Nature de la demande

Réévaluation SMR et ASMR

Réévaluation.

Avis favorable au maintien du remboursement dans les indications de l’AMM.

Quelle place dans la stratégie thérapeutique ?

Les IPP gardent une place majeure dans la prise en charge des ulcères gastro-duodénaux et du reflux gastro-oesophagien (RGO) :

Dans le traitement des ulcères gastro-duodénaux (UGD)

La Commission rappelle que le diagnostic d'UGD doit être confirmé par endoscopie et la prise en charge dépend de la présence ou non d’une infection à H pylori.

Dans l’UGD sans infection à H pylori, la durée de prescription doit être conforme aux posologies de l’AMM c’est à dire 4 à 8 semaines, à l’exception de certains ulcères gastriques rares et graves qui peuvent nécessiter des durées de traitement plus longues.

Dans l’UGD avec infection à H pylori, la durée de prescription doit être conforme aux recommandations en vigueur et une révision des AMM non conforme à ces recommandations apparait justifiée.

Les situations cliniques justifiant un traitement au long cours sont rares en cas UGD : formes idiopathiques, échec de l’éradication d’H. pylori, syndrome de Zollinger-Ellison, traitement au long cours par AINS chez les patients à risque de complications digestives hautes.

UGD sans infection à HELICOBACTER PYLORI

En cas d’ulcère duodénal, le traitement initial repose sur un médicament antisécrétoire (IPP ou anti-H2), prescrit à pleine dose pendant une durée de 4 semaines. Le traitement au long cours réduit la fréquence des récidives, des complications hémorragiques et des perforations.

En cas d’ulcère gastrique, la durée du traitement initial de 4 à 8 semaines peut être prolongée s’il existe des facteurs retardant la cicatrisation, comme la taille de l’ulcère.

UGD associes à une infection à HELICOBACTER PYLORI

L’infection à H. pylori doit être démontrée avant tout traitement d’éradication.

Les IPP restent des médicaments de 1ère intention. Le traitement recommandé associe une antibiothérapie à un IPP. Le choix de l’antibiotique repose sur la réalisation d’un antibiogramme sur la culture des biopsies gastriques. Un contrôle de l’éradication d’H. pylori doit être réalisé après chaque ligne de traitement, au moins 4 semaines après l’arrêt des antibiotiques et au moins 2 semaines après l’arrêt des IPP. L’algorithme de traitement chez l’adulte comprend deux cas possibles selon que l’on dispose ou non d’une étude de la sensibilité aux antibiotiques (cf. recommandations en vigueur de 2017). Les antagonistes des récepteurs H2 sont recommandés en cas d’échec du traitement par IPP.

Chez les femmes enceintes ou allaitantes, la prise en charge par IPP devra être reportée, le traitement n’étant pas une urgence.

Prévention et traitement des lésions digestives hautes induites par les AINS, y compris les ulcères gastro-duodénaux

Traitement des lésions induites par les AINS : chez les patients ayant des lésions digestives hautes sous AINS et pour lesquelles la poursuite du traitement est justifiée, un traitement par IPP à pleine dose est recommandé pendant 4 à 8 semaines (sauf ésoméprazole à demi-dose).

Prévention des lésions induites par les AINS

La prescription systématique d’un IPP en association aux AINS ne se justifie, conformément à l’AMM, que dans les situations de risque suivantes :

  • âge supérieur ou égal à 65 ans ;
  • antécédent d’ulcère gastrique ou duodénal. Dans ce cas une infection à H. pylori doit être recherchée et traitée ;
  • association à un antiagrégant plaquettaire (notamment l’aspirine à faible dose et le clopidogrel) et/ou un corticoïde et/ou un anticoagulant (tout en rappelant que ces associations doivent de principe être évitées).

Chez ces patients à haut risque et pour lesquels un traitement par AINS est nécessaire, les IPP constituent toujours le traitement de prévention de 1ère intention. Ils sont prescrits à demi-dose (sauf oméprazole à pleine dose).

Les nouvelles données ne remettent pas en cause cette stratégie limitant la co-prescription systématique des IPP avec les AINS uniquement chez ces patients à risque.

La prévention par IPP doit être arrêtée en même temps que le traitement par AINS.

Cas de l’USAGE hors AMM en cardiologie chez l’adulte pour prévenir les complications digestives hautes des antiagrégants plaquettaires et des anticoagulants oraux

L’utilisation des IPP est hors AMM dans ces situations. Les résultats d’une étude contrôlée et randomisée récente (étude COMPASS de tolérance chez 17 000 patients) ont établi qu’il n’existe pas de bénéfice des IPP en utilisation de routine chez les patients à bas risque de complications digestives (absence d’antécédents d’ulcères gastro-duodénaux, d’hémorragies et/ou de perforations digestives…).

