Prise en charge bucco-dentaire des patients à haut risque d’endocardite infectieuse

Recommandation de bonne pratique - Mis en ligne le 29 nov. 2021 - Mis à jour le 12 avr. 2024

L’essentiel

La prise en charge dentaire des patients à risque d’endocardite infectieuse est multidisciplinaire et complexe. Les options thérapeutiques en odontologie sont restreintes chez les patients à haut risque, en raison de gestes bucco-dentaires jusqu’à ce jour contre-indiqués dans les recommandations françaises qui sont anciennes (ANSM 2011).

L’actualisation des recommandations a pour objectif de définir les patients à haut risque d’endocardite infectieuse et à risque intermédiaire, d’améliorer la prise en charge dentaire des patients à haut risque d’endocardite infectieuse sur la base d’une revue critique de la littérature qui a conduit à élargir le nombre de gestes invasifs autorisés (avec ou sans antibioprophylaxie) et à réduire les situations nécessitant des avulsions dentaires.

 

Définition des patients à risque d’endocardite infectieuse (grade A)

Patients à haut risque d’endocardite infectieuse

  • Les patients ayant un antécédent d’E.I. 
  • Les patients porteurs de prothèses valvulaires ou d’un matériel prothétique utilisé pour la réparation valvulaire cardiaque et que ces prothèses ou matériel prothétique soient implantés par voie chirurgicale ou per/transcutanée (TAVI, clip valvulaire…)
  • Les patients ayant une cardiopathie congénitale et répondant à l’un des critères ci-dessous :
    • Cardiopathie congénitale complexe cyanogène (ventricule unique, syndrome d’Eisenmenger, …)
    • Cardiopathie congénitale complexe traitée à l’aide de matériel prothétique (anastomose systémico-pulmonaire, tube prothétique ou autre prothèse), placé chirurgicalement ou par méthode transcutanée, jusqu’à 6 mois après l’intervention de réparation ou à vie s’il subsiste un shunt résiduel.
  • Les patients porteurs de pompe d’assistance ventriculaire

Patients à risque intermédiaire d’endocardite infectieuse

  • Les patients avec anomalie morphologique et/ou dysfonction (fuite/insuffisance/régurgitation/rétrécissement) d’une ou de plusieurs des 4 valves cardiaques (aortique, mitrale, pulmonaire, tricuspide)
  • Les patients atteints de cardiomyopathie hypertrophique obstructive
  • Les patients atteints de cardiopathies congénitales non classées à haut risque
  • Les patients porteurs de dispositifs de stimulation avec sonde intracardiaque

Remarque : Les patients ne connaissent parfois pas précisément la nature de la cardiopathie dont ils sont atteints ou la correction qui a été apportée. Le praticien de la cavité buccale peut se rapprocher du médecin traitant, cardiologue, cardiopédiatre, afin qu’il le renseigne sur le risque d’E.I. lié à la cardiopathie sous-jacente.

 

Actes bucco-dentaires

Ces recommandations concernent uniquement les patients à haut risque de survenue d’E.I. et définissent les actes bucco-dentaires invasifs contre-indiqués ainsi que les gestes autorisés mais nécessitant une antibioprophylaxie.

Il n’y a aucune contre-indication à pratiquer des actes bucco-dentaires invasifs, ni d’indication d’antibioprophylaxie pour ces gestes chez les patients à risque intermédiaire d’E.I.

Actes bucco-dentaires invasifs (c’est-à-dire à risque de bactériémie) contre-indiqués chez le patient à haut risque de survenue d’E.I. (grade AE)

  • Coiffage pulpaire en denture permanente mature
  • Pulpectomie des dents temporaires
  • Toute technique de chirurgie avec utilisation d’une membrane de régénération osseuse 
  • Tout traitement de la péri-implantite


Actes bucco-dentaires invasifs (c’est-à-dire à risque de bactériémie) autorisés mais nécessitant une antibioprophylaxie chez le patient à haut risque de survenue d’E.I (grade AE)

