Dépistage du cancer du sein par mammographie : évaluation de la méta-analyse de Gotzsche et Olsen

Public Health guideline - Posted on Jan 01 2002 - Updated on Sep 27 2006

La méta-analyse publiée en 2001 par Gotzsche et Olsen remet en cause l’efficacité et la sécurité du dépistage du cancer du sein au moment de la généralisation en France du programme national de dépistage de ce cancer. La Direction Générale de la Santé a demandé à l’ANAES une expertise de cette méta-analyse afin de répondre à la controverse initiée
Ce rapport a pour objectifs de réaliser l'analyse critique de la méta-analyse danoise et d’en discuter les conclusions.


La méta-analyse de Gotzche et Olsen

Les différentes versions

Les auteurs danois, Gotzsche et Olsen, ont publié la première version de leur méta-analyse dans la revue The Lancet en janvier 2000. Il s’agissait d’un article sans description exhaustive de la méthode et des données (6).

Suite à de multiples commentaires, ces mêmes auteurs ont complété leur analyse. La nouvelle version a été publiée sous forme d’article dans The Lancet en octobre 2001 (7). La version intégrale de l’analyse (3) était disponible sur le site Internet du journal (www.thelancet.com). Cette méta-analyse a également été publiée par la Cochrane Library incluant quelques modifications apportées par le Cochrane breast cancer group (4).


Revue de la méthode d’analyse de la littérature de la méta-analyse de Gotzsche et Olsen

Notre analyse est fondée sur la version la plus récente et la plus complète de la métaanalyse : celle disponible sur le site Internet de The Lancet (3). Toutes les modifications apportées par le Cochrane Breast cancer group ont été ajoutées à cette analyse (4).

Objectifs de la méta-analyse
L’objectif a été de vérifier l’effet du dépistage du cancer du sein par mammographie sur la mortalité et la morbidité.

Sélection et analyse de la littérature
Les auteurs ont sélectionné les études randomisées prospectives comparant un groupe dépisté par mammographie et un groupe témoin sans dépistage. Neuf études randomisées ont ainsi été retrouvées. Sept d’entre elles ont été retenues dans le cadre de cette métaanalyse. Les critères de sélection de la littérature ne sont pas explicites dans la publication revue.

Méthode d’analyse
La sélection des essais et l’extraction des données ont été réalisées de manière indépendante par chacun des deux auteurs. La grille de lecture des études n’a pas été décrite. Les essais n’ont apparemment pas été revus par d’autres lecteurs mais les discordances ont été résolues par discussion.

Les critères qualitatifs méthodologiques de classification des études étaient les suivants :

  • adéquation de la méthode de randomisation ;
  • comparabilité des deux groupes à l’inclusion ;
  • existence d’exclusions après randomisation ;
  • fiabilité des données de mortalité, y compris les causes de décès ;
  • cohérence des effectifs randomisés, inclus et suivis dans les publications.

Les modalités d’extraction des données ne sont pas clairement expliquées. Néanmoins, Gotzsche et Olsen ont contacté les auteurs des essais pour obtenir des informations complémentaires sur des données manquantes.

La qualité méthodologique des études retenues a été décrite et commentée. Gotzsche et Olsen ont classé les études en quatre groupes selon leur qualité méthodologique : bonne, moyenne, pauvre ou mauvaise. Les auteurs n’ont classé aucune étude dans le groupe de bonne qualité, 2 dans le groupe de qualité moyenne, 3 dans le groupe de pauvre qualité et 2 dans le groupe mauvaise qualité.
Les critères de cette classification ne sont pas explicites. Elle se fonde sur la possibilité d’un biais mineur ou majeur au niveau des critères méthodologiques sans qu’aucune définition explicite des biais mineurs ou majeurs ne soit donnée.


Résultats de la méta-analyse de Gotzsche et Olsen

Mortalité par cancer du sein
Les résultats de la méta-analyse parus dans la version Internet de The Lancet (3) variaient en fonction des études prises en compte dans l’analyse. Les deux essais considérés comme de mauvaise qualité ont été exclus.
Les résultats correspondaient à la prise en compte des essais de qualité méthodologique moyenne : ils ne montraient pas de diminution de la mortalité par cancer du sein : risque relatif de 1,05 (95% IC 0,83-1,33) à 7 ans et de 0,97 (0,82-1,14) à 13 ans.
Quand l’analyse portait sur les 3 études de qualité méthodologique pauvre, une diminution de la mortalité du cancer du sein était notée : risque relatif de 0,74 (0,61-0,90) à 7 ans et de 0,68 (0,58- 0,78) à 13 ans.

