Surveillance sérologique et prévention de la toxoplasmose et de la rubéole au cours de la grossesse et dépistage prénatal de l’hépatite B – Pertinence des modalités de réalisation

Recommandations en santé publique et Rapport d’orientation
Public Health guideline - Posted on Dec 16 2009

Quatre pathologies infectieuses, la toxoplasmose, la rubéole, la syphilis et l’hépatite B ainsi que l’allo immunisation materno fœtale anti D font l’objet de programmes de dépistage prénatal obligatoire en France depuis la fin des années 1970, dans le cadre d’une politique actuellement régie par les articles L. 2122-1 à 2122-5 du Code de la santé publique (CSP), le décret n° 92-143 du 14 février 1992 relatif aux examens obligatoires prénuptial, pré et postnatal¹ en fixant le contenu. Ces examens médicaux obligatoires chez la femme enceinte dans le cadre général du suivi de la grossesse sont au nombre de sept (art. R. 2122-1 du CSP). L’article R. 2122-2 du CSP en fixe le contenu et prévoit ainsi que soient effectués :

  • Lors du premier examen prénatal, « les dépistages de la syphilis, de la rubéole et de la toxoplasmose en l’absence de résultats écrits permettant de considérer l’immunité comme acquise, ainsi que la recherche d’anticorps irréguliers, à l’exclusion des anticorps dirigés contre les antigènes A et B ; si la recherche est positive, l’identification et le titrage des anticorps sont obligatoires » ;
  • « Au cours du quatrième examen prénatal (sixième mois de grossesse), un dépistage de l’antigène HBs (…) et chez les femmes à rhésus négatif ou précédemment transfusées, la recherche d’anticorps irréguliers, à l’exclusion des anticorps dirigés contre les antigènes A et B ; si la recherche est positive, l’identification et le titrage des anticorps sont obligatoires » ;
  • « Au cours des sixième et septième examens prénatals (huitième et neuvième mois de grossesse), chez les femmes à rhésus négatif ou précédemment transfusées, la recherche d’anticorps irréguliers, à l’exclusion des anticorps dirigés contre les antigènes A et B ; si la recherche est positive, l’identification et le titrage des anticorps sont obligatoires » ;
  • « En outre, la sérologie toxoplasmique sera répétée chaque mois à partir du deuxième examen prénatal si l’immunité n’est pas acquise. »

Le décret n°92-143 du 14 février 1992 mentionnait é galement les examens obligatoires dans le cadre du certificat prénuptial (article R.2121-1 du CSP). Mais ce dernier a été supprimé par l’article 8 de la loi n°2007-1787 du 21 décembre 20 07.
Les examens obligatoires prévus aux articles R.2122-1 et R.2122-2 du CSP sont inscrits à la Nomenclature des actes de biologie médicale (NABM) et pris en charge à 100 % dans le cadre de l’assurance-maternité (dès lors que la déclaration de grossesse a été effectuée).

Seul l’intérêt du dépistage sérologique obligatoire de la syphilis au cours de la grossesse a été réévalué : en mai 2007, la Haute Autorité de Santé (HAS) a recommandé le maintien de ce dépistage universel au cours du premier examen prénatal et la réalisation d’un deuxième test au cours du 3e trimestre de la grossesse (idéalement avant la 28e semaine de grossesse) chez les femmes considérées comme à risque (www.has-sante.fr). Les autres programmes de dépistage n’ont fait l’objet d’aucun examen à ce jour.
La Direction générale de la santé (DGS) a donc saisi la HAS afin que soient appréciés l’intérêt et la nécessité d’une mise à jour de la surveillance biologique obligatoire pour toutes les femmes enceintes, concernant la toxoplasmose, la rubéole, l’hépatite B et l’allo immunisation materno fœtale anti D. La demande portait en particulier sur une évaluation globale des programmes de dépistage prénatal de la toxoplasmose et de la rubéole et sur la validation méthodologique des recommandations sur la prévention de l’allo immunisation materno fœtale publiées par le Collège national des gynécologues obstétriciens français (CNGOF) en décembre 2005.

La labélisation par la HAS des recommandations portant sur la prévention de l’allo immunisation materno fœtale anti D produites par le CNGOF étant en cours d’instruction au moment de la rédaction des présentes recommandations, il est apparu opportun d’aborder dans un cadre distinct la question de l’intérêt d’une modification du calendrier des recherches d’anticorps iiréguliers (RAI). Le Comité de Validation des Recommandations a émis en mars 2009 un avis défavorable à l’attribution du label de la HAS à ces recommandations. Une actualisation est en effet apparue comme nécessaire.
Par ailleurs, il a été décidé de traiter de façon distincte le cas de la surveillance biologique et de la prévention de la toxoplasmose et de la rubéole au cours de la grossesse d’une part et du dépistage prénatal de l’hépatite B d’autre part. En effet alors que les questions d’évaluation portaient sur l’ensemble du programme de dépistage dans le premier cas, seule la question du moment de réalisation du dépistage du portage de l’antigène HBs a été abordée dans le second cas. L’évaluation de l’intérêt d’une modification du moment de réalisation du dépistage prénatal de l’antigène HBs a donc fait l’objet d’un rapport d’orientation distinct.


¹ Ce décret ne résume pas l’ensemble des dépistages prénatals proposés de façon systématique en France (infection par le VIH, trisomie 21, etc.). Il ne concerne que les dépistages prénatals obligatoires.


 

Contexte et enjeux

Dépistage prénatal de la toxoplasmose et de la rubéole : objectifs

Les dépistages prénatals de la toxoplasmose et de la rubéole présentent la caractéristique particulière de s’adresser à des femmes enceintes non pas pour prévenir la survenue d’une maladie infectieuse bénigne chez elles mais plutôt afin d’éviter ou de limiter le risque d’une atteinte fœtale pouvant se traduire par des séquelles graves, durant la grossesse en cours ou lors d’une grossesse ultérieure (dans le cas de la rubéole).
Deux objectifs principaux peuvent être poursuivis dans le cadre de ces dépistages :

  • Identifier les femmes enceintes non immunes afin de limiter le risque de contamination au cours de la grossesse (par des mesures d’hygiène alimentaire notamment dans le cas de la toxoplasmose) ou d’une grossesse future (par la vaccination en postpartum pour la rubéole) ;
  • Diagnostiquer le plus précocement possible une séroconversion maternelle en cours de grossesse afin de proposer une prise en charge adaptée (par la prescription d’un traitement antibiotique afin de limiter la transmission au fœtus et de réduire le risque de séquelles en cas de toxoplasmose congénitale et interruption médicale de grossesse ou prise en charge d’une surdité dans le cas de la rubéole congénitale).



