Stratégie de vaccination pour la prévention des infections invasives à méningocoques : Le sérogroupe B et la place de BEXSERO®

Recommandation vaccinale - Mis en ligne le 22 juin 2021

En France, les infections invasives à méningocoques du sérogroupe B (IIMB) sont majoritaires. Elles affectent plus particulièrement les nourrissons et les jeunes enfants chez lesquelles elles représentent plus de 70 % des IIM. Leur évolution épidémiologique récente est marquée par la décroissance spontanée de leur incidence entre 2006 et 2013 suivie depuis d’une stabilisation. Le nombre de cas a donc diminué en particulier chez les moins de 5 ans avec, à son apogée, en 2008, 179 cas, pour être réduit de moitié à 88 cas en 2019. Environ 6% des cas ont présenté des séquelles précoces. La létalité des IIM est comprise entre 9 % et 12 % et en 2019, chez les moins de 5 ans, 88 cas des IIM B et 3 décès ont été enregistrés.

La vaccin BEXSERO® a obtenu une autorisation de mise sur le marché (AMM) européenne en 2013 pour l'immunisation active des personnes âgées de 2 mois et plus contre les IIM B. Depuis 2013, l’utilisation de ce vaccin est recommandée à partir de l’âge de 2 mois chez les personnes à risque élevé de contracter une infection invasive à méningocoques (IIM) B et pour des populations ciblées dans le cadre de situations spécifiques (foyers de cas, épidémie, hyperendémie localisée).

Une modification de l’AMM délivrée en juillet 2018 simplifie le schéma de primo-vaccination des nourrissons à 2 doses au lieu de 3 doses et actualise la posologie chez les enfants plus âgés et les adolescents.

Dans le contexte de la modification du schéma de vaccination pour différentes tranches d’âge, de l’évolution épidémiologique, la Haute Autorité de santé (HAS) s’est autosaisie pour évaluer l’opportunité de modifier la stratégie de prévention des IIM B en France et préciser la place de BEXSERO® dans cette stratégie.


A qui s’adresse ces recommandations ?

Elles s’adressent à :

  • Tous les citoyens
  • Tous les professionnels des secteurs de la santé, du médico-social et du social
  • Aux pouvoirs publics


Quels sont les objectifs de cette recommandation ?

  • Préciser la place du vaccin BEXSERO® chez les personnes de 2 mois et plus dans la stratégie de vaccination pour la prévention des infections invasives à méningocoques du sérogroupe B.

Une revue de la littérature depuis la dernière recommandation en 2013 a pris en compte toutes les données publiées sur l'efficacité du vaccin, la sécurité du vaccin, l'acceptabilité de la vaccination et le rapport coût-bénéfice d'un programme de vaccination généralisé chez les nourrissons, y compris les données de tout pays ayant recommandé la vaccination avec BEXSERO® pour toute population cible. Un projet de recommandations a été publié pour consultation publique en janvier 2021, tous les commentaires et suggestions des sociétés savantes, associations et syndicats ont été analysées.

Le rapport d’évaluation présente l’ensemble des éléments pris en considération par la HAS.


Principaux éléments pris en considération

A l’issue de l’ensemble du processus d’évaluation, dont la consultation publique et l’audition des parties prenantes, la HAS a pris en considération les éléments suivants :