  • Anesthésie :
    • Anesthésie locale en site inflammatoire.
    • Anesthésie intraligamentaire et technique ostéocentrale, qui ne doivent être réalisées qu’en 2nde intention
  • Odontologie conservatrice et endodontie :
    • Pose d’une digue dans un contexte de gencive inflammatoire
    • Adulte : Pulpotomie sur dents permanentes matures, pulpectomie, traitement et retraitement endodontique, chirurgie endodontique sans utilisation d’une membrane de régénération osseuse
    • Enfant (<18 ans) : Pulpotomie des dents temporaires, pulpotomie des dents permanentes immatures, coiffage pulpaire des dents permanentes immatures
  • Parodontologie : sondage parodontal, assainissement parodontal (détartrage et surfaçage), gingivectomie, élongation/allongement coronaire, traitement chirurgical des poches avec ou sans comblement, sans utilisation d’une membrane de régénération osseuse
  • Chirurgie orale : avulsions dentaires, frénectomie, biopsie, exérèse de lésions muqueuses et lésions osseuses bénignes sans utilisation d’une membrane de régénération osseuse, dégagement orthodontique de dent incluse, techniques d’accélération de déplacement dentaire invasives (corticotomies)
  • Implantologie orale : mise en place d’implant(s) sans utilisation d’une membrane de régénération osseuse, mise en place de piliers implantaires de cicatrisation en cas d’implants enfouis, chirurgie pré-implantaire sans utilisation d’une membrane de régénération osseuse
  • Orthodontie : mise en place et dépose de mini-vis d’ancrage/plaque d’ancrage, réduction amélaire interproximale (stripping)
  • Traumatologie : tous les actes thérapeutiques en lien avec la traumatologie dentaire et alvéolaire, dont la réimplantation des dents permanentes matures et immatures

 

Actes bucco-dentaires non invasifs autorisés ne nécessitant pas d’antibioprophylaxie chez le patient à haut risque de survenue d’E.I. (grade C)

  • Anesthésie locale en site non inflammatoire 
  • Radiographie intra-buccale 
  • Préparation prothétique  
  • Pose d’une digue dans un contexte de gencive non inflammatoire
  • Soins restaurateurs sans atteinte pulpaire 
  • Prise d’empreinte 
  • Mise en place et dépose de dispositifs orthodontiques collés ou scellés supra-gingivaux
  • Dépose des fils de suture 

 

Conditions spécifiques de réalisation d’actes bucco-dentaires invasifs autorisés chez le patient à haut risque de survenue d’E.I.

L’ensemble des recommandations de bonnes pratiques en vigueur pour la prise en charge bucco-dentaire de la population générale s’applique également aux patients à haut risque d’E.I.

Implantologie orale (grade C)

  • L’implantologie est envisageable chez les patients à haut risque de survenue d’E.I. après analyse et évaluation des autres options thérapeutiques. Il est recommandé que ces options soient explicitées et proposées au patient.
  • L’antibioprophylaxie est recommandée pour toute chirurgie pré-implantaire et implantaire
  • Il est recommandé que la mise en place d’implant(s) dentaire(s) chez les patients à haut risque d’E.I. soit réalisée dans le respect des règles de bonnes pratiques notamment :
    • Des conditions d’asepsie optimale
    • L’absence d’utilisation d’une membrane de régénération osseuse
    • L’absence de maladie parodontale
    • Une hygiène orale satisfaisante
  • Chez un patient à haut risque d’E.I. en vue de la mise en place d’implant, sont recommandés :
    • Des séances d’éducation thérapeutique sur l'importance des visites de contrôle, du programme régulier de maintenance professionnelle et du programme de soins à domicile
    • Un contrôle régulier de la glycémie chez les patients ayant un diabète
    • Un arrêt du tabac (y compris les e-cigarettes)

En l’absence de ces conditions, la mise en place d’implant est contre-indiquée

Traitement de la maladie péri-implantaire (grade AE)

En présence d’une péri-implantite, il est recommandé de déposer l’implant. Une antibioprophylaxie est recommandée.

