Rapport de synthèse sur le dépistage et le diagnostic du diabète gestationnel

Recommandation en santé publique - Mis en ligne le 01 juil. 2005 - Mis à jour le 19 juil. 2006

Ce rapport analyse en 2005, les données de la littérature sur les méthodes de dépistage et de diagnostic du diabète gestationnel et évalue le bénéfice de ces méthodes sur la réduction des risques materno-foetaux au cours de la grossesse et au moment de l’accouchement, et sur la réduction des risques à long terme pour la mère et l’enfant.

 

Synthèse

L’évaluation des méthodes de dépistage et de diagnostic du diabète gestationnel a été élaborée à la demande de la Société de nutrition et de diététique de langue française pour les professionnels de santé.


Définition

Cette définition est retenue par l’ensemble des sociétés savantes à l’origine de recommandations sur le dépistage et le diagnostic du diabète gestationnel.
Elle pose 2 problèmes :

  • il s’agit d’une définition qualitative non opérationnelle ;
  • elle regroupe deux populations de femmes dont le pronostic materno-fœtal n’est probablement pas le même : des femmes qui ont un trouble de la tolérance glucidique antérieur à la grossesse (mais méconnu) et des femmes qui développent un trouble de la tolérance glucidique au cours de la grossesse. La part de chaque groupe dans la prévalence globale de la maladie n’est pas connue, mais la prévalence du diabète gestationnel (de 1 à 14 % selon les populations) est d’autant plus élevée que la prévalence du diabète de type 2 en population est élevée.



Dépistage et diagnostic du diabète gestationnel. Les recommandations existantes

Les stratégies diagnostiques
Selon la plupart des recommandations existantes, le diagnostic du diabète gestationnel repose sur des tests de charge orale en glucose (HGPO). Les méthodes dites alternatives (dosages de la glycémie à jeun ou non, de la glycosurie, de l’hémoglobine glyquée) ne sont pas recommandées.

Les stratégies en 1 temps sont basées sur la réalisation, dans la population cible, d’une HGPO après charge en glucose de 75 g.
Les stratégies en 2 temps sont basées sur la réalisation d’un test de dépistage (HGPO 50 g, dit « test de O’Sullivan ») sur la population cible, puis d’un test diagnostique (HGPO 100 g ou HGPO 75 g) qui confirme ou non le diagnostic de diabète gestationnel chez les femmes dépistées positives.
Une stratégie diagnostique en 1 temps pourrait réduire les désagréments liés à l’HGPO 100 g (nausées, vomissements, sensations de malaise) et/ou limiter le nombre de femmes qui dépistées positives ne réaliseraient pas le second test diagnostique.

À qui s’adresse le dépistage ?
La population cible correspond à l’ensemble des femmes enceintes entre la 24e et la 28e semaine d’aménorrhée, à l’exception des femmes ayant des facteurs de risque de diabète gestationnel qui doivent bénéficier d’un dépistage dès le début de la grossesse.
Les facteurs de risque de diabète gestationnel sont :

  • l’âge : seuil entre 25 et 40 ans selon les études et/ou les recommandations internationales ;
  • l’indice de masse corporelle (IMC) maternel avant la grossesse (surpoids ou obésité) : seuil entre 25 et 30 kg/m² selon les études et/ou les recommandations internationales ;
  • l’origine ethnique (les femmes d’origine caucasienne sont à plus faible risque) ;
  • les antécédents familiaux de diabète ;
  • les antécédents personnels de diabète gestationnel, de mort fœtale in utero ou de macrosomie.

La prévalence des facteurs de risque de diabète gestationnel en population est très élevée : dans certaines populations en fonction des facteurs et des seuils retenus, seulement 10 % des femmes n’auraient aucun facteur de risque. Inversement, la proportion de femmes ayant un diabète gestationnel, qui ne seraient pas identifiées par un dépistage ciblé sur les facteurs de risque, pourrait atteindre 50 %.
Avec un dépistage systématique par rapport à un dépistage ciblé, le nombre de faux négatifs diminue, mais inversement le nombre de faux positifs s’accroît. La valeur prédictive positive du test de dépistage (O’Sullivan) est faible : moins de 20 % des femmes dépistées positives sont des vrais positifs en retenant un seuil de dépistage (test de O’Sullivan) à 1,40 g/l (7,8 mmol/l). La diminution de la valeur seuil de la glycémie permet d’augmenter la sensibilité du test, mais en diminue la spécificité et augmente le taux de faux positifs.

Les seuils diagnostiques
Sur les 11 recommandations internationales identifiées, 7 seuils différents sont proposés pour l’HGPO 75 g et 2 pour l’HGPO 100 g. Deux valeurs seuils respectivement à 1,30 g/l (7,2 mmol/l) et 1,40 g/l (7,8 mmol/l) sont retenues pour le test de dépistage, avec pour certaines recommandations un diagnostic d’emblée lorsque la glycémie à 1 heure est ≥ 2 g/l (11,1 mmol/l).
L’OMS préconise l’utilisation des seuils qui définissent une intolérance au glucose ou un diabète en dehors de la grossesse. Ces seuils définis en population générale sont basés sur le risque de complications micro- et macrovasculaires. Les seuils retenus par l’ensemble des autres recommandations internationales varient, mais ils sont tous dérivés de l’étude initiale de O’Sullivan et Mahan (1964).
Cette étude est très critiquable sur le plan méthodologique. En particulier, les seuils ont été
définis :

  • en fonction du risque de diabète à distance de la grossesse et non sur le risque de complications périnatales ;
  • sur des populations de femmes sélectionnées.