Dépistage prénatal de la toxoplasmose : enjeux

Mis en place à une époque où la séroprévalence de la toxoplasmose était très élevée, le dépistage systématique de la toxoplasmose dans le cadre de l’examen prénuptial et au cours de la grossesse n’a fait l’objet d’aucune évaluation depuis lors. La France est d’ailleurs un des rares pays européens dans lequel existe une réglementation à ce sujet et qui propose un dispositif aussi important.
La modification du contexte épidémiologique, en particulier l’augmentation du nombre de femmes en âge de procréer séronégatives et la diminution du risque de contamination pendant la grossesse, et l’évolution des techniques de dépistage comme de diagnostic confrontent le dépistage prénatal de la toxoplasmose à un certain nombre de remises en question.

La variabilité des politiques et pratiques de dépistage prénatal de la toxoplasmose en Europe et l’hétérogénéité des pratiques de prise en charge diagnostique et thérapeutique en France révèlent la persistance d’incertitudes et d’interrogations autour des objectifs et des modalités du dépistage sérologique ainsi que de sa place dans la stratégie globale de prévention de la toxoplasmose congénitale.
Au final, alors qu’une diminution du nombre de cas de toxoplasmose congénitale clinique a été constatée au fil des années, que le contexte épidémiologique a évolué et que les techniques de diagnostic précoce de la toxoplasmose congénitale en pré et postnatal se sont améliorées, on peut s’interroger sur la nécessité d’une modification radicale de la réglementation actuelle ou plutôt d’un meilleur encadrement des outils de prévention secondaire et du développement de travaux de recherche vaccinaux et thérapeutiques afin d’assurer une alternative à moyen ou à long terme.

Par ailleurs, plusieurs travaux d’importance ont été récemment produits dans le champ concerné par les présentes recommandations, en particulier à propos de la toxoplasmose congénitale. En France, le groupe de travail Toxoplasma gondii constitué par l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa) a publié en décembre 2005 un rapport faisant le point des connaissances en matière de toxoplasmose humaine et animale. Par ailleurs, une initiative européenne associant l’Institute of Child Health (Royaume Uni), le Staten Serum Institute (Danemark) et l’Institut de santé publique, d’épidémiologie et de développement (ISPED, France) a eu pour objectif, dans le cadre du projet Eurotoxo, de formaliser un consensus sur l’état de la science dans le domaine de la prévention et de la prise en charge de la toxoplasmose congénitale. Des revues systématiques de la littérature ont été élaborées à cette occasion et leurs résultats présentés lors d’une conférence qui s’est tenue à Bordeaux en octobre 2005.


Dépistage prénatal de la rubéole : enjeux

L’augmentation progressive de la couverture vaccinale chez les femmes en âge de procréer a réduit considérablement le risque de survenue d’une infection rubéoleuse au cours de la grossesse. Le dépistage prénatal de la rubéole conserve néanmoins son intérêt pour une fraction de la population féminine non vaccinée, mal caractérisée. La baisse de l’incidence des infections rubéoleuses en cours de grossesse et des rubéoles congénitales a toutefois des conséquences sur les stratégies de dépistage et de diagnostic prénatal.
Par ailleurs, le champ de la prévention de la rubéole congénitale a été au cours des années récentes concerné par différentes initiatives politiques. En 1998, la Région Europe de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a formulé l’objectif d’une élimination de la rougeole et de la rubéole congénitale à l’horizon 2010. En 2004, les administrateurs des programmes nationaux de vaccination et le Groupe consultatif d’experts en matière de vaccination de la Région européenne de l’OMS ont proposé d’ajouter à la stratégie l’élimination de la rubéole. Un nouveau plan stratégique d’élimination de la rougeole et de la rubéole et de prévention de la rubéole congénitale a été élaboré par le Bureau régional Europe de l’OMS pour la période 2005-2010. La France a adhéré à la démarche initiée par l’OMS et a adopté en 2005 un plan national d’élimination de la rougeole et de la rubéole congénitale. Ce plan vise en particulier à interrompre la circulation du virus de la rubéole chez les femmes en âge de procréer et à éliminer les rubéoles congénitales malformatives.

 

Objectifs et cibles

Dans ce contexte et à l’issue d’une analyse des enjeux actuels du dépistage et d’une explicitation des attentes de la DGS, deux objectifs principaux ont été définis dans le cadre de ces recommandations en santé publique :

  • Évaluer la pertinence d’une évolution de la stratégie et des modalités de réalisation du dépistage prénatal de la toxoplasmose ;
  • Évaluer la pertinence d’une évolution de la stratégie et des modalités de réalisation du dépistage prénatal de la rubéole.

Ces recommandations en santé publique ont été élaborées à la demande de la DGS afin d’éclairer l’intérêt et la nécessité d’une mise à jour de la réglementation actuelle (articles R.2122-1 et R.21-22-2 du CSP) qui fixe le nombre et la nature des examens dont le caractère obligatoire est édicté par la loi (art. L. 2122-1 du CSP).

Les cibles professionnelles principales de ces recommandations sont les gynécologues obstétriciens, les médecins généralistes, les gynécologues médicaux, les sages femmes, les biologistes, les pédiatres ainsi que les associations de patients et d’usagers impliquées notamment dans le champ de la périnatalité.