Dans la version Cochrane de la méta-analyse (4), ayant mis en commun à la demande du groupe Cochrane les données de toutes les études à l’exception de celles classées en « mauvaise qualité méthodologique », la mortalité par cancer du sein était diminuée. Le risque relatif était de 0,85 (0,73- 0,99) à 7 ans et de 0,80 (0,71-0,89) à 13 ans. Ce résultat est conforme aux résultats des précédentes méta-analyses publiées sur le sujet.

Seules les études de qualité méthodologique faible, et donc potentiellement biaisées, montraient une réduction de mortalité par cancer du sein. Cependant la mise en évidence par la méta-analyse d’une interaction entre le résultat sur la mortalité par cancer du sein et la qualité méthodologique des études est à interpréter avec prudence en raison des questions sur la classification des études réalisée par Gotzsche et Olsen.

Mortalité globale
Le dépistage du cancer du sein n’était suivi d’aucun effet ou d’un effet minime en terme de mortalité globale après 13 ans de suivi ni dans la version The Lancet (3) ni dans la version Cochrane (4). L’étroitesse de l’intervalle de confiance permet de déduire que, s’il y a réduction de la mortalité totale, celle-ci est inférieure à 4 % en relatif.

Traitements des tumeurs dépistées
Gotzsche et Olsen ont mis en évidence une augmentation du nombre de mastectomies de 20 % et du nombre de mastectomies et radiothérapies de 30 %. Dans la version Cochrane (4), les données sur les traitements administrés en aval du dépistage n’ont pas été décrites alors que ces données figuraient dans l’analyse. Aucune explication de cette omission n’était donnée.


Lecture critique de la méta-analyse de Gotzsche et Olsen

Modification du critère d’évaluation
Pour Gotzsche et Olsen, la mortalité par cancer du sein était un critère biaisé reposant en particulier sur de mauvaises classifications des décès. Pour exemple, ce critère isolé exclut en particulier les complications des traitements. Ils ont donc fondé leurs conclusions sur l’analyse de la mortalité globale. Dans la mesure où les essais n’ont pas été construits pour répondre à cet objectif, on peut s’interroger sur la puissance nécessaire pour montrer une différence de mortalité globale. Dans la mesure où l’effet à attendre sur la mortalité globale est de très petite taille et bien que l’intervalle de confiance soit étroit, la puissance peut avoir été insuffisante.

Analyse des études de dépistage selon le modèle « essais thérapeutiques »
L’évaluation de l’efficacité en population d’un programme de dépistage du cancer ne peut se limiter à une analyse du type essai thérapeutique (8). Les objectifs d’un essai thérapeutique randomisé sont d’étudier une molécule supposée active versus une référence ou un placebo. L’objectif de l’essai d’intervention est de prouver l’efficacité d’une stratégie : par exemple, de comparer un dépistage systématique organisé à une pratique médicale courante.
Dans les essais thérapeutiques, la compliance du groupe traité est importante voire totale avec de faibles écarts au protocole, une contamination du groupe témoin et des perdus de vue rares , voire exceptionnels. Dans un programme de dépistage, du fait de la longue durée du suivi et du grand nombre de sujets inclus, la contamination du groupe témoin est inévitable et peut être importante, ce qui induit potentiellement une dilution de l’effet de l’intervention. De même, les perdus de vue ou les sorties d’essai après inclusion peuvent être élevés dans le cadre du dépistage.
Les études d’intervention en population sont en général moins facilement concluantes que des essais thérapeutiques, elles demandent à être répétées afin d’établir la causalité entre l’intervention et l’effet, en raison de la multiplicité des facteurs pouvant interférer avec l’intervention.
Sur le strict plan de l’analyse, les auteurs ont fait le choix de l’analyse en « intention de traiter » de ces essais de dépistage. C’est certainement le choix le plus acceptable pour évaluer une intervention. Néanmoins, il minimise probablement l’effet du dépistage.