  • Concernant les infections invasives méningococciques :
    • La gravité des IIM en termes de morbi-mortalité chez le nourrisson, l’enfant, l’adolescent et l’adulte qui justifie de réinterroger la stratégie de vaccination contre les IIM dès qu’interviennent des évolutions concernant les vaccins ou l’épidémiologie de ces infections ;
    • L’absence actuelle d’alternative préventive des IIM de sérogroupe B chez les nourrissons qui représentent la classe d’âge la plus vulnérable à ces IIM B ;
  • Concernant le vaccin BEXSERO® :
    • L’évolution de l’AMM du vaccin BEXSERO® et des schémas de vaccination depuis la recommandation vaccinale du HCSP en 2013 qui simplifie le recours à la vaccination notamment chez le nourrisson ;
    • Les données concernant l'immunogénicité du vaccin et la persistance des anticorps après la vaccination, qui ne sont pas modifiées par les évolutions des schémas de vaccination de l’AMM ;
    • Les données observationnelles montrant une l'efficacité en vie réelle du vaccin BEXSERO® en Angleterre, au Portugal et en Italie, avec toutefois une incertitude sur le niveau d’efficacité ;
    • Les données épidémiologiques britanniques et la modélisation statistique montrant un impact potentiel de la vaccination par le vaccin BEXSERO® sur la réduction de l'incidence des IIM W au cours des dernières années ;
    • Les données concernant un impact potentiel de la vaccination par BEXSERO® sur d'autres souches de méningocoques ;
    • Les données montrant l'absence d'impact de la vaccination par BEXSERO® sur le portage du méningocoque de sérogroupe B et par conséquent une absence d’impact sur l’immunité de groupe ;
    • L’absence de données récentes publiées sur la couverture potentielle par le vaccin BEXSERO® des souches de méningocoques du sérogroupe B circulant en France alors que des données non publiées mises à disposition de la HAS suggèrent une diminution de cette couverture ;
  • Concernant les IIM B :
    • L’évolution épidémiologique récente des IIM B marquée en France par la décroissance spontanée de leur incidence entre 2006 et 2013 suivie depuis, d’une stabilisation à un niveau comparable à celui atteint au Royaume-Uni après 3 années de déploiement de la vaccination généralisée chez le nourrisson ; situation non expliquée ni par les recommandations vaccinales concernant le BEXSERO® de 2013, ni par la vaccination des nourrissons (qui reste marginale), essentiellement effectuée par les pédiatres libéraux ;
    • Les recommandations publiées par le HCSP en 2013 ayant été rédigées dans le contexte d'un déclin récent de l'incidence des IIM B dans la population générale et le contexte actuel de stabilité relative de l'incidence des IIM B depuis ce déclin sans de menace apparente d’implantation d’une souche spécifique hypervirulente ;
    • L’incidence des IIM B chez les nourrissons restant plus élevée que dans les autres classes d’âge ;
    • La létalité des IIM B plus faible que celles des autres IIM, en particulier du sérogroupe W, y compris chez les jeunes enfants, le nombre annuel de décès chez les enfants de moins de 5 ans étant inférieur à 10 depuis environ 10 ans et inférieur à 5 sur les 3 dernières années ;
    • La mise à jour de l'analyse coût-efficacité menée par le HCSP en 2013 sur des programmes de vaccination systématique des nourrissons et des adolescents prenant en compte les nouvelles données sur l’incidence des IIM mais également le potentiel impact de la vaccination sur les IIM W : les niveaux des rapports coûts-bénéfices mis en évidence par cette analyse venant confirmer que la mise en place d’un tel programme aurait un RDCR élevé, même avec des hypothèses les plus favorables sur les différents paramètres pris en considération ;

Par ailleurs, la baisse importante d’incidence des IIM observée en France pour tous les sérogroupes en 2020 est attribuée aux mesures barrière et aux périodes de confinement pour la prévention de la transmission du virus pandémique SARS-CoV-2. Elle est donc considérée comme conjoncturelle. Cette évolution récente n’a pas été prise en considération pour cette recommandation.

Il est attendu une possible reprise épidémique, des IIM en France à la reprise d’une vie sociale normale. La rapidité, l’importance, l’évolutivité et la distribution en termes de sérogroupes d’une reprise épidémique, étant par définition, inconnues, la surveillance épidémiologique étroite et réactive effectuée par Santé publique France et le CNR permettra de réexaminer rapidement les recommandations ci-dessous et, le cas échéant, de les faire évoluer.

Enfin, la HAS a entendu les arguments développés dans la consultation publique et lors des auditions des parties prenantes concernant notamment :

  • L’insuffisance de données robustes sur les séquelles à long terme des IIM avec leurs conséquences sur l’entourage de l’enfant ;
  • Le risque théorique d’un cycle épidémique à la levée des mesures de contrôle de la transmission du SARS-CoV-2, ayant entrainé une réduction de la circulation des méningocoques susceptible d’avoir diminué le niveau d’immunité de la population vis-à-vis des méningocoques ;
  • L’impact des inégalités sociales de santé sur la fréquence et le délai à la prise en charge de l’infection ;
  • Les difficultés créées par la disponibilité d’un vaccin non accessible aux catégories sociales les plus précaires.


