Propositions portant sur le dépistage individuel chez l’enfant de 28 jours à 6 ans, destinées aux médecins généralistes, pédiatres, médecins de PMI et médecins scolaires

Recommandation de bonne pratique - Mis en ligne le 01 sept. 2005 - Mis à jour le 30 oct. 2006

Propositions

Introduction

Thème des propositions
Ces propositions portent sur le dépistage individuel des affections suivantes chez l’enfant de 28 jours à 6 ans :

  • les troubles psychologiques et psycho-comportementaux :
    • les retards de développement,
    • l’autisme et les troubles envahissants du développement,
    • les troubles d’hyperactivité avec déficit de l’attention ;
  • les troubles du langage ;
  • l’obésité ;
  • les troubles de l’audition ;
  • les troubles de la vision ;
  • le saturnisme.

Ces propositions portent sur le dépistage individuel réalisé par le médecin dans le cadre du suivi de l’enfant. Elles ne répondent pas à une problématique de dépistage en population. Elles ne précisent pas la prise en charge au-delà du dépistage individuel.

Ce travail a été réalisé à la demande de la Direction générale de la santé, de la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés et des sociétés de médecine générale : Collège national des généralistes enseignants, Société française de médecine générale, Société française de documentation et de recherche en médecine générale et Société de formation thérapeutique du généraliste.

Ces propositions sur le dépistage individuel chez l’enfant de 28 jours à 6 ans sont complétées par un travail sur le dépistage individuel chez l’enfant de 7 à 18 ans.


Cibles professionnelles
Ces propositions sont destinées aux médecins généralistes, pédiatres, médecins de l’Éducation nationale, médecins scolaires et médecins des centres de PMI.


Méthodologie utilisée
La liste des affections ci-dessus a été établie par un comité d’organisation.

Pour répondre aux objectifs de ce travail, il a été décidé de réaliser pour chaque affection une synthèse des données de la littérature portant sur :

  • les recommandations françaises et étrangères datant de moins de 5 ans ;
  • les méta-analyses et revues de la littérature ;
  • les tests de dépistage disponibles, qu’ils soient ou non validés.

A partir de cette synthèse, un groupe de travail multidisciplinaire a rédigé des propositions, en particulier concernant le choix des âges et des tests de dépistage. Ces propositions résultent d’un accord professionnel. Elles ont été soumises à un groupe de lecture multidisciplinaire pour avis. Le groupe de travail a ensuite rédigé les propositions finales en prenant en compte les commentaires du groupe de lecture.



Dépistages par affection

Le groupe de travail invite les lecteurs souhaitant avoir des informations (description, validation, etc.) sur les tests de dépistage étudiés dans ce travail, et non obligatoirement mentionnés dans les propositions, à lire l’argumentaire (visualiser ou télécharger « argumentaire »).


Troubles psychologiques et psycho-comportementaux
Le groupe de travail tient à préciser que les évaluations du développement, des troubles envahissants du développement et de l’hyperactivité, bien que présentées sous trois chapitres, sont intriquées.

Retards du développement
Le groupe de travail souligne l’importance de ces troubles et propose leur dépistage par un suivi régulier :

  • des étapes du développement de l’enfant ;
  • des données de biométrie de l’enfant, et plus particulièrement la surveillance du périmètre crânien jusqu’à l’âge de 6 ans.

Le groupe de travail n’a pas identifié de tests de dépistage du retard du développement généralisables en médecine de ville. Certains tests, comme le test d‘évaluation de Brunet-Lézine révisé ou des tests simplifiés de dépistage (test de Denver ou différentes tables de développement), peuvent être réalisés au cours d’une consultation après une courte formation.

Le groupe de travail propose :

  • que des tests de dépistage simples pour l’âge de 2, 4 et 6 ans, consistant en une courte série de questions, soient développés par un groupe d’experts et mis en place au plus tôt ;
  • que ces tests de dépistage simples soient présentés sous la forme d’un questionnaire qui sera soit rempli par les parents ou les adultes proches de l’enfant et analysé avec le médecin, soit rempli par le médecin lors de la consultation ;
  • que ces tests de dépistage simples, parallèlement à leur mise en place, soient validés sur la population française.


Autisme et troubles envahissants du développement
Le groupe de travail propose à l’âge de 18 ou 24 mois la réalisation du CHAT pour les professionnels de santé formés à ce test. À défaut de la réalisation complète de ce test, 4 questions sont posées aux parents :

  • Votre enfant a-t-il déjà utilisé son index pour pointer ?
  • Votre enfant joue-t-il à faire semblant ?
  • Votre enfant vous imite-t-il ?
  • Votre enfant répond-il au sourire ?


