Structuration d’un programme d’éducation thérapeutique du patient dans le champ des maladies chroniques

Guide méthodologique - Mis en ligne le 13 nov. 2007 - Mis à jour le 19 déc. 2008
  • Définir l’éducation thérapeutique du patient (ETP), ses finalités, son organisation.
  • Décrire la démarche d’ETP, le contenu de ses étapes.
  • Proposer une structuration de programme d’ETP.
  • Proposer une évaluation du processus d’ETP.
  • Proposer une réflexion pour évaluer l’efficacité de l’ETP.

 

Objectif

Ces recommandations visent à présenter à l’ensemble des professionnels de santé, aux patients et aux associations ce que recouvre l’éducation thérapeutique du patient (ETP), qui elle concerne, par qui elle peut être réalisée, ses étapes de planification et sa coordination.

Elles sont complétées par deux autres recommandations :

  • “Comment proposer et réaliser l’éducation thérapeutique ?”
  • “Comment élaborer un programme spécifique d’une maladie chronique ?”

 

Qu'est-ce que l'éducation thérapeutique du patient ?

Selon l’OMS¹, l’éducation thérapeutique du patient vise à aider les patients à acquérir ou maintenir les compétences dont ils ont besoin pour gérer au mieux leur vie avec une maladie chronique.

  • Elle fait partie intégrante et de façon permanente de la prise en charge du patient.
  • Elle comprend des activités organisées, y compris un soutien psychosocial, conçues pour rendre les patients conscients et informés de leur maladie, des soins, de l’organisation et des procédures hospitalières, et des comportements liés à la santé et à la maladie. Ceci a pour but de les aider (ainsi que leurs familles) à comprendre leur maladie et leur traitement, collaborer ensemble et assumer leurs responsabilités dans leur propre prise en charge dans le but de les aider à maintenir et améliorer leur qualité de vie.

Une information orale ou écrite, un conseil de prévention peuvent être délivrés par un professionnel de santé à diverses occasions, mais ils n’équivalent pas à une éducation thérapeutique du patient.


¹ Rapport de l’OMS-Europe, publié en 1996, Therapeutic Patient Education – Continuing Education Programmes for Health Care Providers in the field of Chronic Disease, traduit en français en 1998



Quelles sont les finalités de l'ETP

L’éducation thérapeutique du patient participe à l’amélioration de la santé du patient (biologique, clinique) et à l’amélioration de sa qualité de vie et à celle de ses proches. Les finalités spécifiques de l’éducation thérapeutique sont :

  • l’acquisition et le maintien par le patient de compétences d’autosoins². Parmi elles, l’acquisition de compétences dites de sécurité vise à sauvegarder la vie du patient. Leur caractère prioritaire et leurs modalités d’acquisition doivent être considérés avec souplesse, et tenir compte des besoins spécifiques de chaque patient ;
  • la mobilisation ou l’acquisition de compétences d’adaptation³. Elles s’appuient sur le vécu et l’expérience antérieure du patient et font partie d’un ensemble plus large de compétences psychosociales.

Tout programme d‘éducation thérapeutique personnalisé doit prendre en compte ces deux dimensions tant dans l’analyse des besoins, de la motivation du patient et de sa réceptivité à la proposition d’une ETP, que dans la négociation des compétences à acquérir et à soutenir dans le temps, le choix des contenus, des méthodes pédagogiques et d’évaluation des effets.

Les compétences d’autosoins

  • Soulager les symptômes.
  • Prendre en compte les résultats d’une autosurveillance, d’une automesure.
  • Adapter des doses de médicaments, initier un autotraitement.
  • Réaliser des gestes techniques et des soins.
  • Mettre en œuvre des modifications à son mode de vie (équilibre diététique, activité physique, etc.).
  • Prévenir des complications évitables.
  • Faire face aux problèmes occasionnés par la maladie.
  • Impliquer son entourage dans la gestion de la maladie, des traitements et des répercussions qui en découlent.

