - Mis en ligne le 19 mai 2014

Le cancer du sein est, en France, le plus fréquent des cancers chez la femme et la première cause de décès par cancer. Un programme national de dépistage organisé du cancer du sein a été mis en place, en France, en 1994, par la Direction générale de la santé (DGS) et généralisé à tout le territoire au début de l’année 2004. Il a pour cible les femmes âgées de 50 à 74 ans, qui bénéficient d’un examen clinique des seins et d’une mammographie de dépistage tous les 2 ans ainsi que d’une double lecture systématique en cas de cliché normal ou bénin. En sont exclues les femmes présentant des « facteurs de risque importants ».


À la demande de l’INCa et dans le cadre du Plan Cancer 2009-2013, la HAS a souhaité élaborer des recommandations sur le dépistage du cancer du sein chez les femmes à haut risque.


Un premier travail (volet 1) a porté sur l’identification des facteurs de risque (FdR) du cancer du sein. La description des facteurs de risque a été réalisée au moyen d’une revue systématique de la littérature épidémiologique et un classement des FdR a été effectué avec l’aide d’un groupe de travail pluridisciplinaire réuni par la HAS en octobre 2011. Ce classement a permis de distinguer deux groupes :

  • groupe 1 : FdR pour lesquels l’évaluation conduite par la HAS dans le cadre du volet 1 a montré qu’il n’était pas nécessaire d’aménager les modalités de dépistage par rapport au programme national de dépistage organisé actuellement proposé ;
  • groupe 2 : FdR justifiant potentiellement, du point de vue épidémiologique, un dépistage spécifique, pour lesquels il est apparu nécessaire de poursuivre l’évaluation à la recherche de stratégies de dépistage efficaces, sûres et efficientes.


Le second travail (volet 2) a porté sur la recherche des stratégies efficaces, sûres et efficientes pour les facteurs de risque du groupe 2. En l’absence d’étude mesurant l’efficacité comparative de plusieurs stratégies de dépistage dans les différents groupes à risque sur des critères de réduction de la mortalité, les recommandations sont fondées essentiellement sur l’avis des experts, réunis au sein d’un groupe de travail pluridisciplinaire dont l’accord a été formalisé selon les méthodes en vigueur à la HAS. Des stratégies de dépistage spécifiques ont été proposées pour les quatre situations suivantes :

  • Antécédent personnel de cancer du sein et de carcinome canalaire in situ ;
  • Antécédent d’irradiation thoracique médicale à haute dose (antécédent de maladie de Hodgkin) ;
  • Antécédent personnel d’hyperplasie canalaire ou lobulaire atypique et de carcinome lobulaire in situ ;
  • Antécédent familial de cancer du sein avec score d’indication à la consultation d’oncogénétique (score d’Eisinger) ≥ 3 ET pas d’identification d’une mutation BRCA1 ou 2 dans la famille (ou recherche non réalisée).


En dehors de ces situations, il est rappelé qu’il n’y a pas lieu de réaliser une mammographie ou une échographie mammaire de dépistage en dehors de la tranche d’âge de participation au programme national de dépistage organisé, c’est-à-dire entre 50 et 74 ans.

Recommandations

Les présentes recommandations constituent le deuxième volet des recommandations en santé publique concernant le dépistage du cancer du sein chez les femmes à haut risque élaborées par la HAS à la demande de l’INCa. Le premier volet porte sur l’identification des facteurs de risque du cancer du sein pour lesquels un dépistage spécifique (en dehors du programme national de dépistage organisé) peut être envisagé et discuté.

Ces recommandations sont fondées sur l’avis argumenté des experts rassemblés au sein d’un groupe de travail, à partir d’une revue critique de la littérature et des commentaires formulés par un groupe de lecture. Elles devront faire l’objet d’une révision en fonction de la publication de données de plus haut niveau de preuve.

Les présentes recommandations n’abordent pas le cas des femmes chez lesquelles des mutations génétiques (mutations constitutionnelles d’un gène de prédisposition au cancer du sein) ont été identifiées. Des recommandations sont, en effet, actuellement en cours d’actualisation, sur la base de celles publiées en 2009, sous la responsabilité de l’INCa, concernant les modalités de surveillance des femmes ayant une mutation BRCA.

Par ailleurs des travaux sont également en cours à la HAS concernant la pertinence du dépistage du cancer du sein chez les femmes âgées de 40 à 49 ans, de 70 à 74 ans et de 75 à 79 ans en France. Ils aborderont la question de l’extension du dépistage organisé aux deux tranches d’âge actuellement non concernées par le programme national.

Recommandations préliminaires

La HAS rappelle qu’en l’absence des facteurs de risque pour lesquels un dépistage spécifique du cancer du sein est recommandé, il n’y a pas lieu de réaliser une mammographie ou une échogra- phie mammaire de dépistage en dehors de la tranche d’âge de participation au programme national de dépistage organisé, c’est-à-dire entre 50 et 74 ans.

