Cette étude évalue l'intérêt du dépistage du diabète de type 2 au regard des critères prévus par l'OMS (données épidémiologiques, histoire de la maladie, performance des tests, efficacité et efficience), analyse les recommandations existantes et propose de nouvelles modalités de dépistage pour la France métropolitaine : un dépistage opportuniste ciblé pour les sujets de plus de 45 ans et avec certains facteurs de risque cardiovasculaire associés  etun dépistage communautaire chez le sujet de plus de 45 ans en situation de précarité.

 

Synthèse et perspectives

Introduction

Le diabète de type 2 est un problème majeur de santé publique qui fait l’objet, depuis novembre 2001, d’un programme national d’actions de prise en charge et de prévention comportant 5 axes majeurs, parmi lesquels figure le problème du dépistage. C’est dans ce contexte que la Direction générale de la santé et la société savante l’ALFEDIAM ont chargé l’ANAES d’évaluer les « principes de dépistage du diabète de type 2 en France ».
L’évaluation a comporté plusieurs étapes et nécessité l’étude de plusieurs thèmes.

  1.  Dans un premier temps, il est apparu nécessaire d’évaluer l’intérêt du dépistage de la maladie en vérifiant si le diabète de type 2 remplissait les conditions prévues par l’OMS. Les critères définis par l’OMS pour évaluer l’intérêt d’un dépistage ont donc été étudiés.
  2.  Dans un deuxième temps, les recommandations existantes concernant le dépistage du diabète de type 2 ont été prises en compte.
  3.  Dans une dernière étape, en l’absence de données françaises de la littérature, despropositions de modalités de dépistage ont été élaborées.

Il a été également décidé au début de ce travail de se limiter au dépistage du diabète de type 2 et à la situation française métropolitaine.


Méthodes

L’évaluation de l’intérêt du dépistage et l’étude des différents critères de l’OMS se sont fondées sur l’analyse critique de la littérature de langue française et anglaise. Celle-ci a été soumise à un groupe de travail constitué de 12 experts proposés par les sociétés savantes concernées. Les propositions et perspectives ont été émises à partir des avis d’experts, membres du groupe de travail, puis confrontées à l’avis du groupe de lecture constitué de 16 experts et professionnels.

 

Résultats

Étude des critères définis par l’OMS pour évaluer l’intérêt d’un dépistage

Le diabète de type 2 est un problème majeur de santé publique
La prévalence du diabète en France métropolitaine est de 3 % et cette prévalence va probablement augmenter dans les années à venir du fait du baby boom et de l’augmentation de l’obésité. Les complications liées au diabète sont graves et responsables de séquelles lourdes et invalidantes, en particulier les complications microvasculaires de rétinopathies et néphropathies, qui sont très liées à la fois à la durée d’évolution du diabète et au contrôle glycémique et des autres facteurs de risque cardio-vasculaire. La mortalité des diabétiques est plus élevée que celle des sujets du même âge non diabétiques. Il existe, par ailleurs, dans la littérature, un consensus sur l’importance des coûts médicaux directs et indirects engendrés par le diabète et ses complications. En France, le coût direct du diabète de types 1 et 2, à la charge de l’assurance maladie, était de 2,3 milliards d’euros pour les soins ambulatoires.
Les données disponibles permettent d’évaluer de façon conservatrice à 1 % (soit environ 600 000 cas) la prévalence du diabète méconnu en France métropolitaine. De plus, pour les cas diagnostiqués, il existe un retard au diagnostic comme le montrent les 30 % au total de cas symptomatiques (25 %) ou porteurs de complications (5 %), observés auprès des nouveaux cas diagnostiqués et comme le montre aussi l’âge moyen au diagnostic plutôt tardif, estimé à 57 ans.

L’histoire naturelle de la maladie est connue
Il existe une phase d’évolution asymptomatique ou peu évocatrice de la maladie, au cours de laquelle peuvent se développer les complications, permettant d’envisager un dépistage. Cette période a été estimée entre 9 et 12 ans, elle est en partie responsable du retard constaté au diagnostic.

Il existe des facteurs associés au développement du diabète offrant la possibilité de sélectionner la population dans le cas où un dépistage de masse n’est pas recommandé.
Les principaux marqueurs de risque du diabète sont bien identifiés dans la littérature. Dans une perspective de dépistage, la sélection des facteurs retenus pour définir la population cible fait intervenir le caractère facilement identifiable en pratique et fréquent du facteur.

