Arrêt des benzodiazépines et médicaments apparentés : démarche du médecin traitant en ambulatoire

Recommandation de bonne pratique - Mis en ligne le 29 juin 2015

La fiche mémo aborde les différentes étapes de l’arrêt depuis la préparation jusqu’à son suivi ainsi que la prise en charge de situations particulières :

  • Respect des indications et anticipation de l’arrêt dès la prescription de benzodiazépines.
  • Évaluation de la dépendance et préparation de l’arrêt.
  • Prise en charge par le médecin généraliste (intervention brève, consultation d’arrêt, suivi et surveillance).
  • Prise en charge spécialisée conjointe en cas de situations particulières (consommation à doses très élevées de BZD, insomnie rebelle, dépendance à l’alcool, troubles psychiatriques sévères, etc.).
  • Évaluation et prise en charge du syndrome de sevrage.

Un ensemble d'outils est mis à la disposition des praticiens et des patients en complément de la fiche mémo pour favoriser la démarche d’arrêt.

  • Questionnaire ECAB (échelle cognitive d’attachement aux benzodiazépines).
  • Signes rapportés lors de l’arrêt des BZD.
  • Courrier d’information de la part du médecin traitant.
  • Calendrier de suivi de l’arrêt.
  • Agenda du sommeil-éveil.

Messages clés

Toute prescription de BZD ou médicaments apparentés doit respecter les indications et les durées de traitements prévues par l’autorisation de mise sur le marché (AMM).

Les indications à la prescription de BZD et son maintien sont à évaluer au cas par cas et selon la situation médico-psycho-sociale du patient.

Les effets secondaires et les modalités d’arrêt du traitement sont à expliquer au patient dès son instauration.

L’arrêt doit toujours être progressif pour minimiser les effets du sevrage et sur une durée de quelques semaines à plusieurs mois [en cas de traitement chronique].

Si l’objectif de la démarche est l’arrêt, l’obtention d’une diminution de posologie doit déjà être considérée comme un résultat favorable.

Préambule

L’objectif est de réduire les prescriptions au long cours de benzodiazépines (BZD) et médicaments apparentés1 dans l'anxiété et l'insomnie2, du fait d'un rapport bénéfice/risque défavorable. Malgré une durée de prescription limitée dans le temps3, il est observé une consommation pouvant s’étendre sur plusieurs mois, voire plusieurs années. Or, au-delà de quelques semaines, les risques d’effets délétères augmentent : somnolence diurne, chutes, accidents, troubles de la mémoire, etc., ainsi que celui de dépendance. 

 

1. Dérivés de la famille imidadazopyridines, dérivés de la famille des ciclopyrrolones.

2. Sont hors-champ de cette fiche mémo, les BZD utilisées pour leurs propriétés antispasmodiques et myorelaxantes dans le traitement des maladies neurologiques.

3. - de quelques jours (y compris phase de réduction de la posologie) pour des insomnies sévères occasionnelles du sommeil à 4 semaines pour des insomnies sévères transitoires (y compris phase de réduction de la posologie) ;
- de 8 à 12 semaines (y compris phase de réduction de la posologie) pour le traitement symptomatique de manifestations anxieuses sévères et/ou invalidantes.

 

 

Principes généraux à une prescription de benzodiazépines

Respecter les indications et anticiper l’arrêt

→ Il est recommandé de réserver la prescription de BZD ou de médicaments apparentés aux indications validées et de respecter les durées de prescription prévues par l’AMM4.

→ Dès l’instauration d’un traitement, il est recommandé d’expliquer au patient la durée du traitement, les risques liés au traitement, notamment du risque de dépendance et ses modalités d’arrêt du fait de ces risques.

→ Il est recommandé de s’interroger sur la mise en œuvre d’un arrêt lors de toute demande de renouvellement du traitement.

→ Chez tout patient traité quotidiennement depuis plus de 30 jours, il est recommandé de proposer une stratégie d’arrêt de la consommation de BZD ou de médicaments apparentés.

Évaluer la dépendance et préparer l’arrêt

→ Les personnes sont considérées comme en capacité5 d’entreprendre un arrêt des BZD si elles :

  • le souhaitent, sont conciliantes et motivées ;
  • ont un support social adéquat (insertion sociale, présence d'un environnement aidant) ; 
  • n’ont pas d’antécédents de complications à l’arrêt de médicaments ;
  • peuvent être régulièrement revues.

