Prise en charge de l’hypertension artérielle de l’adulte

Recommandation de bonne pratique - Mis en ligne le 27 oct. 2016 - Mis à jour le 27 oct. 2016

Cette fiche mémo a été élaborée par la HAS et la Société Française d’HTA (SFHTA).

L’hypertension artérielle (HTA) est la première maladie chronique dans le monde et un des principaux facteurs de risque vasculaire. Une prise en charge efficace de l’HTA diminue le risque de complications cardiovasculaires et contribue à l’allongement de l’espérance de vie.

Cependant, environ 20 % des patients hypertendus en France ne sont pas traités et 50 % des patients hypertendus traités n’atteignent pas les objectifs de PA contrôlée.

L’objectif de cette fiche mémo est donc de proposer un outil pratique pour une prise en charge optimale des patients hypertendus. Cet outil est destiné en premier lieu aux médecins généralistes mais aussi à tous les professionnels susceptibles de participer au dépistage et à la prise en charge d’une HTA.

Sont exclus de cette fiche mémo, les prises en charge d’une  HTA chez les patients de moins de 18 ans, d’une HTA au cours de la grossesse, d’une HTA secondaire, d’une HTA résistante ou en cas d’urgence hypertensive.

Préambule

L’hypertension artérielle (HTA) est la première maladie chronique dans le monde et un des principaux facteurs de risque vasculaire. Les bénéfices de la baisse de la pression artérielle (PA) chez le patient hypertendu sont démontrés :

  • elle réduit le risque d’accidents vasculaires cérébraux, de démence, d’insuffisance cardiaque, d’infarctus du myocarde et de décès d’origine cardio-vasculaire ;
  • elle retarde l’insuffisance rénale chronique terminale.

Le dépistage précoce et la prise en charge de l’HTA contribuent à l’allongement de l’espérance de vie.

Cependant, des progrès doivent encore être réalisés : en France, environ 20 % des patients hypertendus ne sont pas traités et 50 % des patients hypertendus traités n’atteignent pas les objectifs de PA contrôlée.

Environ 1 million de nouveaux patients sont traités pour une HTA en France chaque année, ce qui correspond à une moyenne de 15 à 20 nouveaux patients pour un médecin généraliste. En France, en 2012[1] plus de 11 millions de patients étaient traités pour une HTA (référence étude FLASH).

Définition de l’HTA

L’HTA est définie de manière consensuelle comme une PA  ≥ 140/90 mmHg mesurée en consultation et persistant dans le temps.


[1] Étude FLASH 2012 (French League Against Hypertension Survey).

Mesure de la PA : dépistage et surveillance

Il est recommandé que le médecin généraliste mesure régulièrement la PA de ses patients afin de dépister précocement l’apparition d’une HTA et surveiller l’évolution des chiffres tensionnels chez un patient hypertendu.

D’autres professionnels de santé sont encouragés à participer à ce dépistage et à cette surveillance en mesurant la PA des patients : il s’agit principalement des autres médecins spécialistes, des médecins de santé au travail, des pharmaciens d’officine et des infirmiers.

La constatation de chiffres de PA ≥ 140/90 mmHg par ces professionnels de santé nécessite que le patient soit orienté vers son médecin traitant.

Technique de mesure de la PA au cabinet médical

  • Utiliser de préférence un appareil au bras, électronique et validé[1]
  • Effectuer au minimum 2 mesures avec un brassard adapté à la circonférence du bras, le cas échéant
  • Mesurer la PA la première fois aux deux bras[2] (considérer le bras où la mesure est la plus haute) et mesurer la fréquence cardiaque (FC)
  • Effectuer les mesures chez un patient en position assise ou allongée, au repos durant au moins 3 à 5 min, dans le calme et sans parler
  • Lors de la mesure initiale et au cours du suivi : il faut rechercher une hypotension orthostatique[3] après 1 et 3 min au moins en position debout

Confirmation du diagnostic d’HTA

Il est recommandé de mesurer la PA en dehors du cabinet médical, au domicile du patient afin de confirmer le diagnostic d’HTA, par automesure tensionnelle (AMT) ou par mesure ambulatoire de la PA (MAPA).

Il est recommandé de confirmer le diagnostic d’HTA avant de débuter un traitement antihypertenseur médicamenteux, sauf en cas d’urgence hypertensive.

