La participation des patients aux dépenses de santé dans cinq pays européens

Public Health guideline - Posted on Oct 09 2007

Résumé opérationnel

Ce rapport propose une analyse des mécanismes de participation financière aux dépenses de santé des patients dans cinq pays européens : l’Allemagne, la Belgique, les Pays-Bas, la Suède et la Suisse.
L’organisation générale du système de santé est très différente selon les pays :

  • des systèmes largement bismarckiens en Allemagne et en Belgique ;
  • des systèmes dans lesquels tout ou partie de l’assurance maladie obligatoire est gérée par des assureurs privés aux Pays-Bas et en Suisse ;
  • un système national de santé décentralisé en Suède.

De plus, les sources de financement des dépenses de santé sont aussi relativement différentes selon les pays.
Ces cinq systèmes ont toutefois pour point commun d’offrir à la population un accès relativement large aux soins et aux produits de santé : le « panier de soins » est comparable dans ces pays. Les différences observées en termes de répartition des dépenses entre acteurs ne traduisent donc pas un désengagement du secteur public (au sens large) pour certains types de biens et services mais des différences en termes de participation financière des patients.

Dépenses de santé par têtes (Euros)

Dépenses de santé par têtesSource : Éco-Santé OCDE, 2006 


Ces cinq systèmes ont toutefois pour point commun d’offrir à la population un accès relativement large aux soins et aux produits de santé : le « panier de soins » est comparable dans ces pays. Les différences observées en termes de répartition des dépenses entre acteurs ne traduisent donc pas un désengagement du secteur public (au sens large) pour certains types de biens et services mais des différences en termes de participation financière des patients.


Le recours aux dépenses privées des ménages pour financer les soins est généralisé dans les pays étudiés.

Dans les cinq pays étudiés, une participation financière des patients a été instaurée (plus ou moins récemment). Cette participation prend quatre formes principales :

  • le copaiement : le patient paie un montant forfaitaire pour chaque bien ou service consommé, indépendamment du coût réel (par exemple, 5 euros par consultation) ;
  • la franchise (« deductibles ») : le mécanisme de couverture des dépenses de santé n’intervient qu’à partir du moment où les dépenses cumulées des patients dépassent le montant de la franchise. En deçà de ce montant, les patients supportent la totalité de leurs dépenses. Les franchises sont le plus souvent définies sur des périodes de 12 mois ;
  • le ticket modérateur : le patient paie une proportion du coût total, le reste étant à la charge de l’assureur ou du financeur public ;
  • le tarif de référence : l’assurance ou le financeur public prend en charge un montant fixe, les patients devant payer la différence entre ce montant et le prix réellement facturé.


Les mécanismes de participation financière

  Soins hospitaliers Consultations généralistes Consultations spécialistes Médicaments Franchise Tous biens et services
Allemagne Copaiement : 10€ par jour 10€ par trimestre 0 si adressage par MG 5€ + TM 10 % (jusqu'à 55€) Prix de référence Non
Belgique Copaiement : 28€ à l'admission puis 13€ par jour TM 30 % TM 40 % TM de 0 à 80 % Non
France Copaiement : 16€ par jour + TM 20 % si le prix de l'acte est inférieur à 91€ ou copaiement 18€ sinon TM 30 % + De 1 à 2,5€ par consultation TM 30 % + De 1 à 2,5€ par consultation TM de 0 à 85 % Prix de référence Non
Pays-Bas 0 0 0 Prix de référence De 0 à 500€
Suède Copaiement : 9€ par jour Copaiement : 11 à 17€ Copaiement : 22 à 34€ Franchise 100€ puis TM jusqu'à 478€ de dépenses cumulées Non
Suisse Copaiement : 6,2€ par jour TM 10 % TM 10 % TM 10 % ou 20 ù DE 187€ à 1 543€

À l’exception des Pays-Bas où la participation financière des patients est limitée à une franchise annuelle (optionnelle) et à l’application de prix de référence pour les médicaments, la plupart des pays ont recours à des mécanismes de participation différents selon le type de biens ou de services de santé.

Lorsque les modalités et le montant de la participation financière des patients sont différenciés en fonction du type de services et de biens, cet instrument modifie la structure de la consommation. Quel instrument ?

Les évaluations disponibles de la participation financière des patients en Allemagne met en évidence un impact sur les parcours de soins. Les patients qui consultent un spécialiste après avis de leur médecin généraliste sont exonérés de franchise et, selon les dernières estimations de l’Association fédérale des médecins, une diminution de 8,7 % du nombre de cas traités a été enregistrée pour l’ensemble de l’année 2004, avec une très forte baisse pour les opticiens, chirurgiens, gynécologues, ORL, dermatologues, orthopédistes et urologues. La moindre réduction de l’activité des médecins généralistes montre que les assurés se rendent en premier lieu chez leur généraliste, et un contact inutile avec un médecin spécialiste est ainsi évité.

