VIH. Consultation de suivi en médecine générale des personnes sous traitement antirétroviral

Fiche points clés organisation des parcours
Outil d'amélioration des pratiques professionnelles - Mis en ligne le 11 oct. 2018

Ce travail fait suite à la demande d’un groupement d’associations de patients (AIDES, Actions Traitements, Act-up Paris, Sol en si et TRT-5), afin d’améliorer le suivi au long cours des personnes vivant avec le VIH (PVVIH), tant à l’hôpital, qu’en ville.

Dans le cadre de la prise en charge partagée et coordonnée avec l’hôpital, ces documents déclinent les actions de prévention et points d’attentions à observer dans le suivi de la PVVIH, ainsi que le repérage des comorbidités et co-infections les plus fréquentes.

Les documents s’adressent au médecin généraliste afin de le guider dans la prise en charge des PVVIH sous traitement antirétroviral et stables du point de point de vue virologique.

Ils ont été élaborés selon les différentes étapes de la consultation en médecine générale :


Constituants des repères concrets pour le suivi, ils s’adressent également aux patients et à l’ensemble des professionnels impliqués dans le suivi des PVVIH.

Étape 1 : Évaluation globale au cours de la consultation

L’objectif prioritaire est le maintien d’une charge virale indétectable (inférieure au seuil de détection du laboratoire), notamment grâce à l’adhésion au traitement antirétroviral (ARV).
 
Points d'attention spécifique Conduite à tenir / Outil utilisé
Bilan annuel de synthèse
Quels sont les résultats des examens réalisés lors du dernier bilan annuel de synthèse, transmis par l’infectiologue hospitalier référent.
Stabilité immuno-virologique
Favoriser l’adhésion à la prise en charge et la prise régulière des traitements ARV.
État général
  • Lutter contre la sédentarité et favoriser une activité physique.
  • Repérer un état de vulnérabilité : physique, psychique et sociale.
État nutritionnel
Repérer et prévenir les troubles alimentaires qualitatifs et quantitatifs, à partir des recommandations de la HAS en population générale, tant pour les risques d’obésité, de surpoids que de dénutrition.
 
Suivre l’indice de masse corporelle (IMC) et questionner les autres apports pouvant avoir des interactions avec les traitements médicamenteux : compléments alimentaires hyper protéinés, millepertuis, jus de pamplemousse, kaolin, etc.
Addiction(s)
Repérer et évaluer les consommations et le niveau de dépendance à partir des outils utilisés en population générale : tabac, alcool, cannabis et autres substances psychoactives.
Statut vaccinal
  • Évaluer le statut vaccinal et suivre le calendrier recommandé à partir des recommandations spécifiques pour les personnes vivant avec le VIH (PPVIH). Recommander notamment la vaccination anti-pneumococcique, anti-VHB, anti-VHA, et HPV pour toutes les PVVIH.
  • Le vaccin BCG est contre-indiqué, quel que soit le niveau de lymphocytes T.CD4 (CD4).
  • La vaccination anti-VHB : est recommandée pour toutes les PVVIH n’ayant aucun marqueur virologique du VHB (sérologie effectuée lors du bilan initial à l’hôpital). Chez l’adulte non antérieurement vacciné : 3 injections de 40 g d’antigènes (double dose d’Engerix B20) à M0, M1, M2, puis une 4ème dose, à M6. Réaliser un contrôle d’anticorps anti-HBs aprèsvaccination et une fois /an, injection de rappel si anticorps anti-HBs<10 UI/mL.
État psychique
Repérer une dépression, à partir des recommandations proposées en population générale.
État cognitif
Repérer les troubles cognitifs en s’appuyant sur l’approche intégrée proposée par le CMG et la FCMRR en population générale et/ou le Mini Mental State Examination (MMSE) utilisé en population générale.
Santé sexuelle

 

Le maintien d’une charge virale indétectable permet de réduire le risque de transmission du VIH à un partenaire.
 