 

Méthodes

Le dépistage prénatal de la toxoplasmose et de la rubéole a été défini, dans le cadre de la présente évaluation, comme la séquence complète des événements intervenant depuis l’identification de la population cible jusqu’au diagnostic définitif et au traitement de la maladie. S’il repose initialement sur la réalisation de tests sérologiques chez la femme enceinte qui constituent le cœur de l’évaluation réalisée dans le cadre des présentes recommandations, il s’étend également aux techniques utilisées pour le diagnostic de l’atteinte fœtale et aux interventions qui lui font suite et en constituent la justification. Cependant, l’accent a été mis sur l’étape initiale c’est à dire sur les techniques sérologiques utilisées dans le cadre de la surveillance biologique obligatoire aux conditions fixées par les articles R.2122-1 et R.2122-2 du CSP, dès lors que celle-ci constituait le cœur de la question posée par la DGS.
La population cible correspond à l’ensemble des femmes enceintes asymptomatiques se présentant aux consultations prénatales instituées dans le cadre du suivi de la grossesse, hors notion de contage (pour la rubéole) et à l’exclusion de la survenue de signes cliniques évocateurs. Ont été exclues du champ de ces recommandations les femmes enceintes infectées par le VIH ou immunodéprimées.

Différents critères d’évaluation ont été déterminés à partir du cadre conceptuel élaboré par le secrétariat scientifique du projet Eurotoxo pour le cas particulier de la toxoplasmose congénitale et des critères définis par l’OMS et actualisés par l’Anaes en 2004, pour apprécier l’intérêt d’un programme de dépistage.

  • L’histoire naturelle de la maladie est bien connue et il existe un délai entre l’infection maternelle et l’infection fœtale permettant une intervention.
  • La maladie ciblée constitue un important problème de santé.
    • Le fardeau de la maladie a été évalué uniquement à partir des données épidémiologiques et cliniques, aucune donnée française ne permettant d’évaluer le poids de la toxoplasmose et de la rubéole congénitales du point de vue économique.
  • Il existe un test de dépistage fiable, performant, simple d’utilisation et bien accepté par la population.
    • Les critères de performance retenus dans tous les cas ont correspondu aux mesures de la performance intrinsèque et extrinsèque des tests de dépistage : sensibilité et spécificité, valeurs prédictives positive et négative ;
    • La fiabilité de chaque technique de dépistage a également été évaluée à partir de sa reproductibilité et de sa répétabilité inter opérateurs.
  • Il existe une prise en charge préventive ou thérapeutique efficace en cas de résultat positif du test de dépistage à la suite éventuellement d’une démarche diagnostique complémentaire clairement établie.
    • L’efficacité du traitement prénatal de la toxoplasmose congénitale a fait l’objet d’une synthèse ;
    • Les conditions de mise en œuvre d’une vaccination rubéoleuse en postpartum chez les femmes enceintes non immunes ont également été évaluées ;
    • Les modalités et la performance du diagnostic prénatal ont été appréciées ;
    • La sécurité du diagnostic prénatal de l’infection fœtale a pu être évaluée à partir du nombre de pertes fœtales engendrées par les techniques invasives de diagnostic prénatal ; ce nombre est lié au taux de faux positifs de la technique de dépistage prénatal et au taux de pertes fœtales de chaque type de prélèvement ;
    • La sécurité de la prise en charge a également été évaluée par rapport au nombre d’interruptions thérapeutiques de grossesse réalisées sur des fœtus finalement sains ;
    • Le profil de tolérance des traitements utilisés à l’issue du diagnostic prénatal a constitué un second critère d’évaluation de la sécurité.
  • Il existe des modalités de mise en œuvre d’un programme de prévention et de dépistage avec un rapport bénéfices/risques favorable et des conséquences économiques acceptables.
    • Le rapport bénéfices/risques de chaque programme de dépistage a été apprécié en fonction des objectifs assignés au dépistage, dans la limite des données disponibles ;
    • Les stratégies alternatives au dépistage prénatal (actions de prévention primaire) ont été examinées ; la place de ces stratégies et des programmes de dépistage prénatal a été discutée dans le cadre d’un réexamen des objectifs du dépistage prénatal ;
    • Une évaluation économique a été réalisée dans le cas de la toxoplasmose :
      • Le rapport coût/efficacité de la stratégie française de dépistage de la toxoplasmose (comparée aux autres stratégies existantes : absence de dépistage, sérologie trimestrielle, etc.) a été apprécié à travers une revue critique de la littérature ;
      • Une estimation théorique du coût par femme infectée et du coût par cas de toxoplasmose congénitale diagnostiqué a également été réalisée.
    • En revanche aucune évaluation économique n’a pu être réalisée pour le dépistage prénatal de la rubéole. Un éclairage économique aurait pu consister à évaluer le coût des sérologies dans le cadre du dépistage de la rubéole. Cependant, nous ne disposions pas du nombre de femmes enceintes dépistées ni du nombre de femmes vaccinées en postpartum.
    • Des réflexions éthiques associées aux dépistages prénatals et plus spécifiquement aux dépistages prénatals obligatoires ont été soulevées.

Par ailleurs, un avis juridique a été sollicité auprès de Mme Dominique Thouvenin, professeur de droit à l’Université Paris 7 et à l’École des hautes études en santé publique, concernant les fondements juridiques du caractère obligatoire des examens de prévention instaurés dans le cadre du suivi de la grossesse. Ses principales conclusions ont été intégrées dans l’argumentaire dans la présentation de la législation actuelle.

L’évaluation du maintien de la pertinence du dépistage prénatal de la toxoplasmose et de la rubéole a reposé à titre principal sur une revue systématique et critique de la littérature. Les travaux de revue de la littérature réalisés dans le cadre du projet Eurotoxo ont constitué le fondement de l’analyse effectuée dans le cas du dépistage prénatal de la toxoplasmose. L’évaluation économique du dépistage prénatal de la toxoplasmose a reposé principalement sur l’analyse d’une thèse d’université ayant pour objectif d’évaluer les différentes stratégies de dépistage et de prise en charge de la toxoplasmose congénitale. Cette évaluation était fondée sur une revue systématique et critique de toute la littérature médico économique publiée sur ce thème.
L’analyse de la littérature effectuée dans le cadre de l’évaluation du dépistage prénatal de la rubéole a reposé sur des critères de sélection identiques à ceux utilisés pour la toxoplasmose.

