Techniques de reconstruction mammaire autologues, alternatives aux implants mammaires

Evaluation des technologies de santé - Mis en ligne le 27 janv. 2020 - Mis à jour le 27 janv. 2020

La HAS a évalué sept techniques de reconstruction mammaire autologue par lambeau musculocutané ou septocutané après chirurgie non conservatrice du sein (mastectomie), actuellement réalisées en France mais non prises en charge par l’Assurance maladie (étude de leur efficacité et leur sécurité ainsi que des modalités de leur réalisation) afin de proposer de les inscrire si l’analyse est favorable

Elle a réévalué d’autre part certains points de trois techniques autologues déjà remboursées, afin de proposer une éventuelle modification de leurs conditions d’inscription

Objectif

L’objectif est d’élargir l’offre de soins proposée aux femmes en reconstruction mammaire (RM) en dehors des implants mammaires (IM), par des techniques strictement autologues.

La HAS a réalisé cette évaluation à la demande du Ministère de la santé qui souhaite accroître l’offre de soins remboursés à proposer aux femmes en contexte carcinologique, dans une situation de diminution de l’offre de reconstruction par IM en France, avec l’apparition de cas de lymphomes anaplasiques à grandes cellules et le retrait du marché des IM macro-texturés et à surface recouverte de polyuréthane.

L’évaluation a porté d’une part, sur l’efficacité et la sécurité, ainsi que sur les conditions de réalisation de sept techniques autologues non encore remboursées en France (avec des lambeaux libres situés dans la cuisse [deux], la fesse [trois], dans l’abdomen [un] et avec le lambeau pédiculé thoracodorsal), et d’autre part, sur des aspects particuliers de trois techniques déjà remboursées (autogreffe de tissu adipeux : sécurité oncologique lors d’une réalisation sur sein controlatéral et sécurité anesthésique lors de la réalisation de séances multiples ; reconstruction par lambeau de grand dorsal : distinction à apporter entre les différentes modalités ; dédoublement du sein restant : indications résiduelles en 2019).

Résultats

L’analyse de la littérature a montré que les études originales sont majoritairement rétrospectives, non comparatives, monocentriques, de faible effectif, ayant inclus des populations assez hétérogènes et/ou décrivant les premiers résultats d’une équipe chirurgicale. Il s’agit donc d’études à risque élevé de biais et de faible niveau de preuve. Des méta-analyses n’ont été retrouvées que sur l’autogreffe de tissu adipeux.

Le groupe de travail a apporté son avis argumenté d’experts sur les différents volets de l’évaluation, au regard des pratiques françaises.

Sur la base de ces données (littérature et avis d’experts), il est conclu que :

1) Les techniques par lambeaux autologues suivantes constituent des techniques chirurgicales pouvant être proposées :

  • le lambeau libre abdominal de l’artère épigastrique inférieure superficielle (SIEA), indiqué uniquement si les données d’imagerie préopératoire montrent des vaisseaux épigastriques inférieurs superficiels de meilleure qualité que les vaisseaux épigastriques inférieurs profonds ;
  • les lambeaux libres cruraux, lambeau transverse musculocutané de gracilis à palette transversale (TMG) et lambeau perforant fasciocutané de l’artère profonde de la cuisse (PAP), proposés en priorité aux femmes (généralement assez jeunes et minces) en reconstruction immédiate, y compris bilatérale au décours d’une mastectomie prophylactique ;
  • le lambeau pédiculé fasciocutané thoracodorsal (TDAP), sans implant mammaire, qui épargne totalement le muscle grand dorsal (LD) grâce à une dissection fine et experte ;
  • les techniques autologues mini-invasives du lambeau musculocutané pédiculé de LD (LDA), en particulier la technique MSLD (muscle-sparing) épargnant très largement le muscle.

2) La reconstruction par lambeau musculocutané pédiculé de muscle LD autologue sans pose d’implant mammaire doit être distinguée dans l’offre de soins, de cette même technique mais avec pose d’implant mammaire.

3) La technique par dédoublement du sein restant ne doit plus faire partie des techniques à proposer aux femmes souhaitant une reconstruction.

4) Les techniques par lambeaux libres glutéaux (dont SGAP, IGAP et FCI) ne doivent pas être ajoutées aux techniques à proposer.

5) L’autogreffe de tissu adipeux peut être utilisée lors de la symétrisation du sein controlatéral au décours d’une chirurgie carcinologique mammaire reconstructrice ou oncoplastique, dans les conditions suivantes :

  • patiente en demande de cette injection dans le sein controlatéral pour parfaire sa RM ;
  • proposition ne pouvant être faite par le seul chirurgien mais avec l’appréciation favorable d’un autre médecin, en particulier l’oncologue qui suit la patiente ;
  • existence d’un bilan préopératoire complet, mammographique et échographique, mais également par IRM (notamment après tumorectomie) normal et datant de moins de trois mois ;
  • absence de prédispositions génétiques, familiales ou personnelles au cancer du sein ;
  • traitement oncologique réalisé de façon optimale au regard des protocoles recommandés ;
  • patiente informée d’un risque carcinologique résiduel potentiel, non estimable actuellement en l’absence de données.