Critères d’analyse de la qualité méthodologique
Les études randomisées disponibles débutées entre 1960 et 1980 ne répondent pas aux exigences méthodologiques qui fondent la recherche clinique actuelle. Il est donc aisé d’y trouver des défauts ou des biais majeurs.
La classification des études retenues dans la méta-analyse a fait l’objet de nombreuses critiques (9). Les critères ayant conduit à identifier 2 des études comme étant de qualité satisfaisante peuvent être discutés. Ainsi, pour exemple, l’étude canadienne était jugée de bonne qualité alors qu’elle ne donnait pas de renseignements sur la distribution par âge et associait à la mammographie un examen physique par le personnel médical. Associer le dépistage par mammographie à un examen physique médical correspond à une autre stratégie de dépistage et l’inclusion de cette étude dans la méta-analyse aurait dû être discutée.

Certains biais invoqués ne sont pas significatifs dans le cadre du dépistage. Le très grand nombre de femmes incluses tend à rendre significative une différence d’âge même minime alors que dans les essais thérapeutiques portant sur une centaine de sujets, des différences de plusieurs années peuvent ne pas l’être. Une différence d’âge de un mois entre le groupe dépisté et le groupe témoin était significatif pour les auteurs et de ce fait introduisait un biais. Cette différence d’âge faible peut être considérée comme négligeable en ce qui concerne le dépistage. Ce déséquilibre peut être un marqueur de manque de rigueur de la randomisation, lié aux conditions de réalisation des essais pris en compte (randomisations par blocs ou par « clusters » plutôt que randomisation individuelle).

Prise en compte des facteurs environnementaux
De nombreux critères peuvent influencer les résultats de tels essais de dépistage : taux de participation, qualité des mammographies, procédures et qualité de lecture des clichés, éventuelles contaminations du groupe témoin par dépistage individuel spontané, intervalle entre 2 examens, nombre d’incidences, durée du suivi, qualité de la prise en charge (8). Une méta-analyse standard ne tient pas compte des différentes variables qui contribuent à modifier le risque en situation de dépistage. Ces différents paramètres n’ont pas été évalués dans la méta-analyse danoise. Gotzsche et Olsen soulignent que la qualité technique des mammographies et la reproductibilité inter-observateurs ne semblaient être évaluées que dans un essai.
La contamination du groupe contrôle, c’est-à-dire l’accès des femmes appartenant à ce groupe à la mammographie en dehors de l’essai, peut réduire le bénéfice attendu du dépistage (10).
Les études analysées ont été mises en œuvre entre 1960 et 1980. Depuis, les techniques et les traitements ont été améliorés. Ainsi, l’étude canadienne, retenue comme de qualité méthodologique moyenne dans la méta-analyse danoise, a-t-elle utilisé des mammographies de mauvaise qualité en début d’essai (8). L’évolution des méthodes d’imagerie et de traitement limite l’extrapolation des résultats de la méta-analyse de Gotzsche et Olsen.


Les enseignements à tirer de la méta-analyse de Gotzsche et Olsen

La méta-analyse soulève les questions suivantes :
Quelle est la bonne méthode à retenir pour évaluer l’efficacité d’une intervention ? Quels sont les critères pertinents à retenir dans ce cadre ?

Intérêt majeur de l’environnement
La méta-analyse pose la question de l’évaluation d’une intervention quand les procédures de mise en œuvre, la « compliance » des populations, les avancées thérapeutiques et diagnostiques modifient sans doute considérablement les résultats attendus. On peut par exemple penser que des innovations diagnostiques conduisant à détecter des lésions de plus en plus petites vont accroître les taux de faux positifs. Ceci souligne que l’efficacité du dépistage ne peut être dissociée de la qualité de la prise en charge du cancer du sein.

Traitements
Gotzsche et Olsen mettaient en évidence une augmentation des mastectomies et des radiothérapies dans le groupe dépisté. Ces données remettent en cause le bénéfice attendu en terme d’allègement des traitements lié à la détection de tumeurs à un stade précoce. Dans les essais randomisés pris en compte, les traitements reçus par les patientes en aval du dépistage d’une tumeur ne sont que rarement étudiés (10).
De plus, la pertinence des traitements administrés au cours des essais n’est pas discutée.
Selon le groupe de travail, l’effet du dépistage ne peut être séparé des effets de la thérapeutique. Un programme organisé de dépistage du cancer du sein doit ainsi s’accompagner de la mise en place d’un outil de recueil des données, incluant notamment la prise en charge thérapeutique.


