Aider le patient à changer ses comportements pour favoriser l’amélioration de sa santé ou pour réduire le risque d’apparition de pathologies est nécessaire. Des méthodes destinées à donner un cadre structurant à cet accompagnement éducatif pour augmenter la motivation du patient ont été proposée. Il s’agit d’une part, de l’intervention motivationnelle brève, et d’autre part, de l’entretien motivationnel.


Contexte

Ces fiches traitent de méthodes motivationnelles dans une relation de soin en face à face. Si l’intervention motivationnelle brève peut être réalisée de façon isolée, l’entretien motivationnel doit être réalisé de façon récurrente pour accompagner la personne dans son processus de changement. Les deux méthodes nécessitent un temps de consultation dédié. Leur mise en œuvre nécessite une formation du professionnel.


Objectifs

Ces méthodes motivationnelles sont indiquées dans le cadre de conduites addictives (alcool, tabac, autres substances psychotropes…), d’états de santé ou de pathologies chroniques nécessitant un changement de comportement ou de mode de vie (alimentaire, activité physique, observance de traitement, par exemple).


Cibles

L’intervention motivationnelle brève et l’entretien motivationnel peuvent être utilisés par les professionnels de santé au décours des consultations ou des soins. Sont particulièrement concernés les : infirmiers, médecins, kinésithérapeutes, pharmaciens et diététiciens.


Messages clés

  • L’intervention motivationnelle brève peut être utilisée de façon isolée lors d’une consultation ou d’un soin et nécessite un temps consacré de 5 à 20 minutes
  • L’entretien motivationnel est réalisé de façon récurrente pour accompagner la personne dans son processus de changement et nécessite un temps dédié de 20 à 30 minutes
  • Les deux méthodes sont fondées sur un accompagnement empathique et bienveillant de la personne visant à faire émerger un discours puis une action de changement en renforçant le sentiment d’efficacité de la personne

 

Le contenu suivant reprend l'intégralité de la fiche :
"Intervention motivationnelle brève"


L'essentiel

  • L’intervention motivationnelle brève se distingue de l’entretien motivationnel dont elle constitue une variante
  • Elle en partage certains fondamentaux comme un accompagnement empathique et bienveillant de la personne visant à faire émerger un discours puis une action de changement en renforçant le sentiment de liberté et d’efficacité de la personne
  • Elle permet l'expression et l'analyse de l'ambivalence au changement d'une personne face à sa (ses) comportements
  • Elle a pour visée l’adoption et le maintien de comportements favorables à la santé et protecteurs tels que la pratique d’une activité physique, l’alimentation équilibrée ou la lutte contre les addictions


Cadre et mise en œuvre de l’intervention motivationnelle brève

Définition

L’intervention motivationnelle brève (IMB) est un entretien structuré et court centré sur l’un ou l’autre des facteurs de risque comportementaux identifiés (1). Elle peut être combinée à d’autres stratégies de communication.

Cadre de réalisation

L’IMB peut prendre sa place dans le cadre des consultations ou des soins, de la prévention en santé associée à des dépistages. Elle peut également être réalisée dans d’autres cadres : urgences médicales (en accédant à des populations peu suivies médicalement et ayant des comportements à risque) (2), dépistage par internet (3), médecine scolaire (4) ou médecine du travail ou suivi de patients atteints de pathologies chroniques. Le temps nécessaire est généralement estimé à 5 à 20 minutes.

Indications de santé

L’IMB est utilisée pour aborder les consommations de substances psychoactives et les addictions (3, 5, 6, 7, 8), mais elle peut également être utilisée, diminution de la sédentarité, augmentation de l’activité physique régulière (9, 10).

Cadre réglementaire de réalisation

L’IMB répond aux mêmes exigences, pour chaque profession, que les autres soins :

  • Respect des règles d’exercice et de bonnes pratiques ;
  • Respect du code de déontologie (le cas échéant) ;
  • Respect de la confidentialité des informations et données médicales.

L’IMB parmi les actions à visée éducationnelles

Il existe de nombreuses modalités aux actions à visée éducationnelle. Il est utile de faire la distinction entre le conseil simple (ou conseil minimal) pour des interventions très brèves (ou minimales) qui consistent principalement à prodiguer au patient quelques conseils simples et structurés, qui ne dure pas plus de cinq minutes et l’intervention motivationnelle brève proprement dite qui dure cinq à vingt minutes. S’enchaine dans ce cas une évaluation de situation (à l’aide de questionnaire par exemple), un échange pouvant conduire, si le patient le demande explicitement, à la production d’un avis non-coercitif du professionnel et à la définition d’objectifs et une évaluation de la motivation à engager le changement. Une consultation ultérieure peut être réalisée pour évaluer les résultats obtenus (11).

