Rencontre avec deux établissements ayant participé à l’expérimentation du compte qualité

Web page - Posted on Jan 30 2014 - Updated on Jun 12 2019

Les Docteurs Brigitte Tequi – praticien  hygiène et gestion des risques associés aux soins à l’Institut de cancérologie de l’ouest René Gauducheau – et Philippe Michel – directeur de l’organisation, de la qualité et des relations avec les usagers des Hospices civils de Lyon – nous font part de leurs réflexions.

 Docteur Brigitte Tequi

Docteur Brigitte Tequi, praticien hygiène et gestion des risques associés aux soins
  DR  
 Docteur Philippe Michel Docteur Philippe Michel, directeur de l’organisation, de la qualité et des relations avec les usagers
 DR  

 

Comment percevez-vous ce nouvel outil ?


Philippe Michel –
Le compte qualité (CQ) offre une approche nouvelle qui centre la procédure de certification sur des thèmes (plutôt que des processus) importants et permet, sur ces sujets, un dialogue continu des établissements avec la HAS.

Les avantages tels que mettre l’accent sur la sécurité, éviter l’effet soufflé et soutenir une démarche continue ont été bien développés.

Pour que cet outil soit réellement au service des établissements, il est nécessaire de veiller à ce qu’il soit en appui et en continuité du Programme d’amélioration de la qualité et de la sécurité des établissements (Paqss) et non l’inverse. Pour ce faire, il faut laisser aux établissements le choix des thèmes à traiter parmi la vingtaine définis par la HAS, en rendant la majorité d’entre eux « optionnels ». Cette décision de la HAS acterait la reconnaissance que la très grande majorité des établissements sont matures pour prendre la responsabilité de leur stratégie d’amélioration continue. Elle serait en cohérence avec la notion de subsidiarité prônée pour développer la sécurité des patients dans le programme national de sécurité des patients et dans le rapport du Haut conseil de santé publique. La HAS n’aurait une action contraignante (notamment en termes d’extension du choix des thèmes) que si un établissement ne peut, par lui-même,  se mettre en démarche d’amélioration continue. Cette proposition est d’autant plus acceptable, me semble-t-il, que les experts-visiteurs peuvent investiguer d’autres sujets que les thèmes « obligatoires ».

Guillemet gaucheLes avantages tels que mettre l’accent sur la sécurité, éviter l’effet soufflé et soutenir une démarche continue ont été bien développés.Guillemet droit

Cet outil ne permettra pas forcément d’alléger la procédure de certification. Cela dépend du nombre de thèmes rendus obligatoires car chacun nécessite un travail conséquent dans les établissements, avec une approche d’analyse a priori des risques que beaucoup d’entre eux ne maîtrisent pas encore et qu’ils n’ont que rarement utilisée dans le passé (il faut donc parfois recommencer une évaluation sur un thème ancien avec cette nouvelle approche méthodologique).

Lors de l’expérimentation, nous avons compté le temps passé à compléter le CQ pour le thème du dossier patient (qui n’est pas le plus complexe), cela a nécessité 150 heures au total. Certains thèmes sont encore trop larges, comme « parcours du patient » ou couvrant trop d’activités comme « management de la prise en charge dans les secteurs à risque » ; le thème « management de la qualité et des risques » est immense et couvre potentiellement tout !

J’ai enfin deux interrogations : les établissements ayant développé les chemins cliniques, qui correspondent plus à une approche centrée sur les parcours de patients que ne le permettent les thèmes du CQ, pourront-ils aisément s’inscrire dans ce CQ et ne pas être conduit à faire deux fois le travail ?
Les établissements pourront-ils y valoriser toutes les démarches d’EPP, parfois mises en place plus pour être en conformité avec la V2014 que par besoin identifié ?


Brigitte Tequi –
Le découpage du CQ est pertinent et pédagogique.
Un premier chapitre est consacré à l’engagement  de l’établissement  dans la démarche d’amélioration de la qualité et de la sécurité des soins, suivi d’un chapitre dédié à l’analyse des processus.

L’outil est construit dans une logique de progression permettant de formaliser les priorités en matière de qualité et de sécurité des soins. Il impose d’aller au bout d’une démarche qualité, depuis l’identification des objectifs et des menaces jusqu’à l’évaluation de l’efficacité des actions menées.

Guillemet gaucheLe découpage du CQ est pertinent et pédagogique.Guillemet droit

L’engagement sur une période courte (2 ans) impose un pilotage continu des principaux processus de management et de prise en charge des patients.
La complétude de l’ensemble des 20 processus identifiés serait très chronophage pour l’établissement qui n’a pas été en mesure d’anticiper. Pour être en capacité de suivre l’ensemble des processus au fil de l’eau dans un tel niveau de détail, il est nécessaire de disposer d’outils spécifiques intégrant les nombreux tableaux de bord.
Par ailleurs, la sélection de certains processus par la HAS et/ou l’établissement signifierait-elle que certains d’entre eux puissent ne pas être audités pendant plus de 4 ans ?