Conclusions sur la revue de la méta-analyse de Gotzsche et Olsen

La méta-analyse de Gotzsche et Olsen remet en cause le consensus sur l’efficacité du dépistage du cancer du sein. Elle remet en question la pertinence de l’évaluation du dépistage du cancer du sein sur le seul critère de mortalité par cancer du sein et prend comme critère principal la mortalité globale. Les critiques de cette méta-analyse sont nombreuses. Elles portent sur le choix du critère principal d’évaluation, sur la classification retenue pour la qualité méthodologique des essais, sur l’omission de certains aspects prépondérants pour l’interprétation des données tels que les protocoles de dépistage et l’assurance qualité. L’absence d’analyse de sensibilité est gênante.
Les conclusions de Gotzsche et Olsen vont à l’encontre de celles des 9 méta-analyses publiées entre 1993 et 1998. Ces méta-analyses ont toutes montré une réduction significative de la mortalité par cancer du sein variant de 26 à 34 % (10). Quand Gotzsche et Olsen ont analysé les données conformément aux souhaits des rapporteurs de la Cochrane, ce bénéfice sur la mortalité par cancer du sein reste démontré mais avec une grande hétérogénéité.
On peut donc en conclure que cette méta-analyse ne présente pas un niveau de preuve élevé. Elle souligne cependant la nécessité, pour identifier le bénéfice d’une stratégie visant à dépister des tumeurs à un stade précoce, de prendre en compte la qualité de la prise en charge consécutive au dépistage.

Les recommandations de l'Anaes

L’ANAES a réalisé 2 rapports sur le dépistage du cancer du sein. Le premier a évalué le programme de dépistage systématique du cancer du sein en 1997 (11). Le second a donné des recommandations sur le dépistage à partir de l’analyse des 9 méta-analyses publiées entre 1993 et 1998 et de tous les essais publiés, études randomisés, études comparatives non randomisées, études de cohortes et études cas-témoin (10).

L’ANAES recommandait (10) :

  • un dépistage systématique dans la tranche d’âge 50-69 ans ;
  • la réalisation d’une mammographie tous les 2 ans ;
  • et la réalisation de 2 incidences mammographiques au moins lors des deux premières vagues de dépistage.

 

Intérêt du dépistage du cancer du sein

Résultats du programme français de dépistage organisé du cancer du sein

Le programme cancer du Département des maladies chroniques et des traumatismes de l’Institut National de Veille Sanitaire chargé de l’évaluation épidémiologique des programmes de dépistage mis en place par la Direction Générale de la Santé, a publié les derniers résultats en 1999 (1). L’analyse portait sur 28 départements représentant 2 491 549 femmes, soit 40 % des femmes françaises de 50 à 69 ans.
La moyenne des taux de participation au dépistage organisé était de 40 % (hors dépistage spontané) avec des variations de 31 à 65 % selon le département. Selon la référence européenne, le taux de participation souhaitable est de 60 %. Les indicateurs de qualité du programme de dépistage étaient le taux de rappel et le taux de biopsies chirurgicales. Un taux de rappel élevé reflète un taux de faux positifs élevés. La référence européenne pour le taux de rappel est d’être inférieur à 7 % en prévalence. En analyse de prévalence, le taux de rappel pour le programme français en 1999 est de 7,6 %. Le taux de biopsies chirurgicales était de 1 %, conforme aux normes européennes (< 1,5%).
Les indicateurs précoces d’efficacité sont cités : taux de détection des cancers, taux de cancer in situ, taux de cancers invasifs £ 10 mm et taux de cancers sans envahissement ganglionnaire.
Le taux total de détection des cancers était de 5 ‰ en prévalence et de 4,25 ‰ en incidence. La prévalence s’applique aux premières mammographies et correspond à la détection de cancers tout venant. L’incidence correspond à la détection des nouveaux cancers survenus entre 2 dépistages. Le pourcentage de cancers prévalents invasifs £ 10 mm était en moyenne de 36 %. En incidence, ce taux était de 37 %. Le pourcentage de cancer sans envahissement ganglionnaire était de 71 %. En incidence, ce taux était de 73 %. Ces taux étaient supérieurs aux recommandations européennes.
Ces indicateurs précoces d’impact de qualité et d’efficacité permettent de suivre le programme et vérifier que les taux observés sont dans les normes recommandées pour
l’obtention d’une réduction de la mortalité par cancer du sein. Selon les auteurs, les indicateurs de qualité sont en moyenne conformes aux normes européennes, les indicateurs d’efficacité ont des valeurs très élevées. Les taux de participation sont très hétérogènes d’un département à l’autre.