Endodontie (grade C)

  • L’antibioprophylaxie est recommandée pour tout traitement ou retraitement endodontique
  • Les traitements et retraitements endodontiques sont possibles et recommandés, hormis dans les contre-indications suivantes :
    • Dents qui ne peuvent pas être rendues fonctionnelles ou restaurées 
    • Dents dont le support parodontal est insuffisant
    • Patients non compliants
  • Un traitement ou un retraitement endodontique sur une dent symptomatique présentant une lésion inflammatoire péri-apicale d’origine endodontique (LIPOE) peut être indiqué après résolution de la symptomatologie par antibiothérapie
  • Il est recommandé que le protocole de réalisation des traitements ou retraitements endodontiques inclue :
    • La désinfection de la digue et des dents isolées, à l’aide d’une compresse imbibée d’hypochlorite de sodium
    • L’emploi d’aide optique (loupes, microscope)
    • Une technique de mise en forme corono-apicale progressive avec utilisation de localisateur d’apex électronique, dans l’objectif de limiter la sur-instrumentation et l’extrusion de débris intracanalaires dans le péri-apex
    • La désinfection complète du système canalaire à l’issue de la première séance 
    • Un nombre de séances le plus limité possible, avec utilisation d’une médication intracanalaire antiseptique entre les séances (type hydroxyde de calcium)
    • La réalisation d’une obturation coronaire étanche entre les séances
    • Un suivi radiologique à 1, 2 et 4 ans

 

Mesures de prévention de l’E.I. chez les patients à haut risque et à risque intermédiaire de survenue d’E.I.

Mesures générales concernant l’ensemble des patients

Conseils aux praticiens (grade AE)

  • Il est recommandé que la prise en charge bucco-dentaire des patients à risque d’E.I. soit multidisciplinaire et partagée entre les médecins généralistes, les cardiologues, les infectiologues et les praticiens de la cavité buccale.
  • Il est recommandé que les praticiens (généralistes, cardiologues, pédiatres, infectiologues) proposent et participent à des séances des séances d’éducation du patient sur sa cardiopathie sous-jacente et sur le risque d'E.I. lié à celle-ci.
  • Il est recommandé que les praticiens de la cavité buccale demandent au patient s’il possède une carte de prophylaxie de l’E.I.
  • ll est recommandé que les différents praticiens informent les patients : 
    • de l’importance du maintien de la santé générale, y compris orale (hygiène bucco-dentaire)
    • des bénéfices de l’antibioprophylaxie avant un geste bucco-dentaire invasif selon les modalités prescrites si la cardiopathie le justifie
    • du danger d’une automédication antibiotique
    • de la nécessité de consulter un professionnel de santé en cas de fièvre et avant toute prise d’antibiotique
  • Il est recommandé que les praticiens proposent des séances d’éducation aux patients sur les symptômes bucco-dentaires qui conduiront à une consultation bucco-dentaire et une prise en charge rapide :  
    • Érythème ou tuméfaction des gencives
    • Gingivorragie spontanée ou au brossage dentaire
    • Mobilité, déplacement dentaire, récession gingivale (déchaussement) ou perte d’une dent
    • Halitose
    • Gêne, inconfort ou douleur dans la bouche
    • Changement de couleur d’une dent

Conseils aux patients (grade C)

Le maintien d’une parfaite hygiène bucco-dentaire est l’élément essentiel de la prophylaxie de l’endocardite

  • Les méthodes d’hygiène orale à appliquer sont : le brossage dentaire au moins 2 fois par jour pendant au moins 2 minutes avec une brosse à dents souple, soit manuelle soit électrique, avec un dentifrice fluoré. L’utilisation de brossettes interdentaires ou à défaut de fil dentaire, est recommandée après éducation du patient pour un usage adéquat
  • Il est recommandé que le suivi bucco-dentaire par un praticien de la cavité buccale soit systématique et au moins semestriel
  • Il est recommandé que la survenue d’un des signes ci-dessous conduise le patient à consulter un praticien de la cavité buccale :
    • Rougeur ou gonflement des gencives
    • Saignement des gencives spontané ou au brossage dentaire
    • Mobilité ou déplacement dentaire
    • Douleurs ou gênes en bouche
    • Mauvaise haleine
    • Changement de couleur d’une dent
  • Il est recommandé que la survenue d’une fièvre conduise le patient à consulter un professionnel de santé et avant toute prise d’antibiotique
  • Il est recommandé que la carte de prophylaxie l’E.I. soit apportée par le patient lors des consultations bucco-dentaires
  • Les piercings sont contre-indiqués