  • Promouvoir l’usage du préservatif pour éviter les contaminations par les IST.
  • Repérer et prévenir un contexte à risque : chemsex, alcool, stimulants, violences, etc.
  • Favoriser le dépistage des IST chez les personnes ayant des rapports multiples; il s’agit de promouvoir la réalisation d’examens réguliers :
    • dépistage de la syphilis, tous les 3 à 6 mois ;
    • dépistage du VHC tous les 3 à 6 mois ;
    • dépistage des chlamydia et gonocoques suivant le contexte.

 

Contraception
Adapter la contraception en fonction des besoins et du risque d’interactions possibles avec les antirétroviraux (www.hiv-druginteractions.org).
 
Informer sur les risques et les modalités d’une contraception d’urgence, en tenant compte des risques d’interaction avec le traitement ARV.
Grossesse
  • Toxicité fœtale
  • Transmission mère-enfant
La grossesse d’une PVVIH est considérée comme une grossesse à risque nécessitant un suivi interdisciplinaire pendant la grossesse, puis un suivi pédiatrique de l’enfant pendant les premiers mois de vie.
 
Une assistance médicale à la procréation (AMP) peut être envisagée selon les mêmes critères que ceux appliqués en population générale.

 

Étape 2 : Gestion du risque accru de certaines pathologies associées

La prise en charge des comorbidités repose, pour la plupart d’entre elles, sur les recommandations en population générale. Cependant, la réalisation de certains examens (indication et fréquence) dans le cadre de la surveillance, font l’objet de recommandations spécifiques.
 
Il convient de tenir compte des risques d’interactions médicamenteuses entre les ARV et certains autres traitements (www.hiv-druginteractions.org).
 
Points d'attention spécifique   Conduite à tenir / Outil utilisé
Troubles cardio-vasculaires et troubles métaboliques
Infarctus du myocarde et hypertension artérielle
L’infection à VIH est considérée comme un facteur de risque cardiovasculaire supplémentaire (risque augmenté de coronopathies notamment). En cas de maladie cardiovasculaire documentée, en prévention secondaire, le risque cardio-vasculaire est d’emblée considéré très élevé.
 
  • Évaluation du risque global par l’outil SCORE utilisé en population générale : tous les ans.
  • La pression artérielle doit être contrôlée tous les ans chez toutes les PVVIH, avec les taux cibles appliqués en population générale.
 En cas de nécessité de traitement antihypertenseurs, vérifier le risque d’interaction. (www.hiv-druginteractions.org)
Dyslipidémie
  • Si le bilan lipidique initial est normal : contrôle tous les 5 ans, comme en population générale.
  • En cas d’anomalie lipidique : fréquence adaptée, selon les recommandations en population générale
  • Après tout changement de traitement ARV : contrôle du bilan à 6 mois.
Diabète de type 2
Le repérage d’un diabète de type 2 s’effectue comme en population générale. En cas de
nécessité de traitement, il convient de vérifier les interactions avec le traitement ARV (www.hiv-druginteractions.org).
Broncho pneumopathie chronique obstructive (BPCO)
Les outils de prévention (tabagisme, consommation de cannabis, etc.) et de repérage de la BPCO sont les mêmes qu’en population générale.
 
La prise en charge de la BPCO est la même qu’en population générale, avec une attention portée sur le risque d’interactions médicamenteuses entre certains traitements ARV et certains corticostéroïdes ; la béclométhasone est alors privilégiée en cas de traitement par corticoïdes inhalés (www.hiv-druginteractions.org).
Tuberculose
Le dépistage et la prise en charge d’une infection tuberculeuse latente sont effectués, en présence de facteurs de risque, lors du bilan initial, puis des bilans annuels hospitaliers.
 