Chez les patients à haut risque de complications, selon avis d’expert et sur la base de la revue bibliographique effectuée, un effet préventif semble probable sachant que leur usage est actuellement hors AMM.

Au total, la Commission considère que cet usage n’est pas justifié chez les patients à bas risque. Chez les patients à haut risque de complications digestives (antécédents d’UGD, d’hémorragies et/ou de perforations digestives), des données complémentaires sont nécessaires sachant qu’un bénéfice semble probable.

Syndrome de Zollinger-Ellison

Les IPP restent le traitement de 1ère intention. La voie IV est envisagée lorsque la voie orale est impossible.

Prévention et traitement des hémorragies digestives hautes d’origine ulcéreuse (uniquement INEXIUM injectable)

INEXIUM par voie injectable est le seul IPP indiqué chez l’adulte dans la prévention de la récidive hémorragique après endoscopie thérapeutique pour un ulcère hémorragique gastrique ou duodénal. Un groupe de consensus récent recommande que les patients atteints d'ulcères hémorragiques avec des stigmates à haut risque qui ont subi un traitement endoscopique réussi reçoivent un traitement à haute dose par IPP (dose de charge intraveineuse suivie d'une perfusion continue) pendant 3 jours. Chez ces patients à haut risque, un traitement par IPP en continu est suggéré voie orale deux fois par jour pendant 14 jours, puis une fois par jour pendant une durée dépendant de la nature de la lésion hémorragique.

Dans le traitement symptomatique RGO

Le traitement repose sur la mise en place des mesures hygiéno-diététiques et, si elles sont insuffisantes, un traitement médicamenteux à base d’antiacide, d’alginate, anti-H2 ou d’IPP.

La Commission souligne que les patients ayant un RGO sans symptômes cliniques ni lésions œsophagiennes ne requièrent pas de traitement médical. La prescription d’un IPP ne doit être envisagée que face à des symptômes évocateurs d’un RGO (pyrosis, brûlures gastriques post-prandiales, régurgitations acides), et en complément des mesures hygiéno-diététiques, et pour une durée initiale maximale de 4 semaines.

L’intérêt de la poursuite du traitement devra être ensuite systématiquement réévalué après 4 semaines de traitement en fonction du soulagement du patient, de la persistance des symptômes de RGO, des effets indésirables rapportés, et du résultat de l’endoscopie digestive haute.

L’intérêt de poursuivre la prescription au-delà de 4 semaines devrait être réévalué au cas par cas, en concertation avec les patients, en prenant en compte les risques liés à la polymédication, les interactions médicamenteuses, les incertitudes sur la tolérance et l’efficacité au long cours. La CT rappelle qu’en cas d’utilisation prolongée, le principal risque important établi avec un bon niveau de preuve (cf. résultats de l’étude COMPASS) est la survenue d’infections intestinales. Des études observationnelles ont suggéré une association possible entre la prise au long cours des IPP et une surmortalité et/ou plusieurs risques graves (surmortalité, effet cardiovasculaire, démence, effet rebond, cancer notamment), mais le lien de causalité n’est pas établi. L’utilisation importante des IPP - dans le cadre de l’AMM ou hors AMM - pose le problème du risque de survenue d’effets indésirables, en particulier chez les patients âgés, souvent fragilisés, dans un contexte de polypathologie et de polymédication, ou dans le cas de traitements au long cours. Des éléments de promotion de bon usage seront mis à disposition dans une fiche BUM.

Enfin, la Commission rappelle que les seules situations cliniques justifiant un traitement au long cours sont : RGO avec une œsophagite de grade C ou D selon la classification endoscopique de Los Angeles, œsophage de Barrett, RGO non érosif documenté et répondant aux IPP.

Les IPP ne sont pas recommandés pour le soulagement des manifestations extradigestives isolées pouvant être liées à un RGO, telles que symptômes ORL, toux chronique, asthme ou douleurs thoraciques d’origine non cardiaque. Il n’y a pas d’intérêt à les prescrire dans ces situations, sauf en cas de RGO documenté, mais non en traitement d’épreuve ou test thérapeutique.

Les AMM en vigueur différencient les doses d’IPP selon la présence ou non d’une œsophagite. Néanmoins, en pratique courante et chez les patients incidents, une endoscopie n’est pas systématiquement justifiée ni réalisée. Aussi, et si l’endoscopie n’est pas réalisable rapidement, la Commission recommande d’instaurer un traitement par IPP à pleine dose pour une durée maximale de 4 semaines. Puis si la poursuite du traitement est justifiée, la dose minimale efficace (demi-dose le plus souvent) doit être recherchée et pour la durée la plus courte possible.

Autres situations

Cas de l’utilisation des IPP chez l’enfant :

Les données d’efficacité et de tolérance sont peu nombreuses et de faible qualité méthodologique.