En pratique, l’AMT est plus adaptée en soins primaires et favorise l’implication du patient dans sa prise en charge.

Cependant, la MAPA apporte des informations complémentaires dans certaines situations (exploration d’une variabilité tensionnelle importante, suspicion d’absence de baisse tensionnelle nocturne ou d’une dysautonomie, etc.).

La constatation d’une HTA en consultation associée à une PA normale en dehors du cabinet médical (PA diurne moyenne < 135/85 mmHg) est appelée « HTA blouse blanche ».

L’« HTA blouse blanche » ne requiert habituellement pas le recours à un traitement antihypertenseur. Elle nécessite une surveillance tensionnelle annuelle ainsi que la mise en œuvre de mesures hygiéno-diététiques, car le risque de passage à une HTA permanente est élevé.

 Modalités de l’automesure tensionnelle (AMT)

  • Utiliser un appareil validé et de préférence avec un brassard huméral
  • Former le patient à la technique de l’automesure tensionnelle (et si besoin son entourage)
  • Prendre les mesures en position assise, au repos avec l’avant-bras posé sur la table
  • Effectuer 3 mesures le matin avant le petit déjeuner et la prise de médicaments, 3 mesures avant le coucher, 3 jours de suite (« règle des 3 »), en espaçant les mesures de quelques minutes[4]
  • Demander au patient de noter par écrit les valeurs de PA (systolique et diastolique) et de la FC observées
  • Moyenne des valeurs de PA en AMT ou en MAPA (diurne) correspondant à une HTA :

               - PAS ≥ 135 mmHg  ou PAD ≥ 85 mmHg

 

[1] Voir liste des appareils validés sur ANSM ANSM Liste des autotensiometres

[2] Si différence de PA > 20 mmHg entre les deux bras : penser de principe à rechercher une sténose de l’artère sous-clavière),

[3] Hypotension orthostatique : diminution de la PAS d’au moins 20 mmHg et/ou de la PAD d’au moins 10 mmHg survenant dans les 3 minutes suivant un passage en position debout. SFHTA Consensus d'experts HypoTA orthostatique 2014

[4] Voir Recommandations SHTA Mesure de la PA 2011

Bilan clinique et paraclinique initial par le médecin généraliste

L’interrogatoire, l’examen physique et le bilan paraclinique ont pour but de :

  • rechercher une atteinte vasculaire, cardiaque, cérébrale ou rénale associée ;
  • identifier les facteurs de risque cardio-vasculaire associés, notamment antécédents familiaux de maladie cardio-vasculaire, diabète, dyslipidémie, tabagisme, âge, sexe, etc. et évaluer le risque cardio-vasculaire selon les modalités définies dans les recommandations de la HAS : Principales dyslipidémies : stratégie de prise en charge (travail en cours). La découverte d’une anomalie lipidique ou d’une glycémie élevée est à prendre en charge selon les recommandations existantes ;
  • rechercher une HTA secondaire et des facteurs aggravants[1].

Le bilan paraclinique initial comporte :

  • sodium et potassium plasmatiques ;
  • créatinine plasmatique avec estimation du débit de filtration glomérulaire[2] ;
  • glycémie à jeun ;
  • exploration d’une anomalie lipidique à jeun ;
  • recherche d’une protéinurie quelle que soit la méthode ;
  • ECG de repos.

Le rapport albumine/créatinine urinaire ne se justifie pas chez le patient hypertendu sauf s’il est diabétique non protéinurique.

Identification des situations nécessitant un avis spécialisé

Suspicion d’HTA secondaire

En cas de :

  • HTA sévère (PAS > 180 ou PAD > 110 mmHg) d’emblée,
  • HTA avant l’âge de 30 ans,
  • HTA avec hypokaliémie,
  • autres situations cliniques évocatrices d’une HTA secondaire (voir tableau),

il est recommandé d’avoir recours à un avis spécialisé pour réaliser un complément d’explorations (dosages hormonaux, écho-Doppler des artères rénales, angio-TDM abdominale, etc.).

Principales causes d’HTA secondaire

Toxiques ou médicaments[3], maladies rénales, hyperaldostéronisme primaire, phéochromocytome,

sténose de l’artère rénale, syndrome de Cushing

En cas d’anomalie rénale

Lors du bilan initial et au cours du suivi la découverte d’une créatininémie élevée et/ou d’une protéinurie doit être contrôlée à 1 mois. En cas de persistance un avis néphrologique doit être demandé[4].

