Santé et maintien en emploi : prévention de la désinsertion professionnelle des travailleurs

Recommandation de bonne pratique - Mis en ligne le 15 févr. 2019

Dans un contexte de vieillissement de la population active, de prévalence des maladies chroniques et de recul progressif de l’âge de départ en retraite, le maintien en emploi est un facteur de santé et d’augmentation de l’espérance de vie en bonne santé.

Le périmètre de ces recommandations est circonscrit à la stratégie à mettre en œuvre à une échelle individuelle, dès lors qu’un risque de désinsertion professionnelle est identifié ou pressenti du fait d’une altération de la santé du travailleur. 

Les objectifs de cette RBP sont de :

  • Proposer un socle commun pour prévenir la désinsertion professionnelle et contribuer au maintien en emploi des travailleurs ayant un ou plusieurs problèmes de santé (en première intention dans l’entreprise d’origine),
  • Améliorer la lisibilité et la cohérence de la prise en charge des personnes en risque de désinsertion professionnelle.

Les éléments génériques relevant de recommandations générales applicables quel que soit le problème de santé sont systématiquement précisés, ainsi que, le cas échéant, les éléments spécifiques à certaines pathologies considérées comme les plus fréquentes en population générale (à savoir les pathologies ostéo-articulaires, cancéreuses, cardiovasculaires et neurologiques, ainsi que les troubles dépressifs et anxieux).

Ces recommandations s’adressent en premier lieu aux professionnels des services de santé au travail. Elles peuvent également éclairer les autres professionnels du champ du maintien en emploi et plus largement du secteur médico-social, ainsi que les employeurs. La coordination de ces multiples acteurs intervenant dans le maintien en emploi et la prévention de la désinsertion professionnelle est indispensable.

Messages clés

  • Le maintien en emploi ne se limite pas aux salariés en arrêt de travail : il s’envisage tout au long du parcours professionnel.

  • Il est recommandé de repérer, en amont de tout arrêt de travail, toute altération de l’état de santé du travailleur ayant un retentissement sur ses capacités fonctionnelles et de travail.

  • La coordination des acteurs intervenant dans le maintien en emploi et la prévention de la désinsertion professionnelle est indispensable.

  • La visite de pré-reprise est l’une des clés du maintien en emploi.

  • Un plan de retour au travail ou de maintien en emploi doit être élaboré avec le travailleur et les autres acteurs concernés (employeur, professionnels de santé, etc.) ; le travailleur doit être informé, orienté et accompagné tout au long du processus.

  • Le maintien en emploi comprend des mesures individuelles ainsi que des mesures concernant l’environnement de travail.

  • Il est recommandé de tenir compte des freins et leviers pour chaque situation.

  • Une stratégie progressive doit être adoptée, visant d’abord le maintien au poste antérieur avec des aménagements temporaires ou durables. À défaut un reclassement vers un autre poste de l’entreprise ou une reconversion dans une autre entreprise doivent être recherchés.

Recommandations générales

Mission de maintien en emploi (MEE) des services de santé au travail (SST)

La mission de MEE appartient pleinement aux missions des SST.

Le médecin du travail est identifié par la législation comme un acteur pivot du MEE et des mesures mobilisables dont il doit assurer le pilotage avec son équipe. Le cas échéant, ce pilotage peut être partagé et/ou assuré par un acteur de MEE externe au SST.

Si la structure qui pilote le plan de retour au travail/maintien en emploi d’un travailleur est extérieure au SST, elle doit être informée des contraintes de l’environnement et du poste de travail, ainsi que des limitations fonctionnelles et des capacités résiduelles du travailleur par l’intermédiaire de celui-ci ou avec son accord exprès. Cette structure extérieure doit alors travailler en concertation avec le médecin du travail et son équipe tout au long du plan d’action.