La HAS rappelle également qu’un examen clinique mammaire annuel doit être réalisé par le médecin traitant ou le gynécologue chez toute femme, qu’elle soit à haut risque ou non, à partir de l’âge de 25 ans.

La HAS rappelle enfin qu’en cas de mutation du gène BRCA1 ou BRCA2 identifiée au sein d’une famille mais non retrouvée chez une femme ayant accepté de réaliser un test familial ciblé pour connaître son statut mutationnel, aucune surveillance spécifique n’est recommandée. La femme doit être incitée à participer au programme national de dépistage organisé.

Des recommandations concernant les stratégies de dépistage du cancer du sein à proposer aux femmes sont formulées pour les situations suivantes, identifiées à l’issue du premier volet des présents travaux d’évaluation. Il convient cependant de tenir compte de l’âge de la patiente et des comorbidités, dans la mise en application de ces recommandations. Par ailleurs la femme doit être en mesure de faire un choix libre et éclairé, conformément aux recommandations sur le dépistage du cancer du sein publiées par la HAS en 2011.

Situations ne nécessitant pas un dépistage spécifique

  • En cas de densité mammaire radiologique après la ménopause supérieure à 75 % (type 4 de la classification BIRADS de l’ACR)1

La HAS considère qu’aucun dépistage spécifique par imagerie ne doit être proposé en dehors de la participation au programme national de dépistage organisé. Seule une échographie mammaire peut être réalisée par le radiologue devant des difficultés d’interprétation de la mammographie en raison de l’effet masquant de la densité sur la détection des lésions.


1. La densité mammaire élevée avant la ménopause n’a pas été retenue comme un facteur de risque à l’issue des tra- vaux du volet 1.

  • En cas de traitement hormonal substitutif ou traitement hormonal de la ménopause en cours

En cas de prescription avant 50 ans et en l’absence de données suffisantes pour déterminer la balance bénéfice-risque de la mammographie, aucune surveillance radiologique spécifique n’est recommandée.
En cas de prescription après 50 ans, aucune surveillance radiologique spécifique n’est recommandée. La femme doit être incitée à participer au programme national de dépistage organisé.

Situations nécessitant un dépistage spécifique

  • En cas d’antécédent personnel de cancer du sein ou de carcinome canalaire in situ

La HAS recommande la réalisation d’un examen clinique tous les 6 mois pendant 2 ans puis annuellement.
Une mammographie annuelle, unilatérale ou bilatérale selon le type de chirurgie réalisé, doit être effectuée, en association avec une éventuelle échographie mammaire en fonction du résultat de la mammographie.
Dans l’attente d’études de niveau de preuve suffisant, ce suivi est recommandé sans limite de durée.

  • En cas d’antécédent d’irradiation thoracique médicale à haute dose (antécédent d’irradiation pour maladie de Hodgkin)

La décision de surveillance est à l’initiative de l’onco-hématologue en fonction de la dose reçue par la femme et des champs d’irradiation. Le médecin traitant et la patiente doivent être informés de la surveillance préconisée, si possible par l’intermédiaire d’un protocole écrit.
La HAS recommande la réalisation d’un examen clinique annuel à partir de 8 ans après la fin de l’irradiation et au plus tôt à 20 ans.
Une IRM mammaire annuelle doit être effectuée à partir de 8 ans après la fin de l’irradiation et au plus tôt à 30 ans.
En complément de l’IRM réalisée en premier examen, la HAS recommande la réalisation d’une mammographie annuelle (une incidence oblique) en association avec une éventuelle échographie mammaire.
Dans l’attente d’études de niveau de preuve suffisant, ce suivi est recommandé sans limite de durée.

  • En cas d’antécédent familial de cancer du sein avec score d’Eisinger d’indication de la consultation d’oncogénétique ≥ 3 ET recherche initiale de mutation des gènes BRCA1 et BRCA2 non informative dans la famille (c’est-à-dire en l’absence d’identification d’une mutation BRCA1 ou 2) OU recherche initiale non réalisée2

Rappels préliminaires

1) Le score d’Eisinger est un score familial d’analyse de l’arbre généalogique, utilisé pour valider l’indication de la consultation d’oncogénétique (cf. recommandation de l’INCa de 2009 sur la prise en charge des femmes porteuses d’une mutation BRCA1/2). Il doit être réévalué dans une même famille si de nouveaux cas de cancers surviennent. Il peut permettre également de graduer le risque de prédisposition génétique au cancer du sein en l’absence de mutation familiale identifiée. La probabilité de prédisposition héréditaire est plus élevée pour les scores d’au moins 5 que pour les valences 3 ou 4.
2) En cas de score d’Eisinger < 3, il est rappelé que la femme doit être incitée à participer au programme national de dépistage organisé.

Les recommandations ci-dessous concernent donc le cas des femmes ayant  un  antécédent familial de cancer du sein avec score d’Eisinger d’indication de la consultation d’oncogénétique ≥ 3 ET recherche de mutation non informative au niveau familial OU recherche non réalisée.