→ Il est recommandé d’offrir l'assurance au patient qu’il est acteur du processus d’arrêt, en particulier sur le choix du rythme qui lui convient. L’arrêt peut prendre de 3 mois à un an, ou plus si nécessaire.

→ Au moment d’entreprendre un arrêt, il convient de

  • évaluer les attentes du patient, son degré « d’attachement » aux benzodiazépines, pour aboutir à une décision partagée et évaluer les facteurs pronostiques. Le médecin peut s’appuyer sur les items du questionnaire ECAB (échelle cognitive d’attachement aux benzodiazépines, voir outils) ; 
  • distinguer les situations nécessitant une stratégie particulière (dépression, consommation chronique ou excessive, usagers de drogues, etc.).

→ Si la proposition d’arrêt des benzodiazépines n’est pas acceptée par le patient, il est recommandé de renouveler l’information lors d’une consultation ultérieure.

→ Quelle que soit la stratégie choisie, avec ou sans prise en charge spécialisée, l’arrêt doit toujours être progressif, sur une durée de quelques semaines (4 à 10 semaines le plus souvent) à plusieurs mois (consommations de longue durée, posologies élevées).

→ L’objectif de la démarche est l’arrêt de la consommation de benzodiazépine. Cependant, diminuer la posologie est cependant un résultat favorable.

4. cf. site ANSM
5. cf. NICE Clinical Knowledge Summaries: Benzodiazepine and z-drug withdrawal, juillet 2013

 

Schéma - Démarche du médecin traitant en ambulatoire

Arrêt des benzodiazépines et médicaments apparentés

Demarche BZD 750

Prise en charge par le médecin généraliste

1) Intervention brève

→ Une première intervention réalisée par le médecin traitant peut être proposée, en particulier chez le patient dépendant à dose thérapeutique ou chez le sujet âgé.

Cette intervention peut être proposée au patient selon deux modalités : information orale lors d’une consultation ou information écrite, argumentée, personnalisée, remise au patient par le médecin.

→ Elle se poursuit par une consultation spécifique centrée sur les modalités d’arrêt de la BZD.

2) Consultation d’arrêt

→ Au cours de cette consultation, il est recommandé de :

  • informer le patient sur la BZD consommée : nom de molécule, propriétés anxiolytiques et sédatives ;
  • présenter les risques de la consommation de BZD au long cours, en les hiérarchisant selon l’âge et l’activité du patient : troubles mnésiques, diminution des réflexes et de la concentration, risque de dépendance, risque de chutes, suspicion de démence, etc. ;
  • présenter les bénéfices de l'arrêt, voire d’une simple réduction de posologie ;
  • informer des signes pouvant apparaître pendant l’arrêt des BZD ;
  • informer sur les alternatives non médicamenteuses : relaxation, etc. ;
  • informer les autres médecins en charge d’une pathologie intercurrente de l’existence du sevrage.

→ La tenue d’un agenda de sommeil et/ou d’un calendrier de décroissance posologique (avec relevé des symptômes inhabituels) peut également être utile et proposée.

→ Si le patient le souhaite, le médecin pourra impliquer dans la démarche d’arrêt son entourage et des professionnels de santé.

→ En accord avec le patient, un protocole pluriprofessionnel de sevrage des BZD associant le médecin traitant prescripteur, le médecin spécialiste si présent dans le suivi de la maladie, le pharmacien, l’infirmière du patient et l’entourage, peut être mis en place. Ce protocole définit le rôle de chacun des acteurs, l’utilisation des documents porteurs du message, le suivi du sevrage, le protocole de partage de l’information, le niveau des signes d’alerte et les modalités de circulation de l’information.

3) Suivi après l’arrêt

Rythme de surveillance

→ Le rythme de la surveillance dépend du patient et de la modalité de suivi choisie. Les nouveaux outils de communication sécurisés faciliteront les échanges entre les professionnels de santé et en conséquence le suivi de ces patients.

→ Chez les patients qui ont plusieurs facteurs de risque d’échec ou de syndrome de sevrage ou chez lesquels l’arrêt s’avère difficile, il est recommandé de renforcer et d’adapter le protocole de suivi (appel quotidien, délivrance fractionnée en accord avec le pharmacien, suivi de l’observance à distance, etc.).

