Diagnostic et prise en charge des patients adultes avec un syndrome post-réanimation (PICS) et de leur entourage

Recommandation de bonne pratique - Mis en ligne le 15 juin 2023

L’essentiel

Le PICS (post-intensive care syndrome) ou syndrome post-réanimation désigne un ensemble de symptômes divers apparaissant dans les 12 mois après l’hospitalisation en réanimation, voire au-delà.

Il s’agit d’un syndrome fréquent (plus de la moitié des patients à trois mois) défini par la survenue ou par l’aggravation de symptômes physiques, psychologiques/psychiatriques et/ou cognitifs, pouvant entraîner des limitations d’activité, altérer la qualité de vie et l’autonomie, et entraver la réinsertion socio-professionnelle des patients.

Le diagnostic est évoqué devant tout symptôme apparaissant ou s’étant aggravé dans les 12 mois après l’hospitalisation (voire au-delà) chez un patient à risque.

Le diagnostic de PICS-Family est évoqué en cas d’apparition ou d’aggravation de symptômes psychologiques/psychiatriques (troubles anxieux, dépressifs ou de stress post-traumatique) chez les proches et les aidants, persistant au décours de l’hospitalisation de leur proche en réanimation ou apparaissant dans les douze mois suivant l’hospitalisation. Ces symptômes peuvent entrainer des conséquences familiales, sociales et professionnelles pour les proches et les aidants.

Le dépistage et le suivi sont idéalement réalisés par une équipe pluriprofessionnelle incluant des médecins et autres professionnels de santé sensibilisés au PICS, mais peuvent concerner tous les professionnels de santé amenés à voir le patient dans l’année qui suit l’admission en réanimation.

 

Définition du PICS

Le PICS (Post-Intensive Care Syndrome) ou syndrome post-réanimation est un syndrome fréquent défini par la survenue ou par l’aggravation, dans les suites d’un séjour en réanimation, de symptômes physiques, psychologiques/psychiatriques et/ou cognitifs, pouvant entraîner des limitations d’activité, altérer la qualité de vie et l’autonomie, et entraver la réinsertion socioprofessionnelle des patients.

 

Quels sont les troubles associés à ce syndrome ?

Il est recommandé d’évoquer le diagnostic de PICS devant l’apparition de novo ou l’aggravation d’un ou de plusieurs des symptômes ci-dessous, persistant au décours de l’hospitalisation en réanimation ou apparaissant jusqu’à 12 mois après l’hospitalisation, voire au-delà :

  • des symptômes physiques en rapport avec des atteintes musculaires, neurologiques, ostéoarticulaires, cutanées, ORL, respiratoires, cardiovasculaires, rénales et des atteintes d’ordre général (dénutrition, dyspnée, asthénie, douleur) pouvant aboutir à un déconditionnement, une diminution des capacités à l’effort et/ou à une fatigabilité ;
  • des symptômes psychologiques/psychiatriques (troubles anxieux, dépressifs, de stress post-traumatique) ;
  • des symptômes cognitifs dont des difficultés de mémoire, d’attention, de compréhension et des troubles des fonctions exécutives.

Ces symptômes, en particulier lorsqu’ils sont multiples, peuvent induire des limitations d’activité objectives ou ressenties, altérer la qualité de vie et l’autonomie, et entraver la réinsertion socioprofessionnelle. Ils peuvent aussi altérer la qualité de vie des proches et des aidants (AE).

Il est recommandé d’évoquer le diagnostic de PICS-family en cas d’apparition ou d’aggravation de symptômes psychologiques/psychiatriques (troubles anxieux, dépressifs ou de stress post-traumatique) chez les proches et les aidants, persistant au décours de l’hospitalisation de leur proche en réanimation ou apparaissant dans les 12 mois suivant l’hospitalisation, voire au-delà. Ces symptômes peuvent entraîner des conséquences familiales, sociales et professionnelles pour les proches et les aidants (AE).

 

Quels sont les patients à risque de développer ce type de syndrome ?

Il est recommandé de considérer les patients présentant un ou plusieurs des facteurs de risque suivants comme à risque de développer un PICS (AE).