Une différence importante entre les stades auxquels sont diagnostiqués les cancers du sein est notée entre les départements participant au programme de dépistage et ceux n’y participant pas. Une étude réalisée en Midi-Pyrénées, région sans dépistage systématique, a montré que le taux de cancer £ 10 mm était de 11,3 %, c’est-à-dire 2,6 fois moindre que dans le cadre du programme de dépistage. Le pourcentage de cancer sans envahissement ganglionnaire était de 48 %, soit 1,5 fois moindre que dans le cadre du dépistage (12).

Une équipe a étudié l’incidence et la mortalité par cancer du sein sur l’ensemble des 4 départements français ayant enregistré celle-ci depuis la fin des années 70 (13). Une forte augmentation de l’incidence des cancers du sein est notée. Les données suggèrent une faible amélioration de la mortalité dans certains départements sans qu’il soit possible de l’associer au dépistage ou aux progrès thérapeutiques. Les auteurs concluent que l’effet sur la mortalité par cancer du sein du dépistage organisé sera difficile à mettre en évidence à cause d’un large dépistage spontané. Il leur paraît donc essentiel de mettre en place une évaluation de la qualité du dépistage organisé par le recueil du maximum d’indicateurs intermédiaires


Résultats des campagnes de dépistage dans d’autres pays

Différents pays ont mis en œuvre des campagnes de dépistage organisé du cancer du sein à un niveau national. Ces décisions ont parfois été prises tôt, peu après la publication des résultats des essais contrôlés randomisés réalisés en Suède.
Les pays suivants ont déjà initié cette politique de dépistage : Finlande (1986), Islande (1987), Royaume-Uni (1988), Pays-Bas (1989), Australie (1991), Luxembourg (1992), Israël (1997) (14). Certains d’entre eux ont tenté d’en évaluer l’impact, à un échelon national ou régional.

Royaume-Uni
Le programme de dépistage du cancer du sein a été introduit en Angleterre et au Pays de Galles en 1988 (15).
Le dépistage est réalisé tous les 3 ans chez les femmes âgées de 50 à 65 ans.

Une analyse de la mortalité par cancer du sein montrait une diminution entre 1990 et 1998 de 21,3 % pour les femmes âgées de 55 à 69 ans. L’effet directement imputable au dépistage par mammographie a été estimé à 6,4 % selon une modélisation permettant, d’une part, de comparer la mortalité observée (données issues de la base de données de l’Office for National Statistics) et la mortalité attendue et d’autre part, d’estimer la part des différents facteurs dans la réduction du risque. Le reste de l’amélioration était attribué à d’autres facteurs, notamment l’amélioration des traitements. Les auteurs émettent l’hypothèse que l’effet bénéfique du dépistage par rapport aux résultats des essais randomisés pourrait être réduit par les décès des femmes diagnostiquées avant introduction du dépistage (15). Les résultats du dépistage au Royaume-Uni sont un bon indicateur d’une tendance qui demande à être confirmée. Les auteurs s’accordent sur le fait qu’un impact réel des campagnes de dépistage se verra sur le long terme (après 2004, pour le Royaume Uni ?).
Les essais publiés par le National Health Service (NHS) au Royaume-Uni sur l’efficacité de la campagne de dépistage sur la réduction de la mortalité par cancer du sein représentent un modèle théorique et donc dépendent des hypothèses retenues.

Pays-Bas
Le programme national de dépistage du cancer du sein a été initié en 1989 aux Pays-Bas. Il prévoit un dépistage chez les femmes âgées de 50 à 70 ans, avec un intervalle de 2 ans entre les examens. Depuis 1996, environ 800 000 femmes sont invitées chaque année au dépistage, parmi elles 640 000 participent réellement au dépistage.
Selon un modèle identique à celui utilisé par le National Health Service (NHS), un impact sur la mortalité par cancer du sein ne serait pas visible avant 2004 : les prévisions étant une réduction de 18 % pour le groupe des 50-59 ans et de 29 % pour les 60-69 ans. Aucune modification de la mortalité par cancer du sein n’a été montrée jusqu’en 1996 (16).

