Imageries de seconde ligne dont la microscopie confocale in vivo pour le diagnostic et la cartographie préopératoire d’un mélanome
Objectif
Cette évaluation a été menée en vue de statuer sur le bien-fondé du remboursement des techniques d’imagerie cutanée de seconde ligne dont la microscopie confocale in vivo par l’Assurance maladie. L’objectif du présent rapport a été d’apprécier l’utilité clinique de l’intégration de ces technologies dans la stratégie diagnostique comparativement à la stratégie de référence, pour le diagnostic de lésions pigmentées (naevus) et la cartographie préopératoire de mélanomes complexes du visage (notamment le mélanome de Dubreuilh). L’exérèse systématique de la lésion ou a minima la biopsie (partielle) de prudence reste la stratégie de référence en vue d’obtenir un diagnostic histologique. L’évaluation s’est principalement axée sur la détermination de l’utilité clinique de la nouvelle stratégie, fondée sur l’appréciation de la balance bénéfice/risque, ainsi que sur d’autres considérations d’ordre organisationnel (faisabilité de l’acte, acceptabilité des acteurs, amélioration de l’équité et de l’accès aux soins, ressources nécessaires et mesures d’accompagnement pour son déploiement).
Ces imageries de seconde ligne ont vocation à réaliser un tri diagnostique supplémentaire dans le cadre de la prise en charge des lésions pigmentées suspectes de mélanome afin d’éviter des exérèses lésionnelles ou des biopsies inutiles de lésions bénignes, gestes ayant leurs contraintes et leurs morbidités propres. Dans le présent travail, ont été identifiés trois techniques différentes :
- la microscopie confocale in vivo (MCIV) ;
- la tomographie par cohérence optique ;
- la tomographie par cohérence optique confocale à balayage.
Concernant l’approche diagnostique, l’imagerie de seconde ligne pourrait être indiquée pour une lésion pigmentée, suspecte de mélanome dont l’aspect demeure équivoque en dermoscopie (utilisation n°1).
Les autres utilisations concernent en particulier le mélanome de Dubreuilh du visage pour :
- l’assistance au ciblage de la zone la plus suspecte de malignité afin de réaliser une biopsie contributive (utilisation n°2) ;
- la cartographie des marges de sécurité en préopératoire afin de permettre une reprise carcinologique en un seul temps (utilisation n°3).
Résultats et conclusion
Concernant l’utilisation n°1, les résultats de la revue systématique et de l’analyse critique de la littérature de plus haut niveau de preuve ne permettent pas de statuer favorablement sur la balance bénéfice/risque de la stratégie intégrant la MCIV, compte tenu de l’inadéquation actuelle entre les données disponibles et le besoin médical insuffisamment couvert avec la MCIV, en lien avec la sous-population d’intérêt clairement identifiée dans le présent rapport, à savoir les cas lésionnels les plus complexes situés au niveau du visage (applicabilité clinique faible et niveau de certitude faible des données). Plus particulièrement :
- l’absence de données spécifiques rapportées pour les lésions suspectes ou confirmées de mélanome de Dubreuilh du visage, qui constituent pourtant la seule sous-population d’intérêt identifiée lors de ce travail ;
- l’impossibilité d’extrapoler les données disponibles : la majorité des résultats concernant la stratégie intégrant la MCIV correspondent à des cas non complexes en surface plane, ce qui ne permet pas de transposer à la sous-population d’intérêt identifiée, les bénéfices observés sur la réduction des exérèses mais aussi la perte diagnostique estimée avec cette stratégie, perte statistiquement et cliniquement significative allant de 5 à 10 % selon la présence ou non d’un suivi post-examen d’au moins six mois, bien que limitée aux mélanomes in situ. Cette perte estimée provenait d’équipes hospitalo-universitaires pourtant expérimentées ;
- l’absence de données sur les conséquences à long terme des mélanomes in situ non diagnostiqués : les données disponibles ne permettaient pas de statuer en termes de conséquences sur la morbi-mortalité à plus long terme pour les patients ayant un mélanome in situ ni diagnostiqué, ni traité en lien direct avec la stratégie intégrant la MCIV ;
- la quasi-absence de données interventionnelles produites à l’heure actuelle avec le Vivascope® 3000, cet appareil étant pourtant à la fois le plus utilisé en France et le seul adapté à l’exploration des lésions les plus complexes du visage ;
- l’absence de données sur les modalités de suivi post-examen : aucune donnée n’est disponible concernant l’évolution du nombre de visites avec la nouvelle stratégie par rapport à la stratégie de référence pour les lésions ni biopsiées, ni excisées sur la seule base du résultat de la MCIV.
De plus, l’absence d’étude interventionnelle identifiée, élément confirmé par les experts, ne permet pas à ce stade de répondre aux questions posées pour les utilisations n°2 et 3 avec la stratégie intégrant la MCIV.
Enfin, l’absence de ces mêmes études dans le mélanome ne permet pas non plus de répondre à ce stade à la question de l’utilité clinique de la stratégie diagnostique pour la tomographie par cohérence optique et la tomographie par cohérence optique confocale à balayage.
Méthode du travail
En conformité avec la note de cadrage, une revue systématique couvrant le début de l’évaluation de ces technologies jusqu’au 26 mai 2025 a été réalisée. Les études interventionnelles retenues ont été celles où le résultat de l’imagerie était directement intégré à une décision médicale et associé à un critère clinique pertinent pour les patients. La contribution des professionnels de santé concernés (relecture préliminaires par des experts individuels puis par les organismes professionnels représentatifs) ainsi que celle d’une association de patients a permis de garantir la rigueur scientifique du présent travail, de contextualiser au niveau français les données disponibles de plus haut niveau de preuve et de recueillir les considérations non cliniques relatives à ces nouveaux actes, principalement d’ordre organisationnel, selon le modèle du formulaire d’aide à la décision en santé élaboré par le groupe GRADE, Evidence to Decision (EtD).
Perspectives de recherche et d’évaluation ultérieures
Le travail souligne l’importance de disposer de données comparatives complémentaires portant spécifiquement sur la sous-population des cas les plus complexes du visage, en particulier avec le Vivascope® 3000, pour laquelle un recours à un examen « surspécialisé » de dermatologie, techniquement exigeant et chronophage, apparait envisageable.
Ces données spécifiques seront indispensables pour évaluer l’utilité clinique et les contraintes de la nouvelle stratégie intégrant la MCIV (balance bénéfice/risque, évolution du nombre des consultations de suivi) par rapport à la stratégie de référence mais aussi pour définir les modalités de suivi post-examen à préconiser afin de garantir la sécurité à plus long terme des patients dont les lésions n’auraient été ni excisées, ni biopsiées sur la seule base du résultat de cet examen.
Dans cette sous-population, ces données apparaissent aussi nécessaires pour les trois utilisations susmentionnées concernant les deux autres techniques d’imagerie identifiées (tomographie par cohérence optique, tomographie par cohérence optique confocale à balayage linéaire).
Enfin, le travail souligne l’importance de la création d’une offre consolidée de formations universitaires diplômantes, théoriques et pratiques, complétée par un mécanisme de reconnaissance post-universitaire ainsi que l’élaboration de référentiels techniques en langue française validés pour garantir une réalisation optimale et reproductible de ces actes, si une éventuelle diffusion était envisagée.