Les traitements sont efficaces et il existe un intérêt clinique associé à la prise en charge précoce de la maladie
L’absence de données comparatives du dépistage par rapport à l’absence de dépistage ne permet pas d’évaluer directement le bénéfice clinique lié à la prise en charge précoce de la maladie. Le bénéfice est apprécié au travers de 3 éléments indirects :

  • l’efficacité du contrôle glycémique, principalement démontrée à partir des résultats de l’étude UKPDS (United Kingdom Prospective Diabetes Study) et concernant la réduction des complications spécifiques microvasculaires du diabète, ainsi que le maintien à 4 ans du bénéfice acquis observé lors du suivi de l’étude DCCT (Diabetes control and complications trial) ;
  • l’efficacité des essais de prévention primaire du diabète de type 2 ;
  • l’efficacité indirecte liée à la prise en charge des facteurs de risque cardiovasculaire fréquemment associés au diabète de type 2.

Les études ont suggéré un lien entre contrôle de la glycémie et baisse de la consommation de soins des diabétiques. Pour autant, les résultats des modélisations du rapport coût/bénéfice associé au dépistage, menées à l’étranger et en région Languedoc-Roussillon, étaient incomplets (absence de prise en compte de la totalité des coûts), très sensibles aux hypothèses retenues notamment sur le critère d’efficacité, et se situaient à la frontière d’un rapport positif. Enfin, elles ne portaient que sur une année de dépistage sans hypothèse de renouvellement. Il n’existe donc pas d’argumentaire économique solide pour conclure en faveur ou en défaveur d’un dépistage.

Le dosage de la glycémie veineuse à jeun au laboratoire est un test fiable performant, simple d’utilisation, bien accepté par la popula tion et sans danger.
Le test recommandé pour le dépistage est le test de la glycémie sur sang veineux à jeun effectué au laboratoire. Ce test est particulièrement adapté au dépistage opportuniste (c’est-à-dire à l’occasion par exemple d’une consultation médicale effectuée dans un autre but que la recherche d’un diabète) et offre la possibilité d’être associé à un bilan lipidique. Le test de la glycémie capillaire peut être utile dans le cas d’un dépistage communautaire (c’est-à-dire par exemple à l’occasion d’un contact administratif, d’une manifestation publique ou privée, d’un contact direct par courrier) ou en médecine du travail, mais les données disponibles sont encore insuffisantes. La réalisation d’une hyperglycémie provoquée par voie orale (charge en glucose) n’est plus recommandée ni nécessaire.

L’insuffisance et l’hétérogénéité des données de la littérature ne permettent pas d’identifier ni de sélectionner des modalités de mise en œuvre et de suivi (fréquence de renouvellement) pour un programme de dépistage.


Revue des recommandations existantes

Les recommandations déjà publiées dans d’autres pays concluent le plus souvent sur l’intérêt du dépistage du diabète de type 2. Le dépistage opportuniste ciblé est la modalité la plus fréquemment retenue, la justification reposant sur des considérations économiques permettant d’éliminer le dépistage communautaire. Le test recommandé est le test de glycémie veineuse à jeun. Pour les sujets négatifs, le dépistage est en général recommandé tous les 3 ans.


Conclusion

L’analyse des données de la littérature permet de conclure sur l’intérêt clinique d’un dépistage ciblé du diabète de type 2 en France métropolitaine. Le peu de données françaises ne permettant pas de définir précisément les modalités du programme de dépistage à mettre en place, les recommandations auxquelles a abouti ce travail reposent principalement sur les avis d’experts, membres des groupes de travail et de lecture.


Propositions

Un dépistage opportuniste ciblé des sujets de plus de 45 ans ayant (en plus de l’âge) au moins un des marqueurs de risque de diabète suivants :

  • origine non caucasienne et/ou migrant ;
    • marqueurs du syndrome métabolique :
    • excès pondéral mesuré à partir de l’IMC, défini comme > 28 kg/m²,
    • hypertension artérielle (pression artérielle systolique > 140 mmHg et/ou pression artérielle diastolique > 90 mmHg et/ou hypertension artérielle traitée) ;
  • HDL-cholestérol < 0,35 g/L (0,9 mmol/L) et/ou triglycérides > 2 g/L (2,3 mmol/L) et/ou dyslipidémie traitée ;
  • antécédents :
    • diabète familial (du premier degré),
    • diabète gestationnel ou enfants de poids de naissance de plus de 4 kg,
    • diabète temporairement induit (consensus d’experts).