Mesures spécifiques de prévention de l’E.I. : volet médicamenteux

Antisepsie orale pré-opératoire chez le patient à haut risque et à risque intermédiaire de survenue d’E.I. lors de la réalisation de gestes bucco-dentaires invasifs ou non invasifs (grade B) :

  • Il est recommandé de réaliser un bain de bouche à la chlorhexidine (0,12% ou 0,20%) pendant 1 minute avant le geste.

Antibioprophylaxie avant un geste bucco-dentaire invasif chez le patient à haut risque d’E.I. (grade A) :

  • Il est recommandé de prescrire une antibioprophylaxie qui sera prise dans l’heure qui précède le geste.

 

Indications et modalités de l’antibioprophylaxie

Population concernée (grade A)

Il est recommandé que seuls les patients à haut risque de survenue d’E.I. fassent l’objet d’une antibioprophylaxie avant la réalisation d’un geste bucco-dentaire invasif (c’est-à-dire à risque de bactériémie).

Modalités de l’antibioprophylaxie
  Situation Molécule  Adultes  Enfants  Particularités 

Absence  d’allergie avérée à la pénicilline
 

Amoxicilline 

(Grade A) 

2 g per os

50 mg/kg 

Contre-indication chez les patients ayant eu un antécédent d’anaphylaxie, angio-œdème ou urticaire après prise de pénicilline
Voie orale
Voie parentérale (IV)

 Ampicilline

(Grade A)

ou

Céfazoline 

(Grade A)

 2 g IV/IM

 

 

1g IV 

 

50 mg/kg 

 

50 mg/kg 

Allergie avérée* à la pénicilline Voie orale

Azithromycine 

(Grade B)

ou

Pristinamycine

(Grade AE)

500 mg per os

 

 

1 g per os

15 mg/kg

 

 

25 mg/kg

Contre-indication formelle chez le patient traité pour ou ayant un allongement de l’intervalle QT 

Hors AMM

Contre-indication chez l’enfant de moins de 6 ans

Voie parentérale (IV)

Céfazoline 

(Grade A)

1 g IV  50 mg/kg  Contre-indication chez les sujets ayant eu un antécédent d’anaphylaxie, angio-œdème ou urticaire après prise de pénicilline

Abréviations : AMM : autorisation de mise sur le marché, IV : intraveineuse ; IM : intramusculaire (IM contre-indiquées chez les patients traités par anticoagulants)

* Antécédent d’anaphylaxie, angio-œdème ou urticaire après prise d’antibiotique de la famille de la pénicilline.

** Il est à noter que pour les antibiotiques à utiliser en cas d’intolérance avérée aux bêta-lactamines, le pourcentage de souches résistantes aux macrolides est élevé.

Il est recommandé que le praticien de la cavité buccale précise sur l’ordonnance que les antibiotiques de l’antibioprophylaxie doivent être dispensés à l’unité par le pharmacien, afin d’éviter l’automédication et le gaspillage.

 

Conditions d’administration (grade B)

  • Il est recommandé que l’antibioprophylaxie (dose unique) soit administrée dans l’heure qui précède l’acte bucco-dentaire invasif*
  • Il est recommandé que le praticien de la cavité buccale précise sur l’ordonnance que les antibiotiques de l'antibioprophylaxie doivent être dispensés à l’unité par le pharmacien, afin d’éviter l’automédication et le gaspillage **
  • ll est recommandé d’espacer d’au moins 3 semaines les séances itératives nécessitant une antibioprophylaxie. S’il n’est pas possible d’espacer d’au moins trois semaines les séances nécessitant une antibioprophylaxie, il est recommandé, dans la mesure du possible, de changer de classe d’antibiotique pour la deuxième séance en utilisant un autre antibiotique recommandé