→ Quel que soit le rythme de suivi mis en place, il est utile que le patient ait la possibilité d’avoir un contact téléphonique avec le praticien et/ou d’autres professionnels de santé.

 

Consultation de suivi

→ Les consultations de suivi pendant la réduction de dose permettent :

  • d’analyser les symptômes liés à l’arrêt ou d’autres symptômes nouveaux ;
  • d’évaluer l'adhésion au protocole d’arrêt et d’encourager le patient à poser des questions ;
  • de rechercher une augmentation de la consommation d’alcool, de tabac ou d’autres substances psychoactives ;
  • de titrer la réduction de posologie (récupération des comprimés non utilisés) et de réaliser du renforcement positif vis-à-vis de la diminution posologique.

→ Si le patient trouve que la diminution est trop rapide ou s’il a des symptômes liés à l’arrêt, il est recommandé de ralentir la vitesse de réduction ou d’allonger la durée des paliers posologiques ; si les signes sont importants, il faut revenir à la posologie précédente.

Un accompagnement psychologique de soutien par le médecin traitant ou un autre professionnel (psychiatre, psychologue, addictologue, etc.) peut être nécessaire, en particulier dans certains cas : troubles anxieux, dépressifs, facteurs de stress importants, arrêt réalisé sur une longue période.

 

Surveillance après l’arrêt

→ À court terme, pour les patients qui ont réussi à arrêter une BZD, une consultation au cours des 3 à 7 jours après la dernière prise est à proposer afin d’évaluer les symptômes liés à l’arrêt et d’informer sur le rebond d’insomnie et/ou d’anxiété. Il est recommandé de proposer au patient de ramener les autres boîtes de BZD qu’il possède à son pharmacien d’officine, pour limiter le risque de reprise ou de consommation par une personne de son entourage.

→ À moyen terme, un suivi est à proposer, tout particulièrement durant les 6 premiers mois qui suivent l’arrêt (période la plus à risque de reprise). Il est utile que le patient ait la possibilité d’avoir un contact téléphonique avec le médecin.

Prise en charge spécialisée conjointe

En cas de doses très élevées de BZD, insomnie rebelle, dépendance à l’alcool, autre dépendance, usage récréatif, associations à d’autres psychotropes, troubles psychiatriques sévères.

L’arrêt des BZD comprend une évaluation de la dépendance et du type de consommation qui conditionne la prise en charge.

L’avis d’un spécialiste (psychiatre, addictologue, psychologue, etc.) ou l’envoi vers une prise en charge spécialisée est à considérer dans les cas suivants :

  • historique d’alcoolisme ou autre dépendance,
  • pathologies sévères concomitantes ou désordres psychiatriques ou troubles de la personnalité,
  • antécédent(s) d’abandon de sevrage médicamenteux.

L’arrêt avec substitution par le diazépam peut être envisagé après vérification de la fonction hépatique dans certains cas : difficultés à l’arrêt en raison d’une forte dépendance, antécédents d’abandon de sevrage médicamenteux, consommation de molécules à action brève, à effet puissant ou ne permettant pas aisément de réaliser une réduction, consommation concomitante de plusieurs BZD.

Syndrome de sevrage

Évaluation

→ L’arrêt doit être progressif pour minimiser les effets du sevrage.

Prise en charge

→ Si des signes sans gravité surviennent lors de la phase de décroissance des BZD ou médicaments apparentés, il est recommandé de revenir au palier posologique antérieur, puis de décroître ensuite plus progressivement.

→ Si des signes sans gravité surviennent après l’arrêt complet des BZD ou médicaments apparentés, il est recommandé de ne surtout pas reprendre le traitement. L’information et le soutien psychologique permettent le plus souvent d’attendre la disparition des signes.

→ Si les signes sont plus sévères ou persistent, une réévaluation diagnostique s’impose pour une prise en charge spécifique dans le cadre d’un diagnostic précis (dépression, troubles anxieux, insomnie avérée, etc.).

→ Si le patient a des signes graves de syndrome de sevrage aux BZD (confusion, hallucinations, troubles de vigilance, convulsions, coma), il doit être hospitalisé pour traitement symptomatique.

 


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