 

Les compétences d’adaptation

  • Se connaître soi-même, avoir confiance en soi.
  • Savoir gérer ses émotions et maîtriser son stress.
  • Développer un raisonnement créatif et une réflexion critique.
  • Développer des compétences en matière de communication et de relations interpersonnelles.
  • Prendre des décisions et résoudre un problème.
  • Se fixer des buts à atteindre et faire des choix.
  • S’observer, s’évaluer et se renforcer.

² Décisions que le patient prend avec l’intention de modifier l’effet de la maladie sur sa santé. World Health Organization, Centre for Health Development. A glossary of terms for community health care and services for older persons. Kobe: WHO; 2004

³ Compétences personnelles et interpersonnelles, cognitives et physiques qui permettent aux personnes de maîtriser et de diriger leur existence, et d'acquérir la capacité à vivre dans leur environnement et à modifier celui-ci. World Health Organization. Skills for health. Geneva : WHO ; 2003



Comment s'intégre l'ETP à la stratégie thérapeutique

L’ETP est considérée comme intégrée à la prise en charge thérapeutique :

  • si elle est réellement complémentaire et indissociable des traitements et des soins, du soulagement des symptômes en particulier de la douleur, et de la prévention des complications ;
  • si elle tient compte des besoins spécifiques, des comorbidités, des vulnérabilités psychologiques et sociales et des priorités définies avec le patient.

Schema ETP 

À qui proposer une éducation thérapeutique ?

Proposer une éducation thérapeutique initiale au patient à un moment proche de l’annonce du diagnostic de sa maladie chronique ou à tout autre moment de l’évolution de sa maladie, si la proposition ne lui a pas été faite antérieurement ou s’il l’a refusée :

  • à toute personne (enfant et parents, adolescent, adulte) ayant une maladie chronique, quel que soit son âge, le type, le stade et l’évolution de sa maladie ;
  • aux proches du patient (s’ils le souhaitent), et si celui-ci souhaite les impliquer dans l’aide à la gestion de sa maladie.

Proposer une éducation thérapeutique de suivi régulier (ou de renforcement) et si besoin de suivi approfondi (ou de reprise) tout au long de la maladie chronique :

  • à partir d’une évaluation individuelle et d’une actualisation du diagnostic éducatif


Les difficultés d’apprentissage (lecture, compréhension de la langue, handicap sensoriel, mental, troubles cognitifs, dyslexie, etc.), le statut socio-économique, le niveau culturel et d’éducation et le lieu de vie ne doivent pas priver a priori les patients d’une ETP. Ces particularités doivent être prises en compte pour adapter le programme d’ETP en termes d’accessibilité géographique, culturelle, de souplesse dans les réponses aux besoins et aux attentes, de choix des techniques et outils pédagogiques les plus adaptées aux publics concernés.

 

Qui propose et réalise une ETP ?

Différents niveaux d’intervention dans la démarche sont possibles pour les professionnels de santé et nécessitent une coordination et une transmission d’informations.

Informer le patient de la possibilité de bénéficier d’une éducation thérapeutique et la lui proposer en tenant compte des ressources locales :

  • tout professionnel de santé (selon la liste du Code de la santé publique) impliqué dans la prise en charge d’un patient ayant une maladie chronique ;
  • si le patient accepte une ETP, il peut en négocier les buts et les modalités de mise en œuvre, et les redéfinir après avoir fait l’expérience de l’ETP.



Réaliser l’éducation thérapeutique avec l’accord du patient :

  • soit par le professionnel de santé lui-même s’il est formé à l’ETP, lorsque
    l’apprentissage des compétences par le patient ne nécessite pas l’intervention d’emblée d’autres professionnels de santé ;
  • soit par une équipe formée à l’ETP, comprenant ce professionnel lorsque l’apprentissage des compétences par le patient nécessite l’intervention d’emblée d’autres professionnels de santé ;
  • soit par une équipe multiprofessionnelle formée à l’ETP, à laquelle le patient sera adressé par le professionnel qui lui a proposé une ETP pour qu’elle soit mise en œuvre en lien avec ce dernier ;
  • l’intervention de patients dans les séances collectives d’éducation thérapeutique peut être complémentaire de l’intervention des professionnels de santé.