* En cas d’oubli accidentel d’administration de l’antibioprophylaxie, l’antibiotique peut être pris jusqu’à 2 heures suivant le geste

** selon l’arrêté du 1er mars 2022 portant création de la liste des spécialités pouvant être soumises à une délivrance à l’unité (JO du 9 mars 2022)

 

La liste des actes présentés dans les recommandations (non autorisés, autorisés avec antibioprophylaxie ou sans antibioprophylaxie), comprend de façon exhaustive les actes susceptibles d’être réalisés lors d’une urgence bucco-dentaire ; il s’agit principalement d’actes de chirurgie orale (avulsion dentaire), d’endodontie (pulpotomie, pulpectomie…) ou de traumatologie.

Il est possible de prendre en charge ces urgences, dans le cas d’un acte nécessitant une antibioprophylaxie, en pratique clinique, de deux façons :

  • En respectant le délai de 1h avant la réalisation de l’acte : le praticien prescrit l’antibiotique que le patient prend 1h avant la réalisation des actes ;
  • Le praticien réalise les soins nécessaires suivis de la prise de l’antibioprophylaxie par le patient dans les deux heures suivant l’acte.

 

Suivi et prise en charge bucco-dentaires des patients à haut risque de survenue d’E.I. et des patients hospitalisés pour une E.I.

Suivi et prise en charge bucco-dentaires des patients à haut risque de survenue d’E.I. (grade B)

Les objectifs sont de prévenir un épisode ou une récidive d’E.I. par :

  • La détection et la prise en charge des foyers infectieux bucco-dentaires ;
  • Le maintien de la santé orale.

Les moyens recommandés pour parvenir à ces objectifs sont les suivants :

  • Une consultation systématique chez un praticien de la cavité buccale au moins semestrielle
  • Une évaluation et le rappel de l’importance du maintien de l’hygiène orale à chaque consultation
  • Le respect des recommandations de bonne pratique en vigueur pour les patients traités par anticoagulant. La prise en charge de ces patients à haut risque d’E.I. sous anticoagulants est possible en ville, sans interrompre la prise AVK à l’exception de rares procédures à haut risque hémorragique, sous couvert d’un contrôle de l’INR, 24h avant, qui devra être inférieur à 4.
  • Un examen clinique oral approfondi à la recherche d’un foyer infectieux dentaire, muqueux, osseux ou parodontal à chaque consultation          
  • Un orthopantomogramme (OPT) en début de prise en charge, complété au cas par cas par des clichés intra-buccaux ou une imagerie tridimensionnelle (Cone Beam Computed Tomography : CBCT) 
  • Un suivi individualisé selon les besoins diagnostiques (les modalités de l’imagerie pouvant aller de l’OPT au CBCT)

Suivi et prise en charge bucco-dentaire des patients hospitalisés pour une E.I. (grade B)

  • Il est recommandé qu’une consultation pour recherche de foyers infectieux bucco-dentaires soit impérativement réalisée chez tout malade atteint d'E.I., quel qu'en soit le micro-organisme responsable, dès que l’état du patient le permet, dans le but d’éradiquer la porte d’entrée et /ou de prévenir une récidive.
  • Il est recommandé que cette consultation comporte un examen clinique oral approfondi et un orthopantomogramme de première intention si l’état du patient le permet.

 

Prise en charge bucco-dentaire des patients qui doivent avoir un geste valvulaire de remplacement ou de réparation, qu’il soit chirurgical ou percutané

Patient nécessitant un geste valvulaire en urgence (72h) (grade AE)

  • Il est recommandé qu’aucun geste bucco-dentaire ne retarde le geste valvulaire.
  • Il est recommandé qu’après le geste valvulaire, une consultation pour recherche de foyers infectieux bucco-dentaires soit réalisée, dès que l’état du patient le permet.
  • Il est recommandé qu’après le geste valvulaire, un suivi bucco-dentaire semestriel soit instauré.

