Le patient traceur est une démarche d'analyse collective et a posteriori du parcours global d'un patient à condition qu'il ait donné son accord.

La démarche s'adresse aux professionnels de santé (exerçant en maison/pôle/centre de santé, réseaux de santé, MAIA, Services de soins infirmiers à domicile (SSIAD), équipes de psychiatrie et santé mentale, cabinet de groupe, autres...) ayant la volonté de travailler en équipe pluri professionnelle pour améliorer le parcours des patients.

L'objectif de cette démarche est d'améliorer la qualité et la sécurité des soins, l'organisation des parcours et les interfaces professionnelles.

Spécificité de la méthode

  • La prise en compte et le recueil de l'avis du patient (via un entretien individuel)
  • L'analyse globale et collective d'un parcours de santé complexe nécessitant l'intervention régulière de plusieurs professionnels. Cette analyse s'enrichit du point de vue patient
  • La réflexion de l'équipe pluriprofessionnelle associant les secteurs sanitaires (incluant les établissements de santé) social et médico-social

Après une expérimentation menée auprès de 10 équipes d'organisations variées, la HAS propose des outils pour mettre en place et développer la démarche.

 

La démarche s’adresse aux professionnels de ville1 ayant une volonté de travailler en équipe pluriprofessionnelle pour analyser le parcours des patients.

L’objectif de cette démarche qualitative est d’améliorer la qualité et la sécurité des soins, l’organisation des parcours et les interfaces professionnelles.


1. Cette démarche a été expérimentée en maison/centre/pôle de santé, réseaux de santé, maia, SSIAD, structures ambulatoires de santé mentale, cabinet de groupe, autres professionnels travaillant en équipe.

 

Quels sont les principes de cette démarche ?


Une démarche qui renforce le travail en équipe pluriprofessionnelle

  • Elle est fondée sur une analyse globale et rétrospective du parcours d’un patient dont la prise en charge est complexe.
  • Elle associe les professionnels des secteurs sanitaire, social et médico-social autant que de besoin.
  • Elle requiert l’implication du médecin traitant et des principaux professionnels du parcours du patient.


Une démarche fondée sur la complémentarité entre le vécu du patient et celui des professionnels

  • Elle prend en compte le point de vue du patient et/ou de son proche.
  • Elle permet de croiser le point de vue du patient avec celui des professionnels du parcours.


Une démarche permettant de consolider les bonnes pratiques et de rechercher des améliorations

  • Elle permet de comparer les pratiques réelles aux pratiques de référence en vue de les améliorer.
  • Elle est conduite selon une approche pédagogique, transparente, bienveillante, sans jugement sur le travail des professionnels ou des structures.
  • Elle doit garantir le respect du secret professionnel, des règles de confraternité, pour tous les professionnels, et la confidentialité des échanges.

 

Comment la mettre en œuvre ?

 

Étape 1. Mobiliser les professionnels autour d'une problématique « parcours »

L’initiative de l’analyse d’un parcours peut être prise par le médecin, ou tout autre professionnel impliqué dans la prise en charge ou sa coordination. Cette analyse répond à une problématique identifiée au niveau local ou à l’échelle du territoire de santé, et, selon le cas, s’effectue sur une partie du parcours ou sur son ensemble.

Un animateur (ou un binôme de professionnels) appartenant à l’équipe de prise en charge du patient organise la rencontre d’analyse du parcours par les professionnels.

Il discute préalablement avec ces professionnels de la problématique constatée (1re prise de contact), par exemple : hospitalisations répétées non programmées chez des patients polypathologiques, ruptures de parcours en santé mentale, insatisfactions exprimées par les patients, cloisonnement entre secteurs sanitaires et sociaux, autres.

 

Étape 2. Choisir le patient et les référentiels pour l'analyse du parcours

Le choix du patient (éventuellement à partir d’une liste de patients potentiels) répond à une situation reconnue problématique par le médecin, ou tout autre professionnel de santé en lien régulier avec le patient, ou une association de patients.

Ce choix est discuté puis déterminé en équipe.

Les critères de choix du patient dont le parcours sera analysé peuvent être les suivants :

  • complexité de la prise en charge (NB : il est conseillé de ne pas sélectionner une prise en charge dont l’analyse serait trop complexe ou atypique) ;
    • ALD, association de plusieurs pathologies, degré de sévérité des pathologies,
    • hospitalisations répétées dans l’année pour la même problématique,
    • situations de dépendance,
    • situations appelant une diversité d’intervenants pour répondre aux besoins du patient ou dans le cadre d’une éducation thérapeutique,
    • points de rupture du parcours (par exemple : interruption de soins ou de services) ;
  • patient à un moment particulier de la prise en charge : entrée, sortie d’hospitalisation, HAD, amont/aval d’une chirurgie ambulatoire ;
  • patient étant pris en charge par plusieurs équipes soignantes différentes ;
  • patient traceur analysé en établissement de santé (continuité de l’analyse ville-hôpital) ;
  • patients stabilisés sur le plan thérapeutique ou sur le plan comportemental ;
  • les patients n’étant pas en mesure de donner leur avis ne sont pas à exclure. Un proche peut être sollicité.