 

Stratégie et modalités de réalisation du dépistage prénatal de la toxoplasmose

Histoire naturelle de la maladie connue et existence d’un délai entre l’infection maternelle et l’infection fœtale

Dans le cas de la toxoplasmose, l’association entre la fréquence de la transmission materno fœtale et la sévérité de l’atteinte fœtale d’une part et le terme de la grossesse d’autre part a été clairement établie : si le risque de transmission materno fœtale augmente avec l’âge gestationnel auquel survient l’infection maternelle, la gravité de l’atteinte fœtale décroît en fonction du terme de la grossesse. Ainsi à 13 semaines d’aménorhée (SA), l’infection fœtale survient dans 6 % des cas mais se traduit dans la majorité des cas par une forme sévère ou une perte fœtale. A l’inverse, à 36 SA, le passage transplacentaire se produit dans plus de 70 % des cas mais n’est à l’origine le plus souvent que d’une forme infraclinique.
En revanche, plusieurs éléments déterminant l’histoire naturelle de la toxoplasmose congénitale restent mal connus : les liens entre type génétique et virulence de Toxoplasma gondii, la durée de la phase initiale de parasitémie chez la mère, le mécanisme et la cinétique de la transmission maternofœtale du parasite.

Par ailleurs, l’histoire « naturelle » de la maladie a été largement modifiée par la stratégie de prise en charge globale de la grossesse en France. Ainsi les formes de toxoplasmose congénitale graves à la naissance sont dorénavant rares. De même l’évolution postnatale apparaît globalement favorable : les formes infracliniques, les plus fréquentes, sont susceptibles d’évoluer secondairement avec l’apparition retardée de lésions oculaires mais qui s’accompagnent rarement de déficiences visuelles bilatérales sévères. Cependant, le manque de données sur le développement psychomoteur des enfants présentant une atteinte du système nerveux central et de façon plus générale sur la qualité de vie des enfants atteints doit être souligné.

Enfin, certains facteurs de risque de contamination alimentaires et comportementaux ont été identifiés, en particulier la consommation de viande insuffisamment cuite et de fruits et légumes mal nettoyés. Cependant, la persistance d’incertitudes sur les sources de contamination ne permet pas de préciser actuellement en France la part respective des différentes modalités d’infection par ingestion de toxoplasme. En revanche, l’identification de ces facteurs de risque de contamination permet de proposer une prévention et une information aux femmes enceintes séronégatives.


Importance du problème de santé

Deux évolutions majeures caractérisent l’épidémiologie récente de la toxoplasmose congénitale en France :

  • Une diminution importante de la séroprévalence de la toxoplasmose chez les femmes en âge de procréer ;
  • Une probable baisse de l’incidence des séroconversions toxoplasmiques en cours de grossesse (mais mesurée à partir d’études reposant sur des modélisations en population générale chez des femmes de structure d’âge identique à celle des femmes enceintes).

En 2007, 272 cas de toxoplasmose congénitale (dont 7 formes graves, hydrocéphalie et choriorétinite maculaire ainsi que 5 morts fœtales in utero) ont été diagnostiqués et recensés par le système de notification mis en place par le Centre national de référence (CNR) toxoplasmose en lien avec l’Institut de veille sanitaire (InVS). Six interruptions médicales de grossesse (IMG) ont été réalisées après diagnostic prénatal d’une infection toxoplasmique. Parmi les 234 enfants nés vivants pour lesquels l’information était disponible, 206 étaient asymptomatiques à la naissance et 28 présentaient des atteintes cliniques, sévères dans 7 cas. Parmi ces enfants, les atteintes neurologiques représentaient 17 cas (3 hydrocéphalies et 11 calcifications intracrâniennes isolées), les atteintes oculaires 12 cas (choriorétinite maculaire dans 4 cas) ; 3 enfants présentaient à la fois des lésions neurologiques et oculaires.
La prévalence totale de la toxoplasmose congénitale est donc estimée, pour l’année 2007, à 0,33 pour mille naissances. La prévalence de la toxoplasmose congénitale à la naissance (en considérant uniquement les enfants vivants), pour cette même année est de 0,29 pour mille naissances.
Les données disponibles ne permettent pas d’apprécier certaines conséquences, notamment ophtalmologiques, de l’infection toxoplasmique, nécessitant un suivi à long terme des enfants atteints.

La tendance à la diminution de la séroprévalence de la toxoplasmose chez les femmes en âge de procréer devrait se traduire par une augmentation du nombre de femmes enceintes séronégatives et donc une augmentation du nombre de tests sérologiques dans le cadre du suivi de la grossesse. Par ailleurs, la baisse du nombre de cas de toxoplasmose congénitale doit être soulignée.


Existence de tests de dépistage fiables, performants, simples d’utilisation et bien acceptés par la population

Le dépistage sérologique de la toxoplasmose au cours de la grossesse s’inscrit actuellement dans l’algorithme général suivant :

Algorithme dépistage sérologique de la toxoplasmose au cours de la grossesse 

Pour la détermination du statut immunitaire maternel vis à vis du toxoplasme, les réactifs de détection des IgG spécifiques actuellement disponibles apparaissent performants, fiables et simples d’utilisation. Une étude en cours réalisée par le CNR toxoplasmose permettra d’améliorer les connaissances sur les performances relatives des techniques enzyme-linked imunosorbent assay (ELISA) utilisées par les laboratoires d’analyses de biologie médicale.

La datation de l’infection toxoplasmique maternelle en cas de détection d’IgG et d’IgM spécifiques à l’occasion de la première consultation prénatale repose sur la mesure de l’avidité des IgG. Un indice élevé d’avidité des IgG réalisé au cours du 1er trimestre permet d’éliminer une infection récente en début de grossesse.

Le diagnostic d’une séroconversion pergravidique chez la femme enceinte en cas de séronégativité initiale repose sur l’utilisation séquentielle de techniques sérologiques de détection des IgG et des IgM spécifiques.