Les mesures de prévention et la prise en charge et vis-à-vis de la tuberculose maladie sont celles appliquées en population générale, avec toutefois une attention spécifique :
  • sur la stabilité immuno-virale pour toutes PVVIH qui doit être obtenue ou conservée ;
  • à destination des personnes migrantes en provenance de zones à forte prévalence.
Co-infections par les virus des hépatites
VHB, VHC, VHA
  • Favoriser la vaccination anti-VHA et anti-VHB.
  • Prévenir un risque de contamination à VHC ou VHB.
  • Repérer une infection à VHB ou VHC et, en l’absence de séroprotection et si la sérologie est négative. Proposer une surveillance sérologique régulière (6 à 12 mois) chez les PVVIH dont l’exposition au risque persiste.
  • Traiter les hépatites B et C diagnostiquées.
  • Surveiller une fibrose même après un traitement efficace du VHC.
  • Prévenir le risque de réinfections :
    • favoriser le maintien du contrôle de l’infection par le VIH ;
    • agir sur les pratiques à risque en proposant un accompagnement psychologique ou par un sexologue.
  • Évaluer le risque d’hépato-carcinome : échographie proposée tous les 6 mois aux PVVIH pré-cirrhotiques ou cirrhotiques, et/ou co-infectées par le VHB avec facteurs de risque.
Atteinte rénale
Insuffisance rénale, néphropathies
  • Bilan rénal effectué :
    • chez toute PVVH : au moins une fois/an à partir des recommandations en population générale ;
    • pour tout changement de traitement ARV ;
    • pour certains traitements ARV, une recherche complémentaire est nécessaire :
      • en cas de traitement par Ténofovir, il est recommandé une phosphorémie à jeun et une glycosurie, 2 à 4 semaines, après l’initiation du traitement, et tous les 3 à 6 mois en l’absence de risques rénaux ;
    • lors d’une exposition à un traitement néphrotoxique hors ARV ;
    • en cas d’au moins 2 facteurs de risque rénal : tous les 6 mois.
  • En cas de bilan anormal (ou risque d’insuffisance rénale) :
    • effectuer un nouveau bilan dans les 3 mois suivants ;
    • orienter vers un néphrologue, ainsi que le référent hospitalier pour une éventuelle modification de dose pour le traitement ARV.
  • En cas de traitement ARV par Atazanavir, il convient de rappeler les consignes d’hydratation afin d’éviter les risques de lithiases rénales.
Cancer
Cancer broncho-pulmonaire Le repérage et les mesures prise en charge sont celles appliquées en population générale.
Cancer cutanéo-muqueux

Carcinome spino cellulaire et basocellulaire
Examen systématique de la peau et des muqueuses tous les ans pour toutes les PVVIH, indépendamment de la charge virale et du taux de CD4.
 
En cas de lésion suspecte ou sujets à risque, le suivi est réalisé tous les 6 mois, comme en population générale.
Cancer à papillomavirus (HPV)  Patient Examens Fréquence
Tout PVVIH ayant des rapports anaux et toute personne ayant des antécédents de condylomes et femmes ayant présenté une dysplasie ou cancer du col
Proposer un examen proctologique +/- cytologie anale
En absence d’anomalie au bilan
initial : rythme annuel.
 
En cas d’anomalie repérée :
fréquence définie par le gastro-
entérologue ou le proctologue.
Hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes (HSH) < 26 ans
Proposer la vaccination anti-HPV (gardasil 9)
Femmes
Proposer une cytologie cervico-utérine
Pour les femmes sans antécédent de lésion malpighienne intra-épithéliale cervicale avec cytologie initiale normale :
 
  • tous les 3 ans, comme en population générale, après 3 cytologies annuelles consécutives normales (si charge virale contrôlée et CD4> 500/mm3) ;
  • dans les autres cas, cytologie cervicale contrôlée tous les ans.
 
