Sortie du monde hospitalier et le retour au domicile d’une personne adulte handicapée sur le plan moteur ou neuropsychologique

Conférence de consensus
Recommandation de bonne pratique - Mis en ligne le 15 déc. 2004 - Mis à jour le 19 juil. 2006

L'objectif de cette conférence de consensus est de répondre aux cinq questions suivantes, posées au jury :

  1. Qu’est-ce qu’un projet de sortie ?
  2. Comment définir de façon personnalisée le projet de sortie ?
  3. Selon les données actuelles, quelle organisation pour la mise en œuvre pratique et la réalisation du projet de sortie individualisé, dans le contexte de la vie de la personne handicapée ?
  4. Face aux obstacles, aux facteurs limitants et aux attentes réciproques de tous les acteurs (de l’hôpital et du lieu de vie) concernés par la réalisation pratique de la sortie de l’hôpital et du retour à domicile, quelles propositions ?
  5. Comment évaluer le service rendu ?

 

Introduction

Dans un moment déterminant où la loi pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées est votée par le Parlement, il est apparu pertinent à la Société française de médecine physique et de réadaptation de réaliser une conférence de consensus sur le thème de la sortie du monde hospitalier et du retour au domicile d’une personne adulte handicapée sur le plan moteur et/ou neuropsychologique.

Des personnes de plus en plus nombreuses, de tous âges, survivent actuellement à un événement de santé qui aurait autrefois entraîné leur décès. Mais cette survie peut être marquée par des déficiences et des incapacités séquellaires importantes, sources de grave handicap fonctionnel nécessitant et justifiant une démarche de soins et d’interventions pluridisciplinaires, assidue et prolongée. Quel que soit le niveau de gravité séquellaire, alors même que la personne peut être passée par un service de médecine physique et de réadaptation (ce qui n’est pas toujours le cas, loin s’en faut), elle est confrontée à la difficulté du transfert dans son milieu ordinaire de vie des acquis fonctionnels qu’elle a pu faire à l’hôpital ou en centre de réadaptation. Toutes les difficultés entourant la sortie et le retour au domicile peuvent aboutir soit à des impossibilités de sortie du monde hospitalier, soit à des situations individuelles et familiales très difficiles au quotidien, soit à des complications médicales et/ou sociales imposant la réhospitalisation dans des conditions aggravées. Or, la réadaptation et la réinsertion sont réglementairement inscrites dans les missions de l’hôpital, tout particulièrement dans le cadre de son secteur de soins de suite et de réadaptation (SSR).

Le caractère toujours pluridisciplinaire, « médico-paramédico-technico-psycho-social », de la lutte contre le handicap, qui demande une organisation ville-hôpital et une forte implication des professionnels libéraux, et les perspectives actuelles dans le domaine de l’hospitalisation à domicile ou du fonctionnement en réseaux de santé (selon la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé) sont autant d’arguments supplémentaires pour réaliser cette conférence.

Le retour au domicile, après un séjour hospitalier souvent long, conduit également à reconsidérer, au-delà de la vie quotidienne élémentaire, l’articulation entre la vie individuelle, personnelle et la vie en société, en prenant en compte, à côté des aspirations de la personne, les données nouvelles induites par le traumatisme ou la maladie. Dans ce contexte, les pratiques professionnelles, confrontées aux situations concrètes, nécessitent particulièrement une réflexion éthique. Pour les soignants, l’éthique constitue la démarche qui leur permet, de façon méthodique, d’orienter vers le bien de la personne des savoirs professionnels qui, considérés isolément, peuvent produire des effets contraires. La dimension éthique apparaît essentielle pour maintenir la cohérence entre cette recherche de ce qui est bien pour la personne et les actes à réaliser face à la diversité des situations concrètes, dans le respect de la singularité de la personne.

Question 1 - Qu’est-ce qu’un projet de sortie ?

C’est un assemblage de moyens et une harmonisation de méthodes confrontés à la réalité, autour de la personne handicapée et de son projet de vie, tenant compte de trois axes :

  • la personne handicapée ;
  • le monde hospitalier ;
  • l’entourage sanitaire et social.