Il est également possible de la distinguer de l’entretien motivationnel qui constitue une démarche progressive dans un processus de changement puisqu’il implique souvent plusieurs sessions successives.

 

La structuration de l’intervention

FRAME

L’IMB repose sur une structuration bien précise, la liste d’actions à produire étant résumée grâce au schéma mnémotechnique « FRAMES » suivant :

  • Feed-back : restituer les résultats de l’évaluation ;
  • Responsability : responsabiliser (le choix du changement appartient toujours au patient) ;
  • Advice : conseiller ;
  • Menu : évoquer avec le patient les modifications possibles de comportement ;
  • Empathy : le professionnel de santé fait preuve d’empathie ;
  • Self efficacy : laisser le patient acteur de son changement.

A noter : Certains auteurs francophones ont traduit cet acronyme en « Réagir » pour Repérer, Empathie, Avis, Gestion, Influence positive, Responsabiliser (REAGIR) (6).

Les 5 ou 6 A

Les 5A (ou 5 A’s) sont un autre acronyme définissant les principales étapes qui structurent l’intervention. Ces étapes visent, après avoir défini le thème, à évaluer le comportement de santé, à conseiller le patient en fonction de ses besoins, pour ensuite se mettre d’accord avec lui sur un objectif réaliste, en l’aidant à s’appuyer sur les ressources nécessaires, à surmonter les obstacles et à organiser le plan d’action et le suivi.

Certains auteurs ont ajouté un préalable qui permet de faire la transition entre le reste de la consultation médicale et de s’assurer de l’accord du patient (1). Principales étapes dans le 6 A :

  • Agenda : négocier l’accord du patient ;
  • Assess : Evaluer l’état de santé, le vécu (croyances, représentations, connaissances et expériences antérieures) et l’ambivalence (raisons de changer et confiance en soi) ;
  • Advise : Aviser, conseiller, informer ;
  • Agree : obtenir un accord, définir des objectifs personnalisés et les méthodes pratiques pour les atteindre ;
  • Assist : Aider, clarifier les ressources internes (qualités, compétences, expériences) et les ressources externes (entourage, réseau, soignants), anticiper les freins et barrières ;
  • Arrange : organiser, définir le suivi et les indicateurs de résultat.

Exemple de structuration d’IMB pour la consommation d’alcool

  •  Évaluation de la consommation (questionnaire AUDIT, questionnaire FACE)
  •  Information sur le verre d’alcool
  •  Échange sur le risque alcool
  •  Explications concernant les avantages d’une réduction
  •  Proposition de méthodes de réduction
  •  Proposition d’objectifs et laisser le choix


Principes méthodologiques

Pour le professionnel de santé, l’IMB se fonde sur des principes et des valeurs communs avec l’entretien motivationnel. Une posture partenariale faisant référence à l’alliance thérapeutique favorise la confiance et les échanges entre un consommateur et un professionnel de santé.

Ce qui est à éviter

  • Argumenter en faveur du changement (tout argument rationnel proposé par le professionnel de santé a peu de chance d’être entendu)
  • Éviter le réflexe correcteur (qui mènerait à un statu quo)
  • Critiquer, culpabiliser ou blâmer
  • Juger ou « cataloguer » le patient
  • Être pressé : ne pas se précipiter pour poser les questions
  • Affirmer sa prééminence (qui ne servirait qu’à renforcer les résistances au changement)


Ce qui est à favoriser

  • Écoute réflective
  • Exprimer l’empathie
  • Laisser le patient trouver ses propres arguments
  • Respecter ses choix et l’ambivalence
  • Rester sur les actions et les décisions
  • Proposer au patient des échelles concernant sa motivation, sa confiance dans la réussite du projet et sur le bon moment pour engager le changement
  • Sanctuariser l’autonomie, la liberté et la responsabilité du patient
  • Soutenir le sentiment d’efficacité personnelle
  • Faire avec la résistance : se mettre du côté de la résistance et des représentations erronées, faire en sorte de les dépasser

En résumé, l’IMB évite le jugement, la confrontation et la moralisation et confère le libre-choix au patient.


