Objectif

L’Union nationale des caisses d’assurance maladie (UNCAM) a saisi la HAS en vue de rendre un avis sur l’état de l’art de la pratique anesthésique pour l’ensemble des actes chirurgicaux portant sur le cristallin.

Au regard du contexte général de cette évaluation deux questions principales ont été retenues pour cette évaluation :

  • question n°1 : définir les indications et non-indications de chacune des techniques d’anesthésie des actes chirurgicaux portant sur le cristallin ;
  • question n°2 : déterminer les conditions de réalisation et l’environnement requis dans le cadre de la prise en charge anesthésique des actes chirurgicaux portant sur le cristallin.


Méthode

Cette évaluation a été réalisée en suivant la méthode standard d’évaluation qui se fonde sur :

  • la recherche documentaire systématique et l’analyse des données de la littérature synthétique (rapports d’évaluation technologique, méta-analyses, revues systématiques), des études contrôlées randomisées identifiées, et des séries de patients, cohortes, et textes règlementaires pour les conditions de réalisation et les questions organisationnelles ;
  • la consultation d’un groupe de travail pluridisciplinaire constitué de professionnels de santé (secteur privé et public) ;
  • le recueil du point de vue des organismes professionnels (Conseil national professionnel d’ophtalmologie, Conseil national professionnel d’anesthésie-réanimation, Collège de la pharmacie d’officine et de la pharmacie hospitalière, Collège infirmier Français), interrogés comme parties prenantes ;
  • la HAS n’a pas identifié d’associations de patients œuvrant spécifiquement dans le domaine de la cataracte et susceptibles de proposer des représentants d’usagers au groupe de travail ou de nommer un représentant de partie prenante ;
  • la HAS a sollicité la Fédération française de l’assurance fédérant l’ensemble des compagnies d’assurance afin de savoir si des recours ou des plaintes suite à des interventions chirurgicales portant sur le cristallin ont été déposés ;
  • la compilation de ces différents éléments dans un rapport d’évaluation technologique.


Conclusion

Définitions des indications et non-indications des techniques d’anesthésie des actes chirurgicaux portant sur le cristallin

Il ressort de l’analyse des éléments de la littérature retenue et de la position des membres du groupe de travail que :

  • l’anesthésie topique +/- injection intracamérulaire avec ou sans sédation est la technique anesthésique de choix en première intention ;
    • la sédation permet d’améliorer significativement le confort du patient (gestion de l’anxiété) et facilite les gestes du chirurgien en obtenant un relâchement musculaire compensant l’absence d’akinésie,
    • la sédation par voie intraveineuse doit être privilégiée compte tenu de sa meilleure prédictibilité et de son mode d’action plus rapide par rapport à la voie orale, qui la rend compatible avec la pratique ambulatoire. Les effets de la sédation administrée par voie orale sont moins prédictifs, plus longs et peu compatibles avec la prise en charge actuelle en ambulatoire ;
  • l’anesthésie locorégionale est indiquée dans les interventions sur des cataractes nécessitant une durée d’intervention plus importante notamment dans les situations de cataracte compliquée (blanche ou brune), présence de subluxation, ou lorsqu’un geste combiné est planifié. Lorsqu’une anesthésie locorégionale est indiquée, une anesthésie péribulbaire, une anesthésie sous-ténonienne ou une anesthésie caronculaire est préconisée. L’anesthésie rétrobulbaire, compte tenu de ses complications importantes, n’est plus recommandée ;
  • l’anesthésie générale est indiquée chez l’enfant et le jeune adulte, en cas de contre-indication à l’anesthésie locale ou locorégionale, notamment dans les situations suivantes :
    • patient présentant une maladie neurodégénérative (maladie d’Alzheimer, maladie de Parkinson…),
    • patient en incapacité de coopération (surdité partielle ou totale),
    • patient ne pouvant pas rester en décubitus dorsal durant l’intervention,
    • schizophrénie,
    • bronchopneumopathie qui présente un risque de survenue de toux durant l’intervention,
    • enfant et l’adulte jeune,
    • patient monophtalmique,
    • patient présentant une forte anxiété (notamment l’adulte jeune),
    • allergie aux anesthésiques locaux ;

Le choix de la technique d’anesthésie s’appuie notamment sur :

  • les caractéristiques du patient ;
  • les impératifs chirurgicaux ;
  • et les aspects psychologiques du patient.