En cas d’insuffisance rénale il est nécessaire d’adapter la posologie des médicaments au DFG estimé et d’éviter les médicaments néphrotoxiques.

Cette démarche concerne aussi le pharmacien en lien avec le médecin généraliste. Il est recommandé que le médecin précise sur l’ordonnance la valeur du DFG[5] du patient insuffisant rénal.

En cas d’anomalie cardiaque

La découverte d’une anomalie cardiaque à l’interrogatoire, à l’examen physique ou à l’ECG nécessite de demander un avis spécialisé auprès d’un cardiologue qui pourra préconiser la réalisation d’explorations complémentaires (MAPA, Holter rythmique, écho-Doppler cardiaque, test d’ischémie myocardique, écho-Doppler artériel, etc.).

Repérage et prise en charge des troubles cognitifs

Chez le sujet de 75 ans ou plus, il est recommandé d’effectuer un repérage des troubles cognitifs (en utilisant le MMSE[6]) qui peuvent impacter, entre autres, l’adhésion thérapeutique.

La découverte de troubles cognitifs nécessite de faire un bilan adapté. En cas de troubles cognitifs, il est nécessaire de prévoir une supervision de la prise médicamenteuse (par l’accompagnant ou par une infirmière) afin d’assurer une bonne adhésion thérapeutique.


[1] Principaux facteurs pouvant aggraver une HTA : alcool, réglisse, certains médicaments (corticoïdes, antidépresseurs, AINS, anti-VEGF), utilisation prolongée de vasoconstricteurs nasaux, contraception œstrogénique, toxiques (par exemple cannabis), SAHOS (syndrome d’apnées-hypopnées obstructives du sommeil), consommation de sel élevée, surpoids, obésité
[2] Estimation du DFG : pour l’évaluation de la fonction rénale : estimation du DFG par l’équation CKD-EPI et si possible, pour l’adaptation des posologies, estimation de la clairance de la créatinine par la formule de Cockcroft et Gault, HAS fiche bon usage Diagnostic de l'insuffisance rénale chronique 2012
[3] Ex : alcool, réglisse, corticoïdes, antidépresseurs, AINS, anti-VEGF, utilisation prolongée de vasoconstricteurs nasaux, œstrogènes, etc. SFHTA 2015 Hypertensions artérielles d’origine médicamenteuse ou toxique
[4] Lien vers le doc Insuffisance rénale chronique (CNAM) en cours
[5] Estimation du DFG : pour l’adaptation des posologies : estimation de la clairance de la créatinine par la formule de Cockcroft et Gault
 

Consultation d’information et d'annonce

La prise en charge d’un patient hypertendu nécessite une information et un temps éducatif qui se font au mieux dans le cadre d’une consultation dédiée.

Cette consultation permet d’informer le patient des risques liés à l'HTA, des bénéfices démontrés du traitement antihypertenseur, de fixer les objectifs du traitement, et d’établir un plan de soins. La décision médicale partagée[1] entre le médecin et son patient favorise l’adhésion du patient à sa prise en charge.

Il est recommandé que des mesures hygiéno-diététiques soient initiées dès cette consultation. En fonction du profil du patient, de la sévérité de son HTA, de ses préférences et de son adhésion à ces mesures, le délai de mise en route du traitement médicamenteux sera adapté pour atteindre l’objectif d’une PA contrôlée à 6 mois.

Au cours des 6 premiers mois, des consultations médicales mensuelles sont recommandées jusqu’à obtention du contrôle tensionnel pour évaluer la tolérance et l’efficacité du traitement, renforcer l’éducation et parfaire l’information du patient.

Place des mesures hygiéno-diététiques

Il est recommandé de proposer des mesures hygiéno-diététiques à tous les patients hypertendus. Elles contribuent à la réduction des chiffres tensionnels et font partie intégrante de la prise en charge.