Patient nécessitant un geste valvulaire programmé (grade C)

  • Il est recommandé que le patient soit informé par son cardiologue, son chirurgien cardiaque, son médecin traitant et/ou son praticien de la cavité buccale, qu’il sera à haut risque de survenue d’E.I. dans les suites du geste valvulaire
  • Il est recommandé qu’une consultation bucco-dentaire soit réalisée avant le geste valvulaire 
  • Il est recommandé que la consultation comporte un examen clinique oral approfondi à la recherche d’un foyer infectieux dentaire, muqueux, osseux ou parodontal
  • Un orthopantomogramme (OPT) est recommandé en début de prise en charge, complété au cas par cas par des clichés intra-buccaux ou une imagerie tridimensionnelle (Cone Beam Computed Tomography : CBCT) 
  • Il est recommandé que le suivi soit individualisé selon les besoins diagnostiques (les modalités de l’imagerie pouvant aller de l’OPT au CBCT)
  • Il est recommandé que la prise en charge des foyers infectieux bucco-dentaires soit réalisée, dans la mesure du possible, au moins 15 jours avant la procédure valvulaire, afin de permettre la cicatrisation muqueuse
  • Il est recommandé que le patient soit informé de l’importance du maintien de l’hygiène bucco-dentaire et d’un suivi bucco-dentaire au moins semestriel
  • La réalisation de soins conservateurs (parodontaux, restaurateurs, endodontiques) avant le geste valvulaire est autorisée
  • En cas de remplacement valvulaire dans un délai court ( à 1 mois), les traitements ou retraitements endodontiques sur dents symptomatiques présentant une lésion inflammatoire péri-apicale d’origine endodontique (LIPOE) sont contre-indiqués
  • Il est recommandé qu’une carte de prophylaxie spécifiant son niveau de risque de survenue d’E.I. soit remise au patient par son cardiologue ou son chirurgien cardiaque une fois le geste chirurgical effectué.

 

Outils

Différents outils ont été élaborés dans le cadre de cette recommandation de bonne pratique :

Cardiopathies à haut risque d’E.I.

Les patients à haut risque de survenue d’E.I. sont ceux porteurs des cardiopathies à haut risque ci-dessous :

1. Les antécédents d’E.I.

2. Tous les gestes de réparation ou de remplacement d’une valve cardiaque, que ce soit par une chirurgie cardiaque (ouverture du thorax) ou par une procédure percutanée (par ponction fémorale ou autre abord vasculaire). Ceci inclut :

  • Les prothèses valvulaires :
    • Mécaniques à disques ou à ailettes qui sont toutes implantées par voie chirurgicale
    •  Biologiques
      • Implantées chirurgicalement
      • Implantées par voie percutanée telles que leTranscatheter Aortic Valve Implantation :  TAVI ou les prothèses pulmonaires percutanées (Transcatheter Pulmonary Valve Implantation: TPVI), mais aussi les nouvelles prothèses mitrale et tricuspide
  • Les homogreffes (tissu humain cryopréservé)
  • Les tubes valvés utilisés sur les valves aortique (Bentall) et pulmonaire
  • Les matériels de réparation valvulaire
    • Utilisés lors de la chirurgie cardiaque : anneaux valvulaires, néocordages, …
    • Utilisés lors de procédures percutanées
      • Clips valvulaires (MitraClip, TriClip, …)
      • Autres dispositifs percutanés d’annuloplastie (Cardioband, …)

3. Les cardiopathies congénitales suivantes :

  • Les cardiopathies congénitales complexes cyanogènes
    • Exemples : le ventricule unique, le syndrome d’Eisenmenger, …
  • Les cardiopathies congénitales complexes traitées à l’aide de matériel prothétique (anastomose systémico-pulmonaire, tube prothétique ou autre prothèse), placé chirurgicalement ou par méthode transcutanée, jusqu’à 6 mois après l’intervention de réparation ou à vie s’il subsiste un shunt résiduel.
    • Exemples : le canal atrio-ventriculaire (CAV), le tronc artériel commun, la tétralogie de Fallot, l’atrésie pulmonaire à septum ouvert, ...

