Violences faites aux femmes : la HAS publie un nouvel outil d’aide au repérage
A l’occasion de la journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes, ce vendredi 25 novembre, la Haute Autorité de santé diffuse largement, avec l’appui de l’Assurance Maladie, un nouvel outil pour encourager les médecins généralistes à questionner systématiquement toutes leurs patientes sur l’existence de violences conjugales, actuelles ou passées. Fruit d’une expérimentation menée auprès de plus de 1100 médecins généralistes volontaires, ce document particulièrement synthétique a été construit en tenant compte des freins associés à la mise en œuvre du repérage. L’enjeu est de normaliser le sujet chez les professionnels de premier recours, au bénéfice d’une prise en charge plus précoce des femmes victimes de violences et de leur protection.
Dans ses travaux sur le « Repérage des femmes victimes de violences au sein du couple » publiés en 2019, la HAS recommande aux professionnels de santé de premier recours de questionner leurs patientes lors de la consultation, même en l’absence de signes d’alerte, sur d’éventuelle violences conjugales actuelles ou passées. Cette recommandation est cependant peu appliquée : selon une enquête barométrique menée par l’institut BVA pour la HAS¹, seules 3% des femmes ayant consulté un médecin généraliste au cours des 18 derniers mois se rappellent avoir été interrogées sur ce sujet.
De fait, les obstacles à l’application de cette recommandation sont nombreux : méconnaissance de la recommandation, manque de formation (ampleur du problème, phénomène d’emprise…), crainte de dégrader la relation avec la patiente, sentiment d’impuissance… Pourtant, le médecin a un rôle clé. Des violences non repérées ont des conséquences sur la santé physique et psychique et deviennent généralement plus fréquentes et sévères avec le temps, jusqu’à représenter un risque vital. Ce rôle est d’autant plus important que les médecins, par la relation de confiance qu’ils entretiennent avec leurs patientes, sont bien souvent les premiers professionnels auxquels s’adressent les femmes victimes de violences. D’ailleurs, plus de 8 femmes sur 10 estiment que c’est important, légitime et rassurant que le médecin questionne ses patientes au sujet des violences, et 96% considèrent qu’un questionnement systématique est une bonne chose.
Pour faciliter l’appropriation de cette recommandation par les professionnels, la commission impact des recommandations de la HAS a sollicité l’appui de l’équipe sciences comportementales de la Direction interministérielle de la transformation publique (DITP). Une expérimentation a ainsi été menée auprès des médecins généralistes. Sur la base de ses résultats, la HAS publie aujourd’hui un outil d’aide au repérage des violences conjugales. Il sera adressé à l’ensemble des médecins avec l’appui de l’Assurance Maladie.
Plus de médecins outillés, plus de patientes dépistées
Est-ce que les médecins disposant d’outils adaptés sont plus susceptibles d’aborder systématiquement le sujet des violences avec leurs patientes ? Pour répondre à cette question, l’expérimentation a testé l’efficacité de différents supports élaborés avec des experts en sciences comportementales.
Menée auprès de 1153 médecins volontaires, cette expérimentation a pris la forme d’une étude randomisée. Elle a permis de constater une augmentation du nombre de femmes questionnées de 76% dans le groupe de médecins ayant reçu les outils développés, ce qui représente 2 femmes de plus questionnées chaque semaine. Une augmentation encore relative mais encourageante, qui montre l’intérêt d’accompagner les médecins avec des outils adaptés.
Soutenir les médecins dans cette démarche complexe
Au vu de ces résultats et après quelques ajustements, la HAS a décidé de déployer nationalement un outil d’aide au repérage des violences conjugales particulièrement apprécié pour son format court, son orientation pratique et le rappel des solutions d’accompagnements à proposer aux personnes victimes.
Pourquoi dépister ? Quand et comment dépister ? Que faire en cas de violences ? Le médecin généraliste trouvera les réponses à ces questions sur ce document d’une page. A travers des rappels sur le bien-fondé du dépistage, des conseils pratiques sur la façon d’aborder le sujet avec la patiente et des coordonnées et ressources utiles, l’outil vise à donner aux médecins les clés pour repérer les victimes de violences. Il est aussi l’occasion pour la HAS de rappeler que les médecins peuvent s’appuyer sur les acteurs du secteur social, associatif, médico-social et judiciaire, pour initier des actions concrètes adaptées aux besoins de la patiente.
Permettre la parole des victimes
A l’occasion de la publication de cet outil, la HAS souhaite rappeler la nécessité de normaliser le questionnement sur les violences conjugales par des professionnels de premier recours.
En effet, la plupart des victimes n’abordent pas spontanément les violences qu’elles subissent. L’idée est de faire savoir aux victimes qu’elles disposent d’un interlocuteur à leur écoute et de libérer la parole sur le sujet. Le professionnel peut en outre signaler son implication sur le sujet par des affiches ou des brochures.
La HAS encourage plus largement toute femme victime de violences à en parler avec son médecin généraliste, ou à prendre contact avec les nombreuses associations implantées sur le territoire (liste à retrouver sur arretonslesviolences.gouv.fr). Une plateforme d’écoute anonyme et gratuite est également accessible 24h/24 et 7 jours sur 7, au 3919.
Dans les suites de ce projet, la HAS prévoit de poursuivre ses efforts pour améliorer l’appropriation de cette recommandation par les professionnels : elle organisera notamment un webinaire sur le sujet des violences conjugales en 2023. Elle mesurera par ailleurs, en reproduisant l’enquête barométrique BVA à échéance régulière, l’évolution de la mise en œuvre de cette recommandation en médecine générale.
¹ Étude BVA pour la HAS, octobre 2022, sur un échantillon national représentatif en termes d’âge, CSP du foyer, région et taille d’agglomération, de 875 femmes ayant consulté un médecin généraliste (traitant ou non) au cours des derniers 18 mois au cabinet ou en téléconsultation
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