La détermination du statut immunitaire maternel vis à vis du toxoplasme avant la conception permettrait de limiter les difficultés d’interprétation des sérologies toxoplasmiques au cours de la grossesse.

Un algorithme d’interprétation des sérologies toxoplasmiques pendant la grossesse est en cours d’élaboration sous l’égide du CNR toxoplasmose et devrait être publié en 2009.


Existence d’une prise en charge préventive ou thérapeutique efficace en cas de résultat positif du test de dépistage à la suite éventuellement d’une démarche diagnostique complémentaire clairement établie

Trois types d’intervention peuvent être envisagés en fonction des résultats du dépistage sérologique maternel.

L’identification des facteurs de risque alimentaires et comportementaux de contamination par le toxoplasme permet d’envisager l’élaboration et la diffusion de recommandations de prévention primaire auprès des femmes enceintes séronégatives. Si actuellement seuls des éléments préliminaires suggérent l’efficacité des programmes d’éducation pour la santé en matière de prévention de la toxoplasmose au cours de la grossesse, une information adaptée aux femmes impliqués dans le champ de la périnatalité apparaît essentielle. Les mesures de prévention primaire identifiées par le groupe de travail Toxoplasma gondii de l’Afssa doivent constituer le cœur des recommandations en direction des femmes enceintes. Elles devraient également être rappelées aux professionnels de santé impliqués dans la prise en charge de la périnatalité.

La stratégie de prise en charge en cas de séroconversion maternelle en cours de grossesse implique le recours au diagnostic prénatal, afin de déterminer l’existence d’une contamination fœtale et d’apprécier le degré d’atteinte du fœtus. La démarche diagnostique repose d’une part sur le recours à des techniques de biologie moléculaire et d’inoculation à la souris après prélèvement de liquide amniotique (à partir de 18 SA et 4 semaines au moins après la date d’infection) et d’autre part sur une surveillance échographique à la recherche de signes évocateurs. En combinant la PCR avec la technique d’isolement du toxoplasme par inoculation à la souris, les performances diagnostiques apparaissent très bonnes. Les performances de l’échographie fœtale pour le diagnostic de la toxoplasmose congénitale et la valeur pronostique des signes échographiques sont, quant à elles, mal connues. Cependant en l’absence d’anomalie échographique, même en cas d’infection au cours du premier trimestre de la grossesse, les données disponibles mettent en évidence l’évolution le plus souvent favorable de la toxoplasmose congénitale, dans le cadre de la prise en charge actuelle. Enfin, même en cas de négativité du diagnostic à la naissance, une surveillance sérologique chez l’enfant doit être poursuivie jusqu’à négativation des sérologies.
En cas de séroconversion toxoplasmique en cours de grossesse, un traitement est actuellement proposé afin d’une part de réduire le risque de transmission maternofœtale et d’autre part de limiter les conséquences d’une atteinte fœtale. Cependant, de nombreuses incertitudes persistent actuellement concernant l’efficacité d’une telle intervention et ses modalités. Si un faible effet protecteur du traitement prénatal débuté précocement après la séroconversion a été mis en évidence par rapport à la transmission maternofœtale, seul un large essai contrôlé randomisé s’avèrera capable de répondre à la question des bénéfices cliniques du traitement prénatal.

Enfin, comme pour toute démarche de diagnostic prénatal, il convient de tenir compte des événements indésirables liés aux techniques de prélèvement fœtal utilisées (perte fœtale principalement) ainsi que des effets indésirables associés aux traitements médicamenteux, en particulier aux inhibiteurs de la synthèse de l’acide folique.  avant la conception et au cours de la grossesse par les différents professionnels de santé.


Mise en œuvre du programme de dépistage

La persistance d’incertitudes concernant notamment l’efficacité des interventions préventives et thérapeutiques dans le cadre de la prise en charge de la toxoplasmose au cours de la grossesse ne permet pas de déterminer avec un niveau de certitude suffisant le rapport bénéfices/risques du dépistage prénatal de la toxoplasmose et les modalités les plus adaptées d’un tel programme. Ceci peut expliquer la relative variabilité des pratiques de prise en charge des séroconversions toxoplasmiques pergravidiques en France ainsi que les divergences affectant les programmes de dépistage prénatal de la toxoplasmose en Europe.

Seule la réalisation d’un essai contrôlé randomisé permettra de répondre à la question de l’efficacité du traitement prénatal et de déterminer le rapport bénéfices/risques du dépistage prénatal de la toxoplasmose.

Par ailleurs, en l’absence de preuves directes de l’efficacité du traitement de la toxoplasmose congénitale il semble difficile de conclure sur le rapport coût/efficacité de la stratégie française comparé aux autres stratégies existantes et donc sur l’efficience d’un tel programme. En revanche, une évaluation théorique du coût du dépistage en France a été réalisée estimant ainsi le coût du dépistage à plus de 42 millions d’euros avec un coût par femme infectée de 17 555€. Ce dépistage aura permis de rassurer plus de 790 000 femmes avec un coût par femme séronégative de 93,71€.

 

Stratégie et modalités de réalisation du dépistage prénatal de la rubéole

Histoire naturelle de la maladie connue et existence d’un délai entre l’infection maternelle et l’infection fœtale

Dans le cas de la rubéole, un facteur important est associé aussi bien au risque d’infection fœtale qu’à la sévérité de l’atteinte fœtale : l’âge gestationnel auquel survient la primo infection rubéolique chez la mère. Plus la contamination survient tôt au cours de la grossesse, plus l’atteinte fœtale est fréquente : ainsi en cas de primo infection rubéolique symptomatique avant la 11e SA, la fréquence de l’infection rubéolique atteint 90 %. Par ailleurs, une contamination fœtale avant 12 SA se traduit le plus souvent par une embryopathie sévère. Entre la 11e et la 18e SA, les malformations congénitales recensées se limitent le plus souvent à une surdité isolée. Après la 18e SA, les risques d’atteinte congénitale malformative semblent nuls.

Par ailleurs, certaines complications de la rubéole congénitale peuvent survenir plusieurs années après la naissance.

