Participation des représentants d'usagers dans la politique d'amélioration de la qualité et de la sécurité des soins dans les établissements : affichage ou réalité ? La certification contribue-t-elle à favoriser ce partenariat ?

Article HAS - Mis en ligne le 17 oct. 2013 - Mis à jour le 12 juin 2019

Annie MORIN, représentant des usagers, Présidente de la CRUQPC du Centre Hospitalier Universitaire de Montpellier

 

La mission des représentants des usagers (RU)  dans les établissements de santé est définie par un certain nombre de textes, et en particulier par la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, mais aussi par l’ordonnance du 24 avril 1996 et par la loi du 9 août 2004. 

 

Le représentant des usagers agit principalement pour le respect des droits des usagers et l'amélioration qualitative du système de santé, spécifiquement du système de soins.
Il participe par exemple au conseil de surveillance,  à la commission des relations avec les usagers et de la qualité de la prise en charge (CRUQPC). Il exerce ses missions dans le cadre d’un mandat de représentation qui lui est confié par le ministère chargé de la Santé ou une ARS, en tant que membre d’une association agréée.

La HAS a toujours privilégié l'association des usagers, des représentants institutionnels, des  associations de patients,  dans le cadre des différentes versions de la certification consciente de l'important levier qu’ils représentent en termes de fonctionnement des établissements.

Alors qu’une mission confiée à Claire Compagnon par Marisol Touraine sur la représentation des usagers dans les établissements de santé est actuellement en cours, Certification & Actualités propose de revenir sur le rôle joué par la certification dans la participation des représentants des usagers à l'élaboration et à la mise en œuvre de la politique qualité et de la sécurité des soins.

À ce sujet Annie Morin, représentant des usagers, présidente de la CRUQPC du centre hospitalier universitaire de Montpellier nous fait part de son expérience.


Quelles sont les raisons de votre engagement en tant que représentant des usagers (RU) ? Avez-vous suivi une formation ? Quelles sont vos missions ?

Ma première démarche a été de rejoindre une association qui me permette de donner un peu de mon temps et de mon expérience après une carrière au sein de l'hospitalisation publique. Si certains me disent que je suis passée de l'autre coté de la barrière, ce qui implique que pour eux il y a une barrière, je considère, moi, que je suis plutôt dans la continuité de ce que je faisais en tant que professionnelle.
Ma deuxième démarche a été très vite de poser ma candidature de RU dans la clinique et le centre hospitalier de la ville. Puis, je me suis investie au sein du Collectif inter associatif sur la santé (Ciss) de ma région. Mon champ s'est agrandi : du patient à l'usager, de la qualité de la relation soignant-soigné à la notion de démocratie sanitaire, du périmètre d'un établissement à la vision d'un système de santé qui puisse offrir des soins de qualité et la sécurité pour tout un chacun.
J'ai l'avantage de savoir comment fonctionne un établissement de santé. J'ai dû apprendre, et je continue à découvrir, comment cela s’organise « hors les murs », me pencher sur les stratégies et les enjeux. Ces réflexions ne faisaient pas partie de mon quotidien auparavant, étant plus pragmatique que  « politique ». Mon investissement au sein du Ciss participe à la découverte du monde associatif que je ne pratiquais pas lorsque j'étais en activité.

Le CHRU de Montpellier a choisi de faire participer les représentants des usagers  au comité de pilotage chargé de l’actualisation de son projet d’établissement 2012-2016. Comment cela s'est-il traduit concrètement ?

Je n'ai pas refusé la proposition de la direction du CHRU de Montpellier d'assurer la présidence de la CRUQPC. Ce geste était très fort symboliquement. Il y a derrière lui, je le crois, une volonté de la direction de faire des RU de véritables acteurs au sein de l'établissement et de faire connaitre la présence de ces acteurs. Pour ce qui est de la place donnée au RU dans la réalisation du projet d'établissement il a suffit d'une remarque d'un RU  « si je devais écrire le projet du patient au sein de l'établissement, je le ferai en deux pages ». Nous avons été pris au mot et j'ai piloté le groupe de RU avec le soutien du médecin responsable des relations avec les usagers. Ce projet patient est en introduction du projet d'établissement du CHRU. La CRUQPC évalue sa réalisation à travers les courriers des patients satisfaits ou insatisfaits et les signalements institutionnels. À travers ces deux exemples il est clair que s'il y a une volonté de la part de la gouvernance d'un établissement, le RU peut être acteur à part entière.

Selon vous, quels sont les prérequis pour que les représentants des usagers soient des acteurs de la sécurité des soins dans les établissements de santé ?

Cette place est très dépendante de la volonté de transparence et du niveau d'information que l'établissement donne aux RU.