Le projet de sortie relève de la singularité de chaque personne. Il tient compte également de l’environnement. Basé sur le libre choix d’une personne parfaitement informée, il vise un état sanitaire, fonctionnel et social optimal. Construit et négocié dans le contexte hospitalier, il est l’objectif vers lequel tendent tous les efforts (bilans, soins, interventions) et a pour but de préparer et d’accompagner la personne dans la reprise du cours de sa vie en dehors de l’institution de soins. Il s'inscrit dans la durée : la sortie n'est pas une fin, mais une étape.

  • La sortie vise :
    • quant à la personne :
      • le transfert des acquis de la phase de rééducation et la poursuite de la progression en situation écologique,
      • l’atteinte d’un maximum d’autonomie et la recherche de la plus grande qualité de vie ;
    • quant aux moyens à mettre en œuvre :
      • la continuité des soins, le transfert et le partage des informations, le passage de relais entre les acteurs hospitaliers et ceux du lieu de vie,
      • la compensation des incapacités dans toutes ses modalités (aides techniques et humaines, etc.).

Elle prend en compte les ressources et les limites de l’environnement.

  • Le jury recommande en particulier :
    • de reconnaître le caractère unique et singulier de chaque personne ;
    • d’appréhender le projet de sortie dans ses dimensions :
      • individuelle de projet de vie, en respectant la nécessaire évolution psychologique de la personne et de son entourage,
      • environnementale, humaine, technique et sociale ;
    • de tenir compte de la non-concordance des temporalités de chacun des acteurs en présence.

 

Question 2 - Comment définir de façon personnalisée le projet de sortie ?

Définir de façon personnalisée un projet de sortie passe par l’écoute des souhaits de la personne et l’évaluation multidisciplinaire de ses capacités et de ses besoins. Ce projet est d’autant plus adapté que la personne handicapée y participe activement.

La construction du projet personnalisé de sortie est une démarche commune qui va contribuer à rapprocher les points de vue du patient, de son entourage et des soignants du fait de la confrontation progressive aux réalités. Débuté dès l’admission et évolutif, il se révèle structurant pour le parcours hospitalier auquel il apporte du sens et une dynamique.

Le projet de sortie personnalisé est une étape dans un projet de vie à reconstruire.


Critères permettant de concevoir de façon personnalisée un projet de sortie

Évaluation des données personnelles
Elle doit être dynamique, répétée dans le temps afin de suivre les évolutions et réalisée de façon écologique.

L’état clinique, les antécédents, les circonstances de l'hospitalisation et le parcours hospitalier sont déterminants pour l’élaboration du projet de soins au long cours et du projet de vie.

L’analyse des potentiels et des besoins de la personne permet de personnaliser le projet sur des valeurs positives et non sur l’étalonnage de ses déficiences.

L’évolution des capacités fonctionnelles, motrices et cognitives en cours d’hospitalisation est une des clés du projet de sortie, en particulier les capacités de jugement, relationnelles et de comportement.

Le jury recommande l’élaboration et la validation de méthodes et d’outils permettant l’approche des potentiels et des besoins d'une personne ayant une atteinte des fonctions neuropsychologiques, notamment en vue de sa participation à l’élaboration de son projet de sortie.

Les troubles psychologiques perturbent l’élaboration individualisée et/ou la réalisation du projet de sortie. La présence de signes de stress post-traumatique ou de syndrome dépressif interfère avec les capacités à se projeter de façon adaptée dans l’avenir.

La découverte progressive de son handicap par le patient constitue un changement fondamental et irréversible qui oblige à une recomposition de la personnalité, dont les effets, s’ils sont positifs, conduisent à le surmonter, en particulier par la participation et l’élaboration de son projet de vie.

Évaluation du contexte de vie
Les aspects psychosociaux et notamment la façon dont la personne est perçue et se perçoit par rapport aux soignants et par rapport à son entourage familial vont influencer le niveau de dialogue avec l’équipe sur le projet de sortie, et donc son niveau de personnalisation.