La décision doit faire l’objet de concertation entre le patient, le chirurgien et l’anesthésiste.


Conditions de réalisation et environnement requis dans le cadre de la prise en charge anesthésique des actes chirurgicaux portant sur le cristallin

L’analyse des données de la littérature retenue et la position des membres du groupe de travail ont permis d’identifier un éventail de parcours compris entre les deux parcours de soins suivants :

  • parcours 1 : au cours duquel l’ensemble des techniques d’anesthésie peuvent être envisagées (anesthésie générale, sédation, anesthésie locorégionale ou locale). Ce parcours comprend l’intervention du médecin anesthésiste-réanimateur et la réalisation systématique d’une consultation d’anesthésie programmée. Le choix de la technique d’anesthésie est fait en concertation entre l’ophtalmologiste, le médecin anesthésiste-réanimateur et le patient ;
  • parcours 2 : il s’agit d’un autre parcours au cours duquel l’intervention peut être réalisée sous anesthésie topique +/- injection intracamérulaire et sans sédation. Dans ce cas, l’anesthésie est réalisée sous la responsabilité exclusive de l’ophtalmologiste. Ce parcours n’inclut ni intervention du médecin anesthésiste-réanimateur, ni consultation préopératoire d’anesthésie.

Au regard des éléments recueillis dans le cadre de cette évaluation, il apparait que la gestion des complications peropératoires (chirurgicale ou non chirurgicale) est facilitée par une prise en charge anesthésique rapide.

Ainsi, dans un objectif de sécurisation des soins, la HAS préconise un parcours qui prévoit :

  • une consultation d’anesthésie à l’ensemble des patients devant faire l’objet d’une intervention chirurgicale portant sur le cristallin, indépendamment de la technique d’anesthésie choisie ;
  • une surveillance anesthésique de l’ensemble des patients (anesthésiste-réanimateur présent sur site, lors d’une intervention chirurgicale portant sur le cristallin, quelle que soit la modalité anesthétique utilisée).


Perspectives organisationnelles

La chirurgie de la cataracte est un acte hautement technique nécessitant plusieurs années d’exercice avant que l’ophtalmologiste puisse être autonome. Cet acte de chirurgie ne doit pas être banalisé car les complications, lorsqu’elles surviennent, peuvent avoir de graves conséquences, pouvant aller jusqu’à la perte d’un œil. En effet, compte tenu d’une fréquence de complications faible (de l’ordre de 2 %) et d’un nombre très élevé d’interventions réalisées chaque année (812 561 en 2018), le nombre de complications est arithmétiquement important (de l’ordre de 16 000 événements).

Afin de caractériser le plus finement possible les risques liés à la chirurgie de la cataracte, il apparait nécessaire de conduire un travail de recherche spécifique, conjointement réalisé par les organismes professionnels concernés.

Toutefois, avant de pouvoir disposer de ces données relatives aux risques liés à la chirurgie de la cataracte et compte tenu du volume important d’interventions portant sur le cristallin la HAS recommande pour assurer une prise en charge sécurisée des patients, d’engager une réflexion autour de la mise en place de parcours de prise en charge anesthésique adaptés à l’anesthésie topique sans sédation pour la chirurgie du cristallin.

Ces parcours adaptés, idéalement coconstruits et discutés entre les différentes parties prenantes concernées, doivent systématiquement prévoir :

  • la réalisation d’une consultation préalable d’anesthésie (selon diverses modalités à discuter, pouvant notamment impliquer anesthésistes-réanimateurs et IADEs) ;
  • la disponibilité d’au moins un anesthésiste-réanimateur sur site durant la phase per-opératoire pour un maximum de cinq patients opérés sous anesthésie topique +/-injection intracamérulaire et sans sédation (selon diverses modalités organisationnelles à définir conjointement par les professionnels de santé, pouvant également impliquer des IADEs).

Cette valeur seuil maximale n’est à ce stade qu’une première proposition formulée afin d’ouvrir des discussions ultérieures sur ce sujet entre les professionnels de santé concernés.

La mise en place de ces parcours adaptés pourrait nécessiter à termes la mise en place de nouveaux modes de collaboration, une adaptation de la règlementation actuelle, ainsi qu’une révision des modalités de rémunération actuelles.

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