Guillemet gaucheL’engagement sur une période courte (2 ans) impose un pilotage continu des principaux processus.Guillemet droit

 

Peut-il vous permettre de vous aider dans le pilotage de votre démarche qualité et gestion des risques au-delà même de la certification ?


Philippe Michel –
Oui, assurément. L’approche d’analyse a priori pour identifier les risques, vulnérabilités et opportunités d’amélioration, est beaucoup plus structurante que l’autoévaluation antérieure. Comme toujours, il y a naturellement des revers à cela : son application à des thèmes déjà bien investigués dans le passé n’apporte pas nécessairement d’information nouvelle. C’est ce que nous avons observé lors de l’expérimentation sur le dossier patient. À l’issue de l’analyse de risque qui a été très appréciée des professionnels (« enfin on parle de risque » !), il n’en est pas ressorti de piste d’action d’amélioration nouvelle.

L’autre retour d’expérience est plutôt une difficulté : les mailles du filet étant plus fines, du fait de l’analyse structurée, la pêche est plus abondante, quand elle n’est pas miraculeuse ! Il faut donc prioriser. Comment la HAS va-t-elle apprécier que les choix faits lors de la priorisation, même argumentés, soient pertinents pour l’établissement ?

Au risque de me répéter, j’insiste sur les conditions pour que la procédure de certification soit en appui des Paqss des établissements et non l’inverse. Il doit l’être dans son dimensionnement comme je l’expliquais précédemment, mais aussi dans son calendrier. La synchronisation dans le temps nécessite que la visite des experts-visiteurs ne soit pas un couperet où les thèmes doivent tous avoir été investigués (diagnostic des risques, mesure de la criticité et du niveau de maîtrise) et en phase de maîtrise (plans d’action débutés) : un Paqss est quinquennal, son déploiement suit des contraintes qu’il faut pouvoir prendre en compte (restructuration, priorités d’investissements, etc.).  

Guillemet gaucheJ’insiste sur les conditions pour que la procédure de certification soit en appui des Paqss des établissements et non l’inverse.Guillemet droit


Brigitte Tequi –
Oui, l’élaboration du CQ est strictement factuelle, alors que l’autoévaluation sous sa forme actuelle permet des interprétations plus subjectives. Le CQ est une démarche structurante qui permet d’aller à l’essentiel.

Les différentes rubriques à développer dans l’analyse de processus sont adaptées à tous les types d’établissements de santé. L’identification de toutes les étapes d’une démarche qualité et l’absence d’éléments d’appréciation préalablement identifiés par la HAS laisse à l’établissement la possibilité d’orienter et de valoriser sa démarche qualité et sécurité des soins en fonction des orientations stratégiques prenant en compte le contexte local. Les tableaux de bord se prêtent bien à une présentation aux instances. L’engagement pour 2 ans est un délai raisonnable pour faire aboutir un Paqss sur un nombre raisonnable de processus.

 

Pensez-vous que le compte qualité puisse faire à terme l'objet d'une diffusion publique ?


Philippe Michel –
La diffusion publique est un puissant moteur de changement en permettant les comparaisons entre établissements notamment. Les résultats de toute évaluation fiable et valide devraient progressivement faire l’objet d’une diffusion publique.  Est-ce le cas de l’appréciation des risques associés aux thèmes du CQ ?  Je ne le pense pas.

De surcroît, les établissements peuvent redouter la réaction des médias notamment qui ne manqueront pas de commenter les risques dévoilés (une mine d’or pour la presse !) et la pertinence du choix des actions en fonction de ces risques.

Prenons garde à ne pas être contre-productif. Le CQ constitue un document de travail facilitant le dialogue en confiance. Il ne doit pas être le support d’une évaluation technique externe. Le Paqss, dont le CQ est une émanation, le rapport de certification et la publication des indicateurs sont à mon avis les outils de communication pertinents, légitimes et reconnus.

Guillemet gaucheUn regard extérieur tant sur le plan quantitatif que qualitatif est nécessaire pour garantir la fiabilité des résultats.Guillemet droit


Brigitte Tequi –
Oui, sous réserve de la validation des résultats fournis par l’établissement.  Un regard extérieur tant sur le plan quantitatif que qualitatif est nécessaire pour garantir la fiabilité des résultats.  Il ne faudrait pas se contenter de la validation périodique d’un échantillon d’établissements, comme c’est le cas pour le tableau de bord des infections nosocomiales.


Les propos tenus dans cet article sont sous la responsabilité de leurs auteurs.

 

 

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