Trouble de l’hyperactivité et déficit de l’attention

Pour le groupe de travail, la difficulté du trouble de l’hyperactivité et du déficit de l’attention réside plus dans le risque d’un diagnostic simplificateur du symptôme d’agitation que dans son dépistage. Avant l’âge de 6 ans, l’hyperactivité est à intégrer dans le cadre des troubles du développement cognitif, des troubles psychiatriques et des troubles de la relation parents-enfant. Entre 6 et 7 ans, le problème rejoint celui de l’hyperactivité après 7 ans.


Troubles du langage oral et écrit
Le dépistage des troubles du langage oral chez l’enfant de 3 à 6 ans doit être systématique, même en l’absence de plainte.

À l’âge de 3 ans, les troubles du langage oral sont recherchés par l’évaluation du langage de l’enfant : fait-il des phrases, emploie-t-il des articles et conjugue-t-il des verbes ?

À l’âge de 4 ans, le groupe de travail se positionne pour l’utilisation et le développement d’outils type ERTL 4 et propose la réalisation d’études longitudinales pour ces outils. En cas de bilinguisme et de troubles du langage oral, l’entretien avec les parents cherchera à identifier des troubles du langage dans la langue maternelle.

À l’âge de 6 ans, le groupe de travail propose l’utilisation d’outils type BSEDS 5-6, ERTLA 6 ou BREV. Ce dépistage doit être réalisé en santé scolaire, conformément au Code de la santé publique, ou à défaut en médecine de ville.


Obésité
Le groupe de travail propose de mesurer et peser les enfants au moins 2 fois par an, d’indiquer les valeurs sur le carnet de santé et de tracer les courbes de taille et poids dans le carnet de santé.

À partir de l’âge de 1 an, le groupe de travail propose de calculer l’indice de masse corporelle (IMC) au moins deux fois par an : P/T², et de tracer la courbe de corpulence dans le carnet de santé.
Un éventuel rebond d’adiposité précoce, défini comme une remontée de la courbe de corpulence survenant avant l’âge de 6 ans, est recherché.

Le groupe de travail propose aussi :

  • une amélioration de la lisibilité des courbes de corpulence dans le carnet de santé sous la forme d’un agrandissement de la zone : 0-6 ans ;
  • d’ajouter une colonne spécifique pour l’IMC en plus du poids, de la taille et du périmètre crânien dans les pages destinées aux examens cliniques du carnet de santé.


Troubles de l’audition
Le dépistage des troubles de l’audition chez l’enfant de 28 jours à 6 ans s’inscrit dans la continuité du dépistage néonatal de ces troubles.

Le groupe de travail souligne l’importance de ce dépistage des troubles de l’audition en période postnatale :

  • avant l’âge de 6 mois, l’objectif est de repérer l’existence d’une surdité profonde et sévère ;
  • vers l’âge de 2 ans, s’ajoute le dépistage des enfants présentant un retentissement auditif dans un contexte d’otite séro-muqueuse ;
  • à partir de 4 ans, le dépistage vise aussi l’identification des surdités unilatérales.

Les facteurs de risque retenus par le groupe de travail sont en période néonatale :

  • l’histoire familiale d’atteinte de l’audition et éventuellement de prothèse auditive avant 50 ans ;
  • une hospitalisation de plus de 48 heures en période néonatale.


En dehors de la période néonatale, d’autres facteurs conduisent à une surveillance de l’audition :

  • inquiétude parentale ou de l’entourage sur l’audition, le langage ou le développement de l’enfant ;
  • otite séro-muqueuse d’une durée d’au moins 3 mois.


Dépistage à 4 mois

  • Recherche des facteurs de risque.
  • Entretien avec les parents :
    • votre enfant entend-il bien ?
    • votre enfant réagit-il à votre voix ?
    • votre enfant sursaute-t-il à un bruit fort ?
  • Tests de dépistage des déficits auditifs, réalisés en dehors du champ visuel de l’enfant :
    • stimulation vocale (utilisation de la voix) ;
    • ou acoumétrie aux objets sonores (1 grave, 1 médium et 1 aigu).

À cet âge, il est recherché une modification des comportements de l’enfant à la stimulation vocale ou à l’acoumétrie.