Avant le séjour en réanimation Pendant le séjour en réanimation À la sortie et après le séjour en réanimation
  • Âge (en particulier > 75 ans)
  • Fragilité clinique (autonomie limitée avant l’admission, comorbidités préexistantes à l’admission, état général dont dénutrition et sarcopénie)
  • Limitation fonctionnelle
  • Troubles cognitifs
    Antécédents psychologiques/psychiatriques
  • Motif d’admission : choc septique, SDRA (syndrome de détresse respiratoire aiguë)
  • Delirium (syndrome confusionnel)
  • Durée de séjour : durée de ventilation mécanique et/ou de traitement par catécholamines ≥ 3 jours
    Certaines thérapeutiques dont les curares, benzodiazépines
  • Statut fonctionnel à la sortie (difficultés à se mobiliser, support ventilatoire)
  • Dénutrition
  • Souvenirs d’épisodes délirants
  • Expérience négative du séjour en réanimation
    Apparition précoce de symptômes psychologiques/psychiatriques (troubles anxieux, dépressifs et de stress post-traumatique)

Aucun outil fiable de prédiction de la survenue d’un PICS à l’échelle individuelle ne peut être recommandé à l’heure actuelle, soulignant l’importance d’avoir un haut degré de suspicion et de le rechercher activement lorsqu’un ou plusieurs des facteurs de risque proposés sont présents (AE).

 

Prévention du PICS

Il est recommandé d’implémenter dans les services de réanimation des protocoles de mobilisation et de rééducation précoces visant à mobiliser les patients de façon passive puis active dès que possible, en adaptant leur intensité (grade B-C).

Il est recommandé de mettre en place, en complément des bonnes pratiques habituelles de réanimation, des programmes multimodaux de dépistage, de prévention et de traitement du delirium (ou syndrome confusionnel) afin de diminuer l’incidence des troubles cognitifs après un séjour en réanimation. Ces programmes insisteront, en particulier, sur les moyens de prévention non médicamenteux, ainsi que sur le traitement et l’éviction de potentiels facteurs favorisants (AE).

Parmi les mesures de prévention du delirium (ou syndrome confusionnel) en réanimation et du trouble de stress post-traumatique, il est recommandé de ne pas recourir à la contention physique en réanimation. Lorsque l’utilisation de la contention physique est indispensable, elle doit être de la plus courte durée possible et réévaluée régulièrement (grade C).

Il est recommandé d’utiliser des journaux de bord lors du séjour en réanimation, car ils sont susceptibles de diminuer l’incidence des symptômes psychologiques/psychiatriques (en particulier les symptômes anxieux et dépressifs) de PICS après le séjour en réanimation (grade C).

Le journal de bord doit être remis systématiquement au patient, avec l’encadrement d’un professionnel de santé (AE).

 

Prévention du PICS-family

Il est recommandé afin de diminuer l’incidence des symptômes psychologiques/psychiatriques de PICS-family (troubles anxieux, dépressifs, de stress post-traumatique) de :

  • mettre en place des approches protocolisées d’information et de communication avec les aidants et les proches, s’appuyant notamment sur l’utilisation d’une documentation écrite (brochures d’information…) et sur des entretiens structurés (temps et lieu dédiés) centrés sur la personne et ses proches ;
  • ne pas restreindre les horaires de visite au sein du service pour les aidants et les proches, étant entendu que ces derniers pourront être amenés à sortir de la chambre du patient lors de la réalisation de certains soins ;
  • permettre la participation des aidants et des proches aux soins lorsqu’ils le souhaitent et en accord avec les souhaits exprimés par le patient (AE).

 

Dépistage et diagnostic du PICS

Le dépistage du PICS, chez les patients à risque, concerne tous les professionnels de santé amenés à voir le patient dans l’année qui suit l’admission en réanimation.

Il est recommandé de proposer à titre systématique, chez les patients identifiés comme à risque de développer un PICS, une évaluation clinique structurée et répétée dans le temps, visant à dépister l’apparition de symptômes de PICS. Cette évaluation devra intervenir :

  • avant la sortie de réanimation (pour les symptômes les plus précoces) ;
  • au moment de périodes clés de transition dans le parcours du patient : sortie de réanimation vers l’hospitalisation conventionnelle ou un SMR, puis avant le retour à domicile ;
  • dans les 3 mois à 6 mois qui suivent le retour à domicile (en présentiel ou par téléconsultation) (AE).

Il est recommandé, en plus de l’interrogatoire et de l’examen clinique, de s’aider d’un ensemble de scores et d’échelles pour le dépistage du PICS. Une évaluation sera réalisée de façon systématique avant la sortie de réanimation, puis sera répétée au cours de la prise en charge. Le choix des tests à réaliser sera adapté à l’état clinique du patient (AE).

