Ligature des artères hémorroïdaires avec guidage Doppler, suivie d’une mucopexie

Evaluation des technologies de santé - Mis en ligne le 27 déc. 2019 - Mis à jour le 27 déc. 2019

Objectif

La HAS a réalisé cette évaluation à la demande du Conseil national professionnel (CNP) d’hépato-gastroentérologie, qui souhaite qu’une nouvelle technique chirurgicale de traitement de la maladie hémorroïdaire, la ligature des artères hémorroïdaires sous repérage Doppler, suivie d’une mucopexie, ou DGHAL-RAR, pour Doppler Guided Haemorrhoidal Artery Ligation - Recto Anal Repair, soit prise en charge par l’Assurance maladie.

L’objectif de ce travail a été d’évaluer l’efficacité et la sécurité de la DGHAL-RAR, de définir les conditions de sa réalisation, et sa place par rapport aux deux autres techniques chirurgicales (hémorroïdectomie et hémorroïdopexie) dans le cadre du traitement chirurgical de la maladie hémorroïdaire (MH) interne, de grade 2, 3 ou 4, symptomatique, après échec des traitements médicamenteux et instrumentaux, ou d’emblée en cas de MH invalidante et anatomiquement très développée.

Méthode

Ce travail a suivi une méthode standard d’évaluation se fondant sur :

  • l’analyse critique de la littérature identifiée après une recherche documentaire systématique puis sélectionnée sur des critères explicites ;
  • le point de vue des patients et usagers recueilli via un questionnaire mis en consultation publique sur le site Internet de la HAS ;
  • la position argumentée des professionnels de santé impliqués dans la prise en charge chirurgicale de la MH, recueillie via un questionnaire envoyé aux CNP de chirurgie viscérale et digestive, d’hépato-gastroentérologie et d’anesthésie-réanimation.

Résultats et conclusions

Onze publications ont été analysées pour évaluer l’efficacité et la sécurité de la DGHAL-RAR comparée à l’hémorroïdopexie et à l’hémorroïdectomie dont trois méta-analyses, un essai contrôlé randomisé et une méta-analyse en réseau, publiées entre 2015 et 2018.

L’analyse de la littérature a montré que les études disponibles étaient de qualité moyenne ou faible, à faible risque de biais pour un suivi prospectif allant de 1,5 à 24 mois. Par ailleurs, la population des études était hétérogène, de faible effectif, les modalités de prise en charge pouvant être différentes, la multiplicité et le manque de définition homogène des critères de jugement rendant difficiles les comparaisons entre études.

Les données sur la récidive et la persistance des symptômes à un an (critère principal d’efficacité) semblent indiquer que le taux de récidive des hémorroïdes est plus élevé dans le groupe de patients traités par DGHAL-RAR par rapport à ceux traités par hémorroïdopexie pour un suivi à court terme (moins d’un an). Les hémorroïdes de grade 4 étaient un facteur de mauvais pronostic de récidives pour la DGHAL-RAR et l’hémorroïdopexie. En comparaison avec l’hémorroïdectomie avec un recul de 6 mois, les études ont montré qu’il n’y avait pas de différence significative pour ce critère du taux de récidive entre DGHAL-RAR et hémorroïdectomie. L’évaluation des critères secondaires d’efficacité semble indiquer qu’il n’existe pas de différence significative entre DGHAL-RAR et hémorroïdopexie. Par ailleurs, on note une résolution plus rapide pour la DGHAL-RAR comparée à l’hémorroïdectomie classique au 15ème jour postopératoire ; pour un suivi plus long, cette différence n’était plus significative.

Les résultats sur les complications immédiates à 3 mois (critère principal de sécurité), ainsi que les complications tardives dont les plus fréquentes sont les saignements postopératoires, la douleur postopératoire, la rétention aiguë d’urine et la réadmission ou réintervention ne permettent pas d’émettre des conclusions précises. En effet, ces données ont été rapportées de manière descriptive, dans des études de faible niveau de preuve, incluant souvent un nombre de patients limité (pour des évènements attendus rares), avec une durée de suivi des patients souvent assez courte. Une sous-estimation de la fréquence des complications ne peut donc être exclue.

