Choix et durées d’antibiothérapie dans les infections génitales hautes non compliquées
L’expansion de l’antibiorésistance constitue un problème majeur de santé publique au niveau national et international. La HAS met à disposition des professionnels de santé une série de fiches synthétiques préconisant le choix et les durées d'antibiothérapie les plus courtes possibles pour les infections bactériennes courantes de ville.
Ces fiches synthétiques ont été élaborées en partenariat avec la Société de pathologie infectieuse de langue française (SPILF) et le Groupe de pathologie infectieuse pédiatrique (GPIP) et relues par le Collège de la médecine générale et les sociétés savantes concernées.
Le but de cette fiche mémo est de favoriser la prescription appropriée d’antibiotiques, afin de traiter efficacement les patients tout en diminuant les résistances bactériennes pouvant conduire à des impasses thérapeutiques.
Le choix de l’antibiotique, la dose, la posologie, la modalité d’administration et la durée sont les éléments à prendre en compte pour une prescription adaptée.
Définitions et physiopathologie
Les infections génitales hautes (IGH) de la femme résultent d’une perte de la barrière physiologique de l’endocol. Elles peuvent avoir une origine endogène, liée à une infection ascendante à partir de la flore vulvovaginale ou une origine exogène, le plus souvent liée à une infection sexuellement transmissible (IST). On distingue :
Les IGH non compliquées : endométrites, salpingites (les 2 pouvant coexister). Il existe des formes simples compatibles avec une prise en charge en externe exclusive.
Les critères nécessitant un recours sont :
- doute diagnostique,
- gravité des symptômes,
- impossibilité du traitement par voie orale,
- grossesse en cours,
- détresse psychologique,
- échec d’un traitement antérieur.
Les IGH compliquées : abcès tubo-ovariens, pelvipéritonite, plus rarement péri-hépatite ou sepsis, qui sont de prise en charge hospitalière. Les complications des IGH sont la stérilité tubaire, la grossesse extra-utérine et les douleurs pelviennes chroniques.
Etiologies
Les agents infectieux responsables d’IGH sont variés et l’infection est souvent polymicrobienne :
- Bactéries responsables d’IST : C. trachomatis (CT), N. gonorrhoeae (NG), M. genitalium (MG)
- Bactéries aéro-anaérobies de la flore vaginale :
- Streptocoques, staphylocoques ;
- Entérobactéries (Escherichia coli en particulier) et autres bacilles à gram négatif.
- Bactéries anaérobies strictes de la flore vaginale (en particulier Gardnerella vaginalis, Haemophilus influenzae) : leur rôle est discuté mais pris en compte par le traitement antibiotique.
Remarque : la pathogénicité des autres mycoplasmes urogénitaux est plus discutée.
Diagnostic clinique
Le diagnostic d’IGH est clinique et peut être complexe à établir en cas de présentation asymptomatique ou paucisymptomatique. Les symptômes peuvent ne pas être spécifiques. L’entretien clinique retrouve des douleurs pelviennes spontanées depuis 4 jours ou plus. L’examen pelvien retrouve généralement une douleur annexielle provoquée ou une douleur à la mobilisation utérine ou cervicale.
D’autres symptômes comme de la fièvre, des leucorrhées, des métrorragies, des troubles du transit, une dyspareunie, une masse annexielle au toucher vaginal, associés ou non à un syndrome inflammatoire, peuvent être présents.
Examens complémentaires
Les prélèvements microbiologiques et le bilan sanguin peuvent confirmer le diagnostic mais un résultat négatif ne l’exclut pas.
- Prélèvements non chirurgicaux au niveau de l'endocol avec pose d’un spéculum pour :
- un examen direct,
- une mise en culture et un antibiogramme,
- une recherche de NG, CT et MG par amplification des acides nucléiques (test TAAN).
Remarque : A défaut d’examen avec pose de speculum : recherche de NG, CT et MG par amplification des acides nucléiques sur un prélèvement vaginal.
- Bilan sanguin pour les marqueurs de l’inflammation : CRP, leucocytes.
- Dépistage des autres IST : Sérologie VIH, Hépatite C, Hépatite B et Syphilis.
- Test de grossesse pour exclure une grossesse intra-utérine ou ectopique.
- En ambulatoire, l’’échographie pelvienne associée au tableau clinique contribue au diagnostic et permet de lever un doute sur un diagnostic différentiel.
Antibiothérapie probabiliste des formes simples
Le traitement est recommandé en ambulatoire et repose sur une association d’antibiotiques oraux et parentéraux. Le traitement est à débuter dès lors que la suspicion d’IGH est évoquée après la réalisation des prélèvements microbiologiques et sans attendre les résultats de l’échographie pelvienne et des prélèvements.
Antibiothérapie de première intention
- ceftriaxone 1 g par voie IM en dose unique
- + doxycycline 100 mg 2 fois par jour per os pendant 10 jours
- + métronidazole 500 mg 2 fois par jour per os pendant 10 jours.
En cas d’allergie documentée aux céphalosporines en l’absence de facteurs de risques d’IST[1]
- ofloxacine 200 mg 2 fois par jour per os pendant 10 jours
- + métronidazole 500 mg 2 fois par jour per os pendant 10 jours
ou
- levofloxacine 500 mg par jour per os pendant 10 jours
- + métronidazole 500 mg 2 fois par jour per os pendant 10 jours
Les fluoroquinolones sont à réserver en dernier recours ; l’utilisation des fluoroquinolones peut être associée à l'apparition d’effets indésirables, parfois graves et invalidants[2],[3].
En cas d’allergie documentée aux céphalosporines en cas de facteurs de risques d’IST1
- Avis spécialisé notamment en cas de souche de NG résistante aux fluoroquinolones ou si pas d’antibiogramme disponible.
En cas d’infection documentée à Mycoplasma genitalium :
- Avis spécialisé en particulier pour la moxifloxacine (surveillance impérative du QT, surveillance hépatique).
Suivi après la prise en charge initiale
Suivi à J3 - J5
- Vérifier l’évolution clinique, la tolérance et l’observance du traitement,
- Réévaluer l’antibiothérapie après les résultats microbiologiques,
- Proposition et prescription de vaccination contre l’hépatite B.
Contrôle après le traitement
Un prélèvement bactériologique vaginal de contrôle est recommandé 3 à 6 mois après le traitement d’une IGH associée à une IST pour éliminer une infection persistante ou une réinfection.
[1] Les facteurs de risque d’IST sont chez les femmes sexuellement actives : âge ≤ 25 ans, antécédent d’IST, nombre de partenaires ≥ 2 dans l’année, changement de partenaire récent, partenaire ayant une IST.
[2] Principaux effets indésirables observés : tendinopathies, troubles cardiaques et cardiovasculaires, neuropathies périphériques,
photosensibilisation, troubles neuro-psychiatriques - https://ansm.sante.fr/dossiers-thematiques/les-antibiotiques/fluoroquinolones
[3] Les fluoroquinolones ne sont plus recommandées en première intention du fait du taux élevé de souches de NG résistantes aux quinolones.