Endoscopie : clarifier les pratiques en équipe
Une patiente de 78 ans doit bénéficier d’une coloscopie avec possible résection d’un polype intestinal. Au cours de la réalisation de la check-list en salle d’endoscopie, patiente éveillée, l’Infirmière anesthésiste du bloc signale l’existence d’un pacemaker (PM) et l’équipe identifie parfaitement cette situation comme étant à risque du fait de l’utilisation du bistouri électrique. Par contre, l’équipe ne dispose pas d’une procédure précisant formellement la conduite à tenir en pareil cas. Le recours à un aimant peut s’avérer nécessaire. Celui-ci est à disposition dans le lieu de stockage des matériels dans la salle voisine. L’intervention se déroulera sans complication (résection de son polype avec une « anse froide » et donc sans nécessité d’usage du bistouri) et sans préjudice pour la patiente.
Ce qu’en dit L’IADE
Je travaille seulement depuis un an et demi dans cet établissement. Je connaissais les problèmes liés à l’utilisation d’un bistouri unipolaire en présence d’un PM. Nous réalisons rigoureusement la check-list pour tous les patients et j’ai évidemment alerté les autres membres de l’équipe sur l’existence de ce dispositif médical implanté. Depuis, nous en avons reparlé plusieurs fois ensemble pour être au clair sur nos pratiques.
Ce qu’en dit l’anesthésiste
Les PM sont de nature très diverse. Il est impossible de tous les connaître mais ce cas m’a fait prendre conscience qu’il était nécessaire de disposer d’une procédure claire pour tous les intervenants. Par ailleurs le recueil de l’information auprès du cardiologue est fondamental. Cet évènement a été très enrichissant car il nous a permis de réfléchir sur nos pratiques au cours d’une revue de morbi-mortalité (RMM). Nous avons depuis mis en place des mesures concrètes.
Ce qu’en dit le cardiologue
Il s’agissait d’une situation en urgence. Dans le cas d’une intervention programmée, l’anesthésiste réfère le patient à un cardiologue pour avoir la conduite à tenir par rapport au stimulateur cardiaque. La conduite à tenir doit prendre en compte plusieurs facteurs : type de matériel implanté, dépendance ou non du patient à la stimulation, type d’intervention…
Après la RMM, j’ai été sollicité ainsi que deux de mes confrères pour l’écriture d’un protocole. Fondé sur les recommandations de la Heart Rythm Society (HRS), il est à destination en priorité des anesthésistes et des IADE et donne des explications détaillées face à différentes situations. Ce protocole est actuellement en phase de discussion et validation avec les anesthésistes.
Ce qu’en dit le chirurgien qui a réalisé l’exérèse du polype
Depuis, plusieurs années, nous avons beaucoup travaillé sur l’amélioration du travail en équipe et notamment des briefings et débriefings en salle d’endoscopie. C’est ce qui nous a permis d’identifier à temps, cet évènement porteur de risque grâce à la check-list qui a parfaitement rempli son rôle de barrière ultime. Cet évènement a ensuite été analysé à l’occasion d’une RMM en présence bien sûr de toute l’équipe de gastro-entérologie, mais aussi des anesthésistes / IADE et des cardiologues référents d’électro-rythmologie de l’établissement. Il en est ressorti une procédure claire et détaillée permettant de faire face à ce type de situation. Enfin et surtout l’équipe a été sensibilisée à ce cas de figure pas si rare que ça vu l’âge de la population devant bénéficier d’endoscopie : dorénavant, la recherche d’un PM est systématique en cours de la consultation préalable du gastro-entérologue et de la consultation de préanesthésie. En dehors d’indication urgente (le cas le plus fréquent), le patient est maintenant systématiquement adressé pour avis et conduite à tenir au cardiologue référent du patient qui a implanté le PM.
Pour en savoir plus :
Guide thématique des experts-visiteurs 2 clics V2014 – management de la prise en charge des patients en endoscopie.