L’état psychologique des membres de la famille peut agir comme un facteur dynamisant ou régressif dans l’élaboration du projet.

Face au patient et à la souffrance des proches (atteinte neurologique ou cognitive grave avec climat émotionnel particulièrement intense), les professionnels eux-mêmes se trouvent souvent démunis et confrontés à leurs propres réactions de désarroi. Le jury recommande l’accompagnement psychologique de la personne et de ses proches, permettant leur meilleure participation dans l’élaboration du projet personnalisé, ainsi qu’un soutien psychologique à l’équipe soignante.

L’évaluation du contexte de vie vise à identifier tous les aménagements à prévoir dans la perspective du retour à domicile (logement, aides techniques, ressources financières, aides humaines). Cette évaluation se fait avec la personne handicapée et avec la personne référente qu’elle a désignée.

Le jury recommande d’établir une liste détaillée des éléments du contexte de vie qui doivent systématiquement être pris en compte pour l’élaboration du projet personnalisé de sortie.

 

Identification des ressources humaines

Les soignants

  • À l’hôpital, l’équipe qui va conduire l’élaboration du projet de sortie est nécessairement pluridisciplinaire. La problématique et l’implication des soignants sont différentes en fonction du lieu de l’hospitalisation et de l’équipe :
    • aux urgences, une consultation sans hospitalisation ne permet pas de construire un projet personnalisé de sortie ; s’il y a hospitalisation de courte durée, le travail de l’équipe consiste à organiser le retour à domicile en tenant compte du contexte familial et social ;
    • dans une unité de court séjour, l’élaboration d’un projet de sortie individualisé ne constitue pas de fait la mission principale pour l’équipe. Il est cependant souhaitable qu’elle puisse demander des avis à d’autres équipes hospitalières, notamment des professionnels de la réadaptation et de la réinsertion (SSR, équipes mobiles, hôpitaux de jour, hospitalisation à domicile [HAD], etc.), que le transfert dans un autre service soit prévu ou non ;
    • dans un service de SSR, la mobilisation de l’équipe autour du projet de sortie personnalisé constitue une préoccupation centrale indispensable à la construction du projet de soins.

Les professionnels sanitaires et sociaux participent à la mise en œuvre d’un projet commun et fédérateur. La sortie est un événement attendu et perçu par tous les professionnels comme un objectif fondamental.

  • À l’extérieur de l’hôpital : dès l’admission, un contact est pris avec le médecin traitant ; dans la mesure du possible, il sera associé à la recherche des solutions locales pour la poursuite des soins compte tenu de sa connaissance des ressources de l’environnement.


Les proches
La survenue du handicap ou l’aggravation d’une situation de handicap antérieure bouleverse les rôles et le fonctionnement à l’intérieur de la famille. L’adhésion de la famille au projet personnalisé de sortie ne va pas toujours de soi ; elle ne peut être imposée, il s’agit de la construire.

Il est essentiel d’identifier l’interlocuteur qui aura le rôle principal dans l’organisation des soins et de l’aide à la vie quotidienne lors du retour au domicile.

Le jury recommande l’étude de méthodes et d’outils permettant l’appréciation des charges de soins et d’aide quotidienne pesant sur les aidants familiaux.

Les acteurs sociaux et médico-sociaux du lieu de vie
Il s’agit d’identifier avec la famille, dans son environnement proche, les personnesressources, professionnels ou non, qui pourront apporter les aides nécessaires.


Élaboration concertée du projet

Participation
L’appropriation du projet de sortie par la personne et ses proches ainsi que la mobilisation des professionnels extérieurs à l’hôpital sont un enjeu fondamental. Une réelle participation ne peut se fonder que sur :

  • une information intelligible sur les données médicales de la part des soignants ;
  • une information claire et concrète sur les droits, les aides existantes et leurs modalités d’accès ;
  • une grande attention portée par les soignants à la parole et à l’expression de la souffrance, des craintes et des espoirs de la personne et de ses proches ; une évaluation partagée de la situation avec la famille ;
  • un temps négocié, le temps n’ayant pas nécessairement la même signification pour la personne et le soignant par rapport à l’échéance de la sortie ;
  • la reconnaissance mutuelle des compétences.