Aborder avec le patient le vécu de sa maladie et de sa gestion, l’aider à maintenir ses compétences et soutenir sa motivation et celle de ses proches tout au long de la prise en charge de la maladie chronique :

  • tout professionnel de santé impliqué dans la prise en charge usuelle d’un patient ayant une maladie chronique ;
  • à l’occasion de toute rencontre du patient avec un professionnel de santé, notamment avec celui qui a initié l’ETP, et avec celui qui assure le suivi médical.

D’autres professionnels peuvent intervenir soit en contribuant directement à la démarche éducative, soit en proposant une réponse adaptée aux difficultés du patient ou de son entourage ou des professionnels de santé qui mettent en œuvre l’ETP : psychologue, travailleur social, éducateur en activité physique adaptée, pédagogue de la santé, etc.

 

À quelles situations faut-il être attentif ?

La maladie chronique peut être le révélateur ou la cause de souffrances ou de maladies psychiques et de difficultés sociales chez les patients et leur entourage.

  • Des situations de vulnérabilité psychologique et sociale peuvent être évidentes d’emblée ou survenir au fil du temps.
  • Des comorbidités peuvent être également présentes ainsi que des troubles psychiques (stress, anxiété, troubles du sommeil, dépression), des addictions qui peuvent nécessiter une prise en charge spécifique. Celle-ci peut s’avérer être une priorité ou être menée conjointement au déroulement d’une démarche d’ETP.
  • Des prises en charge spécifiques (orientation vers un spécialiste, un travailleur social ou un professionnel du champ médico-social) peuvent être nécessaires dans la recherche de solutions.
  • Ces prises en charge, qui doivent être précoces, peuvent influer sur la définition des priorités avec le patient. Une nouvelle priorisation des besoins peut intervenir à tout moment de la prise en charge sans perdre de vue l’objectif de mettre en œuvre une ETP adaptée si le patient le souhaite ou de la mener conjointement à ces prises en charge spécifiques.
  • Les professionnels de santé doivent être attentifs à ces situations à tout moment de la prise en charge du patient : lors de la proposition d’une ETP, lors des consultations de suivi de la maladie chronique, au moment de l’élaboration du diagnostic éducatif ou au cours des séances d’éducation thérapeutique.

 

Sur quels éléments s'appuyer pour réaliser l'ETP ?

  • Un programme d’éducation thérapeutique définit, pour une maladie chronique donnée et dans un contexte donné, Qui fait Quoi, pour Qui, Où, Quand, Comment et Pourquoi réaliser et évaluer une éducation thérapeutique ? Il est un cadre de référence pour la mise en œuvre d’une éducation thérapeutique personnalisée.
  • Une planification en 4 étapes propose un cadre logique et cohérent pour l’action des professionnels de santé.
  • Une coordination des interventions et des professionnels de santé ainsi qu’une transmission des informations.

 

1. Élaborer un diagnostic éducatif
  • Connaître le patient, identifier ses besoins, ses attentes et sa réceptivité à la proposition de l’ETP.
  • Appréhender les différents aspects de la vie et de la personnalité du patient, évaluer ses potentialités, prendre en compte ses demandes et son projet.
  • Appréhender la manière de réagir du patient à sa situation et ses ressources personnelles, sociales, environnementales.
2. Définir un programme personnalisé d'ETP avec des priorités d'apprentissages
  • Formuler avec le patient les compétences à acquérir au regard de son projet et de la stratégie thérapeutique.
  • Négocier avec lui les compétences, afin de planifier un programme individuel.
  • Les communiquer sans équivoque au patient et aux professionnels de santé impliqués dans la mise en œuvre et le suivi du patient.
3. Planifier et mettre en œuvre les séances d’ETP individuelle ou collective ou en alternance
  • Sélectionner les contenus à proposer lors des séances d’ETP, les méthodes et techniques participatives d’apprentissage.
  • Réaliser les séances.
4. Réaliser une évaluation des compétences acquises, du déroulement du programme
  • Faire le point avec le patient sur ce qu’il sait, ce qu’il a compris, ce qu’il sait faire et appliquer, ce qu’il lui reste éventuellement à acquérir, la manière dont il s’adapte à ce qui lui arrive. 
  • Proposer au patient une nouvelle offre d’ETP qui tient compte des données de cette évaluation et des données du suivi de la maladie chronique.