Dépistage à 9 mois

  • Recherche des facteurs de risque.
  • Entretien avec les parents :
    • votre enfant entend-il bien ?
    • votre enfant réagit-il à votre voix ?
    • votre enfant « dialogue-t-il » avec vous ?
    • votre enfant sursaute-t-il à un bruit fort ?
  • Tests de dépistage des déficits auditifs, réalisés en dehors du champ visuel de l’enfant :
    • réaction à l’appel (utilisation de la voix) ;
    • ou acoumétrie aux jouets sonores (jouets sonores de Moatti par exemple) ou objets sonores (3 objets avec 1 grave, 1 médium et 1 aigu).

À cet âge, il est recherché un réflexe d’orientation investigation.


Dépistage à 2 ans

  • Évaluation du langage.
  • Tests de dépistage des déficits auditifs :
    • réaction à la voix chuchotée (à partir de cet âge l’acoumétrie verbale de désignation peut être envisagée) ;
    • ou acoumétrie aux jouets sonores (jouets sonores de Moatti par exemple) ou objets sonores (3 objets avec 1 grave, 1 médium et 1 aigu).


Dépistage à 4 ans et plus

  • Évaluation du langage.
  • Entretien avec les parents :
    • votre enfant vous fait-il répéter ?
    • votre enfant parle-t-il fort ?
    • votre enfant monte-t-il anormalement le son de la télévision ?
  • Tests de dépistage des déficits auditifs uni et bilatéraux :
    • audiométrie vocale à la voix (chuchotée et normale) ;
    • audiométrie tonale au casque (PMI ou médecine scolaire essentiellement).


Troubles de la vision
Le groupe de travail rappelle que les situations suivantes justifient un examen ophtalmologique par un ophtalmologiste :

  • les enfants présentant une pathologie ou des antécédents personnels ou familiaux favorisant l’apparition d’un facteur amblyogène ;
  • les enfants ayant des signes d’appel d’un trouble visuel.

Ces situations sont détaillées dans les recommandations sur le « dépistage précoce des troubles de la fonction visuelle chez l’enfant pour prévenir l’amblyopie » finalisées par l’Anaes en octobre 2002.

En dehors de ces situations particulières, le groupe de travail propose un examen des yeux lors des consultations de dépistage. Les tests de dépistage peuvent être réalisés par le médecin ou être délégués à un orthoptiste. Toute anomalie impose un examen par un ophtalmologiste.

Le groupe de travail insiste sur la nécessité de répéter les tests tout au long de la croissance de l’enfant.


Quel que soit l’âge de l’enfant, cet examen comporte :

  • un entretien avec les parents afin de préciser l’existence d’éventuelles situations cliniques à risque et de signes d’appel ;
  • un examen externe de l’oeil : examen des paupières, vérification de la symétrie des globes oculaires, examen à l’aide d’une source lumineuse (conjonctive, cornée, iris, pupille) ;
  • l’étude de la lueur pupillaire et la recherche des réflexes photomoteurs


Entre 28 jours et 9 mois :

  • dépistage du strabisme. À partir de l’âge de 4 mois, il est possible de réaliser un test de l’écran unilatéral puis alterné « de près » ;
  • dépistage d’un nystagmus ;
  • recherche des réflexes à l’éblouissement et de captation et poursuite du regard.


Entre 9 et 15 mois :

  • dépistage du strabisme et de l’amblyopie : étude des reflets cornéens et de la fixation, test de l’écran unilatéral puis alterné « de près » ;
  • dépistage d’un nystagmus ;
  • recherche des réflexes à l’éblouissement et de captation et poursuite du regard ;
  • recherche d’une défense à l’occlusion.


Entre 2 et 4 ans :

  • dépistage du strabisme, identique à l’âge préverbal, en ajoutant le test de l’écran de loin ;
  • mesure de l’acuité visuelle de près et de loin par l’utilisation d’optotypes d’images ou directionnels ;
  • estimation de la vision stéréoscopique par le test de Lang I ou II.

En cas d’impossibilité de réaliser une mesure de l’acuité visuelle à 3 ans (échecs répétés), un examen par un ophtalmologiste est proposé, comprenant un examen de la réfraction sous clycloplégie.


À l’âge de 6 ans :

  • dépistage du strabisme, identique à l’âge préverbal, en ajoutant le test de l’écran de loin ;
  • estimation de la vision stéréoscopique par le test de Lang I ou II ;
  • mesure de l’acuité visuelle de près et de loin : à cet âge des optotypes de lettres peuvent être proposés ;
  • étude de la vision des couleurs (babydalton notamment).