Mise en perspective
La sortie doit être envisagée et réfléchie par l’équipe dès l’admission. Elle doit être aussi « parlée », annoncée, négociée avec la personne et ses proches au plus tôt, dans un mouvement d’anticipation sur la vie à l’extérieur, qui va donner tout son sens au projet de soins et amorcer la reconstruction d'un projet de vie, personnel et familial, surtout s’il s’agit de préparer l’accueil dans une structure médicale ou médico-sociale.

Dans tous les cas, la mise en perspective des projets futurs doit comporter la continuité des soins et la possibilité pour la personne de maintenir autant que nécessaire les contacts avec l’équipe hospitalière.

 

Question 3 - Selon les données actuelles, quelle organisation pour la mise en œuvre pratique et la réalisation du projet de sortie individualisé, dans le contexte de la vie de la personne handicapée ?

L’offre de prise en charge sanitaire et médico-sociale sur le territoire national se caractérise par une grande hétérogénéité d’implantation et d’organisation. Les recommandations s’appuient sur certaines organisations et expérimentations existantes.


Planification sanitaire et organisation des établissements de santé

Planification
Il est recommandé de prendre en considération, dans les SROS de 3e génération, le besoin qualitatif et quantitatif en structures de soins de suite et réadaptation (SSR) et d’anticiper sur les besoins à venir.

Organisation des établissements
Afin de faciliter dès le début du séjour hospitalier l’organisation et la mise en œuvre du projet de sortie de ces personnes, le jury recommande aux établissements de santé l’adoption des mesures et des outils suivants :

  • l’intégration dans le dossier médical du patient d’une fiche d’alerte médicosociale ;
  • la prise de contact précoce par le médecin hospitalier avec le médecin du lieu de vie ;
  • la prise de contact précoce par l’équipe hospitalière avec une personne « référente » désignée par le patient si cela est possible ou son entourage ;
  • l’identification par l’équipe pluridisciplinaire d’un professionnel « référent » (assistante sociale, paramédical, psychologue, médecin, etc.) de la structure hospitalière de réadaptation, et par la suite l’orientation vers un SSR adapté autant que de besoin.

Le caractère systématique de ces contacts immédiats peut prendre la forme d’un protocole de prise en charge.


Évaluation des besoins médico-psycho-sociaux de la personne

En unité de court séjour (médecine chirurgie obstétrique [MCO])
Le jury recommande qu’une évaluation précoce des besoins en terme de réadaptation soit réalisée par une équipe pluridisciplinaire spécifique, interne ou externe à l'établissement.

En soins de suite et réadaptation
En cas de demande d'admission d'une personne en SSR formulée par un service MCO, l'orientation vers le service retenu doit être médicalisée et en adéquation avec les besoins thérapeutiques précis de cette personne.

L’évaluation des besoins de la personne se fonde sur des outils propres à chaque professionnel et donne lieu à une mise en commun des interprétations et conclusions (réunions de synthèse), qui doit être transcrite et mise à disposition de l’ensemble des professionnels en charge du patient.

Le jury recommande que cette évaluation pluridisciplinaire et par la suite le réentraînement comportent systématiquement une mise en situation écologique sous la forme de visite à domicile ou de la structure d'accueil envisagée, de l'utilisation d’un simulateur d’appartement et de l'organisation de permissions thérapeutiques, qui permettent une confrontation avec la situation réelle de vie et qu’il convient de favoriser. Cette évaluation implique aussi les acteurs et services intervenant localement (ex. le site pour la vie autonome [SVA]).

Les conditions de réussite de l’évaluation reposent également sur :

  • l’implication de la personne ainsi que de son entourage ;
  • l’identification d’une personne référente qui est associée à la restitution des conclusions de l’évaluation et au choix de l’orientation.