NB : après une période d’appropriation de la démarche, il est possible d’analyser plusieurs parcours de patients de profils similaires en vue d’identifier des axes d’améliorations plus larges.


Le choix des référentiels permet la comparaison des pratiques réelles aux pratiques recommandées. Ce choix est discuté au préalable avec l’équipe. Ils sont identifiés avec les professionnels impliqués dans le parcours (bonnes pratiques professionnelles, guide du parcours de soins, fiches points-clés, protocoles locaux, etc.) et permettent d’approfondir la réunion d’analyse sur par exemple :

  • les pratiques spécifiques à la prise en charge d’une ou plusieurs maladies donnée. Exemples thématiques : obésité de l’adulte, diabète de type 2, prise en charge d’une personne âgée polypathologique/lien) ;
  • l’implication et la participation du patient et/ou ses proches : information, respect de ses préférences, bientraitance, éducation thérapeutique (ETP) ;
  • l’organisation des professionnels entre eux, ou les liens avec les établissements, ou autres.

 

Étape 3. Reconstitution du parcours et préparation de la réunion avec les professionnels impliqués dans le parcours

  • L’animateur identifie les principaux événements du parcours pour le reconstituer.
  • Il organise le recueil du point de vue du patient (entretien avec le patient et/ou le proche).
  • Les principaux professionnels impliqués dans la prise en charge sont invités à la réunion. Ils sont identifiés grâce au médecin traitant ou à un autre coordinateur ou gestionnaire de cas. Le contact avec le patient et/ou son proche permet de compléter la liste des professionnels impliqués dans sa prise en charge.
  • L’animateur prépare les guides d’entretien pour le patient et pour la réunion avec les professionnels. Il prévoit un local pour la réunion ainsi que la documentation nécessaire.

 

Outils : Conduite de la réunion entre professionnels avec exemple de guide d’entretien
             
Fiche de synthèse à remplir pour l’analyse du parcours

NB : la démarche peut être soutenue au niveau local ou régional par une association, une structure territoriale ou régionale ou d’appui, une URPS, une ARS, ou d’autres organismes comme la fédération française des maisons et pôles de santé (FFMPS), ou la fédération nationale des centres de santé (FNCS), l’union nationale des réseaux de santé (UNRs) ou encore des organismes complémentaires de santé, autres.

 

Étape 4. S'entretenir individuellement avec le patient

Informer et recueillir l’accord du patient

Le médecin traitant ou tout autre professionnel participant à la prise en charge du patient l’informe et lui propose de participer à cette démarche d’analyse de son parcours.

  • Il lui en explique le déroulement lors d’une visite ou consultation ou séance de soins, ou par téléphone.
  • Il recueille l’accord du patient. Aucun consentement écrit n’est exigé. Un document d’information est remis au patient et/ou à son proche. Un temps de réflexion et une possibilité de rétractation lui sont accordés. Le patient est libre le jour de l’entretien de le refuser. Pour une personne mineure, majeure sous régime de protection, l’information est délivrée à ses représentants légaux qui doivent donner leur accord.

 

Outil Exemple de document d’information pour le patient ou à son proche


Rencontrer le patient et/ou son proche

  • L’entretien dure environ entre 30 et 45 minutes. Il est conduit par un professionnel de santé idéalement extérieur à la prise en charge du patient dans un but d’objectivité. Si besoin, un guide d’entretien est utilisable. Un représentant des usagers peut mener cet entretien après l’obtention du consentement préalable du patient.
  • Pour les mineurs et les personnes sous tutelle, l’information doit leur être délivrée en fonction de leur état de maturité et de leur capacité de discernement. L’information doit également être donnée aux représentants légaux. Le consentement doit être recueilli auprès du patient ainsi que de ses représentants légaux. Laisser le patient décider des modalités de l’entretien : lieu de l’entretien, présence du proche, d’un soignant participant à la prise en charge, etc.
  • Le vocabulaire employé et la formulation des questions doivent permettre une bonne compréhension par le patient et/ou le proche.
  • L’entretien ne doit pas aborder des questions relatives à la santé du patient. Les questions sont plutôt centrées sur l’expérience du parcours du patient. Par exemple : informations délivrées et leur compréhension, continuité des soins, délais d’attente d’un examen, d’une consultation spécialisée, transmission d’information entre professionnels, annonce du diagnostic, bientraitance, suivi, prise en compte de la douleur, transmissions d’informations utiles à une hospitalisation ou aux suites d’une hospitalisation, coordination des acteurs, etc.
  • La synthèse de l’entretien est transmise au coordinateur pour restitution orale durant la réunion d’analyse du parcours.