Les échelles proposées sont présentées ci-dessous.
Types de symptômes Liste des scores et échelles recommandés Scores utilisables pour la plupart des patients en sortie de réanimation Scores de dépistage rapide (notamment en médecine générale)*
Physiques
  • Timed up and go test (verticalisation, équilibre, marche)
  • Short Physical Performance Battery (SPPB)
  • Test de levers d’une chaise d’une minute
  • Test de marche de 6 minutes
  • Test de préhension au dynamomètre manuel
  • Score MRC (force musculaire globale)
  • Score mMRC (dyspnée)
  • EAT-10 (troubles de la déglutition)
  • VHI (dysphonie)
  • Timed up and go test
  • Short Physical Performance Battery (SPPB)
  • Score MRC
  • Score mMRC (dyspnée)
  • EAT-10 (troubles de la déglutition)
  • Timed up and go test
Psychologiques/psychiatriques
  • PHQ-8 (symptômes dépressifs)
  • GAD-7 (symptômes anxieux)
  • PCL-5 (syndrome de stress post-traumatique)
  • PHQ-8 (symptômes dépressifs)
  • GAD-7 (symptômes anxieux)
  • PCL-5 (syndrome de stress post-traumatique)
  • PHQ-2 (symptômes dépressifs)
  • GAD-2 (symptômes anxieux)
  • PCL-5 (syndrome de stress post-traumatique)
Cognitifs
  • MoCA
  • MoCA
  • MoCA
Qualité de vie
  • EuroQol-5D-5L
  • EuroQol-5D-5L
 
Autonomie
  • Échelle de Katz
  • Échelle IADL
  • Mesure d’indépendance fonctionnelle (MIF)
  • Échelle de Katz
  • Échelle IADL
  • Échelle IADL
* Le temps total nécessaire pour la réalisation de ces tests est estimé à moins de 30 minutes.
 

Il est recommandé d’utiliser les mêmes outils pour le dépistage des symptômes de PICS-family (symptômes psychologiques/psychiatriques et retentissement sur la qualité de vie).

Il est recommandé que le dépistage et le suivi des patients à risque de PICS soient réalisés par une équipe pluriprofessionnelle incluant médecins et autres professionnels de santé sensibilisés au PICS (dont aides-soignants, assistants sociaux, diététiciens, ergothérapeutes, kinésithérapeutes, infirmiers – éventuellement infirmiers de pratique avancée –, neuropsychologues, orthophonistes, pharmaciens, et psychologues…) (AE). Ce dépistage et ce suivi ont pour but :

  • d’identifier la filière de soins la plus adaptée au patient : suivi ambulatoire coordonné autour du médecin traitant pour la plupart des patients ou SMR pour les patients le nécessitant ;
  • de mettre en place et de coordonner les structures de réadaptation et de suivi adaptées après le retour à domicile ;
  • de proposer systématiquement une consultation post-réanimation dans les 3 à 6 mois qui suivent la sortie de réanimation, pouvant utiliser des modalités de télésanté. La présence des proches et aidants à cette consultation post-réanimation est encouragée.

La composition de l’équipe pluriprofessionnelle sera adaptée en fonction des besoins du patient et de l’organisation locale.

Ce suivi se fera en complément du suivi des comorbidités préexistantes (AE).

Il est recommandé que ce dépistage et ce suivi soient initiés de façon coordonnée par un professionnel de santé hospitalier désigné, en premier lieu un médecin réanimateur ou de MPR, sensibilisé au PICS et disposant de l’ensemble des informations concernant les problèmes de santé du patient et sa prise en charge en réanimation (AE). 

Il est recommandé que le coordinateur soit désigné le plus tôt possible au cours du parcours de soins, dès l’hospitalisation en réanimation ou au plus tard avant la sortie à domicile. L’objectif doit être un transfert de la coordination vers le médecin traitant dès que possible (AE).

Il est recommandé de promouvoir la bonne transmission des informations au cours du parcours de soins en faisant figurer systématiquement dans les courriers de sortie (de réanimation et d’hospitalisation conventionnelle) :

  • une identification des patients à risque de développer un PICS et nécessitant à ce titre une réévaluation systématique ;
  • une description de l’état clinique des patients à leur sortie et, le cas échéant, de leurs besoins en rééducation et suivi, tels qu’évalués par l’équipe multidisciplinaire désignée ;
  • le professionnel de santé en charge de la coordination initiale du parcours de soins.

Il est recommandé que les courriers de sortie soient systématiquement adressés au médecin traitant et à tout autre professionnel de santé et service d’hospitalisation concerné. Une copie sera également remise au patient.

Le retour à l’état d’autonomie antérieur et la réinsertion socioprofessionnelle, lorsqu’ils sont possibles, doivent être les objectifs clés de la prise en charge. Cette réinsertion socioprofessionnelle sera gérée au besoin par une mise en relation avec les services sociaux et/ou la médecine du travail (visite de pré-reprise) et/ou une orientation vers la MDPH le cas échéant (AE).

 

Outils

Un outil a été élaboré dans le cadre de cette recommandation de bonne pratique :

Outil n° 1, pour le médecin de premier recours

 

La minute RECO

 


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