Le jury recommande que des démarches spécifiques d'insertion ou de réinsertion puissent être envisagées en fonction des données cliniques, des résultats de l’évaluation et des capacités de projection de la personne et de ses motivations (par exemple démarche précoce d’insertion [DPI] de COMETE France, demande à la commission technique d’orientation et de reclassement professionnel (COTOREP) d’une orientation vers une unité d'évaluation, de réentraînement et d'orientation socioprofessionnelle pour personnes cérébrolésées [UEROS]).


Choix du lieu de sortie

Cette étape repose sur la confrontation entre le projet de sortie, élaboré par les professionnels, le patient et son entourage, et la réalité de l’offre existante. Le jury constate que trop souvent l’orientation doit s’adapter à des contraintes indépendantes de l’intérêt de la personne.

Une orientation au plus près des besoins et souhaits de la personne repose sur une parfaite connaissance de l’offre environnante par les professionnels en charge de son orientation.
Afin de favoriser cette meilleure connaissance, le jury recommande :

  • des rapprochements institutionnels pour une meilleure articulation des instances locales de concertation sanitaires et médico-sociales ;
  • un renforcement des implications individuelles par des visites croisées et des rencontres régulières (à privilégier aux échanges écrits ou téléphoniques) entre les acteurs hospitaliers et ceux du lieu de vie.


Mise en œuvre de la sortie et suivi

La réussite du projet de sortie repose essentiellement sur la continuité de la coordination débutée en phase d’hospitalisation complète.

La situation de la personne peut revêtir des réalités différentes à l’échelon locorégional. À domicile, elle peut si besoin disposer de l’intervention :

  • de professionnels de santé libéraux (isolés ou organisés) ;
  • d’équipes mobiles d’origine hospitalière (travaillant avec les libéraux) ;
  • d’un service d’HAD avec une dimension réadaptation réinsertion ;
  • d’un réseau de santé ;
  • d’un centre de soins infirmiers ;
  • d’un service de soins infirmiers à domicile (SSIAD) ;
  • de services de soutien à domicile (auxiliaires de vie sociale, travailleuses familiales, etc.) ;
  • des assistantes sociales (de secteur, de l’assurance maladie, d’entreprise, etc.) ;
  • des services d’accompagnement à la vie sociale (SAVS) et des service d’accompagnement médico-social pour adultes handicapés (SAMSAH) ;
  • des centres communaux d’action sociale (CCAS).

Elle peut également être accompagnée dans le cadre d’un hôpital de jour ou être suivie en consultation externe spécialisée.

La sortie est trop souvent une rupture. Il faut rechercher des formules transitionnelles qui amoindrissent ce risque, comme certaines citées ci-dessus. Parmi celles-ci, celles qui permettent le suivi à domicile par des acteurs qui y manquent (ergothérapeutes, psychologues en particulier) sont souhaitables (équipe mobile d’origine hospitalière, HAD de réadaptation, réseau de santé « handicap », etc.).

À tout moment, le SVA peut être sollicité pour aménagement des conditions de vie. Il en est de même pour les commissions départementales de l’éducation spéciale (CDES) et les COTOREP, et pour les futures maisons départementales des personnes handicapées.

Les associations (de familles et/ou personnes en situation de handicap) peuvent accompagner la personne et son entourage dans la mise en œuvre de la sortie.

Le médecin traitant, désigné par la personne, doit être tenu informé des modalités de la sortie et associé à chaque étape du processus. Il est un des acteurs essentiels à la coordination des interventions des professionnels auprès de la personne.

Le jury recommande qu'une véritable coopération s'instaure entre les professionnels hospitaliers et ceux du lieu de vie, qui repose par exemple sur des synthèses au domicile, des rencontres et des outils de communication (fiche de suivi, document partagé, dossier médical personnel, etc.) accessibles à la personne, des équipes mobiles, des services d’HAD ou des réseaux de santé, leur permettant collégialement d’assurer le suivi et la réévaluation de la prise en charge si nécessaire.

Afin d’assurer le financement des différentes prestations et aides nécessaires au maintien de la personne dans son lieu de vie, le jury recommande l’harmonisation des prestations et la coordination des financeurs au travers de dispositifs existants ou à venir.