 

Outil : Conduite de l’entretien avec le patient et/ou ses proches avec exemple de guide d’entretien

 

Étape 5. Réunir les professionnels participant à la prise en charge du patient pour l'analyse du parcours

La durée de la réunion est de 1h30 à 2h00.

Le médecin et les principaux professionnels impliqués dans le parcours de santé analysent la prise en charge a posteriori. En cas d’indisponibilité de certains, l’animateur recueille leurs avis (par téléphone) ou prévoit une conférence téléphonique, ou vidéo ou web-conférence.

La discussion doit être confraternelle, bienveillante, non culpabilisante, sans recherche de responsabilités et axée sur le parcours du patient. Cette démarche ne doit pas aborder la compétence des professionnels ou des établissements ni la pertinence des actes diagnostiques ou thérapeutiques.


La réunion est organisée en plusieurs temps :

  • résumer le parcours du patient de préférence par le médecin du patient ;
  • préciser la période d’analyse du parcours : il n’y a pas de durée d’analyse définie a priori. Une discussion permet de s’accorder sur la période d’analyse (limiter par exemple à la dernière année ou aux six derniers mois, ou au dernier épisode d’évolution de l’état de santé du patient, autres, etc.) ;
  • analyser la problématique identifiée et la partager avec les professionnels. Un guide d’entretien peut être utilisé et adapté. L’analyse n’exclut pas les épisodes d’hospitalisation ou d’HAD qui font partie du parcours du patient. Les sources d’informations viennent à l’appui des discussions, et ne sont en aucun cas distribuées à chaque participant. Chaque professionnel vient avec ses propres informations* et ne transmet que les informations nécessaires à la coordination, ou à la continuité des soins ou au suivi médicosocial et social ;
  • restituer le point de vue du patient et le croiser avec celui des professionnels ;
  • établir un consensus et une synthèse sur les points forts, les marges de progression : attacher autant d’importance aux éléments positifs que négatifs et rédaction d’une fiche de synthèse ;
  • si un professionnel extérieur à la prise en charge du patient est présent, présenter le cas de manière anonyme.

 

Outils Conduite de la réunion entre professionnels avec exemple de guide d’entretien
              
Fiche de synthèse à remplir pour l’analyse du parcours

* Sources d’informations : dossier médical, dossier en soins infirmiers, dossier pharmaceutique, dossier en soins d’orthophonie, document de sortie d’hospitalisation, document de synthèse, de liaison, de transmission d’informations, projet personnalisé de soins (PPS), dossier informatisé dans certains cas, ordonnances, dossier APA (allocation personnalisée d’autonomie), programme personnalisé d’éducation thérapeutique, courriers de correspondance médicale, compte rendu d’hospitalisation, fiche de liaison, dossier à domicile en SSIAD, directives anticipées, autres).

 

Étape 6. Décider des améliorations à mettre en oeuvre et suivre leurs effets

Mise en œuvre d’un plan d’actions d’améliorations : préférer des actions simples et pratiques

  • Les actions d’améliorations peuvent être de différentes natures (pratique, stratégique, etc.). Il faut privilégier les actions simples à mettre en place, peu nombreuses et pratiques.
  • Ces actions peuvent concerner aussi les patients de profils similaires.


Traçabilité des constats et du plan d’actions

  • La fiche de synthèse est « anonymisée » : elle ne porte ni le nom du patient et/ou du proche interviewé, ni les noms des professionnels, uniquement leur fonction. Ce document est archivé par chaque professionnel avec les autres documents relatifs aux évaluations de la qualité. Il n’est pas archivé dans le dossier médical du patient. Seule une fiche de présence permet d’attester la participation des professionnels à cette réunion. L’identité du patient n’est pas mentionnée.


Suivi des actions mises en place

  • Les objectifs d’amélioration associés aux actions sont définis, ainsi que les responsabilités et les délais de mise en œuvre et de suivi. Le plan d’actions est diffusé aux membres.
  • L’animateur de la démarche s’assure auprès du ou des acteurs concernés que la situation s’est améliorée à la période indiquée dans le plan d’actions.


Un retour d’information et des remerciements aux professionnels impliqués et au patient et/ou ses proches
sont prévus. La mise en œuvre de certaines améliorations peut dépendre d’autres acteurs à solliciter (ARS, URPS, Conseil général, caisses de sécurité sociale etc...). Un partage de l’expérience avec les professionnels du territoire peut alors être envisagé si besoin.

 

Outil : Fiche de synthèse à remplir pour l’analyse du parcours