Avertissement : les témoignages des patients et des professionnels sont recueillis d’une manière anonyme, dans le cadre d’une charte qui peut être consultée sur demande. Ils sont utilisés dans un but pédagogique et les personnes interviewées s’engagent à ne pas utiliser la rubrique à des fins polémiques ou contentieuses. |
Commentaires des experts
Pr Paul-Michel Mertes – Service d'anesthésie réanimation chirurgicale – Hôpitaux universitaires de Strasbourg
Une prise en charge spécifique est nécessaire pour l'anesthésie d'un patient avec pacemaker (PM). Le niveau de risque encouru par le patient est variable selon qu’il s’agit d’une chirurgie plus ou moins éloignée de la sonde, du boîtier, d’une dépendance plus ou moins grande au PM… La gestion d’un PM exige d’avoir des réponses à des questions spécifiques lors de la prise en charge préopératoire. Pouvoir joindre le cardiologue est essentiel mais plus ou moins simple selon la structure. Un ensemble d’informations est nécessaire : type et âge du boîtier, date du dernier contrôle, sondes correctement en place, nature du PM, mode de fonctionnement, modalités de programmation… Autant de questions auxquelles le patient ne peut pas toujours répondre même si il devrait venir avec sa carte de porteur de PM1. Il est indispensable de se référer au cardiologue en cas de manque d’informations. Certaines situations nécessitent une intervention du cardiologue en pré et postopératoire pour par exemple une modification de la programmation des PM asservis.
La gestion du risque doit alors être adaptée à la situation.
Le cas présenté ici est illustratif d’une situation qui nécessite effectivement une protocolisation élaborée à plusieurs voix : cardiologue, chirurgien, Ibode, IADE et anesthésistes. L’élaboration de la procédure doit suivre un circuit qui inclut tous les acteurs de la filière et avoir un volet décliné par et pour chacun d’entre eux. Il peut par exemple être indispensable d’installer les patchs de défibrillation au bon endroit (Ibode), de faire uniquement de la cautérisation (chirurgien), d’avoir des médicaments de sauvetage à disposition (anesthésiste). Aucun acteur ne peut assurer à lui seul le travail à faire. La procédure à suivre doit être connue mais surtout mise en œuvre par l’ensemble des acteurs.
Dans la phase postopératoire, il est nécessaire de contrôler que la programmation n’a pas été altérée avant la sortie de l’établissement. Concrètement, il est indispensable d’organiser le rendez-vous de contrôle. Ce même suivi est à organiser en ambulatoire.
Dr Jean-Pierre Dupuychaffray – Service d’hépato-gastroentérologie – Centre hospitalier d'Angoulême
La situation à risque étudiée ici est celle de la réalisation d’une coloscopie avec polypectomie chez une patiente porteuse d’un PM méconnu en amont de la période péri-opératoire.
La récupération de l’évènement a été assurée par le gastroentérologue qui a pu recourir à une polypectomie « en mode dégradé » à l’anse froide permise par la taille et le type de polype. Les consultations préalables de gastroentérologie et d’anesthésie constituent habituellement des barrières permettant une concertation avec le cardiologue référent. L’identification ultime du PM lors de la check-list et l’absence de protocole partagé entre les acteurs pouvaient également donner lieu au report du geste thérapeutique si le type lésionnel ne permettait pas de s’affranchir du bistouri électrique.
Le débriefing postprocédure entre les spécialités concernées par ce type de prise en charge est essentiel pour l’équipe. Cette situation clinique relève d’une analyse pluridisciplinaire des difficultés observées en péri-opératoire qui constituent une des actions prioritaires de la Commission risques interspécialités de la Haute Autorité de santé.
1. Tout patient ayant un PM est porteur d’un carnet international de porteur PM précisant le type, l’indication et la date de pose, la date de révision devant être inférieure à 6 mois, le mode de programmation, le niveau de la batterie, la réponse à l'application d'un aimant, la fréquence du mode veille.