Elles comprennent :

  • la pratique d’une activité physique régulière et adaptée aux possibilités du patient (par exemple 30 min/j au moins 3 fois/semaine en endurance) ;
  • la réduction du poids en cas de surcharge pondérale ;
  • la suppression ou la réduction de la consommation d’alcool : une consommation journalière supérieure à  3 verres chez l’homme et 2 verres chez la femme doit entraîner une prise en charge adaptée ;
  • une normalisation de l’apport sodé (6-8 g/j de sel au maximum, soit une natriurèse d’environ 100 à  150 mmol/j) ;
  • l’arrêt d’une intoxication tabagique. cette mesure n’entraîne habituellement pas directement une réduction de la PA, mais est essentielle pour réduire la morbi-mortalité ;
  • une alimentation privilégiant la consommation de fruits légumes et d’aliments peu riches en graisse et saturées.

 

Mesures hygiéno-diététiques : pour accompagner le dialogue avec les patients

     
  

Mesures hygiéno-diététiques

  
  

 

  

Normalisation de l’apport sodé

Inpes 2008 Comment limiter   sa consommation en sel    

Anses Table CIQUALComposition   nutritionnelle des aliments

Suppression ou réduction de la consommation d’alcool

HAS 2014 Outil d’aide au   repérage précoce et à l’intervention brève

Inpes 2015 Alcool :   Pour faire le point. Guide pratique

Réduction du poids

HAS 2011 Surpoids et   obésité de l’adulte. Synthèse

HAS 2011 Surpoids   et obésité de l’adulte. Guide entretien initial

Activité physique régulière

Ameli 2013 Bouger c'est la   santé. Livret repère

Inpes 2004 La santé   vient en bougeant

Arrêt du tabac

Inpes J’arrête de   fumer. Guide Pratique

Inpes 2015 Arrêter de fumer   sans grossir

Inpes 2015 AIDE AU SEVRAGE   TABAGIQUE : renforcer la motivation

Alimentation saine et équilibrée

Programme national nutrition santé Mangerbouger.fr   Fiches Conseils

Définition d’une cible tensionnelle à atteindre à 6 mois

Il est recommandé d’obtenir une PA systolique comprise entre 130 et 139 mmHg et une PA diastolique < 90 mmHg à 6 mois au cabinet médical, confirmées par des mesures au domicile (PA diurne en AMT ou en MAPA < 135/85 mmHg).

Chez le sujet âgé de 80 ans ou plus, il est recommandé d’obtenir une PA systolique < 150 mmHg, sans hypotension orthostatique (PAS diurne en AMT ou en MAPA < 145 mmHg).

Chez ces patients, la lutte contre une iatrogénie est impérative. Le fait de ne pas dépasser dans la plupart des cas 3 molécules antihypertensives après 80 ans entre dans ce cadre.

Éléments à prendre en compte dans le choix initial des médicaments

Globalement, 70 % des patients hypertendus vus en ville n’ont pas de complications. Néanmoins il est recommandé d’adapter le choix thérapeutique en fonction des comorbidités associées


Choix de la classe thérapeutique en fonction des comorbidités associées
     

  

Comorbidités

  
  

Choix préférentiel

  

Patient diabétique à partir du stade microalbuminurie   ou insuffisance rénale

IEC ou ARA2

Patient avec une insuffisance rénale ou une   protéinurie

IEC ou ARA2

Patient insuffisant cardiaque

IEC (sinon ARA2), bêtabloquants ayant l’AMM dans   cette indication, diurétiques

Patient coronarien

IEC, bêtabloquants

Patient post-AVC

Diurétiques thiazidiques, IEC (sinon ARA2),  et inhibiteurs calciques

 

Les diurétiques de l’anse (à la place des diurétiques thiazidiques) peuvent être prescrits chez un patient hypertendu, en cas d’insuffisance rénale sévère (DFG estimé < 30 ml/min/1,73 m²), ou de syndrome néphrotique ou chez l’insuffisant cardiaque.

L’utilisation des IEC et des ARA2 nécessite un contrôle du sodium et du potassium plasmatiques et de la créatininémie dans un délai de 1 à 4 semaines après l’initiation du traitement puis lors des modifications posologiques ou en cas d’événement intercurrent.

Il convient lors de la prescription d’un antihypertenseur de préférer la molécule (et la posologie) la plus efficiente. 

Adaptation du traitement au cours des 6 premiers mois

Une monothérapie peut suffire à contrôler la PA lorsque l’HTA est de découverte récente et les chiffres de la PA sont peu élevés. Cependant, la plupart des HTA nécessitent sur le long terme une plurithérapie.