Seule l’US preventive Task Force ne fait pas de recommandations en l’absence de données publiées, suffisantes et pertinentes.


Évaluation des méthodes de dépistage et de diagnostic

La mortalité périnatale
L’histoire naturelle du diabète gestationnel est mal connue. Les données de la littérature ne permettent pas d’estimer, dans les conditions actuelles de prise en charge obstétricale des femmes enceintes, le risque de décès périnatal associé au diabète gestationnel non traité.

La macrosomie et ses complications
a. Association entre macrosomie et diabète gestationnel
Selon les études, la macrosomie (15 à 30 % des grossesses avec diabète gestationnel) est définie par un poids de naissance > 4 000 g ou 4 500 g ou > 90e percentile pour l’âge gestationnel. Entre 4 et 11 % des macrosomies sont compliquées : césariennes, dystocies de l’épaule et lésions du plexus brachial. Le risque de complication croît avec le poids de naissance.
La plupart des macrosomies surviennent chez des femmes indemnes de diabète gestationnel : moins de 10 % des macrosomies seraient attribuables à un diabète gestationnel.
Parmi les facteurs de risque de macrosomie, l’obésité ou la surcharge pondérale maternelle ainsi que la prise de poids pendant la grossesse seraient des facteurs de risque majeurs (avec l’origine ethnique de la mère), plus importants que le niveau de la glycémie elle-même. Ces facteurs de risque de macrosomie sont également des facteurs de risque de diabète gestationnel, mais leur intrication est mal connue.
Il existe un continuum entre la glycémie maternelle (glycémie à jeun et/ou glycémie après charge orale en glucose) et la survenue d’une macrosomie, ce qui rend difficile le choix d’un seuil de risque, si le critère de jugement retenu est la macrosomie.
Cependant la macrosomie est un critère intermédiaire pour l’évaluation de la morbidité liée au diabète gestationnel : les complications de la macrosomie seraient des critères de jugement plus pertinents.

b. Les traitements du diabète gestationnel sont-ils efficaces pour réduire les taux de macrosomie et ses complications ?
L’efficacité du traitement par insuline sur la réduction des taux de macrosomie et de ses complications n’est pas clairement démontrée et dépendrait de la sévérité de l’hyperglycémie maternelle. Ce type de traitement ne serait efficace que chez les femmes ayant une hyperglycémie « sévère », mais pas chez les femmes présentant des « degrés moindres » d’hyperglycémie. Aucun seuil précis ne peut être proposé actuellement.
La prise en charge diététique n’a pas fait individuellement la preuve de son efficacité.
Un essai récent, bien que présentant des biais, pourrait conduire à tempérer ces conclusions si les résultats sont confirmés : la prise en charge associant diététique, contrôle glycémique ± insuline serait efficace pour réduire la morbi-mortalité périnatale chez les femmes ayant un diabète gestationnel « modéré ».

Hypertension gravidique et pré-éclampsie
HTA gravidique et pré-éclampsie sont plus fréquentes chez les femmes ayant un diabète gestationnel. Les données de la littérature ne permettent pas de conclure définitivement sur l’existence d’un lien de causalité. En revanche, l’analyse des études contrôlées suggère la prépondérance d’un terrain commun qui pourrait expliquer cette association statistique. La prise en compte des facteurs de risque communs à l’HTA gravidique (ou à la pré-éclampsie) et au diabète gestationnel, en particulier l’âge et l’IMC :

  • diminue la force de l’association entre HTA gravidique et diabète gestationnel ;
  • montre que les effets de l’âge et de l’IMC sont probablement plus importants que le niveau de la glycémie maternelle sur le niveau de la pression artérielle au cours de la grossesse.

Aucune étude n’a permis d’évaluer l’efficacité de la prise en charge du diabète gestationnel pour réduire l’hypertension gravidique et ses complications, et inversement.

Diabète à distance de la grossesse chez la femme
Chez des femmes ayant un diabète gestationnel, le risque de diabète à distance de la grossesse varie entre 2 % et 70 % selon les populations d’étude et leur durée de suivi, mais l’incidence réelle du diabète post-gestationnel est inconnue. Le principal facteur prédictif serait l’accroissement de la glycémie à jeun au cours de la grossesse, mais la place de l’IMC maternel reste à définir dans cet excès de risque. L’intérêt du dépistage et du diagnostic du diabète gestationnel par des tests de charge en glucose pour la prévention du diabète de type 2 à distance de la grossesse n’est pas démontré. Il nécessiterait également la réalisation d’études d’évaluation économique.

Obésité chez l’enfant
Le risque d’obésité et de surcharge pondérale chez l’enfant n’est pas prouvé. Aucune étude correctement menée ne permet d’étayer cette hypothèse.

Conclusion

Le dépistage systématique ou ciblé du diabète gestationnel est controversé et se traduit par une grande hétérogénéité des recommandations internationales et des pratiques professionnelles.

L’objectif de ce travail était de faire l’état et la synthèse de la littérature sur les méthodes de dépistage et de diagnostic du diabète gestationnel et d’apporter les éléments de réflexion clinique utiles dès lors qu’on s’intéresse à l’évaluation des méthodes de dépistage.

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