Dans l’une de ces deux situations, l’oncogénéticien évalue le niveau de risque personnel de cancer du sein au vu de l’arbre généalogique et de l’âge de la patiente. Il peut utiliser différentes méthodes et notamment un calcul individuel de risque dont le score de Boadicea. L’utilisation de ce score ou d’autres méthodes est réservée exclusivement à un usage dans le cadre de la consultation d’oncogénétique.

Dans ce cadre, l’évaluation du risque personnel de cancer du sein doit permettre de distinguer deux niveaux de risque : très élevé et élevé. La distinction entre risque très élevé et élevé dépend d’un seuil ou d’un algorithme de décision spécifique à chaque méthode d’estimation choisie. Même s’il n’y a pas à ce jour de méthode standard recommandée3 ni de seuil consensuel pour un score donné, le score Boadicea est largement utilisé par les oncogénéticiens et permet d’évaluer le risque de prédisposition génétique ainsi que le risque de cancer du sein en fonction du temps. Il convient en outre de ré-évaluer le score en cas de nouveaux cas familiaux incidents.

♦ En cas de risque très élevé :

La HAS recommande que soit proposée, chez les femmes atteintes de cancer du sein (ou de l'ovaire) et chez leurs apparentées au premier degré et leurs nièces par un frère, une surveillance mammaire identique à celle réalisée chez les femmes ayant une mutation des gènes BRCA1 ou 2. La recommandation de l’INCa de 2009 sur la prise en charge des femmes porteuses d’une mutation BRCA1 ou 2, en cours de modification, prévoit, jusqu’à actualisation :

- une surveillance clinique tous les 6 mois à partir de l’âge de 20 ans ;
- un suivi par imagerie mammaire annuel à partir de l’âge de 30 ans, consistant en la réalisation d’un examen par IRM et d’une mammographie ± échographie en cas de seins denses, et, le tout sur une période n’excédant pas 2 mois. L’examen IRM doit être réalisé en premier pour permettre d’orienter les autres examens en cas d’anomalie détectée. Les cas justifiant d’un suivi radiolo- gique plus précoce sont discutés au cas par cas.

♦ En cas de risque élevé :

La HAS recommande de débuter la surveillance radiologique 5 ans avant l’âge du diagnostic de cancer du sein le plus jeune, chez les apparentées au premier degré et les nièces par un frère des personnes ayant développé un cancer du sein. Les modalités de cette surveillance doivent être modulées en fonction de l’âge de la patiente :

- La HAS recommande la réalisation d’un examen clinique annuel à partir de l’âge de 20 ans ;
- Une mammographie, en association éventuelle avec une échographie mammaire, sera réalisée annuellement avant l’âge de 50 ans (et au plus tôt à partir de 40 ans) ; les cas justifiant d’un suivi radiologique plus précoce (avec IRM mammaire éventuelle) sont discutés au cas par cas.
- A partir de 50 ans, une mammographie, en association éventuelle avec une échographie mammaire, sera proposée tous les 2 ans (c'est-à-dire participation au programme national de dépistage organisé) ; les cas justifiant d’un suivi radiologique annuel sont discutés au cas par cas.

Dans les cas les plus difficiles, les modalités de surveillance proposées à la femme peuvent être discutées dans le cadre d’une réunion de concertation pluridisciplinaire.




2. Cette situation peut se présenter quand l’indication de recherche d’une mutation n’est pas retenue au terme de la con- sultation d’oncogénétique ou que le prélèvement sanguin nécessaire pour l’analyse n’est pas accessible en raison du décès ou du refus de la personne concernée.
3. Dans le cadre des programmes régionaux de prise en charge des personnes à haut risque de cancer mis en place par l’INCa en 2013, un groupe de travail interne au Groupe Génétique et Cancer (Unicancer Genetic Group) a été constitué pour recenser les différentes méthodes d’estimation des risques et classification des femmes utilisées dans ces programmes. Il a pour objectifs d’harmoniser les pratiques au niveau national et si possible de proposer la (ou les) méthode(s) la (ou les) plus appropriée(s).

En cas d’antécédent personnel d’hyperplasie canalaire atypique, d’hyperplasie lobulaire atypique ou de carcinome lobulaire in situ

La HAS recommande la réalisation d’une mammographie annuelle pendant 10 ans, en association éventuelle avec une échographie mammaire en fonction du résultat de la mammographie. Si, au terme de cette période de 10 ans, la femme a 50 ans ou plus, elle doit être incitée à participer au programme national de dépistage organisé. Si, au terme de cette période de 10 ans, la femme a moins de 50 ans, une mammographie en association éventuelle avec une échographie mammaire lui sera proposée tous les 2 ans jusqu’à l’âge de 50 ans. La femme sera ensuite incitée à participer au programme national de dépistage organisé.

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