4. Les patients porteurs d’assistance ventriculaire (pompes implantées en cas d’insuffisance cardiaque non stabilisée par le traitement médical, soit dans l’attente d’une transplantation cardiaque, soit en thérapie définitive)

PS 1 : Par extension, tous les nouveaux matériels à destination d’un remplacement ou d’une réparation valvulaire qui seront développés dans le futur devront être considérés comme étant à haut risque d’E.I. jusqu’à preuve du contraire

PS 2 : Ne font pas partie de ces cardiopathies à haut risque d’E.I. les matériels de stimulation intracardiaque (pace maker, défibrillateur, pace maker triple chambre en vue d’une resynchronisation, …)

 
Cardiopathies à risque intermédiaire d’E.I.

Les patients à risque intermédiaire de survenue d’E.I. sont ceux porteurs des cardiopathies à risque intermédiaire d’E.I ci-dessous :

Les cardiopathies à risque intermédiaire d’E.I. regroupent :

1. Les anomalies morphologiques et /ou dysfonctions (insuffisance/fuite/régurgitation ou rétrécissement) d'une ou plusieurs des 4 valves cardiaques (aortique, mitrale, pulmonaire ou tricuspide) quels qu'en soient la cause (rhumatismale, dégénérative, congénitale, …), le mécanisme (atteinte fonctionnelle ou organique) et la sévérité

Exemples : la bicuspidie aortique, le rétrécissement aortique, la fuite aortique, l'insuffisance mitrale, le prolapsus valvulaire mitral, la sténose pulmonaire, ...

2. Les cardiomyopathies hypertrophiques obstructives
 

3. Les autres cardiopathies congénitales, non à haut risque d’E.I.

Exemples : Communication Inter-Auriculaire opérée ou non, Communication Inter-Ventriculaire sans shunt résiduel opérée depuis plus de 6 mois, canal artériel, transposition simple isolée opérée des gros vaisseaux, coarctation de l'aorte isolée, sans bicuspidie associée, canal atrio-ventriculaire non opéré …

4. Les dispositifs de stimulation/défibrillation intra-cardiaque 

 
Points clés sur les mesures de prévention de l’E.I. chez les patients à haut risque et à risque intermédiaire de survenue d’E.I.
  • Mesures générales :
    • Brossage dentaire 2 fois par jour pendant 2 minutes avec un dentifrice fluoré associé à un brossage interdentaire ou à défaut à l’utilisation de fil dentaire
    • Suivi régulier semestriel (patient à haut risque) et annuel (patient à risque intermédiaire) chez un praticien de la cavité buccale
    • Contre-indication à la mise en place de piercing
    • Consultation rapide indispensable chez un praticien de la cavité buccale en cas d’apparition de symptômes bucco-dentaires
    • Antisepsie pré-opératoire en bain de bouche pendant 1 min avant tout geste bucco-dentaire (invasif ou non) à la chlorhexidine 0,12 ou 0,20%
  • Mesure de prévention médicamenteuse spécifique (ne concernant que les patients à haut risque de survenue d’E.I.)
  • Antibioprophylaxie unique administrée dans l’heure qui précède un geste bucco-dentaire invasif
 
Principales nouveautés de ces recommandations de bonnes pratiques (par rapport aux recommandations de l’ANSM, 2011)
  • Les patients porteurs d’assistance ventriculaire font désormais partie du groupe des patients à haut risque de survenue d’E.I.
  • Une antisepsie pré-opératoire en bain de bouche pendant 1 min avant tout geste bucco-dentaire (invasif ou non) à la chlorhexidine chez l’ensemble des patients à risque
  • Les molécules recommandées en cas d’indication d’une antibioprophylaxie et d’antécédent avéré d’allergie à la pénicilline ont été modifiées
  • De nombreux actes bucco-dentaires invasifs sont désormais autorisés avec antibioprophylaxie chez les patients à haut risque de survenue d’E.I. en respectant des conditions optimales d’asepsie et techniques : implantologie, chirurgie orale et parodontale, traitements et retraitements endodontiques, gestes d’odontologie pédiatrique et d’orthodontie
 
Modalités de l’antibioprophylaxie
  Situation Molécule  Adultes  Enfants  Particularités 

Absence  d’allergie avérée à la pénicilline
 

Amoxicilline 

(Grade A) 