Aucun IPP n’a d’AMM chez l’enfant de moins de 1 an et de moins de 10 kg. Au-delà de 1 an : 

  • l’oméprazole (MOPRAL et ZOLTUM gélule de 10 mg, identique à celle de l’adulte) et l’ésoméprazole (INEXIUM granulés en sachet de 10 mg, spécifique à l’enfant et aux patients ayant des difficultés à avaler) sont indiqués chez l’enfant à partir de l’âge de 1 an dans l’œsophagite érosive.
  • l’ésoméprazole a également l’indication dans le RGO symptomatique à partir de 1 an.
  • l’oméprazole (MOPRAL et ZOLTUM, gélules de 10 et 20 mg), l’ésoméprazole (INEXIUM 10, 20 et 40 mg) et le pantoprazole (EUPANTOL et INIPOMP, 20 mg) ont l’indication œsophagite érosive par reflux (traitement de cicatrisation et de prévention des récidives), à partir de l’âge de 11-12 ans.

L’ésoméprazole (INEXIUM 10 et 20 mg) est le seul IPP indiqué dans le traitement d’entretien de l’oesophagite par RGO chez les adolescents à partir de 12 ans. L’ésoméprazole est aussi indiqué chez les enfants de plus de 4 ans en association à des antibiotiques dans le traitement de l’ulcère duodénal dû à une infection par H. pylori.

Leur place actuelle est la suivante :

  • dans les ulcères duodénaux dus à une infection à H pylori :
    • il n’y a pas de donnée de bonne qualité retrouvée. Mais l’efficacité attendue est celle observée chez l’adulte.
    • Il s’agit de médicament de 1ère intention dont la prescription doit être conforme aux recommandations en vigueur, comme chez l’adulte. Ils sont préconisés comme traitement de 1ère intention chez l’enfant de plus 4 ans et les adolescents en association avec un antibiotique.
  • dans le traitement symptomatique du RGO :
    • leur prescription chez le nourrisson à partir de 1 an et le jeune enfant n’est utile que si le RGO est compliqué et notamment associé à une œsophagite. En cas de RGO physiologique (avec régurgitations), les IPP n’ont pas d’efficacité démontrée. En cas de vomissements récurrents, la recherche d’une étiologie est nécessaire.

Recommandations particulières

En réponse à la saisine de la DSS disponible en annexe du rapport de réévaluation, et compte tenu de la place confirmée et majeure des IPP dans la stratégie thérapeutique des ulcères gastro-duodénaux et du RGO, de l’adulte comme de l’enfant, avec un rapport efficacité/effets indésirables qui reste important, et malgré les usages hors AMM caractérisés, la Commission n’est pas favorable à une limitation de la durée de remboursement des IPP.

Les données d’utilisation en France indiquent que les IPP feraient l’objet d’une utilisation excessive. L’étude faite par la CNAMTS en 2015 a confirmé les observations déjà faites en 2009. Les IPP ne sont pas toujours prescrits dans leurs indications AMM, notamment en prévention des lésions gastroduodénales dues aux AINS chez des patients non considérés comme à risque ainsi que chez des patients recevant un antiagrégant plaquettaire ou un anticoagulant au long cours pour un événement de nature cardio- ou neurovasculaire.

Toute prescription au long cours d’un IPP doit faire l’objet d’une réévaluation régulière de son intérêt (efficacité, qualité de vie, recherche des effets indésirables et interactions médicamenteuses).

La Commission encourage donc à la promotion d’actions de bon usage larges auprès des professionnels de santé et des patients avant de considérer les mesures de déremboursement, en particulier car certains IPP sont disponibles en vente libre. La Commission propose que la fiche de bon usage de ces médicaments soit actualisée, diffusée et que son impact puisse être renforcé par un travail collaboratif avec les professionnels de santé et les patients. L’objectif est de faire évoluer les pratiques, notamment pour lutter contre le mésusage à nouveau constaté de ces médicaments pour la prévention des lésions  gastroduodénales dues aux AINS chez des patients non à risque (utilisation hors AMM non justifiée), pour rappeler la nécessité de respecter les durées d’utilisation de ces médicaments notamment en cas de RGO et pour réduire leur utilisation au long cours quand elle est médicalement injustifiée, notamment chez les personnes les plus âgées à risque iatrogénique du fait de la polymédication, et chez les jeunes enfants où les situations justifiant leur prescription devraient être rares.

La Commission attire l’attention des autorités en charge de l’AMM (ANSM) et des laboratoires titulaires des AMM sur le fait que les posologies AMM actuelles des IPP en cas d’ulcère gastro-duodénal avec infection à H. pylori ne sont pas conformes aux recommandations en vigueur de 2017 (durée du traitement et choix des associations). Une révision des AMM apparait donc nécessaire et sera sollicitée par la HAS.


Service Médical Rendu (SMR)

Important

Le service médical rendu par LANZOR reste important dans les indications de l’AMM.


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