Enfin il est important de distinguer la rubéole congénitale et la rubéole congénitale malformative : seule la seconde est caractérisée par la présence de malformations cardiaques, oculaires ou à type de surdité principalement


Importance du problème de santé

La situation épidémiologique de la rubéole au cours de la grossesse en France est mieux connue que celle de la toxoplasmose grâce au réseau Rénarub, coordonné par l’InVS.

Au vu des données épidémiologiques disponibles, l’incidence des infections rubéoleuses en cours de grossesse a connu une diminution importante depuis 20 ans parallèlement à l’amélioration de la couverture vaccinale par le vaccin trivalent rougeole-oreillons-rubéole. En 2006, elle était ainsi estimée à 0,9 pour 100 000 naissances vivantes (soit 4 cas probables et 3 certains).
Le taux d’incidence des rubéoles congénitales malformatives a évolué de façon similaire : il est ainsi passé de 1,1 pour 100 000 naissances vivantes en 1997 à 0 pour 100 000 naissances vivantes en 2006. De même, depuis 2003, le nombre annuel d’IMG liées à une rubéole congénitale est inférieur à 5. Cependant ces données ne doivent pas faire négliger la possibilité de résurgence des cas de rubéole congénitale en fonction de l’évolution de la couverture vaccinale.

Enfin, la séroprévalence des anticorps antirubéole chez les femmes en âge de procréer apparaît de plus en plus liée à la politique vaccinale. Or la couverture vaccinale n’est pas homogène au sein de la population : il persiste des groupes de femmes non immunes vis à vis de la rubéole, en particulier de nationalité étrangère.


Existence de tests de dépistage fiables, performants, simples d’utilisation et bien acceptés par la population

Les techniques sérologiques utilisées dans le cadre de la détermination du statut immunitaire de la femme enceinte vis à vis de la rubéole (détection des IgG spécifiques) présentent une très bonne spécificité. Leur sensibilité est en revanche plus variable. Les données de performances dont on dispose ne correspondent cependant qu’à une sensibilité et à une spécificité relatives², en l’absence d’étude reposant sur l’utilisation d’un test de référence adapté (test de neutralisation).

Dans le cadre du sérodiagnostic d’une infection rubéolique maternelle en cours de grossesse, les techniques ELISA de détection des IgM rubéoliques sont caractérisées par une bonne spécificité analytique. En revanche, leur spécificité clinique apparaît médiocre : la présence d’IgM rubéoliques n’est pas toujours associée à une primo infection rubéolique récente ; des IgM peuvent être détectées en cas de stimulation non spécifique du système immunitaire, de réinfection ou peuvent persister au long cours après une vaccination. Enfin, l’augmentation du taux de résultats faussement positifs et la diminution de la valeur prédictive positive de ces tests en raison de la baisse de l’incidence de la rubéole au cours de la grossesse dans un contexte d’amélioration progressive de la couverture vaccinale doivent être soulignées. La prise en compte des données cliniques est dès lors essentielle pour une juste interprétation des résultats sérologiques. Le recours à des méthodes sérologiques complémentaires peut s’avérer également indispensable, en particulier la mesure de l’avidité des IgG si celle-ci est réalisée au cours du 1er trimestre de la grossesse. Dans ces conditions, la recherche des IgM spécifiques doit être réservée à la démarche diagnostique.


² La sensibilité et la spécificité ont été mesurées par rapport à d’autres tests ELISA et non par rappport au test de référence (test de neutralisation).


Existence d’une prise en charge préventive ou thérapeutique efficace en cas de résultat positif du test de dépistage à la suite éventuellement d’une démarche diagnostique complémentaire clairement établie

Deux catégories d’intervention peuvent être envisagées selon les objectifs assignés au dépistage prénatal de la rubéole : la première s’inscrit dans une perspective de prévention primaire et consiste en la vaccination des femmes non immunes ; la seconde fait suite au diagnostic d’une infection rubéolique maternelle.

Il existe un vaccin efficace contre la rubéole et dont le profil de tolérance est bon, qui doit être proposé aux femmes séronégatives en postpartum immédiat avant la sortie de la maternité. En effet, malgré l’absence de cas recensés de rubéole congénitale malformative à la suite d’une vaccination par inadvertance au cours de la grossesse, l’innocuité du vaccin chez la femme enceinte ne saurait être affirmée. Le risque maximal théorique de syndrome de rubéole congénitale associé au vaccin anti rubéolique a ainsi été estimé entre 0,4 % et 0,5 %.

En cas de détection d’une séroconversion survenue avant 20 SA, un diagnostic prénatal (DPN) peut être proposé afin de mettre en évidence une infection fœtale.
Il n’existe à l’heure actuelle aucun traitement curatif de l’infection rubéolique. Une IMG peut être éventuellement discutée au cas par cas devant une infection fœtale confirmée par le DPN entre la 12e et la 18e SA en présence d’anomalies échographiques et en cas de primo infection maternelle avant 12 SA sans DPN. Par ailleurs, la détection d’une primo infection survenue avant 20 SA peut permettre d’organiser la prise en charge néonatale d’une surdité isolée.


Mise en œuvre du programme de dépistage

L’objectif principal du sérodiagnostic de la rubéole (identifier les femmes enceintes non immunes par la détection des IgG spécifiques afin de leur proposer une vaccination contre la rubéole après l’accouchement) fait l’objet d’un large consensus en raison d’un rapport bénéfices/risques très favorable. L’intervention qui en découle est en effet constituée par l’administration d’un vaccin antirubéole dont l’efficacité en termes de protection est démontrée. La vaccination ne peut s’envisager qu’à l’issue de l’accouchement dans la mesure où malgré l’absence de cas recensés de rubéole congénitale malformative à la suite d’une vaccination par inadvertance au cours de la grossesse, l’innocuité du vaccin chez la femme enceinte ne saurait être affirmée (risque théorique maximal estimé entre 0,4 % et 0,5 %). La mise en œuvre d’une démarche universelle de dépistage permet par ailleurs de pallier les défauts d’information concernant une éventuelle vaccination et l’absence de critères d’identification a priori des femmes enceintes non immunes, même si certains groupes de femmes sont considérés comme plus vulnérables (migrantes en particulier).