Guillemet gaucheLe comment faire appartient aux professionnels mais le pourquoi c'est fait doit être partagé.Guillemet droit

 

Pour que le RU soit un acteur de la sécurité de soins, il est indispensable :

  • qu'il dispose du même niveau d'information que le professionnel. Et son apport sera intéressant car il n'aura pas forcement la même grille de lecture que le professionnel. Il n'a pas à être  « technicien » mais à connaitre les objectifs poursuivis. Le comment faire appartient aux professionnels mais le pourquoi c'est fait doit être partagé.
  • que son rôle soit connu et compris au sein de l'établissement.

L'image que les professionnels ont du RU doit évoluer. Le RU  doit faire en sorte que le courrier ou la plainte soient considérés comme des signalements au même titre que ceux effectués par les professionnels. C'est un retour d'expérience qui doit bénéficier des mêmes méthodes d'analyse que celles réalisées par les professionnels. L'encadrement de proximité doit promouvoir la place et le rôle des RU comme des soutiens et des sources d'information plutôt que comme des adversaires. Invitée à participer à une table ronde à l'institut de formation des cadres, nous avons pu échanger sur ce que les cadres peuvent apporter à la CRUQPC. Le cadre doit présenter le courrier du patient comme une opportunité d'amélioration et pas comme une source de désagrément qui donnera lieu à des statistiques dans un rapport. La présence des RU ne doit pas être un simple affichage de vitrine.

  • qu'on lui donne l'occasion de participer et qu'il s'en saisisse.
  • qu'il ait un regard sur l'information donnée aux patients pour qu'ils soient eux-mêmes acteurs de leur propre sécurité.
  • qu'il ait un regard sur l'information donnée au public pour qu'elle soit accessible, lisible et comprise. 

Je pense bien sûr aux indicateurs mais aussi aux différentes affiches intéressantes par leurs aspects pédagogiques, si elles sont accessibles. Il est dommage que les établissements ne soient pas plus soucieux de la qualité de leur affichage. Cet affichage fait partie de l'image véhiculée : rigueur, professionnalisme, sécurité ou désordre, désintérêt et laisser aller...

 Guillemet gaucheLe cadre doit présenter le courrier du patient comme une opportunité d'amélioration et pas comme une source de désagrément qui donnera lieu à des statistiques dans un rapport.Guillemet droit

 

La certification a-t-elle un rôle particulier dans ce domaine ? Depuis 14 ans, constatez-vous des évolutions ?

Si l'établissement a eu le souci d'informer et d'expliquer aux RU, comme à ses professionnels, ce qu'est la certification, comment le référentiel est construit et comment l'utiliser, la certification aura été très pédagogique au fil du temps.

Elle a permis :

  • de faire découvrir toutes la palette des activités et des pratiques à condition de ne pas cantonner les RU dans le domaine du respect des droits ;
  • de changer les rapports entre professionnels et RU ;
  • de faire connaitre les RU au sein des groupes en le faisant passer de spécialiste des réclamations à acteur d'une démarche d'amélioration ;
  • d'inciter les établissements à ne pas hésiter à leur donner des informations sur des résultats d'évaluation. Si le résultat n'est pas celui escompté, la volonté de s'améliorer est primordiale ;
  • de leur donner des occasions de prise de parole ;
  • de permettre  une évaluation du fonctionnement de la CRUQPC. Si la réglementation qui la régit n'est pas appliquée, le RU doit se sentir concerné et se poser la question de savoir si toute  « la faute » en revient à l'établissement. La CRUQPC est un des rouages qui participe à la sécurité du patient. L'amélioration de la qualité prend aussi racine dans la gestion du risque sous ses aspects préventif et curatif.

 

 Guillemet gaucheLa certification a permis (...) de changer les rapports entre professionnels et RU.Guillemet droit

Dans le cadre de  la procédure V2014,  la  méthode du patient traceur prévoit que l’expert-visiteur puisse s’entretenir avec le patient  sur des sujets tels que le respect de son intimité, la qualité des informations qui lui sont données, la prise en charge de sa douleur, les conseils de bonne observance de son traitement ou les risques éventuels d’effets secondaires. Que pensez-vous de cette nouvelle modalité d'investigation ?

En tant que représentante des usagers, je suis parfois un peu « désespérée »  de voir notre impuissance à faire évoluer certains comportements professionnels. La parole du patient n’est quelquefois pas entendue, ou pas prise en compte. Cette nouvelle méthode d'investigation permettant une rencontre avec le patient est très intéressante. Le recueil de sa perception sur la qualité de sa prise charge est essentiel. Il permet bien évidemment de mettre en oeuvre des actions d'amélioration si nécessaire, mais également de valoriser le travail des professionnels.

Propos recueillis par Florence Pouvesle, chef de projet – Service certification des établissements de santé

Les propos tenus dans cet article sont sous la responsabilité de leur auteur.

Sommaire