2 g per os

50 mg/kg 

Contre-indication chez les patients ayant eu un antécédent d’anaphylaxie, angio-œdème ou urticaire après prise de pénicilline
Voie orale
Voie parentérale (IV)

 Ampicilline

(Grade A)

ou

Céfazoline 

(Grade A)

 2 g IV/IM

 

 

1 g IV 

50 mg/kg 

 

 

50 mg/kg 

Allergie avérée* à la pénicilline Voie orale

Azithromycine 

(Grade B)

ou

Pristinamycine

(Grade AE)

500 mg per os

 

 

1 g per os

15 mg/kg

 

 

25 mg/kg

Contre-indication formelle chez le patient traité pour ou ayant un allongement de l’intervalle QT 

Hors AMM

Contre-indication chez l’enfant de moins de 6 ans

Voie parentérale (IV)

Céfazoline 

(Grade A)

1 g IV  50 mg/kg  Contre-indication chez les sujets ayant eu un antécédent d’anaphylaxie, angio-œdème ou urticaire après prise de pénicilline

Abréviations : AMM : autorisation de mise sur le marché, IV : intraveineuse ; IM : intramusculaire (IM contre-indiquées chez les patients traités par anticoagulants)

* Antécédent d’anaphylaxie, angio-œdème ou urticaire après prise d’antibiotique de la famille de la pénicilline.

** Il est à noter que pour les antibiotiques à utiliser en cas d’intolérance avérée aux bêta-lactamines, le pourcentage de souches résistantes aux macrolides est élevé.

Il est recommandé que le praticien de la cavité buccale précise sur l’ordonnance que les antibiotiques de l’antibioprophylaxie doivent être dispensés à l’unité par le pharmacien, afin d’éviter l’automédication et le gaspillage.

 
 
Spécificités de la prise en charge des patients à haut risque d’EI en odontologie pédiatrique
Geste contre-indiqué Pulpectomie des dents temporaires
Gestes invasifs nécessitant une antibioprophylaxie
  • Anesthésie intraligamentaire, ostéocentrale et anesthésie en site inflammatoire
  • Pose d’une digue dans un contexte de gencive inflammatoire
  • Actes de chirurgie orale pédiatrique
  • Pulpotomie des dents temporaires
  • Pulpotomie des dents permanentes immatures
  • Coiffage pulpaire des dents permanentes immatures
  • Gestion des traumatismes dento-alvéolaires

Modalités de l’antibioprophylaxie :

Sans allergie à la pénicilline (voie orale)

Si allergie avérée à la pénicilline (voie orale)

 

Sans allergie à la pénicilline (voie IV/IM)

Si allergie avérée à la pénicilline (voie IV)

Dans l’heure précédant le geste

Amoxicilline (50 mg/kg)

Azithromycine (15 mg/kg) (contre-indiqué en cas de QT long)

ou

Pristinamycine (25 mg/kg) (hors AMM, contre-indiqué chez les enfants <6 ans)

Ampicilline 50 mg/kg

Céfazoline 50 mg/kg 

Mesures globales de prévention

Enseignement et maintien de l’hygiène orale

Suivi régulier tous les 6 mois

 
Actes bucco-dentaires contre-indiqués chez le patient (adulte et enfant) à haut risque d’E.I.
  • Coiffage pulpaire en denture permanente mature
  • Pulpectomie des dents temporaires
  • Toute technique de chirurgie avec utilisation d’une membrane de régénération osseuse 
  • Tout traitement de la péri-implantite
 
Actes bucco-dentaires non invasifs ne nécessitant pas d’antibioprophylaxie chez les patients à haut risque d’E.I. (Adulte et enfant)
  • Anesthésie locale en site non inflammatoire 
  • Radiographie intra-buccale 
  • Préparation prothétique  
  • Pose d’une digue dans un contexte de gencive non inflammatoire
  • Soins restaurateurs sans atteinte pulpaire 
  • Prise d’empreinte 
  • Mise en place et dépose de dispositifs orthodontiques collés ou scellés supra-gingivaux
  • Dépose des fils de suture 
 

Nous contacter

Service des bonnes pratiques