Les données de comparaisons indirectes semblent indiquer que les saignements postopératoires semblent être moins fréquents après une DGHAL-RAR qu’avec hémorroïdectomie ou hémorroïdopexie, ce qui expliquerait que la DGHAL-RAR soit associée à moins de réinterventions d'urgence que ces deux techniques. Par ailleurs, la durée d’intervention et les douleurs postopératoires sont inférieures après DGHAL-RAR par rapport à ces deux autres techniques chirurgicales, ce qui peut expliquer les durées plus courtes d'hospitalisation et avant la première selle. À l’opposé, la DGHAL est la procédure qui conduit le plus à une récidive de la MH.

En considérant le faible niveau de preuve des données de la littérature ainsi analysées, il n’apparait pas possible d’émettre de conclusions précises sur la supériorité ni sur la non-infériorité de la DGHAL-RAR comparée à l’hémorroïdectomie ou à l’hémorroïdopexie. La qualité de ces données ne permet pas non plus de confirmer ni d’exclure un surrisque de complications de la DGHAL-RAR, par rapport à ces deux autres techniques chirurgicales.

Les organismes professionnels considèrent que la DGHAL-RAR présente une balance bénéfice-risque positive, par rapport à l’hémorroïdectomie du fait de sa moindre morbidité, et partage avec l’hémorroïdopexie les mêmes indications, c’est-à-dire le prolapsus de grade 2 ou 3, après échec d’un traitement médical et n’ayant pas répondu au traitement instrumental, ou dont la présentation clinique ne permet pas de proposer un traitement instrumental. ). Ils précisent que la DGHAL-RAR sera très probablement privilégiée à l’hémorroïdopexie compte tenu des évènements indésirables à long terme mesurés pour cette technique. Cependant, ces données ne suffisent pas pour que la DGHAL-RAR remplace l’hémorroïdopexie ; en effet les données comparatives sur le long termes sont inexistantes.

Les conditions optimales de réalisation de la DGHAL-RAR ont été définies en partie dans la littérature et complétées par les organismes professionnels. La réalisation de la technique de DGHAL-RAR ne présente pas de spécificité particulière par rapport aux deux autres techniques chirurgicales ; cependant, l’opérateur doit notamment être formé dans un centre expert et expérimenté en chirurgie proctologique. Les règles générales de réalisation en ambulatoire sont identiques en chirurgie proctologique quelle que soit la technique. La prise en charge de la douleur postopératoire doit être envisagée précocement dès le pré-/peropératoire et dans une approche multimodale et ce, quel que soit le type d’anesthésie.

En ce qui concerne les attentes et préférences des patients, la consultation publique a révélé que l’efficacité de la technique (peu de récidives), le peu de complications et de douleurs post-opératoires constituent les premiers critères permettant de faire le choix d’une intervention chirurgicale. Les patients ont indiqué que la MH avait un impact important sur la qualité de vie ; à ce titre, ils ont rappelé aux praticiens l’importance de mieux prendre en compte la douleur postopératoire, d’avertir sur les suites réelles de l’opération, sans minimiser le temps de convalescence.

Recommandations

Compte tenu de l’ensemble de ces éléments concordants (analyse de littérature, position des organismes professionnels et avis des patients et usagers), il est conclu que la DGHAL-RAR peut être une alternative chirurgicale à l’hémorroïdectomie ou l’hémorroïdopexie, chez les patients atteints de la MH interne de grade 2, 3, symptomatique.

Cet acte doit être réalisé par un opérateur bien formé auprès d’un centre expert, ayant une bonne connaissance du matériel, et expérimenté en chirurgie proctologique, notamment les trois techniques chirurgicales hémorroïdectomie, hémorroïdopexie et DGHAL-RAR. Les conditions optimales pour assurer la qualité des soins et la sécurité des patients doivent être les mêmes pour la DGHAL-RAR que pour les autres chirurgies proctologiques.

Le choix entre les différentes techniques chirurgicales de la MH repose sur une décision médicale partagée entre les professionnels de santé et les patients. Cette décision doit se fonder sur une information claire et loyale des patients sur les trois techniques en tenant compte des avantages et des inconvénients de la DGHAL-RAR, ainsi que des incertitudes relatives à sa valeur ajoutée, notamment sur le long terme.

Il est enfin préconisé un suivi de la DGHAL-RAR en conditions réelles d’utilisation pour identifier, le cas échéant, des évènements indésirables qui n’auraient pas encore été identifiés, compte tenu de leur fréquence et du recul de leur survenue.

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