Recommandations :

Sur la base de l’ensemble des éléments considérés ci-dessus, la HAS recommande :

  • De prendre en compte les modifications relatives aux schémas de vaccination de la population introduites par l'autorisation européenne de mise sur le marché (AMM) de BEXSERO® ;
  • De vacciner tous les nourrissons, qui représentent la classe d’âge la plus vulnérable à ces IIM B, en utilisant BEXSERO® selon le schéma de l’AMM. Cette recommandation de vaccination généralisée vise à favoriser une possible protection individuelle de tous les nourrissons qui persisterait jusqu’à l’âge de 4 ans (selon les données disponibles) et permet de lever la barrière financière, qui est l’une des sources d’inégalité d’accès à la vaccination.

La HAS souligne le coût élevé de cette vaccination au regard des bénéfices collectifs attendus ; à ce titre, une forte diminution du prix du vaccin apparaît ainsi légitime.

La HAS rappelle que la vaccination des nourrissons n’exonère pas pour les sujets contacts de cas sporadiques d’IIM B, de la chimioprophylaxie antibiotique qui reste le moyen le plus efficace de prévention de cas secondaires.

La HAS maintient par ailleurs les autres recommandations préexistantes, ainsi

  • pour les personnes à risque de contracter une IIM.

La vaccination des populations particulièrement exposées ou à risque telles que définies dans les recommandations publiées par le HCSP en 2013.  La HAS prend en compte l’existence d’un nouveau traitement antiC5 et introduit la vaccination de l’entourage familial des personnes à risque élevé d’IIM et le rappel à 5 ans pour les patients de plus de 2 ans présentant un risque continu d’exposition à une infection méningococcique.

La HAS recommande donc que le vaccin BEXSERO® soit mis à la disposition des groupes de population suivants, selon les indications présentées dans l'autorisation européenne de mise sur le marché :

  • les personnels des laboratoires de recherche travaillant spécifiquement sur le méningocoque ;
  • les personnes porteuses d’un déficit en fraction terminale du complément ou qui reçoivent un traitement anti-C5 notamment les personnes qui reçoivent un traitement par eculizumab (SOLIRIS®) ou ravulizumab (ULTOMIRIS®). Les personnes vaccinées dans le cadre d’une affection médiée par le complément doivent faire l’objet d’une surveillance post vaccinale du fait de la survenue possible d’une hémolyse ;
  • les personnes porteuses d’un déficit en properdine ;
  • les personnes ayant une asplénie anatomique ou fonctionnelle ;
  • les personnes ayant reçu une greffe de cellules souches hématopoïétiques ;
  • l’entourage familial des personnes à risque élevée des IIM ;
  • les enfants de plus de 2 ans, les adolescents et les adultes présentant un risque continu d’exposition à une infection méningococcique recevront une injection de rappel tous les 5 ans.

 

Pour des populations ciblées dans le cadre de situations spécifiques :

La vaccination est recommandée dans les deux situations suivantes :

  • grappes de cas définies par la survenue d’au moins 2 cas des IIM B :
    • dans une même collectivité ou un même groupe social ;
    • dans un délai ≤ à 4 semaines ;
    • et survenus et rattachables à des souches identiques couvertes par le vaccin BEXSERO® ou ne pouvant être différenciées.
    • situations épidémiques :
    • définies par les critères d’alerte épidémique;
    • et liées à une souche couverte par le vaccin BEXSERO®.

La HAS recommande également que la vaccination soit envisagée par un groupe multidisciplinaire d'experts au niveau national ou local dans les situations suivantes :

  • grappes de cas définies par la survenue d’au moins 2 cas des IIM B :
  • dans une même collectivité ou un même groupe social ;
  • dans un intervalle de temps > à 4 semaines et ≤ à 3 mois ;
  • survenus et rattachables à des souches identiques couvertes par le vaccin BEXSERO® ou ne pouvant être différenciées.
  • situations d’hyperendémie, correspondant à l’installation progressive et potentiellement durable d’un clone dans une zone géographique, le plus souvent infra-départementale : des critères d’alerte ont été proposés par Santé publique France et ont fait l’objet d’une validation par la Direction générale de la santé, puis d’une intégration dans une version actualisée de l’instruction de la Direction générale de la santé.

La HAS recommande aux personnes qui ont commencé un programme de vaccination avec BEXSERO® de le poursuivre avec BEXSERO®, les vaccins BEXSERO® et TRUMEMBA® n’étant pas interchangeables.


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Commission technique des vaccinations