Le jury recommande aux différentes équipes d'accompagnement (qu'elles soient d'origine hospitalière ou extra-hospitalière, sanitaire ou médico-sociale) de prendre en compte la difficulté fréquente du transfert des acquis du milieu hospitalier au lieu de vie ordinaire et de suivre l'évolution globale de la personne afin de tout mettre en œuvre pour maintenir les possibilités fonctionnelles (motrices et/ou neuropsychologiques) obtenues à l'hôpital et au mieux de les faire progresser. Parmi les facteurs de difficulté de ce transfert des acquis dans la réalité vécue, on peut citer la très fréquente non-stabilisation de l’état psychologique de la personne, le manque d’adaptations de l’environnement et l’insuffisance de communication entre les différents acteurs qui se relaient.

Lors de ce suivi, qui débute dès la sortie du monde hospitalier et qui peut se poursuivre à très long terme, le jury recommande de ne pas négliger « l'aide aux aidants », notion essentielle constituée par le soutien psychologique de l'entourage de la personne handicapée (formation aux nouvelles conditions de vie, accompagnement psychologique, surveillance de la tolérance à la charge). De façon ponctuelle, un « répit » pour la personne et/ou l’entourage peut également être prévu en demandant une hospitalisation ou une prise en charge en structure d'hébergement temporaire.

Le jury recommande de remettre à la personne handicapée et à la personne référente un document personnalisé comportant les coordonnées des personnes ressources et des services et institutions de son environnement, ainsi qu’une liste des démarches effectuées ou des contacts possibles à établir.

Question 4 - Face aux obstacles, aux facteurs limitants et aux attentes réciproques de tous les acteurs (de l’hôpital et du lieu de vie) concernés par la réalisation pratique de la sortie de l’hôpital et du retour à domicile, quelles propositions ?

La sortie du monde hospitalier et le retour à domicile d’une personne adulte handicapée rencontrent de nombreux obstacles. Ils concernent l’information et la communication, la sensibilisation des acteurs et leur formation, l’évaluation, l’accès aux structures et aux services.

Difficultés concernant l'information et la communication

  • Le patient et la famille n’ont pas d’interlocuteur identifié à l’hôpital et la communication est difficile.

    Le jury recommande la mise en place de plages horaires permettant la rencontre avec le ou les référents, la formalisation d’une première rencontre avec la famille si possible en présence du patient, dès l’entrée. Ce référent effectuera un accompagnement permanent tout au long du parcours de réadaptation.
  • La culture médicale et la spécialisation ne favorisent pas une vision globale de la situation du patient.

    Le jury recommande des temps de synthèse interdisciplinaire réguliers participant à l’élaboration et au suivi du projet personnalisé de soin et d’accompagnement. Le patient doit être considéré comme acteur de son projet et donc associé, dès que possible, à son élaboration.
  • Les services extérieurs ne sont pas connus. Le séjour à l’hôpital est déconnecté du contexte de vie à domicile.

    Le jury recommande de procéder à un recueil des données médico-sociales sur la situation antérieure du patient, qui doit être réalisé dès l’entrée, pour servir de base à son projet. Il permet éventuellement de les intégrer dans la démarche de soin. Des informations précises doivent être transmises à chaque intervenant médical, paramédical et social pour assurer la continuité de la prise en charge.


Faible sensibilisation des différents acteurs et insuffisance des formations

  • La personne handicapée se sent dévalorisée et les rapports familiaux sont très perturbés.

    Le jury recommande :
    • de mieux préparer le patient à vivre avec son handicap par un soutien psychologique. La famille doit également être accompagnée. L’intervention de psychologues, notamment, dans les services de soins de suite et à domicile s’avère indispensable ;
    • de mettre en place des groupes de parole associant des personnes ayant vécu les mêmes difficultés et souhaitant faire partager leur expérience. Ce soutien peut recouvrir plusieurs formes : partenariat avec des associations d’usagers, émulation par des pairs, tutorat, etc.
  • La préparation à la sortie doit se faire en situation écologique.