Australie
En Australie, le dépistage de masse a été mis en œuvre dès 1991. Dans le cadre du programme Breastscreen, 1 250 000 femmes ont été dépistées en 1997 et 1998,. Plus de la moitié des femmes âgées de 50 à 69 ans ont participé au dépistage par une mammographie réalisée tous les deux ans. Elles représentaient 60 % du total des femmes dépistées. Seuls les taux de détection des cancers sont mesurés avec précision.
Même si une réduction modérée de la mortalité par cancer du sein a été observée depuis 1995, la part due au dépistage est impossible à préciser. L’amélioration des traitements ou de la prise en charge de la maladie peuvent avoir été des facteurs prédominants (17).

Canada
Au Canada, le premier programme de dépistage provincial a débuté en 1988 et a été suivi par toutes les provinces (18). Une base de données nationale a été mise en place en 1993. La population cible correspond aux femmes asymptomatiques de 50 à 69 ans. Le dépistage comprend une mammographie bilatérale en 2 incidences réalisée tous les 2 ans.
L’objectif est de réduire de 30 % le nombre de décès par cancers du sein après 7 à 10 ans de suivi si 70 % de la population cible participe au dépistage.
Les résultats de 1997 et 1998 montrent une participation variable de 11,5 % à 54,7 %, qui n’atteint pas l’objectif fixé de 70 %.
Dans le programme canadien, 37,5 % des tumeurs détectées avaient un diamètre inférieur ou égal à 10 mm et 78,5 % n’avaient aucun envahissement ganglionnaire. Ce sont des mesures intermédiaires qui permettent, avant de pouvoir mesurer un impact sur la mortalité, d’assurer le contrôle de la qualité du programme.


Intérêt général du dépistage

L’intérêt de la mammographie dans le cadre du dépistage est de mettre en évidence des tumeurs de petite taille (11). Trois critères conditionnent la survie en cas de cancer du sein : la taille de la tumeur, son grade histologique et l’envahissement ganglionnaire. Quatre-vingtdix pourcent des femmes présentant un cancer de moins de 1 cm guérissent, alors que ce n’est le cas que pour 50 % en cas d’envahissement ganglionnaire (19).

Le programme national de dépistage s’accompagne d’un cahier des charges qui vise à améliorer la qualité de tout le processus de prise en charge. Des progrès dans la qualité technique des mammographes, la formation des professionnels de santé et la prise en charge pluridisciplinaire des patientes peuvent en être attendus. Le programme de dépistage est une chaîne dont chacun des maillons doit obtenir un niveau de qualité maximum (11). Les différentes étapes sont la convocation de la population cible, la réalisation et la lecture de la mammographie, la prise en charge pour confirmer le diagnostic et le suivi des patientes.
Les Anglais notent ainsi une amélioration de la sensibilité du dépistage par une utilisation d’un matériel plus performant et une expérience accrue des radiologues (15).
Les Néerlandais montrent une amélioration de la qualité de la prise en charge des femmes tant au niveau diagnostique qu’au niveau thérapeutique.

Les campagnes de dépistage permettent de plus le développement d’une culture de la santé publique à la fois auprès des professionnels de santé par la participation à une action organisée et évaluée et auprès du public.


Conclusion

L’évaluation de la méta-analyse de Gotzsche et Olsen, réalisée par l’ANAES avec l’aide d’un groupe d’experts pluridisciplinaire, conclut qu’il n’est pas légitime de remettre en question les recommandations de l’ANAES en faveur du dépistage du cancer du sein.

Cette méta-analyse présente en effet des limites méthodologiques majeures :

  • changement du critère principal d’évaluation : mortalité globale pour la méta-analyse et mortalité par cancer du sein pour les essais analysés ;
  • évaluation de la qualité méthodologique des essais sur des critères imprécis et discutables ;
  • omission de certains aspects prépondérants pour l’interprétation des données, tels que les protocoles de dépistage, les évolutions des techniques de diagnostic, l’absence de standardisation des prises en charge et l’évolution des traitements au cours du temps.

À l’occasion de cette méta-analyse, la question de l’évaluation du dépistage a été posée. Le problème est la difficulté d’interprétation d’un critère global, la mortalité, en l’absence de standardisation de la prise en charge thérapeutique.

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