Dépression de l’adulte – Repérage et prise en charge initiale

Article HAS - Mis en ligne le 09 nov. 2017 - Mis à jour le 12 juin 2019

La HAS a édité des recommandations sur la prise en charge des épisodes dépressifs de l’adulte en premier recours. Objectifs : mieux identifier les patients, améliorer leur qualité de vie et prévenir le risque suicidaire. Explications d’Emmanuel Nouyrigat et du Dr Joëlle Favre-Bonte, du service des bonnes pratiques professionnelles de la HAS.

 

Comment définir un épisode dépressif caractérisé (EDC) de l'adulte ?

La définition de référence est celle de l’Organisation mondiale de la santé (CIM-10). L’épisode doit avoir duré au moins deux semaines, être accompagné de symptômes quasi-quotidiens perturbant la vie professionnelle et sociale et provoquer une détresse significative.

L’épisode dépressif est caractérisé si le patient présente au moins deux symptômes principaux parmi les trois suivants :

  • humeur dépressive ;

  • abattement ou perte d’intérêt pour les activités habituellement agréables ;

  • augmentation de la fatigabilité.


Et au moins deux des sept autres symptômes décrits ci-dessous :

  • une diminution de la capacité d’attention et de concentration ;

  • une baisse de la confiance en soi ;

  • un sentiment de culpabilité et d’inutilité ;

  • des perspectives négatives et pessimistes pour le futur ;

  • des troubles du sommeil ;

  • une perte d’appétit ;

  • des idées suicidaires.

 

Quelle démarche diagnostique adopter ?

L’entretien clinique avec le patient est primordial. S’il l’accepte, le médecin peut aussi s’entretenir avec certains des proches. Ces échanges permettent de rechercher d’éventuels antécédents personnels et familiaux d’épisode dépressif, de trouble bipolaire ou d’addiction ; d’établir le bilan de l’épisode dépressif sur le retentissement cognitif, somatique ou sur la sexualité ; d’analyser les facteurs de risque psycho-sociaux… Il est important d’évaluer cliniquement le niveau de sévérité de l’épisode dépressif, car il conditionne le traitement.

 

Comment évaluer la sévérité d'un épisode dépressif caractérisé ? 

On distingue trois niveaux : épisode dépressif, léger, modéré ou sévère*, selon l’intensité des symptômes et leur impact sur la vie du patient (voir infographie).

Dans les EDC légers et modérés, les activités sociales peuvent être poursuivies moyennant un effort supplémentaire du patient.

Dans les EDC sévères, les patients éprouvent des difficultés considérables à mener leur travail et leurs activités familiales et sociales (voir infographie). Il convient alors d’apprécier l’urgence du risque suicidaire. 

 

Comment évaluer le risque suicidaire ?

Il est majeur dans les épisodes dépressifs de l’adulte et est évalué lors du bilan initial et réévalué régulièrement au cours de la prise en charge. Pour estimer l’urgence suicidaire, le médecin  interroge le patient sur ses idées suicidaires : fréquence, intensité, gestes préparatoires à un éventuel passage à l’acte (voir infographie). En parler n’accroît pas le danger. Il est important d’identifier les facteurs de risque (âge supérieur à 75 ans, isolement, accès à des moyens létaux, antécédent familial de suicide, etc.), et les facteurs de protection (soutien social).

L’hospitalisation est recommandée en cas de risque suicidaire élevé, y compris parfois sans le consentement du patient. Il s’agit d’une urgence thérapeutique. En cas de risque suicidaire modéré, selon les cas, le praticien hospitalise ou renforce le suivi du patient grâce à des consultations rapprochées ou à un recours à un avis psychiatrique. Il est important de penser à limiter les moyens létaux envisagés par le patient (dont les médicaments). 

 

Quel suivi et quelle prise en charge thérapeutique du patient ?

Il est important de construire avec le patient une alliance thérapeutique fondée sur une attitude d’empathie, d’écoute et de soutien. C’est le généraliste qui détermine la fréquence des consultations. Leur rythme est habituellement plus rapproché au début de la prise en charge. Le praticien informe le patient, et éventuellement son entourage s’il l’accepte, de la nature des troubles dépressifs, des possibilités de traitements, de leurs effets bénéfiques et indésirables.

La prise en charge associe suivi somatique, conseils de mode de vie (activité physique régulière, arrêt des toxiques…), psychothérapie et traitement antidépresseur.