Les principes suivants gouvernent la stratégie de MEE :

  • le MEE ne se limite pas aux salariés en arrêt de travail mais nécessite d’anticiper les difficultés et mesures mobilisables en amont de tout arrêt ;

  • conformément à la nécessité d’adapter le travail à l’homme, il est recommandé d’adapter les exigences du poste de travail aux capacités résiduelles du salarié et aux limitations fonctionnelles entraînées par sa pathologie ;

  • lorsqu’un licenciement pour inaptitude médicale est envisagé, il appartient au SST d’informer et de conseiller le travailleur sur les relais et les acteurs susceptibles de l’accompagner dans son parcours professionnel et de favoriser son employabilité ultérieure.

Respect du cadre déontologique et éthique

Les actions de maintien en emploi doivent être mises en oeuvre dans le respect des règles déontologiques et éthiques des professionnels concernés et se faire dans le respect de la personne.

Au sens de l’article L. 1110-12 du Code de la santé publique, l’équipe de santé au travail ainsi que l’ensemble des acteurs du MEE ne forment pas une équipe de soin. De ce fait, tout partage d’informations strictement nécessaires à la prise en charge d’une personne requiert son consentement préalable, recueilli par tout moyen, y compris de façon dématérialisée.

Pour tous les travailleurs, il est recommandé de faciliter et de promouvoir :

  • une information loyale, claire et appropriée du travailleur visant à favoriser son implication et son autonomie dans la démarche de MEE ;

  • la compréhension partagée des enjeux du MEE, entre le travailleur, son médecin traitant, son médecin du travail, l’employeur, et les autres acteurs impliqués dans le processus de MEE le cas échéant, dans le respect de la déontologie ;

  • la clarté et la cohérence des messages délivrés par ces différents acteurs ;

  • la traçabilité des échanges entre ces acteurs, notamment sous la forme de courriers ou de fiches de liaison ;

  • la cohérence des mesures de maintien en emploi mises en oeuvre par ces différents acteurs.

Facteurs susceptibles d’influencer le pronostic professionnel

Il est recommandé que les acteurs du maintien en emploi recherchent les facteurs susceptibles d’influencer négativement comme positivement le pronostic professionnel. Ces facteurs concernent le travailleur ou son environnement de travail.

La revue de la littérature a permis d’identifier différents facteurs, communs ou spécifiques à certaines pathologies, comme significativement susceptibles d’influencer le pronostic professionnel. D’autres facteurs proviennent de l’avis des experts (cf. texte des recommandations).

 

Prise en charge des travailleurs à l'occasion d'une visite de pré-reprise, d'une reprise du travail, ou d'un suivi après la reprise

Pour tous les travailleurs, il est recommandé :

  • de promouvoir par tout moyen la visite de pré-reprise ;

  • d’inciter les entreprises à communiquer avec le médecin du travail/le SST, concernant les absences répétées ou prolongées ;

  • d’évaluer les conséquences sociales et familiales de l’arrêt de travail, avec l’appui si nécessaire de l’assistant(e) de service social.

Il est recommandé d’élaborer un plan de retour au travail en trois phases, en concertation avec le travailleur, l’employeur ainsi que le médecin traitant et le cas échéant, les médecins du parcours de soins.

Les phases du plan de retour au travail

  • Une première phase d’analyse et de compréhension partagées du risque de désinsertion professionnelle (cf. schéma 1).

  • Une deuxième phase d’élaboration d’une liste des freins à la reprise du travail et des leviers pouvant être mobilisés. Les mesures identifiées (cf. tableau 1) peuvent :

    • être individuelles ;
    • cibler le milieu de travail et les conditions de travail ;
    • cibler la coordination des intervenants.
  • Une troisième phase de mise en oeuvre planifiée des mesures identifiées, et de suivi avec une évaluation régulière de l’état de santé du travailleur et de sa situation de travail.

 

Prise en charge des travailleurs dans le cadre des autres visites

Il est recommandé d’élaborer un « plan de maintien en emploi » en trois phases selon les mêmes modalités que pour les travailleurs vus à l’occasion d’une visite de pré-reprise, de reprise ou de suivi.

Schéma 1. Paramètres de la situation à prendre en compte par le médecin

Paramètres de la situation à prendre en compte par le médecin