Le dépistage doit être réalisé par un test de glycémie veineuse à jeun, effectué au laboratoire. En cas de positivité, ce test se substitue au premier test du diagnostic. Un nouveau contact avec le médecin doit être réalisé et conduire à la prescription d’un deuxième test destiné à confirmer le diagnostic.
En cas de résultat négatif, le test devra être répété tous les 3 ans (ou tous les ans pour les sujets hyperglycémiques modérés à jeun). Un suivi plus rapproché (entre 1 et 3 ans) doit être effectué chez les sujets ayant plusieurs marqueurs de risque.
En dépit des pratiques de prescriptions de glycémies très fréquentes en France dans les tranches d’âge concernées et dans la population ayant recours aux soins, l’intérêt pour le dépistage opportuniste a été maintenu en insistant sur la nécessité d’améliorer et renforcer le suivi et la prise en charge des glycémies positives. L’absence de confirmation du diagnostic est en effet identifiée comme une cause possible de diabète méconnu.

Un dépistage communautaire associé, ciblé sur les sujets de plus de 45 ans en situation de précarité (avec ou sans autre marqueur de risque associé). Suivant les modalités de contact définies, le test pratiqué pour le dépistage sera un test de glycémie veineuse à jeun au laboratoire ou une mesure de la glycémie par prélèvement capillaire. Dans ce cas, l’utilisation des lecteurs de glycémie devra suivre impérativement les règles établies par l’AFFSAPS pour éviter le risque de transmission de maladies infectieuses. En l’absence de données, les valeurs seuils de 1,20 g/L (6,7 mmol/L) si le prélèvement a été fait plus de 2 heures après le dernier repas et 1,50 g/L (8,4 mmol/L) s’il a été fait moins de 2 heures après ont été proposées de manière arbitraire et devront être révisées en fonction des nouvelles données.
En cas de positivité, un contact avec un médecin doit être réalisé, pour permettre de confirmer le diagnostic, par un test de glycémie veineuse à jeun au laboratoire lorsque le test de dépistage aura été réalisé à partir d’un prélèvement veineux à jeun, et par deux tests de glycémie veineuse à jeun au laboratoire, lorsque le test de dépistage aura été réalisé à partir d’un prélèvement capillaire.
En cas de résultat négatif, le test devra être répété tous les 3 ans (ou tous les ans pour les sujets hyperglycémiques modérés à jeun). Un suivi plus rapproché (entre 1 et 3 ans) chez les sujets ayant plusieurs marqueurs de risque peut être envisagé.

Un dépistage simultané du diabète et des facteurs de risque cardio-vasculaire devrait être recommandé.

Compte tenu des incertitudes d’ordre économique et clinique existant autour de ces recommandations, il paraît souhaitable que la mise en place de celles-ci soit encadrée par un certain nombre d’études visant à vérifier en particulier la prévalence du diabète méconnu, la faisabilité des programmes de dépistage recommandés, et leur évaluation à court terme, incluant l’évaluation du suivi du dépistage.


Perspectives

  1.  La réalisation d’études pilotes serait souhaitable (proposition 4). Leur objectif serait de vérifier les hypothèses sur lesquelles reposent les propositions et de vérifier la faisabilité d’un tel programme. En particulier, il paraîtrait opportun de réaliser une étude de prévalence du diabète méconnu visant à confirmer les estimations disponibles et caractériser la population atteinte, non diagnostiquée, ainsi qu’une étude portant sur les modalités de prescription, de prise en charge et de suivi des tests positifs qui seraient très utiles.
  2.  Des recherches complémentaires sur l’élaboration de questionnaires ou de scores de risque de diabète de type 2, validés sur un échantillon d’une population française et utilisables pour sélectionner la population à risque dans le cas de dépistage communautaire, devraient être encouragées.
  3.  Une étude pilote portant sur l’évaluation de la performance de la glycémie capillaire au hasard dans un contexte de dépistage a été jugée également utile.
  4.  Les principes méthodologiques concernant l’évaluation d’un programme de dépistage ont aussi été abordés au cours de ce travail. Les difficultés attendues pour la mise en place, la durée et le coût nécessaires à l’évaluation de l’intérêt de santé publique ne permettent pas d’aller au-delà de la seule vérification de réalisation et de respect du programme de dépistage.
  5.  La mise en place du programme de dépistage selon les modalités retenues (cf. propositions) devrait également être accompagnée d’une détermination du coût par cas dépisté, nécessitant de renseigner les effectifs des populations cibles.

Nous contacter

Évaluation médico-économique et santé publique