Il est recommandé d’évaluer le contrôle tensionnel tous les mois jusqu’à obtention de l’objectif tensionnel.

En pratique, à 1 mois, si l’objectif tensionnel n’est pas atteint (inefficacité, efficacité insuffisante ou mauvaise tolérance), il est préférable de passer à une bithérapie, car elle améliore l’efficacité et réduit le risque d’effet indésirable, plutôt que de changer de monothérapie ou d’augmenter la posologie de la monothérapie.

Cette bithérapie comportera de façon préférentielle l’association de deux des trois classes suivantes : bloqueur du système rénine-angiotensine (IEC ou ARA2), inhibiteur calcique, diurétique thiazidique, et en cas d’inefficacité, d’autres bithérapies (doses, principes actifs) peuvent être proposées.

Si l’objectif tensionnel n’est toujours pas atteint, on peut recourir à une trithérapie, qui comportera idéalement l’association d’un bloqueur du système rénine-angiotensine (IEC ou ARA2), d’un inhibiteur calcique et d’un diurétique thiazidique, sauf indication préférentielle d'une autre classe thérapeutique et/ou mauvaise tolérance.

Dans tous les cas, il est recommandé d’évaluer régulièrement l’adhésion aux mesures hygiéno-diététiques et au traitement médicamenteux. L’adhésion est favorisée par l’utilisation d’associations fixes.

Le plus souvent, une mesure tensionnelle à domicile est nécessaire pour évaluer l’efficacité du traitement. Elle est recommandée avant chaque modification thérapeutique.

Par quelle classe médicamenteuse débuter ?

Il est recommandé de débuter un traitement pharmacologique : diurétique thiazidique, inhibiteur calcique, inhibiteur de l'enzyme de conversion (IEC) ou antagoniste des récepteurs de l'angiotensine 2 (ARA2), par une monothérapie, au mieux en monoprise. Les bêtabloquants peuvent être utilisés comme antihypertenseurs mais ils semblent moins protecteurs que les autres classes thérapeutiques vis-à-vis du risque d’accident vasculaire cérébral.

Au sein d'une même classe, il existe des différences pharmacologiques (durée d’action notamment) entre les médicaments pouvant avoir des conséquences sur l'efficacité et la tolérance. Ces éléments doivent être pris en considération dans le choix du médicament.

Comme pour tout traitement, la prescription des antihypertenseurs doit être établie en DCI.

Les antihypertenseurs génériques en France ont une efficacité comparable aux produits princeps. Il est souhaitable de ne pas changer de marque en cours de traitement afin de réduire le risque d’erreur de prise par le patient.

La persistance[2] du traitement est plus élevée avec les ARA2 ou les IEC, moindre avec les inhibiteurs calciques et plus faible encore avec les diurétiques thiazidiques et les bêtabloquants.

En cas d’HTA sévère confirmée (PAS > 180mmHg et/ou PAD > 110mmHg), il est recommandé d’instaurer sans délai un traitement pharmacologique.


[2] Persistance : action de continuer le traitement sur une certaine durée selon la prescription initiale

Chez le patient dont la PA est contrôlée à 6 mois

Organisation du suivi après 6 mois de prise en charge

Une consultation de suivi auprès du médecin généraliste est proposée tous les 3 à 6 mois. Elle s’inscrit aussi dans le cadre d’une démarche d’éducation thérapeutique à laquelle le pharmacien ou l’infirmier peut être associé.

Cette consultation a pour objectif de rechercher les symptômes, de surveiller le niveau tensionnel, et d’évaluer la tolérance et l’adhésion au traitement médicamenteux et aux mesures hygiéno-diététiques.

La surveillance tensionnelle comprend la mesure de la PA au cabinet médical, et l’analyse de mesures tensionnelles récentes faites au domicile.

La recherche d’une hypotension orthostatique est recommandée chez tous les patients hypertendus, plus fréquemment chez les patients diabétiques, parkinsoniens ou âgés. L’hypotension orthostatique, ressentie ou non par le patient, est associée au déclin cognitif et constitue un facteur de risque de morbi-mortalité cardio-vasculaire et de chute.