Proposer une colposcopie
En cas de cytologie cervico-
utérine antérieure anormale après conisation
Lymphome
Palpation des aires ganglionnaires au moins une fois / an
Prise en charge d'un cancer
  • La prise en charge du cancer est la même qu’en population générale en tenant compte du risque d’interactions médicamenteuses entre ARV et chimiothérapie, et entre ARV et certains antalgiques (www.hiv-druginteractions.org).
  • Comme en population générale :
  • En cas d’urgence néoplasique, la priorité est donnée au traitement carcinologique.
Atteinte osseuse
Ostéoporose
  • Le repérage et les mesures de prise en charge sont celles appliquées en population générale.
  • Concernant les PVVIH stables et ayant un taux de CD4>500/mm3, une ostéodensitométrie peut être indiquée pour tout homme de plus de 60 ans, ou moins de 60 ans avec un IMC<20 kg/m2.
Vaccins spécifiquement recommandés
Pour toute PVVIH
Vaccin grippe saisonnière
Recommandé annuellement selon le schéma vaccinal en vigueur.
Pneumocoque
vaccin inactivé
La vaccination est recommandée de façon systématique avec un schéma renforcé :
  • chez l’adulte non préalablement vacciné ;
  • 1 dose de vaccin conjugué 13-valent (VPC13) suivie d’une dose de vaccin polyosidique 23-valent (VPP23) au moins 8 semaines après ;
  • chez l’adulte préalablement vacciné par le vaccin polyosidique 23-valent.
L’injection du vaccin conjugué 13-valent est réalisable si la vaccination antérieure remonte à plus de 1 an ; l’injection ultérieure du VPP23 sera pratiquée avec un délai minimal de 5 ans par rapport à la date d’injection du VPP23.
Hépatite B
vaccin inactivé
  • Vaccination recommandée pour toutes les PVVIH n’ayant aucun marqueur virologique du VHB (sérologie effectuée lors du bilan initial à l’hôpital).
  • Chez l’adulte non antérieurement vacciné : 3 injections de 40 g d’antigènes (double dose d’Engerix B20) à M0, M1, M2, puis une 4e dose, à M6. Réaliser un contrôle d’anticorps anti-HBs après vaccination et une fois /an, injection de rappel si anticorps.
Tout HSH
 
PVVIH co-infectées par le VHC ou VHB
 
Toute PVVIH présentant une hépatopathie chronique ou une consommation excessive d’alcool
 
Toute PVVIH voyageant en zone d’endémie du VHA

Hépatite A
vaccin inactivé

  • La vaccination est indiquée chez tout patient non immun, en cas de facteurs de risque, selon un schéma identique à celui de la population générale.
  • La sérologie préalable de l’hépatite A est recommandée et fait partie du bilan initial à l’hôpital.
  • Réaliser un contrôle d’anticorps anti-VHA (IgG) 1 à 2 mois après la 2e injection.
Pour les HSH, jusqu’à 26 ans

Papillomavirus humains
vaccin inactivé

  • Recommandation de la vaccination avec un schéma à 3 doses (M0, M2, M6).
  • Intégralité du schéma de vaccination en complément du dépistage organisé des lésions précancéreuses et cancéreuses par frottis cervico-utérin (HAS 2017).
  • La vaccination devra s’accompagner de la poursuite du dépistage des lésions ano-génitales.
Pour les PVVIH, chez
les filles comme les
garçons de 11 à 19 ans
  • Vaccination recommandée aux mêmes âges, et selon le même schéma que la population générale, avec un rattrapage jusqu’à 19 ans révolus.
Vaccins vivants envisageables lorsque le taux de CD4 autorise la vaccination (CD4>200/mm3)
Pour toute PVVIH
Rougeole-oreillons-rubéole
  • Sérologie rougeole systématique.
  • Puis vaccinations des patients non immuns par 2 doses de vaccin ROR à au moins 1 mois d’intervalle.
  • Chez la femme en âge de procréer : vérifier l’absence de grossesse et de contraception pendant 2 mois après la vaccination
Varicelle
  • Sérologie varicelle systématique.
  • Vaccinations des patients non immuns par 2 doses espacées de 4 à 8 semaines.
  • Chez la femme en âge de procréer : la grossesse doit être évitée dans les 2 mois suivant la vaccination.
Fièvre jaune
Obligatoire pour les résidents de Guyane en l’absence de contre-indication Schéma
en 1 injection
Vaccination recommandée comme en population générale
Pour toute PVVIH
Diphtérie, tétanos, poliomyélite et coqueluche
Les rappels sont à faire tous les 10 ans après 13 ans, en raison du risque de baisse de l’immunité contre le tétanos et la diphtérie
Vaccin conjugué contre les infections invasives à méningocoque C
Au-delà de 12 mois et jusqu’à 26 ans : 2 injections espacées de 6 mois