L’appréciation de la balance bénéfices/risques du dépistage prénatal de la rubéole dans la perspective du diagnostic précoce d’une primo infection rubéolique maternelle au cours de la grossesse s’avère plus problématique. La recherche systématique d’une primo infection à l’occasion de la première consultation prénatale apparaît peu pertinente. En effet, dans un contexte de réduction majeure de l’incidence des infections rubéoliques pergravidiques, et en l’absence de contage ou d’une éruption cutanée évocatrice d’une rubéole, le risque de résultats faussement positifs est élevé, augmentant ainsi les risques liés à la démarche de DPN (pertes fœtales liées à l’amniocentèse) et à l’IMG.
En revanche, la recherche d’une séroconversion rubéolique à 20 SA chez les femmes non immunes en début de grossesse peut permettre d’orienter les femmes confrontées à une primo infection rubéolique vers un centre de référence afin de leur offrir une prise en charge adaptée (IMG ou prise en charge néonatale d’une surdité isolée après DPN). Les performances du sérodiagnostic maternel et du DPN dans ce contexte apparaissent en effet très satisfaisantes et les bénéfices associés à la prise en charge qui fait suite au diagnostic précoce d’une rubéole chez la femme enceinte peuvent être considérés comme importants.

 

Perspectives

Les présents travaux d’évaluation s’inscrivent dans un contexte d’incertitude scientifique marquée particulièrement dans le cas de la toxoplasmose congénitale. Trois besoins majeurs d’information ont été identifiés et devront être à moyen terme pris en compte afin de pouvoir réévaluer la pertinence du dépistage prénatal de la toxoplasmose et de ses modalités :

  • Seul un essai contrôlé randomisé permettra d’apporter une réponse à la question de l’efficacité du traitement prénatal sur le risque de transmission materno fœtale et sur la sévérité de l’atteinte fœtale et dès lors de déterminer la balance bénéfices/risques du dépistage prénatal ;
  • Une fois les premières données d’efficacité du traitement prénatal disponibles, une évaluation économique permettra d’apprécier l’efficience du programme de dépistage actuel ;
  • La recherche systématique des IgM spécifiques à l’occasion du 1er examen prénatal pourra être remise en question en fonction des résultats consolidés du système de surveillance de la toxoplasmose congénitale géré par le CNR toxoplasmose en collaboration avec l’InVS, en particulier si un très faible nombre d’infections toxoplasmiques fœtales étaient détectées au cours du 1er trimestre.

Le caractère obligatoire du dépistage prénatal de la toxoplasmose pourrait éventuellement être rediscuté à l’issue de cette réévaluation si les éléments d’incertitude scientifique concernant les bénéfices de l’intervention devaient persister et si la pertinence même de ce dépistage était remise en cause. 

 

Conclusions et recommandations

A l’issue d’une revue systématique de la littérature et en accord avec le groupe de travail, la HAS formule les recommandations suivantes concernant la surveillance sérologique et la prévention de la toxoplasmose et de la rubéole au cours de la grossesse. Ces recommandations concernent l’ensemble des femmes enceintes asymptomatiques se présentant aux consultations prénatales instituées dans le cadre du suivi de la grossesse, hors notion de contage (pour la rubéole) et à l’exclusion de la survenue de signes cliniques évocateurs. Sont également exclues du champ de ces recommandations les femmes enceintes infectées par le VIH ou immunodéprimées.


Conclusions générales

1. La HAS insiste sur l’importance de l’information qui doit être fournie aux femmes enceintes aux différents temps de la séquence de dépistage et de prise en charge (réalisation du test de dépistage, diagnostic prénatal et traitement prénatal) afin d’éclairer leur choix.
Cette information doit être délivrée par tous les professionnels de santé impliqués dans le suivi de la grossesse (médecins généralistes, gynécologues obstétriciens, gynécologues médicaux, sages femmes et biologistes), ce qui implique un effort de formation en direction de ces professionnels. Des supports écrits d’information adaptés devront donc être élaborés à destination des femmes enceintes et des professionnels de santé.

2. La HAS recommande que soit déterminé chez toute femme ayant un projet parental, dans le cadre d’une consultation préconceptionnelle, son statut immunitaire vis à vis de la toxoplasmose et de la rubéole (en l’absence de preuve écrite de son immunité) afin de limiter les difficultés d’interprétation des sérologies au cours de la grossesse. Le contrôle de la sérologie rubéolique est inutile si deux vaccinations contre la rubéole ont été antérieurement réalisées et sont documentées.
Les femmes devront être informées de la nécessité que les résultats de ces sérologies soient conservés afin d’être disponibles au moment de la 1ère consultation prénatale. En l’absence d’immunité vis à vis de la rubéole, une vaccination par un vaccin trivalent rougeole-oreillons-rubéole devra être proposée. Il est alors nécessaire de s’assurer de l’absence d’une grossesse débutante et d’éviter toute grossesse dans les deux mois suivant la vaccination.


Recommandations concernant la toxoplasmose

3. En l’état actuel des connaissances, la HAS recommande que soit proposée la réalisation d’une sérologie toxoplasmique dès la première consultation prénatale et le plus tôt possible après la conception, en l’absence de preuve écrite de l’immunité. Cette sérologie doit reposer sur la détection des IgG et des IgM spécifiques, afin de déterminer le statut immunitaire de toute femme enceinte et de diagnostiquer une éventuelle infection toxoplasmique en début de grossesse.
Chez les femmes enceintes séronégatives, en complément des mesures de prévention primaire, une information devra être fournie concernant l’intérêt et les modalités du dépistage sérologique. La sérologie toxoplasmique sera répétée tous les mois, si possible dans le même laboratoire et avec la même technique, et au moment de l’accouchement (sur sang maternel) à la recherche d’une éventuelle séroconversion tardive, afin de mettre en place un suivi adapté chez l’enfant.