    Le jury recommande la présence et l’implication de la famille dans les temps de réadaptation avec des mises en situation avant la sortie. La place de l’ergothérapeute est prépondérante dans ce processus. Les simulateurs de logement favorisent cette initiation ; ils peuvent être complétés par des appartements relais et la création d’unités intermédiaires. Les visites à domicile, les permissions thérapeutiques et les mises en situation réelle sont indispensables.
  • Les professionnels sont insuffisamment formés à l’approche globale du handicap.

    Le jury recommande que la formation des équipes de soins et d’accompagnement intègre des modules spécifiques tels que :
    • la psychologie de la personne handicapée ;
    • le handicap et l’environnement ;
    • la relation d’aide ;
    • « le poids des mots »
    • les composantes sanitaires et sociales de la lutte contre le handicap.

      Le suivi de ces modules est un préalable à la mise en situation professionnelle.
  • Les cloisonnements entre les services et les professions sont un frein à la construction du projet personnalisé et à la lutte contre le handicap.

    Le jury recommande que dans la formation initiale et continue soient prises en compte les notions de :
    • connaissance des différents métiers du soin et de l’accompagnement et des exigences médico-paramédico-technico-psycho-sociales de la lutte contre le handicap ;
    • conduite de réunions pluridisciplinaires ;
    • planification interdisciplinaire et formalisation du projet individualisé.


Évaluation

De multiples outils d’évaluation existent à l’hôpital comme au domicile, mais ils sont rarement validés. Peu d’entre eux prennent en compte les attentes et les besoins du patient, ce qui l’empêche d’adhérer au projet. La diversité et l’hétérogénéité de ces outils nuisent à la continuité de l’accompagnement.

Le jury recommande une démarche d’évaluation pluridisciplinaire intégrant les attentes et les besoins du patient, conçue en partenariat entre l’hôpital et la ville. Cette démarche devrait être un préalable à l’élaboration et à la validation d’outils communs, éléments d’un dossier partagé, sur un territoire de proximité.


Manque de structures et de services d'aval, absence de coordinnation entre eux

  • De nombreux obstacles persistent liés à un manque de professionnels, de structures et de services adaptés. Les sorties des établissements sont souvent compromises faute de solutions d’aval. Ces solutions doivent être diversifiées de façon à proposer une palette de réponses adaptée aux besoins de chaque personne handicapée.
    Concernant les professionnels, le jury recommande :
    • de développer la pluridisciplinarité à l’hôpital comme au domicile ;
    • de faire connaître les métiers tournés vers le handicap, notamment ceux d’ergothérapeute (en recherchant des formules qui permettent l’accès à cette compétence au domicile), d’ergonome, de technicien de l’intervention sociale et familiale, d’auxiliaire de vie sociale, etc. ;
    • d’ouvrir plus largement les formations à ces métiers (problèmes de démographie des professions).

      Concernant les structures, le jury recommande des modes de prise en charge diversifiés :
    • adaptation quantitative et qualitative des places en SSR ;
    • création d’hôpitaux de jour de réadaptation, d’équipes mobiles hospitalières de réadaptation, de services d’HAD de réadaptation et de réseaux de santé handicap ;
    • ouverture et diversification de l’offre médico-sociale ;
    • solutions de répit : accueil de jour et hébergement temporaire.

      Concernant la vie à domicile, le jury recommande la création et le développement de services d’accompagnement, de services de soins et d’aide à domicile adaptés aux besoins des personnes handicapées.
      Concernant le logement, en lien avec les associations PACT ARIM, les sociétés d’union sociale de l’habitat, l’Association nationale pour l’amélioration de l’habitat (ANAH) et les collectivités locales, un nombre suffisant de logements adaptés au handicap doit être disponible.
  • Actuellement, existent des dispositifs qui se superposent sans lien entre eux et spécialisés par pathologie et par catégorie d’âge. Ceci peut entraîner une déperdition d’énergie et de moyens, qui complexifie grandement l’organisation de la prise en charge.
    Le jury recommande :
    • de mettre en cohérence des dispositifs existants ;
    • de définir un territoire pertinent pour proposer une réponse de proximité, notamment, en matière d’information, d’orientation et de services polyvalents d’aide et de soins à domicile (centres communaux d’action sociale [CCAS], centres locaux d’information et de coordination [CLIC], etc.). Cette organisation de proximité doit être épaulée au niveau départemental par des centres ressources tels que les SVA, les futures maisons départementales des personnes handicapées, etc. Elle doit déboucher sur la création d’un réseau intégrant l’ensemble des professionnels permettant de valoriser le travail de chacun autour de la personne en situation de handicap.

