Destruction par ultrasons focalisés de haute intensité (HIFU) par voie rectale d’un adénocarcinome localisé de la prostate - Rapport d'évaluation

Evaluation des technologies de santé - Mis en ligne le 04 déc. 2023

Objectif

Réévaluer (en sortie de forfait innovation) l’efficacité clinique et la sécurité du traitement par HIFU d’un cancer localisé de la prostate dans deux indications :

  • en première intention curative, d’un adénocarcinome localisé de la prostate T1-2 à risque faible ou intermédiaire, chez un patient âgé de 70 ans ou plus ;
  • en rattrapage d’une récidive locale après radiothérapie externe.

 

Méthode

Cette évaluation est basée sur :

  • l’analyse des résultats de l’étude HIFI réalisée dans le cadre du forfait innovation ;
  • Le recueil du point de vue des professionnels impliqués dans la prise en charge du cancer localisé de la prostate, et des associations de patients.

 

Résultats

Traitement par HIFU en première intention curative

  • Le patient cible proposé par le demandeur (AFU) dans le cadre de l'étude HIFI est âgé de 70 ans ou plus, avec une espérance de vie supérieure à 5 ans (absence de comorbidité sévère). Il présente un cancer localisé de la prostate T1-2 à risque faible ou intermédiaire, avec un taux de PSA < 15 ng/mL et un score de Gleason ≤ 7 limité à la forme [3 + 4].
  • Concernant le critère principal de survie sans récidive à 30 mois, les données indiquent que le traitement par HIFU n'est pas inférieur à la prostatectomie totale, avec une diminution du risque de traitement de rattrapage de 24 % pour HIFU par rapport à la prostatectomie totale. La morbidité induite par l'HIFU est acceptable par rapport à la prostatectomie totale, avec une réduction significative du risque d'incontinence urinaire et de dysfonction érectile. Cependant, le niveau de preuve de l'efficacité clinique du traitement par HIFU sur la survie est faible.
  • L’ensemble de ces résultats doit néanmoins être interprété avec précaution en raison des limites identifiées dans l’étude HIFI-1 et discutées dans le rapport d’évaluation, notamment la durée de suivi limitée, le nombre réduit de patients ayant subi une prostatectomie, et des questions sur la validité du critère de jugement principal portant sur la survie sans traitement de rattrapage.
  • Sur la base des données disponibles, le rapport bénéfice/risque du traitement par HIFU en première intention curative ne peut pas être estimé.

Traitement par HIFU en rattrapage post radiothérapie externe

  • Le patient cible est âgé de plus de 70 ans, traité initialement par radiothérapie externe pour une tumeur localisée, présentant une récidive biologique (nadir + 2 ng/mL), une récidive locale prouvée histologiquement avec un délai minimum de 2 ans après la fin de la radiothérapie, et ne présentant pas d’extension locorégionale ni de métastases à distance.
  • Le traitement de référence proposé est la prostatectomie totale de sauvetage (le traitement chirurgical de sauvetage est rarement proposé en pratique courante), mais des alternatives moins invasives sont en cours d'évaluation.
  • Les données de l'étude HIFI-2 n'ont pas permis une comparaison significative entre les groupes de traitement. Les complications postopératoires du traitement par HIFU sont locorégionales, fréquentes et sévères dans ce contexte. Le niveau de preuve de l'efficacité clinique du traitement par HIFU dans la littérature est faible, mais le bénéfice attendu, non démontré dans l'étude HIFI-2, est l'amélioration de la survie.
  • Le rapport bénéfice/risque du traitement par HIFU en rattrapage ne peut pas être estimé sur la base des données disponibles, bien qu'il puisse être favorable par comparaison avec le traitement hormonal seul.

Avis des parties prenantes

Les conseils nationaux professionnels et les associations de patients ont exprimé des positions divergentes quant aux conclusions provisoires formulées dans le cadre de la consultation. Les divergences découlent de différentes interprétations des données de l'étude HIFI, de la validité des critères d'évaluation, et des implications sur le parcours de prise en charge des patients

Les parties prenantes soulignent des limites dans l'évaluation de la balance bénéfice/risque de l'HIFU, telles que la durée de suivi limitée et des interrogations sur la validité des critères de jugement. Les avis divergents sur l'utilisation potentielle de l'HIFU en première intention, avec des recommandations allant de la restriction à des populations soigneusement sélectionnées à une valorisation des parcours de surveillance active. En tant que solution de rattrapage, l'utilisation de l'HIFU est préconisée pour les patients traités initialement par radiothérapie externe pour une tumeur localisée, présentant une récidive biologique et locale, sans extension ganglionnaire ni métastatique. Toutefois, cette approche devrait être prouvée en comparaison avec d'autres options disponibles dans cette situation.

Conclusion

Au regard de l’ensemble de ces éléments, la HAS considère que le traitement par HIFU,

  •  Pourrait être proposé en première intention curative à des patients :
    • avec un cancer localisé de la prostate à risque intermédiaire ;
    • âgés d’au moins 70 ans (≥) avec une espérance de vie liée à l’âge et aux pathologies associées estimée supérieure à 5 ans ;
    • demandeurs d’un traitement curatif, non-candidats aux solutions de référence actuelles, compte tenu de l’âge et/ou de comorbidités associées.

Cette description correspond en pratique au patient cible proposé par l’AFU, en référence aux patients traités dans l’étude HIFI. Les restrictions relatives à l’espérance de vie liée à l’âge et aux pathologies associées traduisent l’incertitude relative à la non-infériorité du traitement sur la survie par rapport à l’alternative curative de référence. 

  •  Pourrait être une option à proposer en seconde intention de rattrapage post-radiothérapie externe :
    • chez des patients, sélectionnés en fonction du bilan d’extension, qui présentent une récidive biologique (nadir + 2 ng/mL) et une récidive locale prouvée histologiquement avec un délai minimum de 2 ans après la fin de la radiothérapie, sans métastases à distance ;
    • compte tenu du bénéfice attendu sur la survie et en l’absence d’alternative en pratique courante.

Cependant, la HAS souligne l’absence de données probantes sur la non-infériorité de l’efficacité à long terme en matière de survie spécifique ou sans métastase. Elle considère que des études prospectives comparatives bien menées et un suivi à long terme des patients demeurent nécessaires.

Par ailleurs, la HAS souligne la nécessité de poursuivre le suivi de la pratique au travers du registre centralisé coordonné par l’AFU afin de recueillir des données à plus long terme notamment carcinologiques et fonctionnels.

La HAS considère que le choix de réaliser un traitement par HIFU repose sur une décision médicale partagée entre les professionnels de santé et le patient. Cette décision doit se fonder sur une information claire et loyale des patients sur l’ensemble des techniques disponibles et sur les incertitudes relatives à la valeur ajoutée de l’acte de traitement par HIFU, notamment sur la survie à long terme.

La HAS préconise la mise en place d’un système d’assurance qualité de procédures dédiées au traitement HIFU au sein des établissements de santé afin de standardiser les conditions de réalisation et les processus organisationnels.

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