 

Quelles sont les modalités de coordination ?

  • La coordination des différents acteurs impliqués dans la prise en charge autour du patient et avec lui est nécessaire dès l’acceptation par le patient d’une offre d’ETP. Elle vise à :
    • définir en commun les différents aspects de la prise en charge pour répondre de manière adaptée aux besoins, aux attentes, aux difficultés et aux problèmes identifiés, en tenant compte des ressources du patient ;
    • faciliter la participation du patient et de ses proches à la définition, à la mise en œuvre de l’ETP et à l’évaluation de son déroulement et de ses effets ;
    • programmer, organiser l’offre d’ETP en fonction des priorités établies avec le patient ;
    • envisager avec le patient, la place qu’il souhaite et peut prendre dans la coordination ;
    • partager des informations pour assurer la cohérence de l’ETP et sa continuité ;
    • permettre à d’autres professionnels d’intervenir soit en contribuant directement à la démarche éducative, soit en proposant une réponse adaptée aux difficultés du patient ou de ses proches ou des professionnels de santé.
  • La coordination est nécessaire à la poursuite de l’ETP, et est réalisée à partir :
    • de l’évaluation des compétences acquises par le patient, de ses besoins et de son expérience de la gestion de la maladie ;
    • de l’évaluation du déroulement des séances ;
    • du souhait du patient de redéfinir les objectifs et les modalités de l’éducation ;
    • de la tolérance aux traitements et aux soins ;
    • de l’utilisation effective du plan d’action en cas de crise ou de symptômes ;
    • de l’évolution de la maladie, des traitements ;
    • d’une nouvelle phase de développement de la personne, de changements survenus dans la vie professionnelle, familiale, affective et dans l’état de santé du patient.

 

Qu'est-ce qu'une éducation thérapeutique de qualité ?

L'éducation thérapeutique du patient doit :

  • être centrée sur le patient : intérêt porté à la personne dans son ensemble, prise de décision partagée, respect des préférences ;
  • être scientifiquement fondée (recommandations professionnelles, littérature scientifique pertinente, consensus professionnel) et enrichie par les retours d’expérience des patients et de leurs proches pour ce qui est du contenu et des ressources éducatives ;
  • faire partie intégrante du traitement et de la prise en charge ;
  • concerner la vie quotidienne du patient, les facteurs sociaux, psychologiques et environnementaux ;
  • être un processus permanent, qui est adapté à l’évolution de la maladie et au mode de vie du patient ; elle fait partie de la prise en charge à long terme ;
  • être réalisée par des professionnels de santé formés à la démarche d’éducation thérapeutique du patient et aux techniques pédagogiques, engagés dans un travail en équipe dans la coordination des actions ;
  • s’appuyer sur une évaluation des besoins et de l’environnement du patient (diagnostic éducatif), et être construite sur des priorités d’apprentissage perçues par le patient et le professionnel de santé ;
  • se construire avec le patient, et impliquer autant que possible les proches du patient ;
  • s’adapter au profil éducatif et culturel du patient, et respecter ses préférences, son style et rythme d’apprentissage ;
  • être définie en termes d’activités et de contenu, être organisée dans le temps, réalisée par divers moyens éducatifs :
    • utilisation de techniques de communication centrées sur le patient,
    • séances collectives ou individuelles, ou en alternance, fondées sur les principes de l’apprentissage chez l’adulte (ou l’enfant),
    • accessibilité à une variété de publics, en tenant compte de leur culture, origine, situation de handicap, éloignement géographique, ressources locales et du stade d’évolution de la maladie,
    • utilisation de techniques pédagogiques variées, qui engagent les patients dans un processus actif d’apprentissage et de mise en lien du contenu des programmes avec l’expérience personnelle de chaque patient,
  • être multiprofessionnelle, interdisciplinaire et intersectorielle, intégrer le travail en réseau ;
  • inclure une évaluation individuelle de l’ETP et du déroulement du programme.


Pour approfondir, consulter les recommandations :

Nous contacter

Service des bonnes pratiques

Voir aussi