Cette consultation a aussi pour but de rappeler les règles pratiques de l’AMT et de renforcer l’adhésion du patient au traitement (rappel du but et des objectifs de la prise en charge).

Un contrôle biologique (Na, K, créatininémie, recherche de protéinurie quelle que soit la méthode) est souhaitable tous les 1 à 2 ans, ou plus fréquemment en cas de diabète, d’insuffisance rénale, de protéinurie, d'HTA mal contrôlée, de décompensation cardiaque ou d’autres événements intercurrents (pouvant par exemple entraîner une hypovolémie). Cette surveillance doit être plus fréquente chez le sujet âgé.

En l’absence de diabète ou de dyslipidémie, un contrôle biologique (glycémie à jeun et exploration d’une anomalie lipidique [EAL] est souhaitable tous les 3 ans.

Un ECG est justifié tous les 3 à 5 ans, ou plus fréquemment en cas de symptômes cardiaques ou de cardiopathie sous-jacente.

Adaptation de l’ensemble des traitements du patient hypertendu après 6 mois

Chez la plupart des patients hypertendus, l’objectif tensionnel ciblé est une PA systolique comprise entre 130 et 139 mmHg et une PA diastolique < 90 mmHg à 6 mois au cabinet médical.

Cependant, la PA systolique optimale n’est pas connue avec certitude et au-delà de la période de 6 mois, des objectifs tensionnels plus ambitieux pourraient être proposés. Des données récentes suggèrent en effet que la PAS optimale pourrait
être plus basse que 130 mmHg, voire de l’ordre de 120 mmHg chez certains patients[1]

Le traitement antihypertenseur peut être allégé chez les patients ayant une hypotension orthostatique persistante, en cas de perte de poids par dénutrition ou chez certains patients fragiles.

Il est recommandé de toujours évaluer la pertinence et la tolérance des médicaments prescrits, antihypertenseurs ou non, chez le patient hypertendu : certains médicaments (AINS, corticoïdes, antidépresseurs IMAO et IRSNA, neuroleptiques, antiparkinsoniens, médicaments utilisés pour l’adénome de la prostate) peuvent augmenter les chiffres de PA ou favoriser la survenue d’une hypotension orthostatique.

Les profils de tolérance des médicaments doivent être connus afin d’individualiser la recherche d’une iatrogénie.

Certaines interactions médicamenteuses doivent être recherchées, comme l’association de médicaments bradycardisants avec les bêtabloquants (risque supplémentaire de bradycardie) ou les AINS avec les IEC (ou les ARA2) et les diurétiques qui exposent à un risque d’insuffisance rénale aiguë.

La prise de médicaments antihypertenseurs (notamment IEC, ARA2 et diurétiques) peut être arrêtée (le plus souvent de façon temporaire), devant la constatation d’une hypovolémie marquée ou après un événement intercurrent, notamment chez la personne âgée (épisode de diarrhée, toute situation de déshydratation et/ou infection, etc.). Un ionogramme sanguin et une créatininémie avec débit de filtration glomérulaire estimé sont alors à réaliser.

Que faire face à une dissociation entre une PA normale au cabinet médical et une PA anormale en ambulatoire ? Prise en charge de l’HTA masquée ou ambulatoire isolée

Chez un patient traité pour HTA, la constatation d’une PA normale au cabinet médical avec un appareil oscillométrique et anormale en AMT ou en MAPA est appelée « HTA masquée » ou « HTA ambulatoire isolée ».

L’HTA masquée est plus fréquente chez le patient diabétique. Cette situation est associée à un risque cardio-vasculaire accru par rapport au patient normotendu (PA normale au cabinet médical et en dehors). Cependant, sa prise en charge n’est pas à ce jour consensuelle, et nécessite souvent un avis spécialisé, notamment en cas d’atteinte d’un organe cible (par exemple protéinurie ou hypertrophie ventriculaire gauche, etc.).

Chez le patient dont la PA n'est pas contrôlée à 6 mois

Vérification du contrôle tensionnel en dehors du cabinet médical

À 6 mois, si la PA de consultation n’est pas contrôlée, il est recommandé de réaliser une AMT ou une MAPA. C’est seulement lorsque la PA n’est pas à l’objectif en AMT ou MAPA que l’on peut parler d’HTA non contrôlée.