Question 5 - Comment évaluer le service rendu ?

L’évaluation est un moyen de valoriser une action afin de mesurer l’impact positif et négatif d’une démarche. Il s’agit d’un processus scientifique qui répond à des impératifs internationaux. Il est nécessaire de préciser l’objet de l’évaluation, la population étudiée, la méthode utilisée et le service rendu, le bénéficiaire de cette recherche. Il faut également en préciser la durée et qui doit l’effectuer.


Objet de l'évaluation

L’organisation à évaluer est celle de l’ensemble des intervenants chargé de la prise en charge globale de la personne depuis son entrée dans la structure hospitalière jusqu’à son milieu habituel de vie.

A partir de l’écoute du projet du patient et/ou de son entourage, cette démarche, doit être définie au préalable, mais adaptée à la personne considérée. Elle doit faire l’objet de procédures concertées entre les différents intervenants en incluant à toutes les étapes le patient et son entourage.


Population étudiée

Elle correspond au thème général de la conférence, à savoir « la personne adulte handicapée sur les plans moteur et/ou neuropsychologique ». Cette population est hétérogène et doit être répartie en 4 ou 5 groupes d’individus selon la gravité et/ou la nature du handicap.


Méthode utilisée et définition du service rendu

Le jury recommande l’utilisation de la méthode « coût-utilité » pour évaluer l’efficacité de ces propositions. Cela impose un certain nombre de pré-requis permettant :

  • d’avoir une visibilité totale sur les coûts de la prise en charge et sur les modes de financement. Certaines expériences montrent que cette transparence budgétaire n’est pas toujours la règle. Ceci s’explique par les difficultés inhérentes aux règles de la comptabilité publique, du cloisonnement des institutions et de la non fongibilité des enveloppes budgétaires ;
  • de définir un paramètre pertinent d’utilité, le jury recommande le recours à une échelle de qualité de vie et/ou de satisfaction des individus comme critère principal d’évaluation. L’échelle choisie devra être reproductible, validée à l’échelon international et applicable aux différentes situations de handicap envisagées par la conférence. C’est le résultat de cette échelle qui servira d’indicateur du service rendu.

La méthode devra être prospective et comparera différents types de prise en charge définies à l’avance. Le suivi devra être effectué sur un an minimum. Il est possible d’organiser des étapes intermédiaires (recueil de critères de jugement à la sortie du monde hospitalier, à 6 mois, à 1 an, etc.).

D’autres critères de jugement devront être recueillis : durées et fréquence des hospitalisations, description des évènements indésirables (mortalité, morbidité), satisfaction des différents intervenants (soignants, sociaux et médico-sociaux), de la personne handicapée et de sa famille.


Autres méthodologies possibles pour un résultat à court terme

Le jury recommande le recours :

  • à l’utilisation de bases de données à partir des archives hospitalières ou des données du PMSI ;
  • à la recherche d’indicateurs de performance ou de résultats ;  à la mise en place de procédures qualité, complétées par des enquêtes de satisfaction de l’ensemble des personnes concernées par le dispositif ou des aidants naturels ;
  • aux mesures de la charge de travail, de l’impact psychologique et du temps passé auprès de la personne handicapée dans l’objectif d’une meilleure valorisation de ces actes ;
  • à l’évaluation du partage des informations, de la procédure d’information et d’éducation des familles, des temps de concertation entre intervenants hospitaliers et non hospitaliers.

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