Par ailleurs, en Suisse, malgré un reste à charge relativement élevé, on considère que la demande n’est guère limitée et qu’il conviendrait de reconsidérer le schéma actuel de participation aux coûts. Les principales critiques portent sur la structure uniforme de la participation aux coûts alors même que l’élasticité-prix des services, le rapport coût-efficacité et les besoins cliniques sont différents. En conséquence, on attend actuellement des politiques de participation qu’elles orientent la consommation vers les soins les plus appropriés (par exemple, en faveur des services de prévention à efficacité clinique prouvée) et qu’elles découragent les consommations moins souhaitables et plus onéreuses (par exemple, le recours aux princeps quand il existe des génériques).

La Belgique envisage aussi d’avoir recours à ce type de mesure : d’une part, en modulant la participation financière des patients pour l’accès aux urgences hospitalières – un patient adressé par un médecin généraliste ou présentant des critères objectifs de réelle urgence payant un copaiement moins élevé qu’un autre – et, d’autre part, en durcissant les conditions de remboursement de certaines spécialités thérapeutiques telles que les antibiotiques, avec toutefois une responsabilisation en amont par le biais de campagnes d’information des assurés et des prescripteurs.


Les dépenses à la charge des ménages au titre de la participation financière de la demande sont plafonnées dans tous ces pays. Ce plafonnement est un élément essentiel de l’évaluation des dispositifs de participation financière de la demande en termes d’équité.

Dans l’ensemble des pays étudiés, il existe des mécanismes de protection des ménages qui permettent de pallier les effets indésirables des politiques de participation financière de la demande (en termes d’équité entre malades et bien portants ou en termes de charge financière entre riches et pauvres).

Des plafonds annuels de dépenses (forfaitaire ou fonction du revenu) existent dans les cinq pays, associés, à part aux Pays-Bas, à des mécanismes ciblés (en fonction de l’âge, de l’état de santé ou pour les femmes enceintes).

Les mécanismes de protection

Pays Mécanismes de protection ciblés Mécanismes de protection généraux
Allemagne En fonction de l’état de santé : maladies chroniques
En fonction de l’âge
Dispositif spécifique pour les femmes enceintes
Plafonds proportionnels au revenu
Plafond annuel de dépenses pour les soins hospitaliers
Belgique En fonction de l'état de santé : maladies chroniques
En fonction de l'âge
Plafonds proportionnels au revenu
France En fonction de l'état de santé : maladies chroniques
En fonction du statut : femmes enceintes, invalides, accidents du travail, etc.
Néant
Pays-Bas Néant Plafond annuel de dépenses
Suède* En fonction de l'âge
Dispositif spécifique pour les femmes enceintes
Plafond annuel de dépenses
Suisse En fonction de l'âge
Dispositif spécifique pour les femmes enceintes
Plafond annuel de dépenses
* Règles nationales



Ce plafonnement a un impact sur le marché de l’assurance maladie volontaire et délimite le champ d’intervention d’une assurance de type complémentaire.

L’existence de mécanismes institutionnels de protection des individus modifie très nettement les risques auxquels sont confrontés ces individus. Dans les cinq pays étudiés, la participation financière des patients¹ est plafonnée, indépendamment des caractéristiques individuelles autres que celles qui sont liées au revenu. Par exemple, tout citoyen suédois est assuré de ne pas avoir, à sa charge, une dépense de santé annuelle supérieure à 522 euros ; en Allemagne, les dépenses privées des ménages affectées à la santé ne peuvent pas dépasser 2 % du revenu annuel des ménages…

L’intervention des assurances maladies de type complémentaire (i.e. couvrant le reste à charge) est donc relativement réduite par rapport à la situation prévalant en France. À l’exception de la Belgique, cette intervention est même très limitée dans les pays étudiés : elle est interdite en Suisse (en raison de son impact en termes de responsabilisation des patients) ; très marginale en Allemagne et limitée à des services peu couverts comme les prothèses dentaires ; inexistante aux Pays-Bas et en Suède.

Pour autant, il existe un marché pour une assurance privée volontaire dans ces pays, ce marché étant orienté vers une assurance « duplicative », qui donne accès à un circuit totalement privé² ou vers une assurance « supplémentaire », qui offre une garantie pour des biens et services exclus du panier de soins pris en charge par l’assurance obligatoire.


¹ Il faut noter que seule la participation financière des patients est plafonnée. Les dépenses liées à la consommation de biens et services médicaux qui ne sont pas inclus dans le panier de soins ne sont pas prises en compte dans ce calcul. 

² Ce type d’assurance permet ainsi dans les systèmes nationaux de santé d’avoir accès à une offre privée, qui permet de contourner les listes d’attente du secteur public.


Typologie de l’assurance maladie privée et plafonds du reste à charge

  Plafond annuel de dépenses Type d'assurance maladie privée Part des assurances privées dans les dépenses totales de santé*
Allemagne 2 % du revenu annuel des ménages Supplémentaire
Complémentaire (interdite pour les médicaments)
8,8 %
Belgique 450€ à 1 800€ Supplémentaire
Complémentaire
3,4 %
France Aucun Complémentaire 12,2 %
Pays-Bas 0€ à 500€ Supplémentaire 17,9 %
Suède 522€ Duplicative 1,7 %
Suisse 600€ à 2 000€ Supplémentaire 9 %

* Source : Éco-Santé OCDE, 2006 – données 2003.

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