Réévaluation de l’efficacité, des facteurs de résistance et de la tolérance du traitement antihypertenseur

Lorsqu’une trithérapie est nécessaire, la trithérapie optimale associe le plus souvent un IEC ou un ARA2, un diurétique thiazidique et un inhibiteur calcique, tous à doses optimales.

Une HTA résistante est définie par une PA non contrôlée malgré les mesures hygiéno-diététiques et une trithérapie comportant un diurétique thiazidique à dose optimale. 

Il est recommandé d’évaluer si les médicaments prescrits sont réellement pris par le patient.

La vérification de l’adhésion est toujours difficile, mais peut être facilitée par les informations recueillies auprès du pharmacien, des autres professionnels de soins (infirmier, etc.) et de l’entourage du patient. Une coopération pluri-professionnelle est encouragée.

L’adhésion peut être évaluée par exemple :

  • en utilisant des questionnaires dédiés (précisant les difficultés de prise, recherchant les effets secondaires du traitement) ;
  • en recherchant un ralentissement de la FC sous bêtabloquant ou calciumbloquant bradycardisant.

Il est recommandé de rechercher à l’interrogatoire des facteurs de résistance au traitement (apport sodé excessif identifié par une natriurèse > 200 mmol/j, consommation excessive d’alcool, dépression, interactions médicamenteuses, SAHOS[2]) et la non-adhésion au traitement.

Après vérification de tous ces éléments, le recours à un avis spécialisé est recommandé en présence d’une HTA résistante.

Avis spécialisé pour HTA résistante et complications liées à l’HTA

Il est recommandé de recourir à un avis spécialisé pour rechercher une HTA secondaire, évaluer l’atteinte des organes cibles de l’HTA et déterminer la meilleure stratégie de traitement.

Les explorations habituellement utilisées dans l’exploration de l’HTA résistante par les spécialistes de l’HTA (pouvant être cardiologues, néphrologues, endocrinologues, internistes, etc.) peuvent comprendre selon les cas : dosage  de l’aldostérone et de la rénine plasmatiques, dosage des métanéphrines et normétanéphrines urinaires, dosage du cortisol libre urinaire ou du cortisol plasmatique après test à la dexaméthasone, recherche de mutations génétiques, écho-Doppler des artères rénales, angio-TDM abdominale, polygraphie ou polysomnographie nocturne.

D’autres situations peuvent aussi nécessiter le recours à un spécialiste de l’HTA ou à un centre de référence, notamment : le développement d’une atteinte des organes cibles (par exemple : insuffisance rénale [protéinurie] ou HVG), la présence d’une complication cardio ou cérébro-vasculaire ou la persistance d’une hypotension orthostatique ou son origine possiblement neurogène (par exemple suspectée devant une hypotension orthostatique sans accélération de la FC).

Adaptation du traitement antihypertenseur

En cas de persistance d’une HTA résistante et après avoir éliminé une HTA secondaire, chez les patients de moins 80 ans, un quatrième médicament antihypertenseur peut être ajouté.

Ce médicament est habituellement la spironolactone (12,5 à 50 mg/j), sauf en cas d’insuffisance rénale sévère (DFG < 30 ml/min/1,73 m2), à arrêter en cas de risque de déshydratation avec une surveillance du Na et du K plasmatiques et de la créatinine plasmatique. À défaut ce médicament peut être un bêtabloquant.

Chez les patients insuffisants rénaux au stade 4 ou 5 (DFG <30 ml/min/1,73m²), le diurétique thiazidique doit souvent être remplacé par un diurétique de l’anse, à une dose adaptée à la fonction rénale et à l’état d’hydratation du patient.

Évaluation et utilisation de technologies nouvelles (dénervation rénale, stimulation du barorécepteur carotidien, etc.)

Des techniques nouvelles comme la dénervation rénale et la stimulation du barorécepteur carotidien sont en cours d’évaluation. La pratique de ces techniques doit être réservée à des centres spécialisés (centre d’excellence européen en HTA ou centres associés notamment)[3] pour des patients ayant une HTA résistante qui ont bénéficié d’une évaluation approfondie.


[1] (Ref NEJM 2015 Sprint et Lancet 2016 ETTEHAD) 
[2] SAHOS : syndrome d’apnées-hypopnées obstructives du sommeil 
 
Algorithme HTA v3 
 

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