4. Bien que la preuve formelle de l’efficacité des programmes d’éducation à la santé en matière de prévention de la toxoplasmose au cours de la grossesse manque encore, la HAS insiste sur l’importance de la diffusion des mesures de prévention primaire de la toxoplasmose auprès des femmes ayant un projet parental et des femmes enceintes, de façon répétée, oralement et au moyen de supports écrits. A cet égard, elle rappelle les recommandations formulées par le groupe de travail Toxoplasma gondii de l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA), publiées en 2005 (en annexe de ce document).

5. La HAS recommande qu’en cas de difficultés d’interprétation des sérologies et de datation d’une éventuelle séroconversion toxoplasmique, les sérums soient envoyés à un laboratoire spécialisé.
En cas de séroconversion, la femme devra être orientée, dans les plus brefs délais, vers un centre clinique de référence présentant une expertise reconnue dans le domaine de la toxoplasmose congénitale. L’équipe spécialisée devra lui fournir une information adaptée sur la maladie et ses conséquences pour l’enfant à naître et sur les incertitudes sur les avantages du traitement prénatal et ses inconvénients, envisager une amniocentèse en expliquant ses avantages et ses risques, en tenant compte des aspects psychologiques, et lui conseiller la prise en charge la plus adéquate en fonction des risques d’infection fœtale.
La HAS insiste sur la nécessité que les laboratoires spécialisés et les centres cliniques de référence fassent l’objet d’une procédure d’identification et mettent en place un recueil systématique d’informations.

6. Constatant l’existence de doutes concernant l’efficacité du traitement prénatal sur le risque de transmission materno fœtale et sur la sévérité de l’atteinte fœtale, la HAS insiste sur l’importance et l’urgence de la réalisation d’un essai randomisé qui devrait comporter un contrôle placebo et reposer sur des critères cliniques pertinents. Cependant elle reconnaît les difficultés d’un tel essai en termes de faisabilité et d’acceptabilité dans le contexte français. Une approche européenne s’appuyant sur la diversité des pratiques en Europe pourrait être envisagée. Dans l’attente des résultats d’une étude permettant d’apporter une réponse à la question de l’efficacité du traitement prénatal de la toxoplasmose, la HAS considère de la plus haute importance l’information à fournir aux femmes enceintes concernant les incertitudes sur les avantages du traitement prénatal et concernant ses inconvénients.
La HAS recommande également que soient évaluées l’adhésion des femmes aux messages de prévention primaire et l’efficacité de programmes d’éducation à la santé en matière de prévention de la toxoplasmose au cours de la grossesse.

7. Les recommandations concernant la surveillance sérologique de la toxoplasmose devront faire l’objet d’un réexamen en fonction des données d’efficacité obtenues par l’essai contrôlé randomisé dont la HAS a souligné l’importance et des résultats consolidés du système de surveillance de la toxoplasmose qui vient d’être mis en place sous l’égide du Centre National de Référence de la toxoplasmose et de l’Institut de veille sanitaire. Cette réévaluation, dont l’opportunité devra être appréciée de façon régulière en fonction de l’évolution des connaissances, devra être engagée au plus tard 5 ans après la publication des présentes recommandations.


Recommandations concernant la rubéole

Rappel : Ces recommandations concernent l’ensemble des femmes enceintes asymptomatiques se présentant aux consultations prénatales instituées dans le cadre du suivi de la grossesse, hors notion de contage et à l’exclusion de la survenue de signes cliniques évocateurs.

8. La HAS rappelle l’importance de la vaccination anti rubéolique chez l’enfant (avec le vaccin trivalent) et avant la conception chez les femmes en âge de procréer. A cet égard, selon le calendrier vaccinal 2009 élaboré par le Haut conseil de la santé publique, il n’y a pas lieu de vacciner des femmes ayant reçu deux vaccinations préalables, quel que soit le résultat de la sérologie si elle a été pratiquée, ni de réaliser des sérologies de contrôle pré et post vaccinales.
La vaccination doit être proposée à toute femme non immune en postpartum immédiat : la HAS insiste sur l’importance que cette vaccination soit proposée avant la sortie de la maternité et, dans ces conditions, que les pharmacies des établissements de santé puissent délivrer le vaccin trivalent rougeole-oreillons-rubéole. Elle rappelle que l’allaitement et l’injection d’immunoglobulines anti D ne constituent pas des contre indications à cette vaccination.
Toute vaccination devra faire l’objet de la délivrance aux femmes d’un document afin d’assurer la traçabilité de l’injection. Ces dernières devront être informées de l’importance de la conservation de ce document.
En raison du risque tératogène théorique, la vaccination en cours de grossesse est contre indiquée. Mais en cas de vaccination par inadvertance en cours de grossesse, la HAS rappelle qu’il n’y a pas lieu d’envisager un diagnostic prénatal ni une interruption médicale de grossesse.

9. Compte tenu de la situation épidémiologique actuelle, la HAS recommande qu’une sérologie rubéolique soit proposée à l’occasion de la première consultation prénatale, en l’absence de preuve écrite de l’immunité et sauf si deux vaccinations contre la rubéole documentées ont été antérieurement réalisées, à seule fin de déterminer le statut immunitaire vis à vis de la rubéole. Cette sérologie ne portera que sur la détection des IgG spécifiques et sera réalisée sur un seul prélèvement.
Chez les femmes enceintes séronégatives, une nouvelle sérologie rubéolique devra être proposée uniquement à 20 SA, à la recherche d’une éventuelle séroconversion.

10. La HAS recommande qu’en cas de difficultés d’interprétation des sérologies et de datation d’une éventuelle séroconversion rubéolique, les sérums soient envoyés à un laboratoire spécialisé.
En cas de primo infection rubéolique détectée dans le cadre de ce dépistage, la femme enceinte devra être orientée vers un centre clinique de référence présentant une expertise reconnue dans le diagnostic prénatal de la rubéole congénitale afin que lui soit proposée une prise en charge adaptée.

 

En l’absence de consensus au sein du groupe de travail, les conclusions du rapport d’orientation résument les arguments en faveur des différents temps de réalisation du dépistage prénatal de l’hépatite B et rappellent certaines recommandations de mise en œuvre de ce dépistage.