Les « outils relationnels » à mettre en œuvre

Les savoir-faire et outils utilisés dans le cadre de l’IMB sont communs avec ceux utilisés dans le cadre de l’entretien motivationnel.

Les savoir-faire de l’IMB appartiennent au registre des outils destinés aux entretiens centrés sur la personne. Les quatre savoir-faire sont regroupés sous l’acronyme mnémotechnique « OuVER » (questions Ouvertes, Valorisation, Écoute réflective, Résumés) (12) :

  • Questions ouvertes ;
  • Valorisation ;
  • Écoute réflective ;
  • Résumé – reformulation.


L’écoute réflective / active

Elle est ponctuée de formulation « en écho » :

  •  L’écho simple qui est une reformulation qui a pour double intérêt de renforcer le propos et d’assurer le patient que le thérapeute l’a bien entendu ;
  •  L’écho amplifié qui procède de l’exagération du discours, une sorte de mise en caractère gras, sans jugement ;
  •  Le double écho avec reformulation suivie du rappel d’un propos contradictoire.

Après avoir posé le cadre (confidentialité, notamment), l’entretien réalisé avec le patient se structure selon cinq visées (13) :

1. Récolter les informations sur les comportements ;
2. Explorer l’ambivalence et la balance décisionnelle ;
3. Évoquer un changement hypothétique ;
4. Explorer l’envie du changement, la confiance dans le changement, la disposition au changement ;
5. Susciter l’engagement et l’identification d’un éventuel projet de changement.

 

1. Récolter les informations sur les comportements

Nombre de comportements estimés induire des risques de santé bénéficient d’outils permettant de les appréhender qualitativement ou quantitativement. Il s’agit notamment de questionnaires (tableau 1).

Tableau 1 : Exemples d’outils de recueil d’information :

Outil de recueil

Comportement de santé évalué

Score AUDIT, Questionnaire FACE

Consommation d’alcool, addiction à l’alcool

Test de Fagerström de dépendance à la nicotine

Consommation de tabac

Questionnaire ADOSPA                                               

Consommation de substances psychoactives

Questionnaires CAST ou DETC/CAGE

Consommation de cannabis

Questionnaires IPAQ, de Marshall

Sédentarité

Questionnaire IPAQ, de Baecke, de Ricci et Gagnon

Activité physique

IMC, Impédancemétrie

Surpoids / obésité


2. Explorer l’ambivalence et la balance décisionnelle

Changer de comportement implique de poser un choix entre le statu quo et le changement. L’évaluation de l’ambivalence du patient vis-à-vis du changement peut se faire à partir de la balance décisionnelle. Cette dernière peut être utilisée avec prudence car elle peut indirectement favoriser le discours de maintien. En effet, toute personne va naturellement évaluer les avantages et les inconvénients de ce choix et les poser en regard de sa vie actuelle et future imaginée et de ses valeurs.


3. Évoquer le potentiel changement

Il s’agit de faire un grand résumé des différents éléments saillants du discours du patient en mettant en regard, voire en contraste, les valeurs de référence et certains aspects de ses comportements. Cette stratégie permet de mettre en lumière certains points de divergence qui vont favoriser l’élaboration et l’émergence de discours-changement.


4. Explorer l’envie de changement, la confiance et la disposition au changement

Les chances de changer de comportement dépendent principalement de trois facteurs :

  • L’envie de changement ;
  • La confiance en soi pour mener ce changement ;
  • La disposition à changer (est-ce le bon moment ?).

Ces éléments peuvent être questionnés à l’aide d’échelles numériques.


5. Susciter l’engagement

A partir des échanges sur les comportements à modifier, le professionnel de santé sollicité une réflexion sur les enjeux pour l’avenir.  Cette projection dans le futur permet d’identifier l’adéquation avec les projets et les valeurs du patient. Les formulations verbales comme « je peux » ou « je pourrais si… » sont des indicateurs. La prise de conscience de divergences entre le comportement actuel et les projets futurs améliore la probabilité d’engagement. En effet, la disposition au changement se fonde sur la raison (plus ou moins importante) et sur le besoin (12).

Exemple d’intervention brève concernant la réduction ou l’arrêt de consommation de substance(s) psychoactive(s) (8)

Intervention brève concernant la réduction ou l’arrêt de consommation de substance(s) psychoactive(s)

⇒ Restituer les résultats des questionnaires de consommation.

⇒ Informer sur les risques concernant la consommation de substance.