Une hospitalisation est indiquée d’emblée, notamment chez les patients avec un scénario suicidaire construit et imminent, ou avec une forme sévère de dépression associée à des symptômes psychotiques ou somatiques. Dans la mesure du possible, le praticien s’efforce d’obtenir le consentement du patient pour cette hospitalisation.

 

Quel traitement selon l'intensité de la dépression ?

Le choix du traitement doit se faire avec le patient, selon ses préférences et la disponibilité d’une psychothérapie.

  • La psychothérapie de soutien est un traitement de première intention dans les EDC légers, dans lesquels le traitement antidépresseur n’est pas indiqué.

  • Elle est également à envisager en priorité dans les EDC modérés, où elle peut être associée à un traitement médicamenteux selon l’impression clinique du praticien ou le choix du patient.

  • Dans les EDC sévères, le traitement antidépresseur est proposé d’emblée et le médecin généraliste oriente rapidement le patient vers un psychiatre pour une prise en charge associant un médicament antidépresseur et une psychothérapie dite structurée.

Cependant, un avis ou un suivi par un psychiatre, psychologue ou psychothérapeute est possible avec l’accord du patient dans les EDC légers et modérés.

 

Qui effectue la psychothérapie ? 

Les psychothérapies les plus usuelles ayant démontré une efficacité, sont la psychothérapie de soutien ou des psychothérapies structurées telles que les thérapies cognitivo-comportementales, psychodynamiques ou d’inspiration analytique, les thérapies systémiques. La psychothérapie de soutien peut être réalisée par le généraliste, mais aussi par un psychiatre, psychologue clinicien ou psychothérapeute. Le praticien peut aussi, en fonction des préférences du patient et de ses compétences, adresser le patient à un psychiatre, à un psychologue clinicien ou à un psychothérapeute pour une psychothérapie structurée. 

 

Quel sont les traitements médicamenteux prescrits ?

En raison de leur meilleure tolérance, les médicaments antidépresseurs proposés en première intention sont habituellement les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS) et les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline (IRSN).

Du fait de leur toxicité cardiovasculaire, les antidépresseurs imiprimaniques (tricycliques) représentent un traitement de 2e intention.

Un traitement par benzodiazépines (ou médicament apparenté) peut être justifié en début de traitement antidépresseur pour une durée de 2 semaines, en cas d’anxiété, d’agitation ou d’insomnie invalidante. 

 

Comment évaluer l'efficacité du traitement ?

L’évaluation de l’efficacité se fait après 4 à 8 semaines de traitement. Le diagnostic ou la prise en charge sont reconsidérés en cas de persistance ou d’aggravation des symptômes. Dans les états dépressifs d’intensité sévère, la prise en charge est à reconsidérer en concertation avec le psychiatre, avec éventuellement décision d’hospitalisation.

En cas de rémission complète, la psychothérapie est poursuivie jusqu’à son terme. Si un traitement antidépresseur a été prescrit, pour les épisodes d’intensité sévère ou modérée, celui-ci est à maintenir au moins 6 mois, en l’arrêtant progressivement, afin de prévenir les rechutes.

En cas de rémission partielle, la psychothérapie est poursuivie et réévaluée au bout de 4 à 8 semaines et l’éventuel traitement antidépresseur optimisé (augmentation de posologie ou changement de médicament). 

Personnes âgées, femmes enceintes : des sujets exposés

  • L’épisode dépressif du sujet âgé se caractérise par un risque suicidaire élevé et un diagnostic difficile, car les plaintes somatiques et les troubles cognitifs sont souvent au premier plan. L’épisode dépressif peut s’associer à une affection neurodégénérative. Les stratégies thérapeutiques proposées sont identiques à celles du sujet jeune et les psychothérapies efficaces. Mais, la réponse au traitement antidépresseur est plus lente et sa tolérance doit être étroitement surveillée.

  • Un état dépressif doit être recherché systématiquement chez les femmes enceintes, avant et au décours de l’accouchement. Privilégiée pour le traitement, la psychothérapie est associée à un soutien pour les soins et la relation à l’enfant. Toutefois, une hospitalisation dans une unité mère-enfant est conseillée en cas d’épisode dépressif d’intensité sévère. Le traitement antidépresseur n’est utilisé pendant la grossesse que s’il est strictement nécessaire. 

 

 

Propos recueillis par Arielle Fontaine – HAS

 

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* Le qualificatif  “grave” a été choisi dans la version française du DSM-5. 

 

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