Monsieur Camille Beck, ancien Directeur Général des Hôpitaux Privés de Metz

 

Les regroupements d’entités sur un site unique, les coopérations entre établissements et les fusions participent au vaste mouvement de restructuration hospitalière.
Dans ce cadre, la procédure de certification est-elle une contrainte ou une opportunité ? Peut-elle permettre de faire émerger les véritables problèmes, de dégager les points forts et d’assurer l’appropriation des changements nécessaires ?

 

À ce sujet, Monsieur Camille Beck, ancien Directeur Général des Hôpitaux Privés de Metz, nous fait part de son expérience.
Les Hôpitaux Privés de Metz regroupent, depuis le 1er janvier 2008, les activités de trois associations hospitalières : Belle-Isle, Saint André et Sainte Blandine. Cette démarche de fusion a été initiée dès 1996 par la spécialisation de chaque établissement dans des filières de soins complètes et par le développement d’une complémentarité étroite entre les trois entités.
La structure se compose de 830 lits et places dont 595 en MCO, 35 en santé mentale, 130 en SSR, 30 en SLD et 40 en HAD.
Les Hôpitaux Privés de Metz assurent également la gestion de deux EPHAD.

Pensez-vous que la démarche qualité et gestion des risques soit un outil managérial ?

De toute évidence, la démarche qualité et gestion des risques est inhérente à la notion même de management. Dans son principe, il s’agit d’une démarche d’amélioration continue des processus et des modes de prise en charge du patient qui doivent demeurer au cœur de nos préoccupations. Trop souvent les directions d’établissements sont accaparées par la multitude des préoccupations qui se présentent à elles, qu’il s’agisse de la gestion budgétaire ou des ressources humaines, des problèmes d’organisation voire des conflits interpersonnels à régler. S’y ajoutent également les interrogations sur le positionnement stratégique et les concurrences possibles au sein d’un même territoire. Ces préoccupations font partie intégrante du management mais peuvent être remises en perspective par la démarche qualité pour être centrées sur le patient. La démarche qualité et gestion des risques s’accompagne aussi d’une méthodologie, qui sans être exclusive, permet néanmoins de donner un guide à la réflexion puis à l’action. Elle est précisément une démarche  avec son aspect itératif et sa dynamique vertueuse. Elle conduit nécessairement à la  structuration d’une fonction support immédiatement intégrée au plus haut niveau de la hiérarchie de direction quoique devant garder une autonomie de jugement. À cet égard le processus de contrôle externe est une garantie d’objectivité.

La procédure de certification a-t-elle joué un rôle particulier dans le cadre de votre projet de fusion ?  A-t-elle permis de créer plus rapidement une communauté hospitalière et de fédérer vos équipes ?

Compte tenu des délais réglementaires la procédure de certification est intervenue en amont de la fusion effective de nos établissements. Un report partiel nous avait été concédé, assez pour nous permettre de passer le cap de la désorganisation partielle inhérente à tout regroupement, mais trop peu pour intervenir au cœur même de la réflexion sur notre nouvelle organisation. Il faut préciser, en effet, que nous avons connu un mouvement à double détente avec, dans un premier temps, un regroupement essentiellement juridique puis, dans un second temps, un regroupement physique avec la mise en service d’un nouvel hôpital.
Nous avons bénéficié de l’effet mobilisateur de la certification pour une première vague d’harmonisation et de mise à niveau des processus et procédures des différents établissements et pour la structuration plus complète d’une cellule de la qualité et de la gestion des risques qui nous a permis, par la suite, de donner une impulsion supplémentaire à la fusion. Les équipes médicales et les responsables de services ont appris aussi à se connaître et à confronter leurs pratiques. L’autoévaluation et le regard des experts nous ont aussi permis de dresser l’état des lieux dont il faut dire qu’il était globalement de très bon niveau compte tenu des politiques menées précédemment et séparément par chacun des partenaires. La procédure de certification est aussi une forme de challenge qui a contribué à  souder les équipes et à percevoir concrètement un avenir commun.
Nous avons, pour le regroupement physique de nos activités au sein d’un nouvel hôpital, mis en place ensuite tout un processus très participatif de réflexion et de définition d’une nouvelle organisation. C’est une tâche d’une grande ampleur dans la mesure où tout est à réinventer et l’intrusion d’un processus lourd comme une certification n’aurait sans doute pas été possible.

Comment assurez-vous la pérennisation de la démarche ?

Comme tous les établissements nous entretenons une démarche continue sous l’impulsion de notre cellule qualité et gestion des risques qui bien qu’ayant été associée très largement à la réflexion en amont aura,  dans ce cas particulier, un travail conséquent de revalidation des organisations après la phase d’installation dans le nouvel hôpital. Nous savons bien qu’après de tels bouleversements une phase de stabilisation et de relecture sera nécessaire.

Quels conseils donneriez-vous aux établissements faisant l’objet d’un regroupement ?

Un regroupement est une opération complexe qui demande évidemment beaucoup de préparation. C’est indispensable mais pas suffisant cependant. Il faut avoir conscience que l’on bouleverse de nombreuses habitudes et que cela génère inquiétudes et résistances. Il faut sans doute s’attendre à composer dans la mise en œuvre en préservant l’essentiel. En tout état de cause, un projet de réorganisation très ambitieux même très volontariste  doit prévoir un accompagnement pour permettre à l’ensemble des acteurs du changement de retrouver des repères.

En V2014, pour permettre une certification ciblée et personnalisée sur les risques, la HAS envisage de proposer la mise en place d’un « compte qualité » centré sur le programme d’amélioration de la qualité et de la sécurité des soins de l’établissement, adressé à la HAS tous les 18 à 24 mois et permettant de suivre les actions mises en œuvre, leurs résultats et leur évaluation. Comment percevez-vous cette évolution ?

Ce peut être, au regard de l’expérience décrite, utile dans la mesure où l’impulsion  serait à la fois plus

continue et le processus lui-même moins lourd parce que moins concentré sur une période de temps réduite. Dans ce cas particulier, cela aurait peut-être permis un meilleur enchaînement des étapes en intégrant les deux processus, certification et réflexion de projet. Pour autant, il ne faudrait pas qu’un rythme externe ne vienne occulter des problématiques internes qui, pour n’avoir pas été traitées, resurgiront ultérieurement.

Propos recueillis par Florence Pouvesle, chef de projet – Service certification des établissements de santé

Les propos tenus dans cet article sont sous la responsabilité de leur auteur.

Sommaire

Lettre Certification & Actualités n°9, Avril-juin 2013