Crosslinking du collagène cornéen et anneaux intra-cornéens dans le traitement des ectasies cornéennes

Evaluation des technologies de santé - Mis en ligne le 03 juil. 2015 - Mis à jour le 03 juil. 2015

Objectifs

Ces deux actes sont présentés comme étant une alternative à la greffe de cornée avec pour effets attendus, une stabilisation de la maladie pour le crosslinking du collagène cornéen (CXL), et une réhabilitation visuelle par la pose d’anneaux intra-cornéens (AIC).

Méthode

La méthode d’évaluation utilisée dans ce rapport repose sur:

  • une analyse critique des données identifiées de la littérature scientifique;
  • le recueil, par questionnaire écrit du point de vue des parties prenantes (Académie Française d’Ophtalmologie - Conseil National Professionnel d'Ophtalmologie et une association de patients Kératocône).

Les conclusions du rapport de l’évaluation sont fondées sur les données ainsi recueillies. Ces conclusions sont examinées par la Commission nationale d’évaluation des dispositifs médicaux et des technologies de santé puis validées par le Collège de la HAS.

Résultats

Les données cliniques d’efficacité et de sécurité du CXL et des AIC sont issues en majorité d’études de faible niveau de preuve. Il s’agit d’études prospectives pour la plupart monocentriques  et sans comparateur ou avec un comparateur inadéquat.

Pour les deux actes, les données d’efficacité proviennent en majorité d’études non comparatives, ce qui, compte-tenu du profil de progression de la maladie, limite la pertinence des résultats. A l’inverse, les complications et évènements indésirables ont probablement étaient sous-déclarés. De plus, pour le CXL, certaines études reportent un très fort taux de perdus de vue.

Les résultats d’efficacité du CXL provenant d’un essai contrôlé randomisé, 7 études observationnelles et 2 méta-analyses vont tous dans le sens d’une diminution significative ou non de la kératométrie maximale. Les taux d’échec de cette technique, provenant des résultats de 4 études originales, sont compris entre 0% et 11,5% mais peuvent avoir été sous-estimés. Les taux des principaux évènements indésirables et/ou complications reportés sont inférieurs à 10% sauf pour les œdèmes et hazes cornéens, très fréquemment reportés mais pour la plupart de nature transitoire.

Les résultats d’efficacité des AIC provenant de 2 essais cliniques et 8 études observationnelles prospectives vont tous dans le sens d’une amélioration de l’acuité visuelle corrigée, significative dans 9 études sur 10. Les taux de patients ayant pu bénéficier d’une augmentation de 1 ligne et plus ou de 2 lignes et plus d’acuité visuelle suite à la procédure sont hétérogènes (52,2% à 89%). Les taux d’échec de la technique estimés à partir des données de 7 études sont inférieurs à 50%. Les évènements indésirables et/ou complications sont reportés, avec une fréquence inférieure à 10%, excepté pour les cas d’apparition de dépôts intra-stromaux et de hazes cornéens reportés avec des fréquences non renseignées ou nettement supérieures.

Pour les deux actes, l’ensemble des HTA (CXL (n=4); AIC (n=3)) analysées soulignent le faible niveau de preuve. Il est à noter qu’aucune de ces HTA n’exclut le CXL et les AIC de l’arsenal thérapeutique. Les recommandations ((CXL (n=2); AIC (n=2)), quant à elles, préconisent l’utilisation de ces deux techniques ou considèrent ces techniques applicables mais sous surveillance étroite.

Les parties prenantes n’ont pas émis de remarque au sujet de la qualité méthodologique de ce rapport et de la sélection de la littérature. Lors de la réunion de cadrage, les parties prenantes ont fait part de l’intérêt de l’indication d’un CXL dès la découverte d’un kératocône : chez l’enfant et en cas d’ectasie post-LASIK, du fait de la forte probabilité de progression rapide de la maladie chez ces patients. Les parties prenantes jugent les AIC comme étant une technique efficace dans cette indication.

Cette évaluation met par ailleurs en évidence le manque d’études incluant des enfants kératocôniques et de cas d’ectasies post-LASIK, ainsi que le manque de données prospectives comparatives et de résultats d’efficacité et de sécurité du CXL et des AIC avec de longues durées de suivi des patients.

Conclusion

Sur la base d’une littérature de faible niveau de preuves et de la position favorable des parties prenantes, la HAS considérant le possible handicap associé à certaines formes évolutives en impasse thérapeutique, estime que:

  • le CXL constitue une modalité thérapeutique possible chez les patients porteurs d’un kératocône évolutif démontré sans opacités cornéennes et avec une pachymétrie adéquate (≥ 400 µm);
  • les  AIC constituent une modalité thérapeutique possible chez les patients porteurs d’un kératocône  sans opacités cornéennes et avec une pachymétrie adéquate (≥ 400 µm)  ayant une acuité visuelle insatisfaisante après correction en lentilles ou intolérants aux lentilles de contact).

La HAS souligne que ces indications doivent être posées dans un centre spécialisé (centres de référence et centres de compétence).

La HAS note par ailleurs que chez les enfants atteints de kératocône et les patients souffrant d’ectasie post-LASIK, la pratique du CXL sans attente de la démonstration du caractère évolutif de la maladie n’a pu être évaluée par manque de données dans la littérature. Cependant, les parties prenantes (AFO-CNP) considèrent importante l’utilisation du CXL dans cette indication, en raison de la forte probabilité de progression rapide de la maladie chez ces patients.

En conséquence, la HAS estime que le CXL constitue une modalité thérapeutique possible chez ces derniers, sous réserve d’une prise en charge dans un centre spécialisé sur décision prise en concertation entre le patient, la famille et une équipe hautement spécialisées. Elle préconise, de plus, la mise en place d’un registre de suivi des enfants et des ectasies post-LASIK.

La HAS rappelle aux professionnels et au public que le CXL constitue un traitement curatif. Le recours à cette technique à visée préventive, notamment avant l’apparition de toute ectasie, en particulier avant chirurgie LASIK est une mauvaise pratique et constitue une contre-indication.

Ces techniques doivent être réalisées dans un environnement de type conditions de réalisation en bloc opératoire.

Enfin, elle observe que l’efficacité à long terme de ces deux techniques n’est pas suffisamment documentée  en raison du manque d’études prospectives  comparatives avec un suivi à long terme publiées dans la littérature. Elle préconise donc la mise en œuvre d’études de nature à apporter ces informations.

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