Saturnisme
En accord avec le jury de la conférence de consensus de novembre 2003 portant sur l’« intoxication par le plomb de l’enfant et de la femme enceinte – Prévention et prise en charge médico-sociale », le groupe de travail recommande la création d’un questionnaire standardisé qui doit comprendre la recherche des informations en 2 étapes :

  • Les points suivants sont systématiquement recherchés :
    • séjour dans un logement construit avant 1949 ? Si oui, y a-t-il de la peinture écaillée accessible à l'enfant ?
    • habitat dans une zone proche d'une exposition industrielle ?
    • occupation professionnelle ou activité de loisirs des parents (apport de poussières par les chaussures, les vêtements de travail) ?
    • tendance de l'enfant au comportement de pica (perversion du goût qui consiste à éprouver le besoin de manger des substances non comestibles, par exemple de la terre ou, ici, des écailles de peinture) ?
  • Certains facteurs individuels associés à des composantes environnementales d'une exposition au plomb doivent être recherchés et faire doser la plombémie :
    • familles en situation de précarité (niveau de revenus, bénéficiaires d'aides sociales) ;
    • populations itinérantes (gens du voyage : terrain pollué, maniement de matériels pollués) ;
    • travaux de rénovation dans le lieu de vie de l'enfant, en cas d'habitat construit avant 1949 ;
    • immigration récente.


Le groupe de travail propose aux âges suivants :

  • 9 ou 12 mois : repérage des facteurs de risque d’exposition au plomb et prescription d’une plombémie si nécessaire ;
  • 2 ans : le même type de repérage doit être effectué, suivi éventuellement d’une prescription de plombémie. Si l’enfant a déjà bénéficié d’une plombémie dont le résultat était inférieur au seuil d’intoxication, mais que les facteurs de risque demeurent, un nouveau dosage doit être demandé.



Dépistages par âge

La répartition des tests de dépistage proposés selon l’âge de l’enfant.



Propositions pour la mise en oeuvre 

Le groupe de travail propose :

  • d’identifier et de reconnaître des consultations dédiées au dépistage : 4 mois, 9 mois, 2 ans, 3 ans, 4 ans et éventuellement 6 ans si la visite obligatoire réalisée en médecine scolaire, conformément au Code de la santé publique, n’a pas été effectuée ;
  • une coordination entre tous les professionnels de santé concernés par la santé de l’enfant ;
  • que le médecin ayant réalisé un acte de prévention puisse être prescripteur des bilans nécessaires ;
  • que toutes les visites et tous les tests de dépistage réalisés par les professionnels de santé soient notés dans le carnet de santé de l’enfant, avec identification et coordonnées lisibles du professionnel de santé, date de réalisation du test et nom du test ;
  • que les résultats d’un test de dépistage soient mentionnés de la façon suivante : normal/à refaire dans x temps/justifie un avis spécialisé.

Le groupe de travail préconise que les présentes propositions sur le dépistage individuel chez l’enfant de 28 jours à 6 ans, ainsi que celles sur le dépistage individuel chez l’enfant de 7 à 18 ans, soient prises en compte en qualité de thème prioritaire dans le cadre de la formation professionnelle initiale et continue.

Le groupe de travail propose que les consultations spécifiques de dépistage soient programmées et réalisées chez des enfants ne présentant pas de pathologie aiguë.


Annexe 1

Contenu générique des consultations de dépistage

Consultation à 4 mois :
Poids, taille, périmètre crânien
Développement psychomoteur
Audition
Vision

Consultation à 9 mois :
Poids, taille, périmètre crânien
Développement psychomoteur
Audition
Vision
Saturnisme

Consultation à 2 ans :
Poids, taille, corpulence (IMC et recherche du rebond d’adiposité), périmètre crânien
Développement psychomoteur
Autisme
Audition
Vision
Saturnisme

Consultation à 3 ans :
Poids, taille, corpulence (IMC et recherche du rebond d’adiposité), périmètre crânien
Développement psychomoteur
Langage oral
Vision

Consultation à 4 ans :
Poids, taille, corpulence (IMC et recherche du rebond d’adiposité), périmètre crânien
Développement psychomoteur
Langage oral
Audition
Vision

Consultation à 6 ans, visite obligatoire réalisée en principe en médecine scolaire, conformément au Code de la santé publique :
Poids, taille, corpulence (IMC), périmètre crânien
Développement psychomoteur
Langage oral et écrit
Audition
Vision


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