⇒ Évaluer avec le consommateur ses risques personnels et situationnels.

⇒ Identifier les représentations et les attentes du consommateur.

⇒ Échanger sur l'intérêt personnel de l'arrêt ou de la réduction de la consommation.

⇒ Expliquer les méthodes utilisables pour réduire ou arrêter sa consommation.

⇒ Proposer des objectifs et laisser le choix.

⇒ Évaluer la motivation, le bon moment et la confiance dans la réussite de la réduction ou de l'arrêt de la consommation.

⇒ Donner la possibilité de réévaluer dans une autre consultation.

⇒ Remettre une brochure ou orienter vers un site, une application, une association, un forum...


Exemple d’échelle (numérique simple) : délivrée oralement ou manuellement (non validée mais dérivé des méthodes d’évaluation de la douleur) permettant d’interroger la motivation au changement, la temporalité et la confiance en sa capacité de changer (8)

Exemple d'échelle (numérique simple) 

 

 

Exemple d’utilisation en pratique

La Haute Autorité de santé a plusieurs fois recommandé l’utilisation de l’IMB qui est une modalité d’intervention à visée éducative proposée dans le domaine des addictions aux substances psychoactives.

La recommandation « Agir en premier recours pour diminuer le risque alcool : repérer tous les usages et accompagner chaque personne » distingue l’IMB des autres approches motivationnelles. Une checklist est fournie pour une mise en pratique facilitée (7).

Le document « Outil d’aide au repérage précoce et intervention brève : alcool, cannabis, tabac chez l’adulte » explicite le principes et précautions à l’usage de l’IMB dans le cadre de consommation de substances (7). Une fiche outil est intégrée et permet une mise en œuvre pratique (8).

Le guide « Guide du parcours de soins : surpoids et obésité de l’adulte » mentionne également l’IMB (14, 15).

 

Références bibliographiques 

  1.  Cornet P, Guy JL, Hommey N. Éducation thérapeutique au cabinet du médecin généraliste. Place et limites de l'entretien motivationnel Médecine 2013;9(7):319-21.
  2.  Miller WR, Rollnick S. L'entretien motivationnel - 2e édition. Aider la personne à engager le changement. Paris: InterEditions; 2019.
  3. Prochaska JO, Diclemente C. Trans-Theoretical Therapy - Toward a more integrative model of change. Psychotherapy Theory Research Practice Training 1982;19:276-88.
  4.  Haute Autorité de santé. Outil associé à la recommandation de bonne pratique « Arrêt de la consommation de tabac : du dépistage individuel au maintien de l’abstinence ». Saint-Denis La Plaine: HAS; 2014.
  5.  Haute Autorité de santé. Agir en premier recours pour diminuer le risque alcool : repérer tous les usages et accompagner chaque personne. Argumentaire. Saint-Denis La Plaine: HAS; 2023.
  6.  Haute Autorité de santé. Dépistage du tabagisme et prévention des maladies liées au tabac. Actualisation du référentiel de pratiques de l’examen périodique de santé. Saint-Denis La Plaine: HAS; 2015.
  7.  Haute Autorité de santé, Fédération française de nutrition. Obésité de l’adulte : prise en charge de 2e et 3e niveaux. Partie I : Prise en charge médicale. Recommandation. Saint-Denis La Plaine: HAS; 2022.
  8.  Haute Autorité de santé, Fédération française de nutrition. Obésité de l’adulte : prise en charge de 2e et 3e niveaux. Partie I : Prise en charge médicale. Argumentaire. Saint-Denis La Plaine: HAS; 2022.
  9.  Haute Autorité de santé. Guide du parcours de soins : surpoids et obésité de l’enfant et de l’adolescent(e). Saint-Denis La Plaine: HAS; 2023.
  10.    Haute Autorité de santé. Guide du parcours de soins : surpoids et obésité de l’adulte. Saint-Denis La Plaine: HAS; 2023.
  11.    Haute Autorité de santé. Consultation et prescription médicale d’activité physique à des fins de santé chez l’adulte. Guide. Saint-Denis La Plaine: HAS; 2022.

 

Webographie

  • Association Francophone de Diffusion de l’Entretien Motivationnel (AFDEM)
  • Motivational Interviewing Network of Trainers (MINT)


Pour aller plus loin

Gache P, Cavalli-Euvrard. Guide pratique de l’entretien motivationnel, 20 fiches pour professionnaliser son approche relationnelle. Paris: InterEdition ;202

Voir aussi