Les séances d’autogreffe de tissu adipeux, largement utilisée en RM, en complément de toute autre technique de reconstruction ou de façon exclusive, respectent les conditions suivantes :

  • séances devant être espacées au minimum de 2 à 3 mois ;
  • nombre total d’injections dépendant du contexte chirurgical, ne devant pas dépasser six séances, y compris en technique exclusive de RM sur peau irradiée ;
  • poursuite des séances devant être discutée avec la patiente.

Les conditions optimales de réalisation des techniques autologues, définies en partie dans la littérature, essentiellement par l’analyse des bases de remboursement et par l’avis d’experts, consistent en :

1) Pour ce qui est des techniques par lambeau libre :

  • double équipe chirurgicale pour opérer simultanément sur les deux sites opératoires ; chacune formée et expérimentée dans ce type de chirurgie et comprenant au moins un chirurgien et une aide opératoire, un des chirurgiens étant titulaire d’une formation à la microchirurgie et devant être accompagné d’un instrumentiste (IBODE) ;
  • besoin en personnel chirurgical plus important en cas de RM bilatérales (trois à quatre chirurgiens), avec occupation plus longue du bloc opératoire (au minimum 8 heures) ;
  • nécessité de disposer de lunettes loupes et de microscope opératoire, ainsi que, si possible, d’appareillage permettant une évaluation de la perfusion du lambeau (utilisation du vert d’indocyanine) ; en préopératoire, en fonction de la localisation du lambeau à prélever, nécessité d’un examen d’imagerie pour visualiser la vascularisation anatomique ;
  • nécessité d’un suivi postopératoire renforcé pendant les 24 premières heures, en unité de surveillance continue (USC) par le personnel infirmier toutes les heures ou bien (uniquement en RMD) en salle de surveillance post-interventionnelle (SSPI) pendant 6 heures avec un système automatisé (sondes ou échographe) puis en chambre avec maintien de ce système et surveillance par le personnel infirmier toutes les 2 heures ;
  • organisation de l’établissement permettant un accès en urgence au bloc opératoire pour réintervention décidée notamment au vu de signes détectés par la surveillance décrite ci-dessus ;
  • durée moyenne d’hospitalisation de 5 à 7 jours, et jusqu’à 10 jours pour une RM bilatérale.

2) Pour ce qui est des techniques par lambeau pédiculé issu du pédicule thoracodorsal :

  • durée moyenne d’hospitalisation de 3 à 4 jours pour les techniques mini-invasives, ainsi que pour les techniques de LD non mini-invasives si une prise en charge analgésique par bloc nerveux a été faite en pré-anesthésie (et de 6 jours dans le cas contraire), avec sortie possible en HAD ou avec IDE à domicile ;
  • pour la technique de TDAP, lors de l’étape de dissection plus longue visant à épargner le muscle, nécessité de lunettes loupes et d’un instrumentiste.

3) Dans le contexte actuel qui encourage les reconstructions immédiates, incluant les situations de mastectomies prophylactiques, il est souhaitable de les distinguer des reconstructions différées pour prendre en compte la multiplicité des actes carcinologiques et reconstructeurs effectués dans le même temps opératoire.

Conclusion / préconisations

Cette évaluation permet de recommander l’inscription au remboursement des techniques autologues de reconstruction du sein, SIEA, TMG, PAP, TDAP et LDA mini-invasif (MSDL), de définir leurs conditions de réalisation, et de sécuriser la réalisation de l’autogreffe de tissu adipeux, afin d’élargir l’offre de soins remboursés à proposer aux femmes, et également de suivre l’évolution des pratiques en France.

Il est par ailleurs préconisé que le choix entre les différentes modalités de reconstruction mammaire repose sur une décision médicale partagée entre les professionnels de santé et la patiente. Cette décision doit se fonder sur une information claire et loyale de celle-ci sur l’ensemble des techniques disponibles, tout en lui présentant les spécificités au regard de sa condition personnelle (morphotype, critères carcinologiques et médicaux, âge, etc.). Des documents destinés aux femmes seront réalisés dans cette optique.

Méthode

Ce travail a suivi une méthode standard d’évaluation se fondant sur :

  • l’analyse critique des données de la littérature identifiées après une recherche documentaire systématique puis sélectionnées sur des critères explicites ;
  • la position argumentée d’un groupe de travail pluridisciplinaire constitué d’experts, professionnels de santé impliqués dans la RM (chirurgien plasticien, chirurgien gynécologue et/ou oncologue, anesthésiste, infirmier de bloc opératoire, oncogénéticien, des secteurs privé et public) et de patientes ;
  • l’analyse des bases d’activité et de remboursement pour connaître les durées de séjours d’hospitalisation des femmes pour reconstruction du sein.

Dans un second temps, la HAS a recueilli lors d’une phase de relecture du rapport provisoire

  • les remarques de l’Institut National du Cancer (INCa) ;
  • le point de vue des Conseils nationaux professionnels (CNP) et des sociétés savantes concernés, interrogés comme parties prenantes, sur la clarté et la lisibilité et la cohérence du rapport.

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